L. Hachette et Cie (p. 443-445).

CLXXVI

TOBIE DEVIENT AVEUGLE

(712 ans avant J.-C.)



Tobie voulut, un jour de fête du Seigneur, donner un grand repas à ses amis. Il envoya son fils : « Va, lui dit-il, et amène-nous quelques-uns de notre tribu, qui craignent le Seigneur, pour qu’ils mangent avec nous. » Le jeune Tobie y alla. Étant de retour avec les invités, il dit à son père qu’il y avait dans la rue le corps d’un Israélite qui venait d’être tué. Tobie se leva aussitôt, et, laissant le dîner, il vint près du corps pour l’ensevelir. Il l’enleva et l’emporta secrètement dans sa maison, afin de l’ensevelir avec plus de sécurité quand il ferait nuit.

Ses amis et ses parents lui reprochèrent son imprudence : « On a déjà donné ordre de vous faire mourir pour ce même sujet, lui dirent-ils, vous avez eu beaucoup de peine à sauver votre vie, et voilà que vous ensevelissez encore les morts. »

Mais le charitable Tobie ne les écoula pas ; il continua à enlever secrètement les corps des Israélites et à les ensevelir la nuit. Il arriva une fois que, s’étant beaucoup fatigué à ce pieux travail, il revint si endormi, qu’au lieu d’entrer dans sa maison, il s’assit par terre, s’appuya contre un mur et s’endormit. Il y avait au-dessus de sa tête, au haut de ce mur, un nid d’hirondelles. Il tomba de ce nid de la fiente toute chaude, et, comme Tobie se trouvait dessous, cette ordure tomba sur ses yeux. Et Tobie, se réveillant, se trouva aveugle.

Valentine. Est-ce que la fiente d’hirondelle rend aveugle ?

Grand’mère. Je ne sais pas du tout ; était-ce cette fiente d’hirondelle ? était-ce l’inflammation causée par quelque chose d’âcre et de brûlant qui était entré dans les yeux ? était-ce l’humidité froide de la nuit ? Le fait est que le pauvre Tobie devint aveugle. Dieu permit que ce malheur lui arrivât pour éprouver sa foi et pour donner à la postérité un exemple de soumission.

Tobie ne s’attrista pas de cette rude épreuve ; il l’accepta avec résignation et sans laisser échapper un murmure, et il en rendit grâces à Dieu tous les jours de sa vie. Ses amis se moquaient de lui au lieu de le plaindre : « Vous voilà bien récompensé, lui disaient-ils, de toutes vos aumônes et de vos ensevelissements ! Où est votre espérance ? Quelle est votre récompense ? »

Mais Tobie, les reprenant avec douceur, leur disait : « Ne parlez pas ainsi ; nous sommes tous enfants de Dieu, et nous attendons tous cette vie bienheureuse que Dieu doit donner à ceux qui ne manquent pas à la fidélité qu’ils lui doivent, et qui se soumettent sans murmurer aux afflictions qu’il leur envoie. »

Sa femme même lui reprochait souvent ses espérances trompées, et la misère de sa vie actuelle.

Tobie souffrait tout en silence, et adressait de ferventes prières au Seigneur pour le bénir en tous les maux qu’il lui envoyait, pour lui demander pardon des fautes qu’il avait commises dans sa vie, et pour lesquelles il était justement puni.

Jeanne. Pauvre Tobie ! lui qui était si bon ! Il me semble qu’il ne méritait aucune punition.

Grand’mère. Aussi n’était-ce pas une punition que lui envoyait le bon Dieu, mais un moyen d’augmenter ses mérites et d’arriver à une plus parfaite sanctification. Mais Dieu ne prolongea pas trop cette épreuve.