La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 181
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CLXXXI | |||
Pur Carlemagne fist Deus vertuz mult granz : | Pour Charlemagne Dieu fit un grand miracle : | ||
Car li soleilz est remés en estant. | Car le soleil s’est arrêté, immobile, dans le ciel. | ||
2460 | Païen s’en fuient, ben les enchalcent Franc ; | Les païens s’enfuient ; mais les Français les poursuivent, | |
El’ Val-Tenebres, là les vunt ateignant ; | Et, les atteignant enfin au Val-Ténèbres, | ||
Vers Sarraguce les enchalcent ferant, | À grands coups les poussent sur Saragosse ; | ||
A colps pleners les en vunt ociant, | Ils les frappent terriblement, ils les tuent, | ||
Tolent lur veies e les chemins plus granz. | Ils leur coupent leurs chemins et leurs voies... | ||
2465 | L’ewe de Sebre el lur est dedevant : | Devant eux est le cours de l’Èbre ; | |
Mult est parfunde, merveilluse e curanz ; | Le fleuve est profond et le courant terrible. | ||
Il n’i ad barge ne drodmund ne caland. | Pas de bateau, pas de dromond, pas de chaland. | ||
Païen recleiment un lur deu Tervagant ; | Alors les Sarrasins invoquent Tervagant, un de leurs dieux ; | ||
Puis, saillent enz, mais il n’i unt guarant. | Puis se jettent dans l’Èbre, mais n’y trouvent pas le salut. | ||
2470 | Li adubet en sunt li plus pesant, | Parmi les chevaliers qui sont les plus pesants, | |
Envers le fund s’en turnerent alquant, | Beaucoup tombent au fond ; | ||
Li altre en vunt encuntreval flotant, | Les autres flottent à vau-l’eau ; | ||
Li melz guarit en ont boüt itant, | Les plus heureux y boivent rudement. | ||
Tuit sunt neiet par merveillus ahan. | Tous finissent par être noyés très-cruellement. | ||
2475 | Franceis escrient : « Mar veïstes Rollant ! » | Aoi. | « Vous avez vu Roland, s’écrient les Français ; mais cela ne vous a point porté bonheur. »
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Vers 2460. — Les chalcent. O. Correction de Mu., d’après Venise IV, qui donne encalcent, et Versailles et Paris, qui donnent enchaucent. Lyon seul a chaçant.
Vers 2461. — El val Tenebrus. O. Le vers est faux ; mais la faute est facile à corriger avec le manuscrit de Venise IV et celui de Versailles, qui donnent tous deux : En val Tenebre.
Vers 2462. — Enchalcent franc. O. Correction de Mu., d’après le vers de Venise IV : Ver Sarragoce les emmenent ferant.
Vers 2465. — El (??).
Vers 2466. — Merveille. O. Erreur évidente. ═ Curant. O. Pour le cas sujet, il faut curanz.
Vers 2467. — Il n’en i ad. O. En, qui d’ailleurs est inutile pour le sens, est de trop pour la mesure.
Vers 2468. — Païens. O. Pour le cas sujet, païen. ═ Le drotmund, dromont, est, en général, le navire de guerre, le navire de marche ; le chaland est le navire de commerce, le transport.
Vers 2470. — Adubez. O. Pour le sujet pluriel, il faut adubet.
Vers 2471. — Au-dessus d’envers, il y a dans le manuscrit une abréviation inutile. ═ Les. O. ═ Alquanz. O. Pour le cas sujet (aliquanti), il faut alquant.
Vers 2472. — Vunt cuntreval. O. Le manuscrit de Versailles nous donne encontreval, qui est nécessaire pour la mesure.
Vers 2473. — Lire Mielz. O. V. la note du vers 1500. ═ Guariz. O. Le cas sujet veut guarit. ═ Boud. O. V. la note du vers 2.
Vers 2474. — Taz sunt neiez. O. Le cas sujet exige tuit et neiet.
Vers 2475. — Païens. O. À cause du s. p., il faut païen.
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