Coups de clairon/Pour la liberté/Les “ frères noirs ”

Coups de Clairon : Chants et Poèmes héroïques
Georges Ondet, Éditeur (p. 141-146).


“ Les "Frères noirs ”















LES “ FRÈRES NOIRS ”


Au bon frère Alton-Marie, qui m’éleva.
Au T. H. frère Abel, de Ploërmel.

Salut à vous, les vaillants Frères !
Dignes fils de vos dignes Pères :
De La Salle ou de Lamennais !
Ô les amis de ma jeunesse !
Je voudrais que l’on vous connaisse
Aussi bien que je vous connais !

Un brave homme, une tendre femme,
Remirent mon cœur et mon âme
En vos saintes mains, autrefois…
Et si je suis un honnête homme,
Ô Maîtres ! c’est à vous, en somme,
À vous surtout que je le dois !


Six ans et plus, à votre École
Je lus la divine Parole
De Droiture et de Charité,
Ô vous qu’aujourd’hui l’on opprime
Tout en opprimant — double crime —
La Justice et la Liberté !

De vous ma timide ignorance
Apprit à dire le mot : France
En même temps que le mot : Dieu,
…Et vous me sembliez des Anges
Revêtus de robes étranges :
Noires, pour n’éblouir qu’un peu !

De vous je n’appris — je le jure —
Qu’à vivre en pardonnant l’injure :
Citoyen libre, mais soumis ;
De vous j’appris comme l’on prie
Pour ses parents, pour sa Patrie…
Et, surtout, pour ses ennemis !

…Mais, par d’autres Voix que les vôtres
J’appris comment les doux Apôtres
Surent, aux mauvais jours passés,
Redresser fièrement leurs tailles
Pour aller, au cœur des batailles,
Chercher les morts et les blessés ;

Et comment, non moins héroïques,
D’autres s’en vont, calmes, stoïques,
Chez les « noirs » et chez les Chinois
Pour que le Drapeau tricolore,

 

Respecté, le soit plus encore
En flottant auprès de la Croix !

Et voilà ceux que l’on outrage !
Voilà ceux que, bavant de rage,
Quelques sectaires triomphants
Insultent, rêvent de pourfendre,
Sachant qu’ils n’ont pour se défendre
Que les bras des petits enfants !…

Ils se trompent ! qu’ils prennent garde :
Nous sommes là, montant la garde,
Nous, les « Anciens » rudes et forts,
Bravant les jaloux et les traîtres
Et prêts à faire à nos vieux Maîtres
Un vivant rempart de nos corps !


Oh ! point de crainte inopportune :
Comme on l’a dit à la tribune,
Nous ne prendrons pas le fusil !
Notre arme à nous, c’est la Prière :
Nous la brandirons, pure et fière,
Sans quitter la plume ou l’outil !

Oui, par la ville et la campagne,
En France aussi bien qu’en Bretagne,
Dans les champs ou devant l’Autel,
Nous implorerons la Victoire
Des bons Maîtres en robe noire
De Paris et de Ploërmel !

Courage donc, les vaillants Frères !
Vous naviguez par vents contraires
Mais les bons courants sont pour vous :
Dieu calmera Tempête et Haines
En voyant, près des capitaines,
Tous leurs moussaillons à genoux !