Le Principe de relativité et la théorie de la gravitation/chap. 15

CHAPITRE XV.

LE CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE.


98. Généralisation des équations de Maxwell-Lorentz.

Les équations fondamentales du champ électromagnétique peuvent être considérées comme établies dans un Univers euclidien (le champ de gravitation de la Terre étant faible), et elles ont été vérifiées expérimentalement par des mesures d’une extrême précision. Nous admettrons l’exactitude rigoureuse de ces lois dans un Espace-Temps euclidien ; partant de leur expression connue en coordonnées galiléennes, nous nous proposons de les exprimer, toujours dans un Univers euclidien, en coordonnées arbitraires, c’est-à-dire nous cherchons à les généraliser en introduisant un champ de force ou champ de gravitation géométrique.

D’après le principe d’équivalence, le résultat que nous obtiendrons sera encore exact dans un champ de gravitation permanent, c’est-à-dire dans l’Univers réel non euclidien.

Dans la théorie ordinaire, on considère un potentiel vecteur (unités électromagnétiques), et un potentiel scalaire (unités électrostatiques).

Soient les composantes de la force électrique (unités électrostatiques) et les composantes de l’induction magnétique au point d’espace (coordonnées galiléennes). On a, comme on le sait,

(1-15)

En vue de la généralisation, posons

(2-15)

Les équations (1-15) s’écrivent, avec cette notation,

(3-15)

Écrivons maintenant les équations de Maxwell-Lorentz. L’unité de charge étant choisie de manière que le facteur disparaisse (système d’Heaviside-Lorentz), soient les composantes de la densité de courant (unités électromagnétiques) et la densité de charge (unités électrostatiques). Les équations bien connues sont les suivantes :


..............., .................,

c’est-à-dire, avec notre notation[1],

(4-15)
(5-15)

Soient maintenant, d’une façon générale, les composantes d’un quadrivecteur covariant (arbitraire pour le moment) ; nous pouvons former sa dérivée covariante

(coordonnées quelconques).

étant un tenseur covariant, les expressions

(6-15)

sont les composantes d’un nouveau tenseur covariant du second ordre.

Ce tenseur est symétrique gauche, car on a

D’après la formation de on a les identités

(7-15)

Donnons à les valeurs suivantes :

nous obtenons les quatre identités

(8-15)

Le tenseur étant symétrique gauche, a quatre composantes nulles, et n’a que six composantes distinctes, au signe près. Posons

(9-15)

Les premiers membres des identités (8-15) sont précisément les premiers membres des équations (4-15) de Maxwell-Lorentz. De plus, les composantes du champ électrique et les composantes de l’induction magnétique sont formées à partir du potentiel vecteur (changé de signe) et du potentiel scalaire (3-15) comme les composantes du tenseur sont formées à partir du quadrivecteur d’après (6-15).

Nous pouvons donc donner l’interprétation suivante du premier groupe (4-15) des équations de Maxwell : les composantes de l’induction électrique et les composantes du champ magnétique constituent un tenseur symétrique gauche du second ordre, formé lui-même à partir d’un quadrivecteur potentiel dont les composantes d’espace (changées de signe) sont les composantes du potentiel vecteur (en unités électromagnétiques) et dont la composante de temps est le potentiel scalaire (en unités électrostatiques) de la théorie ordinaire. Le potentiel est un quadrivecteur covariant.

En coordonnées galiléennes, le tenseur covariant du champ électromagnétique est le suivant, d’après (9-15) :

(10-15)

Comme vérification, si l’on passe d’un système galiléen à un autre système galiléen et si l’on transforme les composantes du tableau (10-15) suivant la loi de transformation des composantes d’un tenseur covariant, on trouve précisément les forces électriques et magnétiques du système telles qu’on les obtient par les formules de transformation de la relativité restreinte. Le tableau (10-15) est donc bien un tenseur.

Le tenseur contrevariant associé

va nous permettre d’exprimer le second groupe d’équations de Maxwell. Ce tenseur est, en coordonnées galiléennes,

(11-15)

Le second groupe de Maxwell (5-15) s’écrit maintenant

(12-15)

Les premiers membres des quatre équations (12-15), qui se résument sous la forme abrégée

constituent les quatre composantes d’un quadrivecteur contrevariant, car est la forme dégénérée en coordonnées galiléennes de la divergence qui est un quadrivecteur contrevariant. Par conséquent les seconds membres des équations (12-15) sont les composantes d’un quadrivecteur contrevariant, le quadrivecteur « courant », dont les composantes d’espace constituent le courant de convection (unités électromagnétiques) et dont la composante de temps est la densité de charge (unités électrostatiques). Nous pouvons donc poser

(13-15)

On peut d’ailleurs voir directement que les sont les composantes d’un quadrivecteur contrevariant ; on a, en effet,

(14-15)

est la charge totale par unité de volume propre, car est la contraction de volume. Or la charge du volume propre est invariante (relativité restreinte no 38), donc se trans-

forment comme les et constituent par suite un quadrivecteur

contrevariant[2].

En résumé les équations de Maxwell s’écrivent :

Premier groupe (4-15), (6-15), (8-15).
(15-15)
Deuxième groupe (5-15), (12-15).
(16-15)

Jusqu’à présent, nous avons des coordonnées galiléennes. Il s’agit de trouver les relations générales valables dans un système de coordonnées arbitraires et se réduisant aux précédentes pour un système galiléen. La généralisation est immédiate ; l’équation (15-15) est covariante : elle subsiste dans tous les systèmes ; quant à l’équation (16-15), c’est la forme dégénérée de il suffit, pour avoir la relation tensorielle générale, de remplacer par la divergence

Les équations générales de l’électromagnétisme sont donc les suivantes :

(17-15)

étant le quadrivecteur potentiel et le quadrivecteur densité de courant-densité de charge.

Telle est la généralisation des équations de Maxwell-Lorentz.

Ces équations sont valables dans un champ de gravitation permanent (Univers non euclidien) parce que les conditions d’application du principe d’équivalence (no 77) sont remplies.

La divergence se simplifie à cause du caractère symétrique gauche de on a, d’après (60-13), en introduisant les densités tensorielles,

(18-15)

99. La loi de conservation de l’électricité.

De l’équation précédente nous tirons

(19-15)

car étant symétrique gauche, D’après (55-13), il résulte de là

(20-15)

En coordonnées galiléennes cette équation s’écrit

(21-15)

Semblable à l’équation de continuité de l’hydrodynamique (60-14), elle est l’expression de la loi de conservation de l’électricité.

100. La force électrodynamique.

Supposons un espace-temps euclidien et adoptons des coordonnées galiléennes. Dans le champ électromagnétique les composantes de la force mécanique qui s’exerce sur l’unité de volume contenant charges et courants sont données par les formules de la théorie habituelle (formules qui sont rigoureuses ainsi que nous l’avons montré en relativité restreinte) :

(22-15)

D’autre part, le travail accompli par le courant pendant l’unité de temps est

Désignons par ce travail changé de signe et divisé par

(23-15)

D’après la définition du tenseur (10-15) et celle du quadrivecteur (13-15), les équations (22-15) et (23-15) se résument ainsi :

(24-15)

ce qui prouve que les forment un quadrivecteur covariant ; les composantes d’espace de ce quadrivecteur sont les composantes de la force mécanique s’exerçant sur l’unité de volume, ou, ce qui revient au même, les composantes du gain de quantité de mouvement pour l’unité de volume de la matière ; la composante de temps (coordonnée ) est la perte d’énergie (divisée par ). En coordonnées galiléennes, on doit donc écrire

(25-15)

étant le tenseur matériel (45-14) dont les composantes ont les dimensions physiques d’une densité matérielle.

La généralisation en coordonnées quelconques, et pour un espace-temps de structure quelconque, est nécessairement

(26-15)

Si la loi de conservation de l’impulsion-énergie s’étend aux phénomènes électromagnétiques, il doit exister un tenseur d’énergie électromagnétique dont la variation compense la variation du tenseur matériel, c’est-à-dire qu’on ait

(27-15)

ou

(28-15)

101. Le tenseur d’énergie électromagnétique.

Il existe effectivement un tel tenseur ; il est donné par les expressions

(29-15)

Nous allons vérifier que l’équation (28-15) est bien satisfaite. Prenons la divergence des deux membres, en observant que est une constante (0 ou 1),

Les deux derniers termes sont égaux, de sorte que nous pouvons écrire

or peut s’écrire ou aussi on a donc

L’expression entre parenthèses est nulle, car d’après la loi de formation des dérivées covariantes à trois indices (38-13) on constate que les termes contenant les symboles de Christoffel se détruisent mutuellement ; l’expression se réduit alors à

expression qui est nulle d’après (15-15).

Finalement

ce qui est bien l’équation (28-15).

En coordonnées galiléennes, le tenseur d’énergie électromagnétique groupe toutes les grandeurs qui interviennent dans la théorie ancienne :

1o

est la densité d’énergie du champ électromagnétique, expression bien connue[3].

2o Les composantes multipliées par

sont les composantes du vecteur de Poynting (quantité de mouvement électromagnétique).

3o Le tenseur réduit aux neuf composantes d’espace (suppression de la dernière ligne et de la dernière colonne) est le tenseur de Maxwell (tensions électromagnétiques).

Contractons en faisant nous obtenons un scalaire nul

(30-15)

102. Loi générale de la gravitation en présence de matière et d’énergie électromagnétique.

L’expression la plus générale de la loi de conservation est (27-15)

Lorsque elle s’écrit

Matière. Champ
électromagnétique.
Champ
de gravitation.

En l’absence de matière, on a c’est-à-dire qu’en un point d’Univers où il n’y a que de l’énergie libre, on obtient, étant symétrique,

(31-15)

et si

(32-15)

semblables aux équations (63-14) et (64-14) qui étaient relatives à la matière seule, ces équations expriment l’influence énergétique du champ de gravitation sur l’énergie électromagnétique.

Si, au point d’Univers considéré, il y a présence de matière et d’énergie électromagnétique, le fait que la divergence de doit être nulle pour que la loi de conservation soit satisfaite conduit (comme à la page 201) à écrire que cette somme de tenseurs doit être, à un facteur constant près, égale au tenseur conservatif et l’on obtient la loi générale de la gravitation

(33-15)

Le tenseur d’énergie électromagnétique s’ajoute simplement au tenseur matériel.

Mais l’énergie électromagnétique présente une profonde différence avec la matière ; elle ne contribue pas à modifier la courbure totale car l’invariant contracté étant nul (30-15), la courbure est toujours égale à (50-14) ; cette courbure totale est déterminée par la matière, et non par l’énergie libre. C’est là un résultat fondamental qui montre que la matière ne peut pas être formée uniquement à partir du tenseur ce tenseur ne contribuant pas à la constitution de la densité matérielle.

Séparateur

  1. Dans un champ statique la quatrième des équations (5-15) s’écrit

    c’est l’expression analytique de la loi de Coulomb.

  2. Inversement, étant un quadrivecteur contrevariant d’après ce qui précède, est un invariant, ce qui prouve que la charge du volume propre est invariante. C’est une nouvelle manière d’établir ce résultat.
  3. Ne pas oublier que nous avons choisi les unités de façon à faire disparaître le facteur