Contes de la Haute-Bretagne/La recherche de la Peur

III

LA RECHERCHE DE LA PEUR

Jean-sans-Peur partit pour aller chercher la Peur ; il se rendit chez son frère aîné qui était recteur et qui, l’ayant envoyé à la cave, mit dans l’escalier des corps morts ; mais Jean-sans-Peur les rangea de son passage et apporta tranquillement son cidre.

Il continua sa route et arriva à une grande maison qui était soutenue par des piliers ; il y entra et ne vit personne, mais la table était servie. Il tomba par la cheminée un grand corps qui appela dix-neuf petits diables. Ils se mirent à table, et Jean-sans-Peur, qui avait dans sa poche des noisettes et des balles de plomb, se mit à casser les noisettes et à les manger. Un des petits diables lui en demanda une, et il lui donna une balle de plomb ; le petit diable ne put la croquer, et le gros n’y réussit pas davantage.

Ils voulurent le mettre à la porte ; alors Jean-sans-Peur prit sa barre de fer, et frappa si durement sur les petits diables qu’il les fit s’en aller par le trou de la serrure ; mais le gros ne pouvait y passer que la tête. Jean-sans-Peur lui dit :

— Je vais te laisser tranquille et t’ouvrir les portes, si tu veux me signer un écrit où tu diras que ce château est à moi.

Le gros diable signa et Jean-sans-Peur le laissa partir.

Il vit ensuite un homme qui avait une couronne sur la tête, et qui avait la mine très affligée : c’était le roi. Jean-sans-Peur lui dit :

— Cette maison-ci est à moi. — Je le veux bien, répondit le toi. J’ai bien du chagrin, ma fille est entre les pattes du diable.

— Je la délivrerai, bien, répondit-il, j’ai déjà eu affaire autrefois avec ce compère.

De fait, il délivra la fille du roi, et quand il l’amena, le roi lui dit :

— Il faut épouser ma fille, puisque tu l’as tirée des pattes du diable.

— Non, répondit Jean-sans-Peur, je suis parti pour chercher la Peur, et je veux la trouver.

— Dîne avec moi auparavant, dit le roi.

Jean-sans-Peur se mit à table, et, au milieu du repas, le roi lui demanda d’aller chercher un pot qui était dans le foyer. Jean sans-Peur y alla, et il découvrit le pot. Il était plein de mouches qui lui sautèrent toutes à la fois à la figure. Il fut surpris et il eut peur ; Alors il épousa la fille du roi, et ils vécurent heureux ensemble.

(Conté en 1881 par Jean Chaton, de Penguilly.)