Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCVIII

Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CCVIII.


Comment messire Louis d’Espaigne et ses compagnons gagnèrent quatre nefs d’Angleterre, chargées de pourvéances, et en effondrèrent trois.


Quand le roi d’Angleterre eut faite son emprise et sa volonté de la ville de Dynant en Bretagne, il s’en partit, et la laissa toute vague, et n’eut mie conseil de la tenir : si s’en achemina vers Vennes. En chevauchant cette part, nouvelles lui vinrent de la prise du seigneur de Cliçon et de messire Hervey de Léon : si en fut grandement joyeux ; et tant chevaucha qu’il vint devant Vennes ; et là se logea.

Or vous parlerons un petit de messire Louis d’Espaigne, de messire Charles Crimaut, de messire Othe Dorie qui étoient pour le temps amiraux de la mer à huit gallées, treize barges et trente nefs chargées de Gennevois et d’Espaignols, et se tenoient sur mer entre Bretagne et Angleterre ; et portèrent par plusieurs fois grands dommages aux Anglois qui venoient rafraîchir leurs gens de pourvéances devant Vennes. Et une fois entre les autres coururent sur la navie du roi d’Angleterre qui gissoit à l’ancre snr un petit port de-lez Vennes, et n’étoit mie adonc trop bien gardée. Si occirent la plus grand’partie de ceux qui la gardoient ; et y eussent porté trop grand dommage, si les Anglois qui séoient devant Vennes n’y fussent accourus. Quand les nouvelles vinrent en l’ost, chacun y alla qui mieux mieux. Toutefois on ne se put oncques si hâter que le dit messire Louis et sa route n’enmenassent quatre nefs chargées de pourvéances, et effondrèrent trois, et périrent ceux qui dedans étoient. Adonc fut conseillé au roi qu’il fît traire une partie de sa navie au hâvre de Brest, et l’autre au hâvre de Hainebon ; si le fit si comme il fut conseillé ; et toujours se tenoit le siége devant Vennes et aussi devant Nantes et devant Rennes sans ce que aucunes gens se apparussent de par messire Charles de Blois pour lever le siége.