Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCVII

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 174-175).
Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CCVII.


Comment le roi d’Angleterre prit la ville de Dynant, et fut toute courue et robée ; et si y gagna grand avoir.


Par telle manière que vous avez ouï conter furent pris les chevaliers ; et eussent fait les Anglois grand’fête de leurs prisonniers, si le sire de Stanford n’eût été pris. Depuis cet assaut n’en y eut fait nul si grand ni si renommé d’armes que cestui fut, car chacun se tenoit sur sa garde. Or parlerons du roi d’Angleterre qui avoit assiégé la ville de Dynant. Quand il eut là sis jusques à trois jours, il s’avisa et imagina comment il la pourroit avoir. Si regarda qu’elle étoit bien prenable, car elle n’étoit fermée que de palis. Si fit quérir et pourvoir grand’foison de nacelles, et entrer dedans archers, et puis nager jusques à ces palis, et eux venus jusques là, assaillir fortement ceux qui défendoient, et traire si ouniement que à peine n’osoit nul apparoir aux défenses pour la défendre. Entre ces archers avoit autres assaillans qui portoient cognées grands et bien tranchans dont, entrementes que les archers ensonnioient ceux de dedans, ils coupoient les palis, et en bref temps grandement les endommagèrent, et tant qu’ils en jetèrent un grand pan par terre, et entrèrent dedans efforcément. Quand ceux de la ville virent leurs palis rompus, et Anglois entrer dedans à grand’foison, si furent tous effrayés et commencèrent à fuir vers le marché : mais petite raliance se fit entr’eux ; car cils qui étoient entrés par les nacelles vinrent à la porte et l’ouvrirent ; si entrèrent dedans toutes manières de gens qui entrer y voulurent. Ainsi fut prise la ville de Dynant en Bretagne, toute courue et robée, et messire Pierre Portebeuf pris qui en étoit capitaine. Si prirent les Anglois desquels qu’ils voulurent, et gagnèrent grand avoir ; car elle étoit adonc durement riche, pleine et bien marchande.