De la vie heureuse (juxtalinéaire) j - 4

Traduction par Joseph Baillard.
librairie Hachette (p. 15-19).
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IV. Bonum nostrum IV. Le bien tel-que-nous-le-concevons
potest definiri quoque aliter, peut être défini aussi autrement,
id est eadem sententia c’est-à-dire la même pensée peut
comprehendi verbis être exprimée par des mots
non iisdem. non identiques.
Quemadmodum De-même-que
idem exercitus la même armée
modo panditur latius, tantôt est déployée plus largement,
modo coarctatur tantôt est resserrée
in angustum, à l’étroit,
et aut curvatur in cornua, et ou est courbée en ailes,
parte media sinuata, la partie du milieu étant infléchie,
aut explicatur ou est développée
fronte recta ; avec un front droit ;
utcumque est ordinatus, de-quelque-façon-qu’elle ait été rangée,
vis est eadem illi, la force est la même à elle,
et voluntas standi et la volonté de tenir
pro iisdem partibus ; pour le même parti ;
ita finitio summi boni ainsi la définition du souverain bien
potest alias diffundi peut tantôt être développée
et exporrigi, et être étendue,
alias colligi et cogi tantôt être repliée et être réduite
in se. en elle-même.
Erit utique idem, Ce sera complètement identique,
si dixero : Summum bonum si j’aurai dit : Le souverain bien
est animus est une âme
despiciens fortuita, méprisant les choses fortuites,
lætus virtute ; joyeuse par la vertu ;
aut, vis animi invicta, ou, une force d’âme invincible,
perita rerum, ayant-l’-expérience des choses,
placida in actu, calme dans l’action,
cum multa humanitate, avec grande humanité,
et cura conversantium. et soin de ceux qui vivent-avec elle.
Libet et finire ita On peut encore définir de sorte
ut dicamus que nous appelions
eum hominem beatum, cet homme-là heureux,
cui nullum sit pour qui rien n’est
bonum malumque, bon ou mauvais,
nisi animus sinon une âme
bonus malusque ; bonne ou mauvaise ;
cultor honesti, cultivant l’honnête,
contentus virtute, se-contentant de la vertu,
quem fortuita que les choses fortuites
nec extollant nec frangant ; ne peuvent altérer ni briser ;
qui noverit nullum bonum qui ne connaît aucun bien
majus eo quod ipse plus grand que celui que lui-même
potest sibi dare ; peut se donner ;
cui vera voluptas erit pour qui le vrai plaisir sera
contemptio voluptatum. le mépris des plaisirs.
Licet, si velis evagari, il t’est permis, si tu veux t’étendre,
transferre idem de faire-passer la même définition
in aliam sous une autre
atque aliam faciem, puis une autre forme,
potestate salva et integra. sa valeur étant sauve et intacte.
Quid enim prohibet Quoi en effet empêche
nos dicere vitam beatam nous dire la vie heureuse être
animum liberum et erectum, une âme libre et élevée,
et interritum ac stabilem, et imperturbable et stable,
positum extra metum, placée hors de la crainte,
extra cupiditatem ; hors du désir ;
cui unum bonum honestas, pour qui l’unique bien est l’honnêteté,
unum malum turpitudo ? l’unique mal l’infamie ?
Cætera vilis turba rerum, Le reste est une vile foule de choses,
nec detrahens nec adjiciens qui ni n’enlève, ni n’ajoute
quidquam vitæ beatæ, rien à la vie heureuse,
veniens ac recedens venant et se retirant
sine auctu ac detrimento sans accroissement et diminution
summi boni. du souverain bien.
Est necesse Il est nécessaire
hilaritas continua qu’ une gaieté continue
et lætitia alta et une joie profonde
atque veniens ex alto, et venant d’une source profonde,
ut quæ gaudeat attendu qu’elle se réjouit
suis, de ses biens propres,
nec cupiat et ne souhaite pas
majora domesticis, des biens plus grands que ceux-de-chez-elle,
sequatur hoc suivent cette situation
fundatum ita, fondée ainsi,
velit nolit. que l’âme le veuille ou ne-le-veuille-pas.
Quidni penset bene Comment ne compenserait-elle pas bien
ista cum motibus ces avantages avec les mouvements
minutis et frivolis chétifs et frivoles
et non perseverantibus et non persistants
corpusculi ? d’une misérable-chair ?
Quo die fuerit Le jour où elle aura été
infra voluptatem, au-dessous du plaisir,
erit et infra dolorem. elle sera aussi au-dessous de la douleur.