Coups de clairon/Pour la liberté/Les “ sœurs blanches ”

Coups de Clairon : Chants et Poèmes héroïques
Georges Ondet, Éditeur (p. 147-150).


LES “ SŒURS BLANCHES ”



Aux Proscripteurs.

L’été dernier, m’en revenant
De mon cher pays de Dinan
Fêter Guesclin et sa statue,
Je croisai sur le chemin
Les « Sœurs » qu’un décret inhumain
À supprimer s’évertue.


L’avant-veille on leur avait dit :
« Allez-vous-en, dès samedi,
Ou, sinon, gare à nos gendarmes ! »
Et, vite, elles s’en allaient…
Mais de leurs pauvres yeux coulaient
Lentement de tristes larmes !

Et c’était grand’pitié de voir
Sous le ciel lugubrement noir
Toutes ces martyres, muettes,
Par nos chemins défilant
Comme dans l’orage un vol blanc
D’inoffensives mouettes ;

Elles pleuraient le petit nid,
L’humble coin rustique e ben
Où, dans l’ombre, il faisait bon vivre,
Satisfaites de très peu,
Dans le chemin qui mène à Dieu,
Le chemin si doux à suivre !

Elles pleuraient leurs besogneux,
Leurs infirmes, leurs pauvres vieux
Et leurs vieilles à demi-mortes :
Elles plaignaient tous les gueux
Puisque jamais plus devant eux
N’allaient se rouvrir leurs portes ;

Mais leurs gros soupirs étouffants
Volaient surtout à leurs enfants,
Les élèves de leur école,
Les petits qui jamais plus
Du doux et consolant Jésus
N’auraient la bonne Parole ;


Elles pleuraient leurs chers Bretons
Qui demandaient sur tous les tons,
Le regard affolé d’angoisses,
Quels crimes les oppresseurs
Reprochaient à leurs « bonnes Sœurs »
Pour les chasser des Paroisses !

Ô Proscripteurs ! Que je vous plains !
Vos cœurs d’un fol orgueil sont pleins,
Gonflés du triomphe de l’heure ;
Mais où serez-vous Demain ?
Que Dieu vienne à baisser la main,
Vous passez : Lui seul demeure !

De vous il ne restera rien,
Sectaires ! entendez-vous bien ?
Rien qu’un chapitre dans l’Histoire ;
Un chapitre ? Eh ! las ! pourquoi ?
Rien qu’une page ou… qu’un « renvoi »
Flétrissant votre mémoire :

« On vit, en l’an dix-neuf cent deux,
De faux républicains, haineux,
Perpétrer deux actes infâmes :
Étrangler la Liberté
Et commettre la Lâcheté
De faire pleurer des femmes ! »