Mon berceau/L’Oratoire du Louvre

Bellier (p. 146-152).

L’ORATOIRE DU LOUVRE


LES ORATORIENS — UN RÈGNE NEFASTE — LA FRANCE VENDUE À L’ANGLETERRE — LES SCANDALES DE L’ENTOURAGE DE LOUIS-PHILIPPE SCHIAPPINI.

C’est au numéro 157 de la rue Saint-Honoré, au coin de la rue de l’Oratoire, que l’on trouve le temple calviniste qui porte actuellement ce nom.

Il le doit à une ancienne église, bâtie par le cardinal de Bérulle, pour la congrégation des Oratoriens.

On avait vu sur le même emplacement l’hôtel du Bouchage, tour à tour à la duchesse de Montpensier et à la belle Gabrielle d’Estrées.

L’église actuelle, commencée le 22 septembre 1621, fut terminée en 1630 ; toutefois la façade de la rue Saint-Honoré ne fut achevée qu’en 1645, pour être reconstruite en 1774.

Les architectes — ils s’étaient mis trois pour faire ce monument beau, mais triste — étaient Metezeau, Lemercier et Caquier.

Il n’a guère changé depuis et malgré l’admiration de commande pour le plan parfaitement elliptique de son chevet et pour la pureté des lignes de son ordre corinthien, je le trouve parfaitement triste, surtout depuis que l’on a eu la pensée sauvage, sous Louis-Philippe, de murer une partie des tribunes, assez élégantes, qui régnaient tout autour, à la hauteur du premier, au-dessus des colonnades.

Du temps de ses premiers locataires, les Oratoriens, cette église était célèbre, ces braves pères n’étaient pas toujours très évangéliques, ils étaient frondeurs en diable, mais enfin il y avait parmi eux des hommes de valeur, tels que Mascaron, Massillon, Malebranche, Thomassin, qui avaient du moins le mérite d’être les ennemis acharnés des Jésuites.

Disparu à la Révolution en 1792, l’ordre fut reconstitué en 1852, on ne sait trop pourquoi, par une poignée de religieux fantaisistes.

On se souvient encore du bruit que l’un d’eux, mort en 1872, membre de l’Académie française, le père Gratry, fit vers la fin de l’Empire, en tapant avec entrain, fougue et bonne humeur, sur l’infaillibilité du Pape qu’une réunion de vieux bonzes discutaient à Rome, sans rigoler. J’ajouterai que les Oratoriens — seconde manière — ont transporté leurs pénates à Montmartre.

Cette église avait été cédée à titre provisoire, sous Napoléon Ier, au culte protestant, en 1811, et ce n’est qu’en 1844, sous Louis-Philippe — naturellement — qu’elle a été cédée à titre définitif.

Aujourd’hui, le culte calviniste y est établi solidement ; en face, rue de l’Oratoire, il possède un consistoire fort luxueux, où réside le grand prêtre ou président du temple. L’église est toujours la même, sauf le fond, où l’on a supprimé l’autel et où l’on a fait, en élevant un mur, une fort jolie sacristie avec, au milieu, une grande table recouverte d’un tapis vert pour les mariages huppés de la colonie anglaise de Paris.

Aussi bien, puisque j’arrive au règne de Louis-Philippe, il faut que j’en dise un mot, puisque c’est surtout sous ce règne que l’oratoire du Louvre a brillé de tout son éclat.

On peut trouver dans la longue période de l’histoire de France des règnes plus mouvementés, plus dramatiques, on ne saurait en rencontrer un seul aussi canaille, hypocrite et plat que celui de Louis-Philippe, ce lourdaud qui n’était qu’un vulgaire Schiappini, fils d’un geôlier italien ; rien n’est extraordinaire comme de voir la France — ce grand pays — gouvernée pendant 18 ans, de 1830 à 1848, par un vulgaire aventurier étranger.

On sait que les rois et les empereurs ont toujours de grandes pensées : les deux grandes pensées du règne de Philippe Schiappini furent d’abord l’Embastillement de Paris, c’est-à-dire la construction de fortifications inutiles et ruineuses, de manière à pouvoir faire à volonté les petits complots, les émeutes, les bombes, etc., de manière à mitrailler le peuple sans merci ; au fond, Louis-Philippe, avec tous ses faux complots, fut bien véritablement le père et le professeur de tous les anarchistes à venir.

La seconde grande pensée du règne fut l’entente cordiale avec l’Angleterre. « Sous le règne de Louis-Philippe, disent les historiens du temps, l’oratoire du Louvre vit la foule du beau monde envahir ses portes pour assister à la célébration du culte et entendre les ministres qui y faisaient leurs prédications ; c’est qu’alors ce temple avait un haut et puissant patronage qui s’appelait Mme la duchesse d’Orléans, dont la présence amenait chaque dimanche la fine fleur de l’aristocratie protestante au temple de la rue Saint-Honoré. »

Cette duchesse d’Orléans était une princesse Hélène de Mecklembourg, et par conséquent une protestante allemande, toute dévouée à l’Allemagne et à l’Angleterre… il est vrai qu’aujourd’hui une de ses brus, la comtesse de Paris, est une fanatique catholique et l’un ne vaut pas mieux que l’autre.

Toujours est-il que c’est sous son couvert, à l’Oratoire, entre deux oremus, que la duchesse d’Orléans poussait la France dans la voie de toutes les infamies et de toutes les trahisons qui devaient la ruiner et la déshonorer, en la livrant, pieds et poings liés à l’Angleterre ; les larmes aux yeux, en invoquant la divine Providence, elle travaillait pour l’entente cordiale et son beau-père, le bon roi Philippe Schiappini Ier, abandonnait les îles Marquises, les îles de la Société et presque tout notre domaine océanien à l’Angleterre ; on couvrait d’or Pritchard, on admettait le droit de visite à propos de la répression de la traite que seule l’Angleterre continuait à faire avec cynisme ; puis les affaires de Syrie et des chrétiens du Mont-Liban mettaient le comble à la honte de la France ; Louis-Philippe s’en moquait ; il vendait tout le chasselas des parcs de Fonlainebleau et de Versailles à la reine d’Angleterre et il trouvait excellent le métier de jardinier.

Mais, l’avarice reprenant le dessus, après avoir livré nos possessions et humilié la France, il envoya promener l’Angleterre d’un cœur léger, lors des mariages espagnols.

Les scandales épouvantables de Teste, de Cubière, de Choiseul-Praslin, de Palaprat, du prince de Polignac, etc., etc., brochant sur le tout, les patriotes atterrés pleuraient sur les trois glorieuses, à l’ombre des cachots, car l’homme de 1830 s’était jeté à corps perdu dans la réaction, n’appelant autour de lui que des carlistes, comme l’on disait alors.

Hélas ! ce n’est là qu’une partie du bilan navrant de cette époque de deuil et de désespoir national : mais il était bon de rappeler que sous le couvert de Mme la duchesse d’Orléans, entre deux hoquets cagots, l’oratoire du Louvre fut tous les dimanches, pendant ce règne trop long, l’officine où se tramèrent tous les complots, toutes les trahisons, toutes les ventes interlopes, tous les marchés honteux, tous les trafics inavouables qui livrèrent la patrie impuissante et meurtrie aux griffes des léopards.

Aujourd’hui, derrière les arcades de la rue de Rivoli, au chevet du temple, un marbre blanc : dans un superbe mouvement d’abnégation, de patriotisme et de vertu, le grand amiral Gaspard de Coligny se dresse comme la vivante image de la patrie, protestant contre tous les fanatismes.

Deux belles figures de femmes sont à ses pieds ; ce monument est simple, il est grand, il arrête le passant ému et troublé.

Que tous les fanatiques de toute confession le contemplent avec respect et qu’ils n’oublient pas que, si le grand amiral revenait sur la terre, il jetterait l’anathème à ce règne néfaste de LouisPhilippe, à tous ceux qui commettent le crime monstrueux de ne pas voir au dessus de leurs passions religieuses, de leur fanatisme, une figure plus grande, plus haute, plus douce, plus sacrée : la PATRIE !