Mémoires d’un cambrioleur retiré des affaires/Partie 1/Chapitre XI

Éditions Albin Michel Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 98-108).

XI

où je me décide à brusquer les choses

Lorsque le vieux monsieur et la jeune dame se levèrent, je fis un signe à Manzana et nous leur emboitâmes le pas.

Ils n’allèrent pas loin. À cinquante mètres du café se trouve l’hôtel d’Albion. Ils y entrèrent.

La « filature » devenait difficile, car nous ne pouvions, Manzana et moi, sales comme nous l’étions, pénétrer dans le hall où l’on apercevait un domestique en culotte courte, raide et grave comme un bonhomme en cire.

J’eus par bonheur une inspiration. Roulant à la hâte mon mouchoir dans un journal, je confectionnai un petit paquet que je tins ostensiblement à la main, et me précipitai vers le bureau de l’hôtel, en disant :

— C’est bien le locataire du 21 qui vient de rentrer avec une jeune femme, n’est-ce pas ?… J’ai là quelque chose pour lui…

— Non, répondit d’un ton maussade une vieille caissière aux cheveux acajou, ce n’est pas le no 21 qui vient de rentrer… C’est le 34… vous faites erreur… En tout cas, si vous avez un paquet à remettre au 21, laissez-le à la caisse.

— Merci, dis-je, en esquissant un gracieux sourire, je reviendrai.

Manzana m’attendait devant la porte.

— Eh bien ? demanda-t-il.

— Eh bien… j’ai déjà une indication… Je sais quel est le numéro de la chambre de notre voleur… c’est le 34…

— Et son nom ?…

— Je l’ignore… mais qu’importe ? Du moment que je sais où trouver l’homme…

— Vous avez l’intention de vous introduire chez lui ?

— Mais… oui… et avec vous, je suppose.

— C’est grave cela…

— Et la perte de notre diamant, croyez-vous que ce ne soit pas plus grave ?

— Certes… mais le coup est dangereux à tenter… encore plus dangereux à réussir.

— Nous tâcherons de ne pas le manquer… Voyez-vous une autre solution ?

— Pour le moment, non…

— Il n’y en a pas d’autre, allez…

— Et nous essayerions cela en plein jour ?

— Oui, ce serait préférable…

— Et si nous sommes pris ?

— On ne nous prendra pas…

— J’admire votre confiance… mais si cependant cela arrivait ?

— Nous perdrions notre diamant, mais nous ne serions pas inquiétés… Au contraire, on nous adresserait des félicitations.

Manzana ouvrait des yeux larges comme des hublots.

— Je ne vous comprends plus.

Je fouillai dans ma poche et en tirai un carré de carton que je tendis à mon associé.

— Une carte d’agent de la Sûreté, fit Manzana stupéfait… Ce n’est pas à vous, je suppose ?…

— Bien sûr… je l’ai prise à un grand dadais de policier qui habitait, à Paris, la même maison que moi…

— Ah ! très bien… et vous allez vous servir de cette carte pour pénétrer chez notre voleur ?

— Peut-être.

— Mais moi ?…

— Vous ?… vous êtes mon collègue… Du moment que je montre ma carte, cela vous dispense d’exhiber la vôtre…

— Parfait… et ensuite ?

— Ensuite… ensuite !… je ne sais pas moi… tout dépendra des circonstances… il est bien difficile, dans ces sortes d’affaires, de prévoir comment cela tournera… Je n’ai qu’une crainte.

— Laquelle ?

— C’est que le patron de l’hôtel ne nous fasse accompagner à la chambre 34.

— Vous devez vous y attendre…

— Cela gâterait tout…

— Et si nous arrêtions l’homme quand il sortira ?

— Non, c’est stupide ce que vous proposez là… La foule s’amasserait, nous serions obligés d’aller au poste… là, on fouillerait notre voleur et le diamant serait confisqué.

— Alors, si nous abordions carrément le type dans la rue en le menaçant, s’il ne nous rend pas le diamant, de le conduire au commissariat.

— Toujours la même chose, mon cher… Au bruit de la discussion des gens nous entoureraient et l’affaire serait manquée…

— Il faudrait pincer ce vilain individu, le soir, dans une rue déserte.

— Oui, mais nous n’aurons pas cette chance, croyez-le.

Tout en parlant, nous faisions les cent pas devant l’hôtel.

— Ma foi, dis-je… risquons le coup maintenant ; nous allons bien voir… vous êtes prêt à me seconder ?

— Il le faut bien, puisque nous sommes associés.

— Oh ! ne me le faites pas à l’association, n’est-ce pas ? Vous voulez votre diamant… moi aussi, et si nous le retrouvons, j’espère que, cette fois, vous ne chercherez plus à me l’enlever.

— Mon cher Pipe, je vous le jure…

— Et vous me le laisserez ? C’est moi qui en aurai la garde.

— Voilà déjà que vous voulez tirer toute la couverture à vous…

— J’ai bien le droit de me méfier après ce qui est arrivé… Si j’avais eu le diamant dans ma poche, nous n’en serions point où nous sommes…

— C’est peut-être vrai… mais avouez que le diamant et le revolver, c’était vraiment trop pour vous et pas assez pour moi… Tenez, je vais vous proposer une combinaison… Si nous avons la chance de rentrer en possession de notre Régent, nous le porterons sur nous, à tour de rôle, une semaine chacun, mais celui qui en aura la garde cédera le revolver à l’autre, est-ce entendu ?

— Moi, je vais vous proposer autre chose. Dès que nous aurons trouvé quelque argent, et nous y arriverons sûrement là-bas, en Angleterre, nous louerons un coffre-fort dans une banque et y déposerons notre diamant, dans une boîte cachetée ; mais il sera bien convenu avec le directeur de la banque, que nous ne pourrons retirer notre dépôt que tous les deux ensemble et en présence d’un employé… Comme cela, nous vivrons au moins tranquilles et ne serons pas continuellement à nous épier comme deux Peaux-Rouges sur le sentier de la guerre.

— Ma foi, répondit Manzana, si vous voulez mon avis, je préfère encore la première solution.

— Soit, accordai-je. C’est convenu…

— Vous voyez qu’entre gens raisonnables, on finit toujours par s’entendre.

— Mais oui… mais oui, j’en étais persuadé.

J’ignorais quelles étaient réellement les intentions de Manzana, mais je savais bien que, moi, j’étais fermement décidé à lui enlever de force ce que je considérais comme mon bien. Lui, de son côté, devait avoir la même idée.

En somme, nous avions discuté en pure perte ; nous avions cherché à bluffer l’un et l’autre, mais nous restions sur nos positions.

J’ajouterai qu’à la minute où avaient lieu ces pourparlers, j’étais prêt à céder sur tous les points, car pour le coup de force que nous allions tenter, j’avais absolument besoin de Manzana.

Nous nous serrâmes la main.

― Allons, dis-je, de l’audace !

— Comptez sur moi, répondit mon associé.

Si personne ne nous accompagne à la chambre 34, nous entrons, je menace le voleur avec mon revolver, pendant que vous vous jetez sur la femme et la bâillonnez… Ensuite vous faites subir la même opération à l’homme, nous le ligotons et le fouillons aussitôt.

— Je vous ferai remarquer que dans cette entreprise, c’est moi qui aurai la partie la plus difficile.

— Si j’avais votre musculature, mon cher, j’assumerais volontiers cette tâche. Maintenant, réfléchissez bien… Si vous avez peur, dites-le…

— Peur ?… moi… allons donc… Une fois que j’y serai, vous verrez… le tout est de se mettre en train, mais attention, pas de blagues, hein ? Si vous voyez, du premier coup, que l’affaire ne colle pas, ne commettez point d’imprudence.

— Soyez tranquille, je n’opérerai qu’à bon escient.

— Oui, je vois que vous avez bien tout combiné, tout prévu. Cependant permettez-moi de vous faire observer que vous avez oublié une chose.

— Ah ! et laquelle ?

— Vous avez supposé que l’on vous ouvrirait, dès que vous auriez frappé… et si notre homme, qui doit être un malin, se méfiait de quelque chose et refusait d’ouvrir, que feriez-vous ?

— Alors, nous trouverions une autre combinaison… nous attendrions qu’il sorte et, dès qu’il paraîtrait, nous le repousserions aussitôt dans la chambre en lui mettant le revolver sous le nez.

— Et s’il a aussi un revolver ?

— On n’a pas pour habitude de sortir d’un appartement avec une arme à la main… Croyez-m’en, mon cher Manzana, ne nous livrons pas d’avance à des suppositions qui finiraient par émousser notre courage… Allons-y carrément, comme si nous étions de vrais agents de la Sûreté… La chose la plus fâcheuse qui puisse nous arriver, je vous l’ai déjà dit, c’est que nous soyons obligés d’aller au poste et de voir notre diamant passer de la poche de notre voleur dans celle du commissaire… et encore, peut-être bien que je trouverais un truc pour le ravir au commissaire.

— Vous avez réponse à tout… eh bien essayons… Je suis votre homme.

Nous pénétrâmes dans le hall de l’hôtel et, à notre grande surprise, personne ne s’avança à notre rencontre pour nous demander ce que nous désirions.

Froidement, je traversai le vestibule et m’engageai dans l’escalier en compagnie de Manzana.

Au premier étage, je consultai la liste des numéros. Le 34 se trouvait justement sur le palier où nous étions.

— Cela va trop bien, pensai-je.

Et je me sentis envahi par une indéfinissable inquiétude. J’écoutai, pendant quelques instants. Un homme toussa dans la chambre où je m’apprêtais à pénétrer. Je tirai mon revolver, fis un signe à Manzana et frappai légèrement à la porte.

— Entrez, dit une voix enrouée.

J’entrai en coup de vent, le revolver à la main. Mais, à ma grande surprise, au lieu de me trouver en présence du vieux monsieur que je croyais bien rencontrer, j’étais en face d’un homme de quarante ans environ, très blond et le visage entièrement rasé.

J’allais me retirer, en m’excusant comme je pourrais, quand Manzana s’écria tout à coup :

— Allez-y !… allez-y !… c’est lui, je le reconnais !

En effet, moi aussi, je venais de reconnaître mon voleur… Au lieu d’avoir les cheveux blancs, il était blond et la barbe vénérable qu’il arborait la veille avait disparu, mais ce qu’il n’avait pu changer, c’étaient ses yeux, deux yeux noirs étranges et brillants dont l’un était un peu plus petit que l’autre.

D’ailleurs, si j’avais pu conserver encore quelques doutes, la jeune femme de la veille se fût chargée de les dissiper, car elle venait soudain de sortir du cabinet de toilette attenant à la chambre.

J’avais refermé la porte et je tenais mon arme braquée sur notre voleur. Je remarquai aussitôt que cet individu ne brillait point par le courage. Il me regardait avec un effarement ridicule et tremblait comme un chien mouillé.

Déjà mon associé s’était jeté sur la femme, l’avait bâillonnée avec une serviette et roulée dans une couverture dont il avait solidement noué les deux extrémités.

— À celui-là, maintenant ! commandai-je.

Manzana, avec une habileté qui dénotait une longue pratique, bâillonna également l’homme et lui attacha bras et jambes avec les embrasses des rideaux.

Nous étions maîtres de la situation. Notre premier soin fut de fouiller le drôle, mais nous eûmes beau explorer ses poches, nous ne trouvâmes sur lui qu’un portefeuille dont je m’emparai, un porte-cigares en acier bruni et un trousseau de clefs.

Parbleu ! le gredin avait dû cacher le diamant dans sa valise. Nous ouvrîmes celle-ci, mais nous eûmes beau tourner et retourner tout ce qui s’y trouvait, nous ne découvrîmes absolument rien.

Et pourtant, j’étais bien sûr que le misérable, lorsqu’il était rentré à l’hôtel, avait le diamant dans sa poche.

Où l’avait-il caché ?

Je le fouillai de nouveau, regardai même dans ses bottines, le palpai en tous sens, mais rien !

Manzana, qui suivait cette opération avec un intérêt que l’on devine, me souffla tout à coup :

— Il l’a sans doute « refilé » à la femme.

Nous démaillotâmes cette dernière, mais au moment où je commençais à explorer les poches de sa jupe, quelqu’un frappa à la porte trois petits coups rapides.

Nous demeurâmes immobiles, retenant notre respiration. On frappa encore une fois, et une grosse voix demanda : « Ludovic… êtes-vous là ? »

Quelques secondes s’écoulèrent, puis le visiteur n’obtenant pas de réponse et pour cause se décida à s’en aller.

Nous l’entendîmes descendre l’escalier, et quand le bruit de ses pas se fut éteint tout à fait, je continuai ma « fouille ».

Peut-être n’y mis-je point toute la réserve qu’un gentleman doit observer à l’égard d’une femme, mais bien m’en prit, car je découvris enfin, cousu à la jarretelle de la dame le petit sac en peau de daim qui contenait le diamant.

Après m’être assuré que c’était bien mon Régent qui était enfermé dans ce sac, je glissai celui-ci dans la poche de mon gilet, aidai Manzana à reficeler la « senora », et nous nous dirigeâmes vers la porte.

Je reconnais qu’à ce moment mon cœur battait une furieuse chamade et j’aurais bien donné dix ans de ma vie pour être dehors.

Nous écoutâmes. Un petit craquement nous fit tressaillir et nous crûmes un moment que quelqu’un se tenait en arrêt, derrière la porte. Ce fut ensuite le martèlement rapide et léger d’une bottine de femme sur le tapis du couloir, puis le pas lourd d’un homme qui descendait l’escalier.

En bas, on entendait un tintement de verres et d’assiettes et parfois la sonnerie tremblotante du téléphone qui couvrait tous les bruits.

Je jetai un coup d’œil sur nos deux « victimes » ; elles n’avaient pas bougé de place et je me demandai si leurs bâillons ne les avaient pas étouffées.

Pris d’un remords, je m’approchai doucement de l’homme. Il respirait à peu près normalement. Quant à la femme, son souffle était imperceptible et je constatai qu’elle était évanouie. Je desserrai un peu la serviette qui lui comprimait le visage, puis revins près de la porte devant laquelle Manzana se tenait accroupi. Je lui touchai l’épaule, il se retourna et nous nous consultâmes du regard. Il eut un petit signe de tête affirmatif et tourna doucement la clef.

Deux secondes après, nous étions dans le couloir. Il était absolument désert. Sans nous presser, de l’air de deux paisibles voyageurs à la conscience tranquille, nous nous engageâmes dans l’escalier.

Au moment où nous atteignions les dernières marches, un vieux monsieur que nous reconnûmes parfaitement, arrivait, accompagné d’un garçon d’hôtel, et nous l’entendîmes qui disait : « Ce n’est pas naturel… Je vous dis qu’ils sont dans leur chambre, je les ai entendus remuer. »

J’avais, rapidement, en apercevant le vieux monsieur, tourné la tête du côté de la muraille et Manzana avait porté la main à son visage.

Cette précaution était, je crois, bien inutile, car le voyageur n’eut même pas l’air de nous remarquer.

Nous traversâmes à pas comptés le vestibule encombré de bagages et de porteurs, mais une fois dehors, nous nous mîmes à courir comme des fous, dans la direction d’un pont, et cinq minutes après, nous étions de l’autre. côté de la Seine.

Alors, seulement, nous respirâmes et, ce fut plus fort que nous, nous nous mîmes à rire aux éclats. Une grosse dame qui passait se figura sans doute que nous nous moquions d’elle et nous traita d’insolents en nous décochant un regard indigné, mais nous ne crûmes pas nécessaire de nous excuser. Nous engageant rapidement dans une rue bordée de docks et de magasins, nous pûmes enfin échanger nos impressions.

— Hein ? me dit Manzana, je crois que cela a été bien joué.

— Supérieurement, mon cher… et je tiens à vous adresser tous mes compliments pour la façon merveilleuse dont vous avez bâillonné et ficelé nos voleurs… Sans vous, je le reconnais, je n’aurais pu mener à bien cette petite expédition.

— Bah ! J’ai fait ce que j’ai pu… Il ne s’agissait pas de lambiner… nous jouions notre liberté.

— Et notre fortune…

— Oui… et notre fortune… mais je crois qu’il serait bon de nous tenir sur nos gardes, car la police va s’occuper de cette affaire et commencer une enquête…

— Évidemment… À Paris ce petit drame passerait presque inaperçu, mais ici, il va prendre des proportions colossales. La ville va être sens dessus dessous…

— Que comptez-vous faire ?

— Mais partir et le plus vite possible encore…

— Et de l’argent ?

— Attendez… nous en avons peut-être…

Et, tirant de ma poche le portefeuille que j’avais dérobé à ma « victime », je me mis à l’explorer rapidement.

Hélas !… il ne contenait en tout et pour tout qu’un billet de cinquante francs !

— C’est maigre ! fit Manzana… Quels purotins que ces gens-là… Et pourtant, ça en faisait des manières ! on aurait dit qu’ils étaient les fils d’un nabab ! après tout, c’était sans doute l’autre qui avait la galette, vous savez, celui qui est venu frapper à la porte…

— Peut-être… En ce cas, il est fâcheux que nous ne soyons pas tombés aussi sur lui… Mais dites donc, mon cher, je ne sais si vous êtes comme moi, j’ai l’estomac dans les talons… Allons déjeuner… nous verrons ensuite à quitter la ville.

Un caboulot portant comme enseigne « Aux Débardeurs » étalait devant nous sa façade malpropre, aux glaces étoilées. Nous y entrâmes et nous fîmes servir à une petite table, mais à peine fûmes-nous assis que je regrettai d’avoir choisi ce restaurant de cinquième ordre. Les gens qui étaient là nous regardaient avec étonnement.

Nous mangeâmes, néanmoins, sans nous presser, un brouet infect que nous arrosâmes d’un cidre sur, puis nous nous levâmes. La salle était à ce moment presque vide. Seuls, quatre ou cinq pochards attablés devant une bouteille d’eau-de-vie jouaient aux cartes en s’injuriant comme des portefaix qu’ils étaient.

Je me présentai au comptoir où trônait une grosse commère au visage couperosé et lui demandai combien je lui devais. Elle jeta un coup d’œil sur la table que nous venions de quitter, fit un rapide calcul et répondit :

— C’est six francs huit sous.

Je lui tendis le billet de cinquante francs. Elle le prit, le retourna un moment entre ses doigts, l’examina devant la fenêtre, puis s’écria soudain en me foudroyant du regard :

— Il est faux, votre billet !

Il ne nous manquait plus que cela. Que pouvions-nous faire ? discuter ? cela n’eût avancé à rien.

Je compris que le plus sage était de battre en retraite. Manzana était déjà dehors, moi, tout près de la porte. Avec la rapidité d’un zèbre poursuivi par un chasseur, je m’élançai dans la rue et pris ma course vers les quais, suivi de mon associé.

Avant que la grosse débitante fût revenue de sa surprise et eût pu lancer quelqu’un à notre poursuite, nous avions disparu parmi l’encombrement des barriques et des balles de coton arrimées sur le port. Néanmoins, comme nous ne nous sentions pas en sûreté au milieu des débardeurs et des calfats qui allaient et venaient, nous enfilâmes une rue, puis une autre, marchâmes pendant près d’une heure, et nous arrêtâmes enfin devant un jardin public.

— Entrons là, dis-je à Manzana.