Le Principe de relativité et la théorie de la gravitation/chap. 8

CHAPITRE VIII.

LE CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE.


33. Transformation des équations de Maxwell
pour l’espace vide
[1].

Soient les composantes du vecteur force électrique (en unités électrostatiques), les composantes du vecteur force magnétique (en unités électromagnétiques) au point d’espace et à l’époque du système en translation uniforme. Les équations de Maxwell, pour l’espace vide de matière, l’observateur étant au repos dans le système de référence, s’écrivent :

(1-8) 

Supposons que le même champ soit observé dans un second système en translation uniforme, animé d’une vitesse par rapport au premier système Pour passer aux coordonnées du système nous devons effectuer les transformations d’espace et de temps données par les formules de Lorentz ; conservant la disposition d’axes précédemment adoptée, nous obtenons les équations :

(2-8)

Le principe de relativité exige que, pour un observateur au repos dans le système les équations de Maxwell soient encore vérifiées, c’est-à-dire qu’on ait, dans le système les équations (1-8) avec des lettres accentuées :

(3-8)

désignant les composantes du champ électrique, les composantes de l’induction magnétique dans le système Les équations (2-8) et (3-8) doivent être les mêmes, car chacun de ces deux systèmes d’équations est équivalent aux équations de Maxwell pour le système On a donc, étant une fonction qui ne peut dépendre que de la vitesse relative :

Si l’on fait l’inversion de ces équations de deux manières différentes : 1o en les résolvant par rapport à 2o en permutant les lettres accentuées et non accentuées et changeant en même temps en (puisque est la vitesse du système relativement au système ), on doit obtenir deux systèmes identiques. On trouve ainsi

La symétrie[2] exigeant qu’on ait aussi

on voit que

Les formules de transformation des vecteurs électrique et magnétique sont donc, en définitive,

(4-8)

Ainsi, les équations fondamentales du champ électromagnétique[3] gardent leur structure dans tous les systèmes (en translation uniforme) à condition : 1o d’effectuer les transformations de coordonnées d’espace et de temps du groupe de Lorentz ; 2o d’effectuer les transformations (4-8) pour les vecteurs électrique et magnétique.

34. La force électrodynamique et les phénomènes d’induction.

Le résultat exprimé par les formules (4-8) est du plus haut intérêt ; il montre qu’un champ électrique et un champ magnétique n’ont pas d’existence absolue ; leurs intensités respectives sont relatives au système de référence dans lequel on les observe.

Supposons par exemple que dans le système il ne règne qu’un champ magnétique, que le champ électrique y soit nul :

dans le système il existe, non seulement un champ magnétique

mais aussi un champ électrique

Le champ, qui pour le système est un pur champ magnétique, est un champ mixte pour le système

Loi de Biot et Savart. — Le résultat qui précède nous fait voir la loi fondamentale de l’électromagnétisme sous un aspect nouveau. Supposons une charge ponctuelle qui, mesurée dans le système soit égale à l’unité, c’est-à-dire une charge qui, immobile dans exerce sur une charge égale distante de 1cm une force égale à 1 dyne. D’après le principe de relativité, cette charge électrique est aussi égale à 1 si on la mesure dans le système (l’invariance de la charge sera démontrée plus loin no 38).

Si cette charge est immobile dans le vecteur est, par définition, égal à la force qui s’exerce sur elle. Si la charge est immobile dans (du moins à l’instant considéré), la force qui agit sur elle, mesurée dans le système est égale au vecteur

On disait autrefois, si une charge est déplacée avec une vitesse dans un champ électromagnétique deux forces mécaniques s’exercent sur elle : 1o la force 2o la force électrodynamique égale au produit vectoriel

[4].

Nous devons dire, avec Einstein : si une charge est déplacée dans un champ électromagnétique, la force mécanique agissant sur elle dans son système est égale au produit de par la force électrique qui règne dans son système, c’est-à-dire est égale au produit de par la force électrique présente au point où elle se trouve, obtenue par transformation du champ pour un système de référence immobile par rapport à la charge.

Supposons, pour simplifier, le champ magnétique (système ) parallèle à et la charge animée d’une vitesse parallèlement à D’après la troisième des équations (4-8), il s’exerce sur elle, dans un système une force mécanique parallèle à

Nous verrons bientôt (no 40) que, dans le système de l’observateur, cette force a pour valeur on a donc

Ainsi, la formule ancienne

(produit vectoriel)

est rigoureuse, car ne s’introduit pas pour les mesures faites dans le système de l’observateur.

Nous voyons aussi disparaître une dissymétrie qui, dans l’ancienne conception, ne correspondait pas à la réalité des phénomènes observés : il s’agit de l’action réciproque entre un aimant et un conducteur. L’expérience prouve que, pour un même mouvement relatif de l’aimant et du conducteur, le courant d’induction qui prend naissance est le même. Or, si l’aimant est mobile et le circuit fixe, la théorie prévoyait la production d’un champ électrique, par variation du champ magnétique, d’où production d’un courant dans le circuit ; mais si l’aimant est fixe et le conducteur mobile, il n’y a pas production de champ électrique dans le voisinage de l’aimant, et cependant le courant d’induction se manifeste comme dans le cas précédent. D’après la théorie d’Einstein il est bien évident qu’il n’y a aucune dissymétrie entre le cas de l’aimant mobile avec circuit fixe et le cas du circuit mobile avec aimant fixe, car, dans un cas comme dans l’autre, il se produit dans le système de référence lié au conducteur le même champ électrique.

Loi de l’induction. Soit, dans le système de l’observateur, un champ magnétique parallèle à Nous avons, dans ce système,

Dans un système animé, par rapport à d’une vitesse parallèle à règne, d’après (4-8), le champ électromagnétique

Supposons une tige conductrice de longueur orientée parallèlement à et animée de la vitesse cette tige est soumise, dans le système par rapport auquel elle est immobile, au champ électrique Alors une modification va se produire : les électrons présents dans la tige, soumis à l’action du champ vont s’accumuler à une extrémité jusqu’à ce qu’il en résulte un champ électrostatique faisant équilibre à Le champ électrique s’annule donc dans la tige de sorte qu’après cette modification on a dans la tige

Pour l’observateur du système le champ dans la tige n’est pas nul, on le calcule aisément en prenant les formules de transformations inverses de (4-8), c’est-à-dire en permutant dans (4-8) les lettres accentuées et non accentuées et remplaçant par Faisant dans ces formules inverses, on a

d’où

La différence de potentiel entre les extrémités de la tige (en unités électromagnétiques) est, pour l’observateur,

est le flux coupé par la tige dans l’unité de temps. C’est la loi bien connue de l’induction.

35. Retour sur l’effet Doppler et sur l’aberration de la lumière (Théorie d’Einstein)[5].

Dans un système de référence supposons une source d’ondes électromagnétiques suffisamment éloignée pour que les ondes puissent être considérées comme planes et représentées par les équations

(5-8)

sont les vecteurs qui déterminent l’amplitude du train d’ondes ; sont les cosinus directeurs de la normale aux ondes. Nous allons chercher quel est l’aspect de ces ondes pour un observateur du système animé de la vitesse par rapport à (disposition d’axes habituelle).

Par application des formules (4-8) pour les transformations des vecteurs électrique et magnétique, nous obtenons

(6-8)

Comme on a

et que

on a nécessairement

Donc est un invariant de la transformation de Lorentz.

Dans la théorie vectorielle ordinaire, lorsque la somme

des produits des trois composantes d’un vecteur par trois grandeurs est un invariant pour toute transformation d’axes orthogonaux, sont les composantes d’un vecteur. Ce théorème s’étend aux vecteurs à quatre dimensions.

Posons

sont les composantes d’un vecteur d’Univers quadridimensionnel ( composantes d’espace, composante de temps) ; puisque est un invariant,

sont aussi les composantes d’un quadrivecteur ; par conséquent se transforment comme c’est-à-dire conformément aux formules de Lorentz. De même que

on a

d’où l’on tire

(7-8)
(8-8)

Soient la période propre de la source (système ), la période pour l’observateur du système l’angle de la vitesse et du rayon lumineux dans le système de la source, l’angle de la vitesse et du rayon reçu par l’observateur ; on a

1o La formule (7-8) exprime l’effet Doppler. Elle s’écrit

 [identique à (14-7)]

ou

(9-8)

étant la fréquence propre de la source et la fréquence apparente pour l’observateur.

2o La formule (8-8) exprime l’aberration de la lumière :

(10-8)  [identique à (15-7).

3o Soient et les amplitudes respectives de la force électrique (ou magnétique) dans le système et dans le système on obtient, par application de la transformation de Lorentz au vecteur

(11-8)

Nous pouvons maintenant trouver facilement les formules qui expriment l’effet Doppler et l’aberration par réflexion sur miroir en mouvement.

Disposons dans le plan un réflecteur intégral, sur lequel tombent des ondes planes, et proposons-nous de chercher la fréquence (effet Doppler), l’orientation (aberration) et l’amplitude des ondes après réflexion.

D’abord, dans le système du miroir, nous avons pour la lumière incidente les formules (9-8), (10-8), (11-8).

Pour la lumière réfléchie nous obtenons, dans le système où le miroir est immobile,

(12-8)

Finalement, par retour au système de l’observateur, c’est-à-dire en appliquant à partir de (au lieu de ) les formules (9-8), (10-8), (11-8) en y changeant en et tenant compte de (12-8) nous obtenons pour les ondes réfléchies, dans le système de l’observateur :

(13-8)  
effet
Doppler
 
(14-8)
(aberration),
 
(15-8)

Cette dernière formule seule exigeant que le miroir soit un réflecteur intégral.

36. Pression de la lumière sur un réflecteur intégral (Einstein).

On sait que est la densité de l’énergie lumineuse des ondes incidentes, dans le système de même est la densité de l’énergie des ondes réfléchies.

L’énergie, mesurée dans le système qui tombe sur l’unité de surface du réflecteur pendant l’unité de temps, est

L’énergie réfléchie par l’unité de surface pendant l’unité de temps est

La différence de ces deux expressions est, d’après le principe de la conservation de l’énergie, égale au travail produit dans l’unité de temps par la pression de la lumière. On obtient, après réductions,

(16-8)

En première approximation, on retrouve l’expression connue

(17-8)

Cette expression est d’ailleurs exacte en toute rigueur dans le cas limite c’est-à-dire pour un réflecteur immobile par rapport à l’observateur.

Si la réflexion a lieu sous l’incidence normale sur un miroir immobile,

la pression est égale à la densité de l’énergie lumineuse densité de l’énergie incidente densité de l’énergie réfléchie

La formule (16-8) montre que si

la pression est nulle.

Or une force nulle se conserve, donc dans un autre système, et ceci exige que pour les observateurs fixes par rapport au miroir ce qui est bien vérifié d’après (10-8).

37. Relativité de l’énergie rayonnante (Einstein).

étant la densité de l’énergie dans le système le principe de relativité exige que soit la densité de l’énergie dans le système serait le rapport des énergies d’un même rayonnement dans les systèmes et si les volumes contenant ce même rayonnement étaient égaux dans les deux systèmes ; tel n’est pas le cas. Les cosinus directeurs de la normale aux ondes dans le système étant aucune énergie ne traverse la surface de la sphère

(18-8)

qui se déplace avec la vitesse de la lumière suivant la direction de la normale aux ondes. On peut dire que l’intérieur de cette sphère contient toujours le même rayonnement. Il s’agit de savoir quelle est la quantité d’énergie comprise à l’intérieur de la même surface, relativement au système

La surface sphérique (18-8) du système est une surface ellipsoïdale dans le système son équation au temps est

Soient le volume de la sphère, celui de l’ellipsoïde ; un calcul facile montre que

Désignons par l’énergie contenue à l’intérieur de la surface considérée, et mesurée dans le système par l’énergie mesurée dans le système nous obtenons

(19-8)

expression qui, pour devient

(20-8)

Il est remarquable que l’énergie et la fréquence d’un rayonnement se transforment suivant la même loi.

Il doit résulter de là que la loi des quanta

a une forme invariante et que la constante d’action est une constante universelle.

38. Transformation des équations de Maxwell-Lorentz dans le cas d’un courant de convection.

Soient dans le système au point et au temps la densité de charge multipliée par et les composantes de la vitesse des charges en mouvement. Les équations de Maxwell-Lorentz sont les suivantes :

(21-8)

et

(22-8)

Si l’on applique à ces équations les formules de transformation de Lorentz, en ce qui concerne les coordonnées d’espace et de temps, et les formules de transformation (4-8) pour les vecteurs électrique et magnétique on trouve des équations exactement de même forme que les précédentes :

avec les conditions suivantes :

(23-8)

et

(24-8)

Les formules (23-8) expriment la loi de composition des vitesses, le système étant animé de la vitesse par rapport au système

Invariance de la charge. — La formule (24-8) doit retenir l’attention ; elle donne un résultat d’une extrême importance.

Soit la charge de l’élément de volume d’espace on a

par suite, l’équation (24-8) s’écrit

mais

On a donc

et puisque l’élément d’hypervolume est un invariant (no 23),

(25-8)

La charge d’un corps mesurée dans un système quelconque a toujours la même valeur ; ce qui revient à dire que l’observateur lui trouve la même valeur à l’état de repos ou à l’état de mouvement. La charge électrique est un invariant.

39. Application. Champ électromagnétique d’une charge en mouvement. Formule de Laplace.

Une charge produit, dans un système par rapport auquel elle est immobile, un pur champ électrostatique. Dans le système de l’observateur, qui est animé de la vitesse relativement à la charge, le champ est mixte ; il existe un champ électrique et un champ magnétique.

En un point que nous pouvons prendre dans le plan des et que nous définissons dans le système de la charge par sa distance à la charge et par l’angle de la vitesse et du champ électrique, on a, pour les composantes du champ,

(26-8)

Il s’agit de passer au système de l’observateur ; nous devons transformer la force électrique et les coordonnées de position. L’application des formules (4-8) donne, la vitesse du système par rapport au système étant

(27-8)
(28-8)

Dans le système de l’observateur, les longueurs parallèles à subissent la contraction de Lorentz relativement aux longueurs mesurées dans le système de la charge, on a par suite

ou

(29-8)

On a d’autre part, les longueurs normales à n’étant pas modifiées,

(30-8)

d’où l’on tire

Il en résulte pour le champ électrique, dans le système de l’observateur, les formules

(31-8)

et la charge en mouvement produit un champ magnétique parallèle à

(32-8)

On voit aisément, d’après ces formules, que si la charge était animée de la vitesse de la lumière, le champ électromagnétique serait concentré dans le plan équatorial, normal à la direction de propagation.

Dans le cas des faibles vitesses, la formule (32-8) se réduit à la formule bien connue

ou, pour un élément de courant ( électromagnétique),

(formule de Laplace).
Séparateur

  1. A. Einstein, Ann. d. Physik, t. 17, 1905.
  2. Supposons par exemple que dans le système la composante soit seule différente de zéro ; il est clair que, par changement de signe de sans changement de valeur numérique, doit aussi changer de signe sans changer de valeur numérique.
  3. Nous verrons en relativité généralisée que les équations de Maxwell sont une forme dégénérée d’une forme tensorielle valable dans un système quelconque.
  4. La force électrodynamique, normale à la vitesse et au vecteur magnétique, présente les caractères d’une force d’inertie et non d’une force appliquée.
  5. Ann. d. Physik, t. 17, 1905.