Constitution d’Athènes (Aristote, trad. Haussoullier et Mathieu)/Constitution d’Athènes

Traduction par Bernard Haussoullier et Georges Mathieu.
Texte établi par Bernard Haussoullier et Georges MathieuLes Belles-Lettres (p. 2-73).

ARISTOTE
CONSTITUTION D’ATHÈNES


Le procès des Alcméonides.

I. … [Sur l’accusation] de Myron[1], [trois cents juges] choisis parmi les familles nobles [rendirent le jugement] après serment prêté sur les chairs des victimes. Le sacrilège fut reconnu ; les coupables eux-mêmes furent arrachés de leurs tombeaux, et leur famille fut condamnée à l’exil perpétuel. Puis le Crétois Épiménide purifia la ville.


L’état social avant Solon.

II. Après cela, il arriva que les nobles et la foule furent en conflit pendant un long temps.  En effet le régime politique était oligarchique en tout ; et, en particulier, les pauvres, leurs femmes et leurs enfants étaient les esclaves des riches. On les appelait « clients » et « sizeniers »[2] (hectémores) : car c’est à condition de ne garder que le sixième de la récolte qu’ils travaillaient sur les domaines des riches. Toute la terre était dans un petit nombre de mains ; et, si les paysans ne payaient pas leurs fermages, on pouvait les emmener en servitude, eux et leurs enfants ; car les prêts avaient tous les personnes pour gages jusqu’à Solon, qui fut le premier chef du parti populaire.  Donc, pour la foule, le plus pénible et le plus amer des maux politiques était cet esclavage ; pourtant elle avait tous autres sujets de mécontentement ; car, pour ainsi dire, elle ne possédait aucun droit.


La constitution primitive.

III. L’organisation de l’ancienne constitution, antérieure à Dracon, était la suivante. On prenait les magistrats dans les familles nobles et riches. Les charges étaient à l’origine conférées à vie, plus tard pour dix ans.  Les plus importants et les plus anciens des magistrats étaient le roi[3], le polémarque et l’archonte. De ces magistratures la plus ancienne était celle du roi (elle existait de toute antiquité) ; en second lieu fut ajoutée celle du polémarque, parce que certains rois avaient été peu doués pour la guerre ; c’est pour la même raison que, pressés par la nécessité, les Athéniens avaient fait venir Ion[4].  En dernier lieu fut institué l’archontat. La plupart des auteurs prétendent qu’il fut créé sous Médon ; quelques-uns disent que ce fut sous Akastos et donnent pour indice que les neuf archontes jurent de prêter les serments « comme sous Akastos » ; ce serait donc sous ce règne que les Codrides laissèrent séparer de la royauté les privilèges accordés à l’archontat. Que ce soit sous l’un ou sous l’autre, il n’y a qu’une petite différence de temps. Mais que l’archontat soit la dernière magistrature instituée, la preuve en est que l’archonte n’a aucune des fonctions primitives, comme le roi et le polémarque, mais simplement les fonctions surajoutées ; aussi cette magistrature n’est-elle devenue importante que dans la période récente, quand elle a été renforcée par ces fonctions surajoutées.  Les thesmothètes[5] furent institués bien des années après, alors qu’on instituait déjà chaque année les archontes, et cela afin de rédiger et de publier les décisions ayant force de loi et de les conserver pour le jugement des conflits ; aussi est-ce la seule magistrature qui n’ait jamais duré plus d’un an[6].  Pour l’ancienneté, les magistratures se suivent donc ainsi les unes les autres. Les neuf archontes ne siégeaient pas tous au même endroit : le roi occupait ce qu’on appelle maintenant le Boukoleion, près du prytanée (en voici la preuve : encore maintenant c’est là qu’ont lieu l’union et le mariage de la femme du roi avec Dionysos) ; l’archonte était au prytanée, le polémarque à l’Épilykeion (appelé d’abord polémarkheion, et qui, après qu’Épilykos l’eut reconstruit et aménagé quand il fut polémarque, reçut le nom d’Épilykeion) ; les thesmothètes occupaient le thesmothéteion. Sous l’archontat de Solon, tous se réunirent au thesmothéteion[7]. Ils avaient pleins pouvoirs pour juger les procès souverainement, au lieu de les instruire comme maintenant.  Voilà donc ce qu’il en était des magistratures. Le Conseil de l’Aréopage avait pour charge de conserver les lois ; mais il prenait en tout la part la plus importante à l’administration de la cité[8], châtiant souverainement de peines corporelles et pécuniaires tous les délinquants. C’était d’après la noblesse et la richesse qu’on élisait les archontes, desquels provenaient les Aréopagites ; aussi est-ce la seule magistrature qui soit restée viagère et le soit aujourd’hui encore.


Dracon.

IV. Voilà donc l’esquisse de la première constitution. Puis, peu de temps après, 621/0 sous l’archontat d’Aristaichmos, Dracon établit ses lois[9]. L’organisation de l’État fut alors la suivante[10] :  les droits politiques étaient donnés à ceux qui étaient en état de s’armer en hoplites. Ceux-ci élisaient les neuf archontes et les trésoriers parmi ceux qui avaient un capital d’au moins dix mines, libre de toute charge ; les magistrats inférieurs parmi ceux qui pouvaient s’armer en hoplites ; les stratèges et les hipparques parmi ceux qui prouvaient un capital d’au moins cent mines, libre de toute charge, et des enfants légitimes, nés d’une femme légitime et âgés de plus de dix ans. Ces magistrats [une fois désignés] devaient exiger caution des prytanes, stratèges et hipparques sortant de charge jusqu’à leur reddition de comptes, en recevant d’eux quatre garants de la même classe que les stratèges et hipparques.  Il y avait quatre cent un conseillers tirés au sort parmi les citoyens jouissant de la plénitude de leurs droits. On tirait au sort ce Conseil et les autres magistrats parmi les citoyens âgés de plus de trente ans, et nul n’était deux fois magistrat avant que tous l’eussent été ; alors le tirage au sort recommençait comme à l’origine. Si un conseiller, lors d’une séance du Conseil ou de l’assemblée, manquait à la réunion, il payait, s’il était pentacosiomédimne, trois drachmes ; chevalier, deux ; zeugite, une.  Le Conseil de l’Aréopage était le gardien des lois et veillait à ce que les magistrats remplissent leurs fonctions conformément aux lois. Tout citoyen qui se prétendait victime d’une injustice pouvait déposer une dénonciation auprès de l’Aréopage en désignant la loi violée.  Les prêts avaient les personnes pour gages, comme je l’ai dit, et la terre était dans un petit nombre de mains.


L’archontat de Solon.

V. Comme la constitution était ainsi organisée et que la foule était l’esclave de la minorité, le peuple se révolta contre les nobles.  Alors que la lutte était violente et que les deux partis étaient depuis longtemps face à face, ils s’accordèrent pour élire Solon 592/1 comme arbitre et archonte[11] ; et on lui confia le soin d’établir la constitution, quand il eut fait l’élégie qui commence ainsi :

« Je le sais et, dans ma poitrine, mon cœur est affligé quand je vois assassinée la plus antique terre d’Ionie. »

Dans cette élégie, il combat et discute avec les deux partis dans l’intérêt de tous deux, et après cela il recommande aux uns et aux autres de mettre fin à leur dissension.  Solon était, par la naissance et la réputation, des premiers de la cité ; mais par sa fortune et par son rang c’était un homme de la classe moyenne, comme tous les autres auteurs en conviennent et comme lui-même en témoigne dans la poésie suivante où il déconseille aux riches l’arrogance :

« Vous, calmez dans votre poitrine la violence de votre cœur, vous qui êtes allés jusqu’au dégoût des plus grands biens ; amenez à la modération votre esprit orgueilleux ; car nous n’obéirons pas et tout ne vous réussira pas… »

Et en général il ne cesse d’attribuer aux riches la responsabilité de la guerre civile ; c’est pourquoi au début de son élégie il dit aussi qu’il craint « l’avidité et l’orgueil », comme ayant donné naissance à la haine.


Réformes de Solon : l’abolition des dettes.

VI. Devenu maître des affaires, Solon affranchit le peuple pour le présent et pour l’avenir par l’interdiction de prêter en prenant les personnes pour gages ; il fit des lois et abolit les dettes, tant privées que publiques, par la mesure qu’on appela sisachthie[12] (rejet du fardeau), parce qu’on rejeta alors le fardeau.  À ce propos, certains tentent de le calomnier[13]. En effet il arriva que Solon, sur le point de faire la sisachthie, en parla à quelques nobles ; puis, d’après ce que disent les démocrates, il fut victime d’une manœuvre de ses amis ; selon ceux qui veulent le calomnier, il y prit part lui-même. Ces gens empruntèrent pour acheter beaucoup de terres ; et quand, peu après, les dettes eurent été abolies, ils se trouvèrent riches ; c’est de là que vinrent, dit-on, ceux qu’on appela plus tard les « anciens riches ».  Néanmoins la version démocratique est plus digne de foi ; car il n’est pas vraisemblable que dans ses autres mesures Solon se soit montré modéré et impartial au point, lui qui pouvait soumettre les autres à son autorité et devenir tyran d’Athènes, de s’être fait haïr par les deux partis et d’avoir fait plus de cas de l’honneur et du salut de l’État que de sa propre grandeur, et que dans des affaires si infimes et si visibles il se soit ainsi sali.  Et il avait bien le pouvoir que j’ai dit : la situation troublée en témoigne, lui-même le rappelle souvent dans ses poésies, et tous les autres auteurs en tombent d’accord. Donc il faut juger fausse cette accusation.


Constitution de Solon : les classes censitaires.

VII. Solon établit une constitution et publia d’autres lois ; on cessa de se servir de celles de Dracon, sauf de celles sur le meurtre. On grava les lois sur les tables mobiles[14], on les plaça dans le Portique Royal et tous jurèrent de les observer. Les neuf archontes, en prêtant serment près de la pierre, déclaraient qu’ils élèveraient une statue d’or s’ils en transgressaient quelqu’une ; c’est pourquoi ils jurent encore maintenant ainsi.  Solon fixa les lois pour cent ans et répartit le corps des citoyens de la façon suivante.  Il le divisa, d’après le revenu imposable, en quatre classes, comme auparavant : pentacosiomédimnes, chevaliers, zeugites et thètes. Il décida que toutes les charges seraient remplies par les pentacosiomédimnes, les chevaliers et les zeugites, à savoir les neuf archontes, les trésoriers, les polètes, les Onze et les colacrètes[15], donnant à chacun une charge correspondant à son cens ; mais aux thètes il ne donna que le droit de faire partie de l’assemblée et des tribunaux.  Devait être classé comme pentacosiomédimne celui qui sur sa propriété récoltait cinq cents mesures[16] de produits secs ou liquides, comptés ensemble ; comme chevaliers, ceux qui récoltaient trois cents mesures (certains disent : ceux qui pouvaient élever un cheval ; et ils donnent comme preuve le nom de la classe qui serait tiré de ce fait, et les offrandes des anciens ; car dans l’Acropole est dédiée une statue portant l’inscription suivante : « Anthémion, fils de Diphilos, a consacré cette image aux dieux quand il fut passé de la classe des thètes à celle des chevaliers » ; et auprès de l’homme est un cheval, témoignant que telle est bien la signification de la classe des chevaliers ; néanmoins il est plus logique que les chevaliers fussent définis par le revenu, comme les pentacosiomédimnes). Étaient classés comme zeugites ceux qui récoltaient au total deux cents mesures ; les autres étaient les thètes qui n’avaient l’accès d’aucune charge. Aussi, maintenant encore, quand on demande à celui qui se présente pour tirer une charge au sort quelle est sa classe, nul ne répondrait : celle des thètes[17].


Constitution de Solon : les magistratures.

VIII. Solon décida que les magistrats seraient tirés au sort sur une liste de proposition établie par chacune des tribus. Pour les neuf archontes, chaque tribu proposait dix candidats et on tirait au sort entre eux[18] ; c’est ainsi que subsiste pour les tribus l’usage de désigner par le sort dix candidats chacune, puis de tirer à la fève entre eux. La preuve que Solon décida que les magistratures seraient tirées au sort d’après les classes censitaires est dans la loi sur les trésoriers qui existe encore maintenant : cette loi ordonne de tirer au sort les trésoriers parmi les pentacosiomédimnes[19].  Telles furent les dispositions de Solon concernant les magistrats : dans les temps anciens, c’était l’Aréopage qui, appelant devant lui les candidats et les examinant souverainement, portait au pouvoir pour un an les plus capables en les répartissant entre les charges.  Il y eut, comme auparavant, quatre tribus[20] et quatre rois de tribus. Chaque tribu était divisée en trois tiers (trittyes) et douze circonscriptions navales (naucraries) ; les magistrats placés à la tête des naucraries étaient les naucrares qui s’occupaient de la levée de l’impôt et des dépenses à faire ; c’est pourquoi dans les lois de Solon tombées en désuétude il est souvent écrit : « Les naucrares feront rentrer telle contribution », et : « La dépense sera prise sur la caisse des naucrares ».  Solon créa un Conseil de quatre cents membres, cent de chaque tribu ; il chargea l’Aréopage de veiller sur les lois, en restant gardien de la constitution comme il l’était auparavant. L’Aréopage surveillait les actes les plus importants de l’administration politique ; il frappait ceux qui commettaient quelque infraction, ayant plein pouvoir de leur infliger des amendes et des peines corporelles ; il versait à l’Acropole le produit des amendes sans inscrire le motif de l’amende ; et il jugeait ceux qui conspiraient pour le renversement de la démocratie, car Solon porta à leur sujet une loi sur les dénonciations pour complot.  Voyant que l’État était souvent divisé et que par indifférence certains citoyens s’en remettaient au hasard des événements, Solon porta contre eux une loi particulière : « Celui qui dans une guerre civile ne prendra pas les armes avec un des partis sera frappé d’atimie et n’aura aucun droit politique. »


Constitution de Solon : les réformes judiciaires.

IX. Voilà donc quelles étaient les dispositions concernant les magistratures. Il semble que dans l’activité politique de Solon ce soient là les trois mesures les plus démocratiques : tout d’abord, ce qui est le plus important, l’interdiction de prendre les personnes pour gages des prêts ; puis le droit donné à chacun d’intervenir en justice en faveur d’une personne lésée ; enfin, mesure qui, dit-on, donna le plus de force au peuple, le droit d’appel aux tribunaux ; en effet, quand le peuple est maître du vote, il est maître du gouvernement.  En outre, comme les lois n’étaient pas rédigées d’une façon simple et claire, mais à la façon de celle sur les héritages et les filles héritières (épiclères), il en résultait nécessairement beaucoup de contestations, et le tribunal décidait de toutes les affaires publiques et privées. Aussi certains croient-ils que c’est intentionnellement que Solon rédigea ses lois de façon obscure, afin de rendre le peuple maître des jugements. Cela n’est pas vraisemblable, et ce défaut provient de l’impossibilité d’arriver à la perfection avec une règle générale. Il n’est pas juste d’apprécier l’intention de Solon d’après ce qui se produit maintenant, mais il faut le faire d’après l’ensemble de sa constitution.


Réforme monétaire de Solon.

X. Voilà donc, semble-t-il, quelles sont les mesures démocratiques dans les lois de Solon. L’abolition des dettes avait précédé la législation ; l’augmentation des mesures, poids et monnaies la suivit.  Car c’est sous Solon que les mesures furent rendues plus grandes que celles de Phidon et que la mine, qui comptait auparavant soixante-dix drachmes, fut portée à cent[21]. L’ancien type de monnaie était la pièce de deux drachmes[22]. Solon établit aussi des poids en rapport avec la monnaie, soixante-trois mines[23] pesant un talent : les trois mines furent réparties entre les statères et les autres unités divisionnaires.


Départ de Solon.

XI. Quand Solon eut réglé la constitution ainsi que je l’ai dit, comme on le tourmentait en venant soit le critiquer soit l’interroger sur ses lois et qu’il ne voulait ni les changer ni rester pour se faire détester, il fit un voyage en Égypte à la fois pour affaires et par curiosité, en disant qu’il ne reviendrait pas avant dix ans ; ce qui était juste, à son avis, ce n’était pas qu’il restât pour interpréter ses lois, mais que chacun fît ce qui était écrit[24].  En même temps il arrivait que beaucoup de nobles lui étaient devenus hostiles à cause de l’abolition des dettes et que les deux partis avaient changé d’opinion à son égard, parce que l’état institué par lui était contraire à leur attente. En effet le parti démocratique avait cru qu’il procéderait à un nouveau partage général, et les nobles qu’il laisserait subsister la même organisation ou la changerait peu. Mais lui s’était opposé aux deux partis, et, alors qu’il pouvait devenir tyran en s’alliant à celui qu’il voudrait, il préféra se faire détester de tous deux en sauvant sa patrie et en lui donnant les lois les meilleures.


Poésies politiques de Solon.

XII. Qu’il en ait été ainsi, tous les autres auteurs en sont d’accord, et lui-même le rappelle en ces termes dans son œuvre poétique :

« Au peuple[25] j’ai donné autant de puissance qu’il suffit, sans rien retrancher ni ajouter à ses droits. Pour ceux qui avaient la force et en imposaient par leur richesse, pour ceux-là aussi je me suis appliqué à ce qu’ils ne subissent rien d’indigne. Je suis resté debout, couvrant les deux partis d’un fort bouclier, et je n’en ai laissé aucun vaincre injustement. »

2Puis, montrant encore comment on doit traiter le peuple, il dit :

« Le peuple[26] suivrait au mieux ses chefs, si on ne lui lâchait trop la bride et si on ne le brutalisait pas. Car la satiété engendre la démesure[27], quand une grande fortune échoit à ceux qui n’ont pas une sagesse suffisante. »

3Puis ailleurs encore il dit à propos de ceux qui voulaient partager la terre :

« Ils venaient[28] au pillage avec de folles espérances, et chacun d’eux s’attendait à trouver une grande richesse et à me voir, malgré la douceur de mes paroles trompeuses, dévoiler un esprit impitoyable. Vaines pensées ! Maintenant, irrités contre moi, tous me regardent de travers comme un ennemi. C’est à tort ; car ce que j’avais dit, je l’ai accompli avec l’aide des dieux ; pour le reste je n’ai pas agi à la légère et il ne me plaît pas de rien faire avec une violence tyrannique, ni de donner aux bons et aux mauvais une part égale de la grasse terre de la patrie. »

4Et encore, à propos de l’abolition des dettes et de ceux qui, auparavant esclaves, avaient été affranchis par la sisachthie :

« Oui[29], le but pour lequel j’ai réuni le peuple, me suis-je arrêté avant de l’avoir atteint ? Elle peut mieux que tout autre m’en rendre témoignage au tribunal du temps, la vénérable mère des Olympiens, la Terre noire, dont j’ai alors arraché les bornes[30] enfoncées en tout lieu ; esclave autrefois, maintenant elle est libre. J’ai ramené à Athènes, dans leur patrie fondée par les dieux, bien des gens vendus[31] plus ou moins justement, les uns réduits à l’exil par la nécessité terrible, ne parlant plus la langue attique, tant ils avaient erré en tous lieux ; les autres ici même subissant une servitude indigne et tremblant devant l’humeur de leurs maîtres, je les ai rendus libres. Cela, je l’ai fait par la force de la loi, unissant la contrainte et la justice ; et j’ai suivi mon chemin jusqu’au bout comme je l’avais promis. J’ai rédigé des lois égales pour le bon et pour le méchant, fixant pour chacun une justice droite. Si un autre que moi avait pris l’aiguillon, un homme pervers et avide, il n’aurait pu retenir le peuple. Car, si j’avais voulu ce qui plaisait alors aux ennemis du peuple ou encore ce que leurs adversaires leur souhaitaient, la cité fût devenue veuve[32] de bien des citoyens. C’est pourquoi, déployant toute ma vigueur, je me suis tourné de tous côtés, comme un loup au milieu d’une meute de chiens. »

5Et encore, répondant aux reproches que lui firent plus tard les deux partis :

« S’il faut[33] parler nettement au peuple, ce qu’il a maintenant, il ne l’aurait jamais vu de ses yeux, même en rêve ; … et les puissants, plus forts que lui, me vanteraient et seraient mes amis. »

Car, dit-il, si un autre avait obtenu cette charge,

« il n’aurait[34] pas retenu le peuple et ne se serait pas arrêté avant d’avoir troublé le lait et enlevé la crème. Mais moi, comme entre deux armées, je me suis tenu aussi ferme qu’une borne. »


Troubles politiques après Solon.

XIII. Solon s’expatria donc pour toutes ces raisons. Il partit alors que les troubles politiques duraient encore ; puis les partis restèrent tranquilles pendant quatre ans[35] ; la cinquième année qui suivit l’archontat de Solon, on ne nomma pas d’archonte[36] à cause de la guerre civile ; et de nouveau, la cinquième année après, pour la même raison il n’y eut pas d’archonte.  Puis, au même intervalle, Damasias élu archonte resta en fonctions pendant deux ans et deux mois, jusqu’à ce qu’il fût chassé par force de sa charge. Alors on décida, à cause des dissensions, d’élire dix archontes : cinq eupatrides, trois paysans, deux ouvriers[37] ; et ils gouvernèrent pendant l’année qui suivit Damasias. Cela montre que la plus grande autorité appartenait à l’archonte ; car on voit que les partis se sont toujours fait la guerre pour cette magistrature.  Ils ne cessaient de se faire souffrir les uns les autres, les uns prenant pour cause et pour prétexte la suppression des dettes (car ils avaient été ruinés), les autres mécontents de la constitution à cause de l’importance de la réforme, certains par rivalité réciproque.  Or il y avait trois partis[38] : les gens de la côte (Paraliens), dont le chef était Mégaclès, fils d’Alcméon, et qui semblaient surtout soutenir la politique modérée ; les gens de la plaine, qui favorisaient l’oligarchie et avaient pour chef Lycourgos ; en troisième lieu les gens de la montagne (Diacriens), à la tête desquels était Pisistrate qui passait pour le plus dévoué à la démocratie.  Dans ce parti s’étaient rangés, à cause de leur pauvreté, ceux qui avaient été dépouillés de leurs créances et, par crainte, ceux dont la naissance n’était pas pure. La preuve en est qu’après l’expulsion des tyrans on procéda à une revision des listes de citoyens[39] parce que bien des gens jouissaient indûment des droits politiques. Chaque parti tirait son nom de la région qu’il cultivait.


Premières tentatives de Pisistrate.

XIV. Pisistrate, qui passait pour le plus dévoué à la démocratie et avait acquis une grande réputation dans la guerre contre Mégare, se blessa lui-même pour décider le peuple, sous prétexte que ces blessures étaient le fait de ses adversaires, à lui donner une garde ; et Aristion rédigea la proposition[40]. Ayant donc reçu ceux qu’on appela les porte-gourdins, il fit avec leur aide une révolution contre la démocratie et occupa l’Acropole trente et un ans après la législation de Solon, sous 561/0l’archontat de Coméas.  On dit que Solon[41], quand Pisistrate demanda une garde, s’y opposa en disant qu’il était plus sage que les uns et plus courageux que les autres : plus sage que ceux qui ne voyaient pas que Pisistrate aspirait à la tyrannie, plus courageux que ceux qui le savaient et se taisaient. Comme ses paroles ne persuadaient pas le peuple, il suspendit ses armes devant sa porte et dit que pour sa part il avait secouru sa patrie autant qu’il le pouvait (il était déjà très âgé) et qu’il invitait les autres à agir de même.  Solon n’aboutit à rien avec ses exhortations, et Pisistrate, ayant pris le pouvoir, gouverna plutôt en bon citoyen qu’en tyran. Alors que sa puissance n’était pas encore affermie, le parti de Mégaclès et celui de Lycourgos se coalisèrent et le chassèrent, la sixième année après sa première arrivée au pouvoir, sous l’archontat d’Hégésias[42].  Onze ans après, Mégaclès, évincé par les partis en lutte, négocia avec Pisistrate sous la condition que ce dernier épouserait sa fille ; et il le ramena d’une façon bien antique et bien simple[43]. Il répandit le bruit qu’Athèna ramenait Pisistrate, alla chercher une grande et belle femme, originaire du bourg de Paiania selon Hérodote[44], bouquetière thrace habitant Kollytos et du nom de Phyé selon d’autres ; il la costuma en déesse et la fit entrer dans Athènes avec Pisistrate ; celui-ci s’avançait sur un char avec la femme à ses côtés et les habitants le reçurent avec des marques d’adoration et d’étonnement.


Établissement de Pisistrate au pouvoir.

XV. C’est donc ainsi qu’eut lieu le premier retour de Pisistrate. Puis il fut chassé exactement six ans après son retour ; car il ne se maintint pas longtemps : comme il ne voulait pas vivre avec la fille de Mégaclès, il s’enfuit par crainte des deux partis[45].  Tout d’abord il colonisa près du golfe Thermaïque un lieu[46] appelé Rhaikélos ; de là il gagna la région du Pangée[47] où il rassembla de l’argent et des troupes. Arrivé à Érétrie dans le cours de la onzième année, ce fut alors qu’il tenta pour la première fois de recouvrer par force son pouvoir, avec l’aide de beaucoup de gens, surtout des Thébains et de Lygdamis de Naxos, et aussi des cavaliers qui gouvernaient Érétrie.  Après la victoire remportée près du temple d’Athéna Pallénis[48], la prise d’Athènes et le désarmement du peuple, la tyrannie lui fut désormais assurée. Il s’empara de Naxos et en donna le gouvernement à Lygdamis[49].  Voici comment il désarma le peuple[50] ; il fit une revue dans le Théseion et se mit à discourir ; il [discourut] pendant quelque temps et, comme le peuple prétendait ne pas l’entendre, il lui dit de monter à l’entrée de l’Acropole afin que sa voix portât mieux. Pendant qu’il passait le temps à parler au peuple, ceux qui en avaient reçu l’ordre enlevèrent les armes et les renfermèrent dans les bâtiments du Théseion qui étaient tout proches ; puis ils vinrent le signaler à Pisistrate.  Celui-ci, quand il eut fini son discours, raconta ce qui s’était passé pour les armes et dit qu’il ne fallait ni s’en étonner ni s’en affliger, que chacun devait retourner chez soi et s’occuper de ses affaires personnelles, et que lui-même aurait la charge de toutes celles de l’État.


Le régime de Pisistrate.

XVI. Voilà donc comment s’établit dès le début la tyrannie de Pisistrate et quelles furent ses vicissitudes.  Pisistrate gouvernait la ville, comme je l’ai déjà dit[51], avec modération et plutôt en bon citoyen qu’en tyran. En général il était humain, doux et indulgent pour les délinquants, et en particulier il avançait de l’argent aux pauvres pour leurs travaux, si bien qu’ils gagnaient leur vie en cultivant la terre.  Il agissait ainsi pour deux raisons : afin qu’au lieu de passer leur temps à la ville ils restassent dispersés à la campagne et afin que, pourvus d’une honnête aisance et tout entiers à leurs affaires personnelles, ils n’eussent ni le loisir ni le désir de s’occuper de celles de l’État.  En même temps ses revenus augmentaient quand la campagne était cultivée ; car il prélevait la dîme[52] des produits.  C’est dans ce dessein aussi qu’il établit les juges des dèmes[53], et lui-même sortait souvent dans la campagne pour inspecter et réconcilier ceux qui avaient des différends, afin de les empêcher de descendre à la ville et de négliger leur travail.  C’est lors d’une de ces sorties de Pisistrate qu’arriva, dit-on, l’aventure de l’homme qui cultivait dans l’Hymette le lieu appelé plus tard le « Champ Franc[54] ». Pisistrate, voyant quelqu’un qui défonçait et travaillait un endroit qui n’était que pierres, s’étonna et ordonna à son esclave de demander ce que produisait le champ. Et le paysan : « Rien que des souffrances et des gémissements ; et c’est sur ces souffrances et ces gémissements qu’il faut que Pisistrate prélève sa dîme. » Cet homme répondait ainsi par ignorance. Mais Pisistrate, amusé de sa franchise et de son amour du travail, l’exempta de tout impôt.  D’ailleurs, dans son gouvernement, il ne gênait en rien le peuple : il lui assurait toujours la paix et veillait à sa tranquillité. Aussi répétait-on souvent avec éloge que la tyrannie de Pisistrate, c’était la vie sous Cronos[55] ; car c’est seulement plus tard, quand ses fils lui eurent succédé, que le gouvernement devint bien plus dur.  Ce qu’on citait le plus, c’était son amour du peuple et son humanité. Car en tout il voulait gouverner selon les lois sans s’accorder aucune prérogative ; et même un jour, cité pour meurtre devant l’Aréopage, il se présenta en personne pour se défendre, mais celui qui l’avait cité, pris de peur, fit défaut.  Aussi resta-t-il longtemps au pouvoir et, quand il était chassé, il revenait facilement. En effet la majorité des nobles et des démocrates lui était favorable ; car il se conciliait les uns par son commerce et les autres en les aidant dans leurs affaires, et il était bien doué pour plaire aux deux partis. 10  D’ailleurs les lois des Athéniens sur les tyrans étaient douces à cette époque, en particulier celle qui se rapporte le plus exactement à l’établissement de la tyrannie. La voici : « Ceci est la coutume des Athéniens établie aussi par les ancêtres : si quelqu’un se révolte pour devenir tyran ou aide à établir la tyrannie, il sera privé de tout droit[56], lui et sa famille. »


Les Pisistratides.

XVII. Donc Pisistrate vieillit au pouvoir et mourut de maladie sous l’archontat de 528/7 Philonéos, trente-trois ans après sa première accession à la tyrannie, et après être resté pendant cette période dix-neuf ans au pouvoir ; en effet il passa le reste en exil.  C’est pourquoi déraisonnent manifestement ceux qui prétendent que Pisistrate a été aimé par Solon et qu’il a commandé dans la guerre entreprise contre les Mégariens au sujet de Salamine[57] : leur âge rend cela impossible, si l’on veut bien calculer la durée de la vie de chacun et sous quel archonte il est mort.  Après la mort de Pisistrate, ses fils gardèrent le pouvoir et gouvernèrent de même. Deux étaient fils de sa femme légitime : Hippias et Hipparque, et deux fils de l’Argienne : Iophon et Hégésistratos surnommé Thettalos[58].  En effet Pisistrate avait épousé à Argos la fille d’un Argien nommé Gorgilos, Timonassa, qui avait auparavant été femme d’Archinos d’Ambracie, de la famille des Kypsélides[59]. C’est de là que vint l’alliance avec les Argiens ; et mille d’entre eux, amenés par Hégésistratos, combattirent à la bataille de Pallène. Les uns disent qu’il épousa cette Argienne pendant son premier exil, d’autres pendant sa tyrannie.


Le meurtre d’Hipparque.

XVIII. Les maîtres du pouvoir, en raison de leur rang et de leur âge, étaient Hipparque et Hippias. Hippias, étant l’ainé, et par nature homme d’État et sage, était à la tête du gouvernement. Hipparque était de caractère enjoué, porté à l’amour et ami des arts (ce fut lui qui appela à Athènes Anacréon, Simonide et les autres poètes).  Thettalos, de beaucoup plus jeune, avait une conduite téméraire et insolente ; ce fut la cause de tous leurs maux[60]. En effet il s’était épris d’Harmodios et avait été déçu dans son amour ; loin de contenir son ressentiment, il en montrait à toute occasion la violence ; et à la fin, comme la sœur d’Harmodios devait porter une corbeille aux Panathénées, il l’en empêcha en insultant Harmodios qu’il traita d’efféminé. C’est pourquoi Harmodios et Aristogiton, exaspérés, accomplirent leur acte après s’être assuré beaucoup de complices.  Ils guettèrent donc aux Panathénées dans l’Acropole Hippias (il recevait la procession qu’Hipparque faisait partir) ; mais, ayant vu un des conjurés s’entretenir familièrement avec Hippias et croyant qu’il les dénonçait, ils voulurent faire quelque chose avant d’être arrêtés ; descendant donc de l’Acropole et commençant l’attaque avant les autres, ils tuèrent Hipparque qui réglait l’ordre de la procession près du Léocoreion[61], mais firent échouer toute l’entreprise.  Harmodios fut aussitôt tué par les gardes armés de la lance ; Aristogiton ne mourut que plus tard, après avoir été arrêté et longtemps maltraité. À la torture il dénonça beaucoup de gens qui étaient nobles de naissance et amis des tyrans[62]. C’est qu’on ne put sur-le-champ saisir une trace de la conjuration ; et la tradition commune[63], suivant laquelle Hippias désarma les membres de la procession et découvrit ainsi ceux qui portaient des poignards, est fausse ; car alors on ne faisait pas la procession en armes ; cet usage fut introduit plus tard par la démocratie.  Aristogiton dénonça donc des amis des tyrans, selon la version démocratique, à dessein, pour les rendre à la fois faibles et sacrilèges en leur faisant tuer des innocents qui étaient leurs amis ; selon certains, sans feinte et en dénonçant ses véritables complices.  À la fin, voyant qu’il ne pouvait mourir malgré tous ses efforts, il promit de dénoncer beaucoup d’autres gens et décida ainsi Hippias à lui donner la main en signe de foi ; puis, quand il la tint, il injuria Hippias en disant qu’il donnait la main au meurtrier de son frère, et il l’exaspéra à tel point que celui-ci, ne pouvant contenir sa colère, tira son épée et le tua.


Expulsion des Pisistratides.

XIX. Après cela la tyrannie devint beaucoup plus dure ; voulant venger son frère et après avoir tué ou exilé bien des gens, Hippias se défait de tous et devenait cruel pour tous.  Trois ans 511/0exactement après la mort d’Hipparque, comme sa situation dans la ville était menacée, il entreprit de fortifier Munichie[64] pour s’y établir. Il y était occupé quand il fut chassé par Cléomène, roi de Lacédémone ; car des oracles répétés ordonnaient aux Lacédémoniens de détruire la tyrannie.  En voici la raison : les bannis, dont les Alcméonides étaient les chefs, ne pouvaient opérer leur rentrée par eux-mêmes et échouaient toujours ; ils ne réussissaient dans aucune de leurs entreprises et, comme ils avaient fortifié en territoire attique Leipsydrion sur le Parnès, où vinrent les rejoindre quelques gens de la ville, ils en furent chassés par les tyrans après un siège. C’est pour cela qu’on chantait toujours après cette défaite dans les chansons de table :

« Hélas[65] ! Leipsydrion félon ! Quels hommes tu as fait périr, braves et nobles, qui ont montré alors de qui ils étaient fils ! »

4Comme ils échouaient donc dans toutes leurs tentatives, les Alcméonides prirent en adjudication la construction du temple de Delphes[66], ce qui leur donna des ressources pour se faire soutenir par les Lacédémoniens. Et la Pythie ordonnait toujours aux Lacédémoniens qui la consultaient de délivrer Athènes, si bien qu’elle décida les Spartiates, quoique les Pisistratides fussent leurs hôtes. Ce qui ne contribua pas moins à pousser les Lacédémoniens, ce fut l’alliance des Pisistratides et des Argiens.  Tout d’abord donc ils envoyèrent par mer Anchimolos à la tête d’une armée ; quand il eut été battu et tué grâce au secours amené à Hippias par Kinéas le Thessalien avec mille cavaliers, irrités de cet échec, ils envoyèrent par voie de terre le roi Cléomène avec plus de troupes. Après avoir battu la cavalerie thessalienne qui cherchait à l’empêcher d’entrer en Attique, il bloqua Hippias dans le mur Pélargique[67] et il l’assiégea de concert avec les Athéniens.  Pendant ce blocus, il arriva que les fils des Pisistratides qui cherchaient à s’échapper, furent pris. Aussi les Pisistratides capitulèrent-ils pour sauver leurs enfants ; ils emportèrent leurs biens en cinq jours et remirent l’Acropole aux Athéniens, sous l’archontat d’Harpaktidès. Ils avaient occupé la tyrannie exactement dix-sept ans après la mort de leur père, soit au total quarante-neuf ans en comptant le règne de Pisistrate.


Clisthène chef du parti démocratique.

XX. Après la destruction de la tyrannie, il y eut lutte entre Isagoras, fils de Teisandros, ami des tyrans, et Clisthène, de la famille des Alcméonides. Vaincu par les associations politiques, Clisthène chercha à se concilier le parti démocratique en remettant le pouvoir à la foule.  Isagoras, trop faible pour lutter, rappela Cléomène qui était son hôte et le décida à « chasser les sacrilèges[68] » parce que les Alcméonides passaient pour faire partie des gens souillés par le sacrilège.  Quand Clisthène se fut enfui, Cléomène, arrivé avec une petite troupe, chassa comme sacrilèges sept cents familles athéniennes ; puis il tenta de disperser le Conseil et de donner plein pouvoir sur l’État à Isagoras et à trois cents de ses amis. Mais, quand le Conseil eut résisté et que la foule se fut rassemblée, Cléomène, Isagoras et leurs partisans se réfugièrent à l’Acropole ; le parti démocratique les y assiégea pendant deux jours ; le troisième, il laissa partir à la faveur d’une capitulation Cléomène et tous ceux qui se trouvaient avec lui sur l’Acropole[69], et rappela Clisthène et les autres bannis.  Quand le parti démocratique eut le pouvoir, Clisthène en fut le guide et le chef. En effet ceux qui avaient le plus contribué à l’expulsion des tyrans, étaient les Alcméonides, qui n’avaient presque jamais cessé de leur faire de l’opposition.  Déjà auparavant, un des Alcméonides, Kédon, s’était attaqué aux tyrans ; c’est pourquoi on chantait aussi en son honneur dans les chansons de table :

« Verse[70] aussi à Kédon, serviteur, et ne l’oublie pas, puisque c’est aux braves que l’on doit verser le vin. »


Réformes de Clisthène.

XXI. C’est pour ces motifs que la démocratie avait confiance en Clisthène. Alors, devenu chef du parti populaire, trois ans après la destruction de la tyrannie, sous l’archontat 508/7 d’Isagoras,  tout d’abord il répartit tous les Athéniens en dix tribus au lieu de quatre, parce qu’il voulait les fondre afin de faire participer plus de gens aux droits civiques ; de là vient qu’on disait de ne pas s’inquiéter des tribus aux gens qui voulaient enquêter sur les familles[71].  Puis il donna cinq cents membres au Conseil au lieu de quatre cents, cinquante de chaque tribu (il y en avait cent jusqu’alors). Il ne rangea pas les citoyens en douze tribus pour éviter de les diviser selon les trittyes déjà existantes ; en effet il y avait douze trittyes tirées des quatre tribus, et ainsi on ne serait pas arrivé à la fusion du peuple.  Il divisa aussi le pays en trente groupes de dèmes, dix de la ville et de ses environs, dix du bord de la mer, dix de l’intérieur des terres ; il les appela trittyes et en attribua par le sort trois à chaque tribu, pour que chaque tribu ait sa part de toutes les régions. Il rendit concitoyens de dème ceux qui habitaient dans chaque commune (dème), ceci pour les empêcher de s’interpeller par le nom de leur père et de dénoncer ainsi les nouveaux citoyens, et pour les faire au contraire appeler d’après leur dème ; de là vient que les Athéniens se nomment encore d’après leur dème.  Il établit aussi des démarques qui avaient la même fonction que les anciens naucrares ; car il mit les dèmes à la place des naucraries. Il donna leur nom aux dèmes, soit d’après les lieux-dits, soit d’après leurs fondateurs ; car tous ne se trouvaient plus dans des lieux-dits.  Pour les familles, les phratries[72] et les sacerdoces, il laissa chacun les conserver suivant les traditions des ancêtres. Aux tribus il donna des noms d’après les cent héros fondateurs choisis d’avance et dont la Pythie désigna dix.


L’ostracisme.
Athènes avant Salamine.

XXII. À la suite de ces changements, la constitution devint bien plus favorable au peuple que n’était celle de Solon. Il était arrivé en effet que la tyrannie avait fait tomber en désuétude les lois de Solon et que Clisthène en établit de nouvelles pour gagner la foule. Entre autres fut alors établie la loi sur l’ostracisme[73].  Tout d’abord, la cinquième année après cette réforme, sous l’archontat 501/0 d’Hermocréon, on fit pour le Conseil des Cinq Cents la formule du serment que l’on prête encore maintenant. Puis on élut les stratèges[74] par tribu, un de chaque tribu (le polémarque était le chef de toute l’armée).  Quand, onze ans 490/89 après, les Athéniens eurent remporté la victoire de Marathon sous l’archontat de Phainippos, ils laissèrent passer deux ans 488/7 après la victoire et, comme le peuple prenait plus d’audace, alors pour la première fois on appliqua la loi sur l’ostracisme, que l’on avait établie par défiance des gens puissants, parce que Pisistrate était chef du parti populaire et stratège quand il devint tyran.  Le premier qui fut frappé de l’ostracisme parmi ses parents fut Hipparchos[75], fils de Charmos, du dème de Collytos ; c’est d’ailleurs pour lui surtout que Clisthène avait établi la loi, parce qu’il voulait le chasser d’Athènes. En effet les Athéniens, usant en cela de l’humanité habituelle à la démocratie, laissaient habiter dans le pays les amis des tyrans qui ne s’étaient pas compromis dans les troubles ; et leur guide et leur chef était Hipparchos.  L’année qui suivit immédiatement, sous l’archontat de 487/6 Télésinos, on tira au sort par tribu les neuf archontes parmi les cinq cents candidats désignés par les électeurs des dèmes, alors pour la première fois après la tyrannie (les précédents étaient tous élus), et l’on frappa d’ostracisme Mégaclès, fils d’Hippocratès, du dème d’Alopéké.  Donc pendant trois ans on frappa d’ostracisme les amis des tyrans, en vue de qui la loi avait été établie ; puis, la quatrième année, on éloigna aussi ceux des autres qui paraissaient trop puissants ; et le premier frappé de l’ostracisme 485/4 parmi ceux qui ne touchaient pas à la tyrannie fut Xanthippos, fils d’Ariphron.  Deux ans après, sous l’archontat de 483/2 Nicodémos, quand furent découvertes les mines de Maronée[76] et que l’État eut retiré de l’exploitation cent talents de bénéfice, certains conseillaient de distribuer l’argent au peuple, mais Thémistocle s’y opposa : sans dire à quoi servirait l’argent, il conseilla de prêter un talent à chacun des cent plus riches Athéniens ; puis, si l’emploi était agréé, de porter la dépense au compte de la ville, et, dans le cas contraire, de recouvrer l’argent sur ceux qui l’auraient emprunté. Quand il eut reçu l’argent à ces conditions, il construisit cent trières[77], chacun des cent en construisant une ; ce fut avec elles que les Athéniens combattirent à Salamine contre les barbares. À ce moment-là Aristide, fils de Lysimachos, fut frappé de l’ostracisme.  La quatrième année après, les Athéniens rappelèrent tous ceux qui avaient été frappés d’ostracisme, sous l’archontat 481/0 d’Hypsichidès, à cause de l’expédition de Xerxès ; et pour l’avenir ils ordonnèrent aux ostracisés de séjourner au delà des caps Géraistos et Skyllaion[78] sous peine d’être définitivement privés de leurs droits politiques.


Le gouvernement de l’Aréopage.

XXIII. Jusqu’à ce moment donc l’État progressa et grandit peu à peu en même temps que la démocratie ; mais après les guerres médiques, l’Aréopage reprit de la force et gouverna la ville, sans s’être appuyé sur aucune décision régulière pour se saisir du pouvoir, mais parce qu’il avait été cause de la bataille de Salamine[79]. En effet, alors que les stratèges désespéraient de la situation et avaient proclamé que chacun se sauvât soi-même, l’Aréopage se procura de quoi distribuer huit drachmes à chacun et fit monter le peuple sur les vaisseaux[80].  C’est pour cette raison que les Athéniens s’inclinèrent devant son autorité, et à ce moment-là encore les Athéniens furent bien gouvernés ; car dans cette période ils furent bien préparés à la guerre et respectés des Grecs, et ils reçurent la maîtrise de la mer malgré les Lacédémoniens.  Alors les chefs du parti démocratique étaient Aristide, fils de Lysimachos, et Thémistocle, fils de Néoclès, passant pour habiles l’un dans l’art militaire, l’autre dans l’action politique, et supérieur en honnêteté à ses contemporains ; aussi employait-on l’un comme général et l’autre comme conseiller[81].  C’est donc en commun, bien que rivaux, qu’ils dirigèrent la reconstruction des remparts ; et c’est Aristide qui poussa les Ioniens à abandonner l’alliance des Lacédémoniens, en guettant le moment où les Laconiens étaient mal vus à cause de Pausanias.  Aussi fut-ce lui également qui fixa pour les États alliés les premiers tributs, deux ans après la bataille de Salamine, sous l’archontat de 478/7 Timosthénès, et s’engagea par serment envers les Ioniens à avoir mêmes amis et mêmes ennemis qu’eux, serment pour lequel on jeta les blocs de fer dans la mer[82].


Les fonctionnaires au ve siècle.

XXIV. Puis, comme l’État prenait plus d’audace et que beaucoup d’argent était réuni, Aristide conseilla aux Athéniens de se saisir de l’hégémonie et de descendre de la campagne pour habiter la ville ; ils trouveraient tous de quoi vivre, les uns en allant en expédition, les autres en faisant le service de garnison, les autres en s’occupant des affaires de l’État, et c’est ainsi qu’ils conserveraient l’hégémonie.  Les Athéniens se laissèrent persuader, prirent en mains l’empire et agirent plus despotiquement à l’égard de leurs alliés, sauf envers les habitants de Chios, de Lesbos et de Samos, qu’ils tenaient pour les gardiens de leur empire et auxquels ils laissaient leur constitution propre et le gouvernement de leurs possessions[83].  Et ils donnèrent à la foule le moyen de vivre facilement, comme l’avait conseillé Aristide ; car les tributs, les taxes et les alliés nourrissaient plus de vingt mille hommes[84]. En effet il y avait six mille juges[85], seize cents archers ; de plus douze cents cavaliers, cinq cents membres du Conseil, cinq cents gardes des arsenaux ; en outre cinquante gardes de l’Acropole, environ sept cents fonctionnaires dans la métropole, environ sept cents à l’extérieur. En plus, quand on eut engagé la guerre à nouveau, il y eut deux mille cinq cents hoplites, vingt navires garde-côtes, d’autres navires portant les tributs avec deux mille hommes tirés au sort ; en plus les pensionnaires du Prytanée, les orphelins[86] et les gardiens des prisons. En effet tous ces gens étaient entretenus par le budget de l’État.


Réforme d’Éphialte.

XXV. Le peuple était donc nourri par ces procédés. Pendant dix-sept ans exactement après les guerres médiques, le gouvernement resta sous la direction de l’Aréopage, bien ne déclinant peu à peu. Comme la foule augmentait, Éphialte, fils de Sophonidès, qui paraissait incorruptible et pourvu d’esprit de civisme, devint chef du parti démocratique et s’attaqua au Conseil de l’Aréopage.  Tout d’abord il fit disparaître beaucoup d’Aréopagites en leur intentant des procès au sujet de leur administration. Puis sous l’archontat de 462/1 Conon, il enleva au Conseil toutes les fonctions surajoutées qui lui donnaient la garde de la constitution, et il les remit, les unes aux Cinq Cents, les autres au peuple et aux tribunaux[87].  Il eut pour cela l’aide de Thémistocle qui faisait partie de l’Aréopage, mais allait être jugé pour intelligences avec les Mèdes. Thémistocle qui voulait la ruine du Conseil, dit à Éphialte que le Conseil allait l’arrêter, et aux Aréopagites qu’il leur montrerait des gens réunis pour renverser la constitution. Il conduisit les délégués du Conseil à l’endroit où se trouvait Éphialte, pour leur montrer les gens réunis, et il leur parla avec animation.  Épouvanté à cette vue, Éphialte s’assit, vêtu seulement de sa tunique, sur l’autel[88]. Comme tous s’étonnaient de ce qui se passait et que le Conseil des Cinq Cents s’était réuni sur ces entrefaites, Éphialte et Thémistocle accusèrent les Aréopagites et firent de même devant le peuple, jusqu’à ce qu’ils leur eussent enlevé leur pouvoir. Et[89]… Éphialte aussi disparut peu après, tué dans un guet-apens par Aristodikos de Tanagra[90].


Le gouvernement de Périclès.

XXVI. C’est donc ainsi que l’Aréopage fut dépossédé de ses fonctions administratives. Ensuite la passion des démagogues entraîna un relâchement dans les mœurs politiques. En effet vers ce moment il arriva que les honnêtes gens n’avaient pas même un guide et que leur chef était Cimon, fils de Miltiade, qui était trop novice, étant venu tardivement à la vie publique. En outre la plupart d’entre eux avaient péri à la guerre ; c’est que, comme le corps expéditionnaire était alors levé d’après la liste des hoplites[91] et qu’on mettait à sa tête des stratèges ignorant l’art de la guerre, mais honorés à cause de la gloire de leurs ancêtres, chaque fois ceux qui partaient périssaient par deux ou trois mille[92], et ainsi on gaspillait la partie honnête du peuple et des riches.  Les Athéniens gouvernaient alors sans accorder aux lois une attention aussi grande qu’auparavant ; toutefois ils ne modifiaient pas le mode d’élection des archontes. Cependant, la sixième année qui suivit la mort d’Éphialte, ils décidèrent que l’on prendrait également parmi les zeugites les candidats désignés par une élection préalable pour tirer au sort les fonctions d’archonte, et le premier archonte pris parmi eux fut 457/6 Mnésitheidès. Les archontes précédents avaient tous été pris parmi les chevaliers et les pentacosiomédimnes ; et les zeugites remplissaient seulement les fonctions ordinaires, à moins que les dispositions de la loi ne fussent négligées.  Quatre ans après, sous l’archontat de 453/2 Lysicratès, on rétablit les trente juges des dèmes[93] ;  et la troisième année qui suivit, sous 451/0 Antidotos, à cause du nombre croissant des citoyens et sur la proposition de Périclès, on décida de ne pas laisser jouir de droits politiques quiconque ne serait pas né de deux citoyens.


La guerre du Péloponnèse et l’évolution démocratique.

XXVII. Puis, quand Périclès eut pris la direction du parti populaire (il avait commencé à acquérir de l’influence en accusant, encore tout jeune, Cimon lors de la reddition de comptes de sa stratégie[94]), la constitution devint encore plus favorable au peuple. Périclès en effet enleva certains droits à l’Aréopage et poussa vivement l’État à augmenter sa puissance maritime, ce qui donna à la foule l’audace de tirer à elle de plus en plus toute la vie politique.  Dans la quarante-neuvième année qui suivit la bataille de Salamine, sous l’archontat de 432/1 Pythodoros[95], s’engagea la guerre du Péloponnèse, pendant laquelle le peuple, enfermé dans la ville et habitué à recevoir une solde dans les expéditions, se décida en partie de son plein gré, en partie contraint, à administrer par lui-même les affaires de l’État.  Ce fut aussi Périclès qui le premier donna une indemnité aux tribunaux, pour rivaliser de popularité avec la richesse de Cimon. En effet Cimon[96], qui avait une fortune princière, d’abord s’acquittait magnifiquement des liturgies publiques et de plus entretenait beaucoup de gens de son dème : chacun des Lakiades pouvait venir chaque jour le trouver et obtenir de lui de quoi suffire à son existence ; en outre aucune de ses propriétés n’avait de clôture afin que qui voulait pût profiter des fruits.  Périclès, dont la fortune ne pouvait subvenir à de telles largesses, reçut de Damonidès d’Oié (qui passait pour inspirer la plupart de ses actes et fut plus tard frappé d’ostracisme pour cette raison) le conseil de distribuer aux gens du peuple ce qui leur appartenait, puisque sa fortune personnelle était insuffisante ; et il institua une indemnité pour les juges.  C’est depuis ce moment, à en croire les plaintes de certains, que tout a été plus mal, parce que les premiers venus mettaient plus d’empressement que les honnêtes gens à se présenter au tirage au sort. C’est aussi après cela que commença la corruption des juges dont Anytos donna le premier exemple après sa stratégie exercée à Pylos[97] : accusé par certains pour avoir perdu Pylos, il acheta le tribunal et fut acquitté.


Les chefs des partis au vie et au ve siècles.

XXVIII. Tant que Périclès fut à la tête du parti démocratique, la vie politique fut assez honnête ; mais après sa mort elle devint bien pire. C’est qu’alors pour la première fois le parti démocratique prit un chef qui n’avait pas bonne réputation parmi les honnêtes gens ; auparavant c’étaient toujours les honnêtes gens qui dirigeaient le peuple.  En effet, dès le début, le premier chef du parti démocratique fut Solon, le second Pisistrate ; tous deux faisaient partie des nobles et des notables ; après la destruction de la tyrannie, ce fut Clisthène, de la famille des Alcméonides, et il n’eut plus d’adversaire après l’expulsion d’Isagoras et de ses partisans. Ensuite le chef du parti démocratique fut Xanthippos, celui des nobles Miltiade ; puis ce furent Thémistocle et Aristide. Après eux Éphialte fut chef du parti démocratique, Cimon, fils de Miltiade, chef des riches ; puis Périclès fut chef du parti démocratique, Thucydide, allié de Cimon, chef de l’opposition.  Après la mort de Périclès, le chef des gens en vue fut Nicias, celui qui périt en Sicile ; celui du parti démocratique fut Cléon, fils de Cléainétos, qui paraît avoir le plus corrompu le peuple par ses emportements et qui le premier cria à la tribune, y employa les injures et parla tout en se débraillant, alors que les autres orateurs gardaient une attitude correcte. Après eux le chef de l’opposition fut Théramène, fils d’Hagnon ; celui du parti démocratique, Cléophon, le fabricant de lyres, qui fut le premier à donner la diobélie[98] ; il la distribua pendant quelque temps, puis Callicratès de Paiania le renversa en promettant le premier d’ajouter une obole aux deux autres. D’ailleurs on les condamna plus tard tous deux à mort ; car la foule, même si elle s’est laissé tromper, a l’habitude de détester ensuite ceux qui l’ont incitée à faire quelque chose de mal.  À partir de Cléophon, ceux qui ont obtenu la direction du parti populaire ont été sans interruption ceux qui voulaient le plus montrer de l’audace et de la complaisance pour la foule en ne regardant que le moment présent.  Ceux qui, après les anciens, semblent avoir été les meilleurs hommes politiques à Athènes, sont Nicias, Thucydide et Théramène. Sur Nicias et Thucydide, presque tous sont d’accord pour dire qu’ils ont été non seulement d’honnêtes gens, mais d’habiles politiques qui ont toujours donné à toute la cité des soins vraiment paternels ; pour Théramène, comme la vie politique a été très agitée de son temps, les jugements portés sur lui sont divers. Cependant il semble à ceux qui n’expriment pas une opinion à la légère qu’il ne tentait pas de détruire toutes les formes de gouvernement, comme on l’en accuse faussement, mais qu’il les soutenait toutes tant qu’elles ne faisaient rien contre la loi, en homme convaincu qu’avec toutes on pouvait remplir ses devoirs civiques, ce qui est la conduite d’un bon citoyen, mais sans leur faire de concessions et les combattant au point de se faire détester quand elles agissaient contre la loi.


Les Quatre Cents :
premières mesures.

XXIX. Tant que les chances de la guerre restèrent indécises, les Athéniens conservèrent le régime démocratique. Mais quand, après le désastre de Sicile, les Lacédémoniens

l’emportèrent grâce à l’alliance du Grand Roi, les Athéniens furent forcés de modifier la démocratie et d’établir le régime des Quatre Cents[99]. Ce fut Mélobios qui parla au peuple avant le décret, et Pythodoros d’Anaphlystos qui rédigea la proposition. La plupart des Athéniens y étaient favorables parce qu’ils pensaient que le Grand Roi s’allierait plus volontiers à eux s’ils n’attribuaient de droits politiques qu’à un petit nombre de citoyens.

2Voici les dispositions du décret de Pythodoros : « Le peuple élira, en plus des dix commissaires déjà existants[100], vingt autres choisis parmi les citoyens âgés de plus de quarante ans. Ceux-ci, après avoir juré de rédiger les propositions qu’ils jugeront les meilleures pour l’État, rédigeront des propositions pour le salut de l’État ; tout autre citoyen aura aussi le droit de faire une proposition afin que l’on prenne le meilleur de toutes. »  Cleitophon se rallia à la proposition de Pythodoros, mais proposa d’ajouter que les commissaires élus auraient aussi à examiner les lois des ancêtres établies par Clisthène quand il institua la démocratie, ceci afin qu’on les prit aussi en considération et qu’on se décidât pour le mieux, et avec la pensée que la constitution de Clisthène n’était pas vraiment démocratique, mais analogue à celle de Solon.

4Les commissaires, une fois élus, proposèrent tout d’abord que les prytanes fussent tenus de mettre aux voix tout ce que l’on proposerait pour le salut de l’État ; puis ils supprimèrent les accusations d’illégalité[101], les dénonciations et les citations en justice, pour permettre à tout Athénien qui le voudrait de donner son avis sur les questions posées ; si quelqu’un cherchait à frapper d’une amende l’auteur d’une motion de ce genre, à le citer en justice ou à l’amener devant un tribunal, il serait poursuivi par voie de délation sommaire et de comparution immédiate devant les stratèges ; et ceux-ci le remettraient aux Onze pour qu’il fût puni de mort.

5Puis voici comment ils organisèrent le gouvernement : « Les revenus de l’État ne pourront être dépensés que pour la guerre. Pour la durée de la guerre on remplira toutes les fonctions sans recevoir d’indemnité, exception faite pour les neuf archontes et pour les prytanes en fonctions qui toucheront chacun trois oboles par jour. Tout le pouvoir politique sera remis aux Athéniens les plus capables de servir l’État de leur personne et de leur argent, au nombre de cinq mille au minimum[102], et cela pour la durée de la guerre ; ils auront en outre pleins pouvoirs pour conclure des conventions avec qui ils voudront. On élira également dans chaque tribu dix citoyens âgés de plus de quarante ans chargés de dresser la liste des Cinq Mille après serment sur des victimes adultes. »


Constitution définitive des Quatre Cents.

XXX. Telles furent les propositions rédigées par les commissaires élus. Quand elles eurent été ratifiées, les Cinq Mille désignèrent parmi eux les cent citoyens chargés de rédiger la constitution[103].  Voici ce que ceux-ci rédigèrent et publièrent : « Rempliront pour un an les fonctions de conseillers, sans aucune indemnité, les citoyens âgés de plus de trente ans. Parmi eux seront pris les stratèges, les neuf archontes, le hiéromnémon, les taxiarques[104], hipparques, phylarques et gouverneurs de places fortes, dix trésoriers des richesses sacrées de la Déesse et des autres dieux[105], vingt hellénotames[106] et trésoriers chargés d’administrer le trésor de l’État, dix commissaires des sacrifices (hiéropes) et dix commissaires des cultes. Tous ces magistrats seront élus sur une liste de candidats dressée parmi les conseillers en exercice et en nombre supérieur à celui des places à pourvoir ; tous les autres magistrats seront tirés au sort en dehors du Conseil ; les hellénotames qui auront des fonds à manier ne participeront pas aux délibérations du Conseil.  Pour l’avenir, on formera quatre Conseils de l’âge indiqué plus haut, et la section désignée par le sort constituera le Conseil en exercice ; les autres citoyens seront aussi répartis dans chaque groupe. Les cent commissaires se répartiront eux-mêmes et répartiront les autres en quatre groupes aussi égaux que possible ; ils tireront au sort, et le groupe désigné fera fonctions de Conseil pour un an.  Le Conseil décidera, de la façon qui lui paraîtra la meilleure, sur les revenus pour qu’ils soient bien gardés et soient dépensés comme il faut, et le mieux possible sur les autres questions. Si le Conseil veut délibérer en plus grand nombre, chaque conseiller s’adjoindra un conseiller adjoint pris parmi les citoyens du même âge. Les séances du Conseil auront lieu tous les cinq jours, à moins que l’on n’ait besoin de séances plus nombreuses.  Les archontes veilleront à la désignation du Conseil par le sort ; cinq de ses membres, tirés au sort, feront office de scrutateurs pour les votes à mains levées, et chaque jour un d’entre eux sera tiré au sort pour présider. La commission des Cinq désignée par le sort fixera, par le sort également, l’ordre de ceux qui voudront avoir audience du Conseil, en premier lieu pour les affaires religieuses, en second lieu pour les hérauts, en troisième lieu pour les ambassades, en quatrième pour les autres questions[107] ; en ce qui concerne la guerre, quand il le faudra, c’est hors tour que les stratèges introduiront les gens et feront délibérer.  Le conseiller qui ne viendra pas à la salle des séances au moment fixé, devra payer une drachme par jour d’absence, à moins que le Conseil ne lui accorde congé[108]. »


Constitution provisoire des Quatre Cents.

XXXI. Telle était donc la constitution rédigée pour l’avenir ; voici celle que l’on promulgua pour le temps présent : « Conformément aux traditions des ancêtres, il y aura un Conseil de quatre cents membres, quarante de chaque tribu, pris sur une lise dressée par les membres de chaque tribu parmi les citoyens âgés de plus de trente ans. Ce Conseil nommera les magistrats, rédigera le serment qu’on devra prêter et agira pour les lois, les redditions de comptes et les autres questions de la façon qu’il jugera utile.  On se servira des lois qui seront établies concernant les affaires de l’État, et il ne sera permis ni de les modifier ni d’en établir d’autres. Pour le moment on choisira les stratèges dans l’ensemble des Cinq Mille ; mais le Conseil, une fois en fonctions, et après avoir fait une revue des hoplites, désignera dix citoyens et leur secrétaire ; ceux-ci rempliront leurs fonctions pendant l’année à venir, avec pleins pouvoirs ; et, si besoin en est, ils délibèreront avec le Conseil. On choisira aussi un hipparque et dix phylarques. À l’avenir, le Conseil les choisira ainsi qu’il est écrit.  Pour les fonctions autres que le Conseil et les stratèges, il ne sera permis ni à ces premiers magistrats ni à aucun autre de remplir la même fonction plus d’une fois. Pour l’avenir, afin que les Quatre Cents soient répartis dans les quatre sections, quand les gens de la ville auront à faire partie du Conseil avec les autres Athéniens[109], la commission des Cent procèdera à leur répartition. »


Les actes des Quatre Cents.

XXXII. Les cent commissaires élus par les Cinq Mille rédigèrent donc cette constitution. Quand elle eut été ratifiée par le peuple sous la présidence d’Aristomachos, le Conseil de l’année de Kallias fut dissous avant l’expiration de son mandat, le 14 Thargélion[110], et les Quatre Cents entrèrent en fonctions le 22, alors que le Conseil désigné par la fève eût dû entrer en fonctions le 14 Skirophorion. été 411  C’est donc ainsi que l’oligarchie s’établit sous l’archontat de Kallias et environ cent ans après l’expulsion des tyrans, principalement par l’action de Peisandros, d’Antiphon et de Théramène[111], hommes de bonne naissance et qui paraissaient exceller par l’intelligence et la force de la pensée.  Quand ce régime fut établi, les Cinq Mille ne furent choisis que de nom ; les Quatre Cents, avec les dix stratèges munis de pleins pouvoirs, entrèrent au palais du Conseil, gouvernèrent la ville et envoyèrent une ambassade aux Lacédémoniens pour tenter de mettre fin à la guerre, chacun des deux peuples devant garder ce qu’il possédait[112]. Comme les Lacédémoniens ne voulaient rien entendre si les Athéniens n’abandonnaient pas la maîtrise de la mer, ils rompirent les négociations.


Chute des Quatre Cents.

XXXIII. Le régime des Quatre Cents se maintint à peu près quatre mois ; et l’un d’eux, Mnésilochos, fut archonte pendant deux mois sous l’archontat de 411/0 Théopompos, qui fut en fonctions pendant les dix mois restants. Mais quand les Athéniens eurent été vaincus sur mer près d’Érétrie, et que toute l’Eubée se fut révoltée à l’exception d’Oréos, supportant ce désastre plus difficilement que les précédents (car l’Eubée leur rendait plus de services que l’Attique) ils supprimèrent les Quatre Cents et remirent le pouvoir aux Cinq Mille pris parmi les hoplites, en décidant qu’aucun magistrat ne recevrait d’indemnité.  Les principaux auteurs de cette révolution étaient Aristocratès et Théramène qui désapprouvaient les actes des Quatre Cents : ceux-ci en effet décidaient de tout par eux-mêmes, sans en référer pour rien aux Cinq Mille. Les Athéniens semblent avoir été bien gouvernés à ce moment, puisqu’on était en état de guerre et que le pouvoir politique appartenait aux hoplites[113].


La fin de la guerre du Péloponnèse.

XXXIV. Le peuple d’ailleurs enleva rapidement la direction de l’État aux hoplites[114]. Dans la sixième année qui suivit le renversement des Quatre Cents, sous l’archontat de 406/5 Callias d’Angélé, après la bataille navale des Arginuses, tout d’abord on jugea en un seul vote à mains levées les dix stratèges vainqueurs, dont les uns n’avaient pas même pris part à la bataille et les autres avaient été sauvés par un vaisseau qui n’était pas le leur ; mais le peuple avait été trompé par des gens qui profitèrent de sa colère pour l’égarer[115]. Puis, comme les Lacédémoniens voulaient évacuer Décélie et rétablir l’état de paix à condition que chacune des deux puissances gardât ce qu’elle occupait, certains favorisèrent ce projet ; mais la majorité ne voulut rien entendre, trompée par Cléophon, qui empêcha la conclusion de la paix[116] en venant à l’Assemblée ivre et recouvert d’une cuirasse, déclarant qu’il s’y opposerait si les Lacédémoniens n’évacuaient pas toutes les villes.  Les Athéniens, qui n’avaient pas su profiter alors des circonstances favorables, reconnurent bientôt leur faute. L’année suivante, sous l’archontat 405/4 d’Alexias, ils perdirent la bataille navale d’Aigos-Potamoi, à la suite de laquelle Lysandre, devenu maître de la ville, établit les Trente de la façon suivante.  La paix ayant été accordée aux Athéniens à condition qu’ils appliquent la constitution de leurs ancêtres, les démocrates cherchaient à conserver la démocratie ; ceux des notables qui faisaient partie des sociétés secrètes et les bannis revenus après la paix désiraient l’oligarchie ; ceux qui ne faisaient partie d’aucune société secrète et qui d’ailleurs ne paraissaient inférieurs à nul autre citoyen recherchaient vraiment la constitution des ancêtres. Archinos, Anytos, Cleitophon, Phormisios et bien d’autres étaient parmi eux, et leur principal chef était Théramène. Mais quand Lysandre se fut rangé du côté des partisans de l’oligarchie, le peuple épouvanté dut l’accepter à mains levées, et le décret fut rédigé par Dracontidès d’Aphidna[117].


Premières mesures des Trente.

XXXV. C’est de cette façon que les Trente furent établis sous l’archontat de 404/3 Pythodoros. Devenus maîtres absolus de l’État, ils laissèrent de côté les décisions concernant la constitution ; ils choisirent seulement cinq cents membres du Conseil et les autres magistrats sur une liste de candidats établie parmi les Mille[118], s’adjoignirent dix gouverneurs du Pirée[119], onze gardiens de la prison et trois cents serviteurs porteurs de fouets et maintirent la ville autocratiquement.  Au début ils étaient modérés à l’égard des citoyens et feignaient d’appliquer la constitution des ancêtres ; ils enlevèrent de l’Aréopage les lois d’Éphialte et d’Archestratos concernant les Aréopagites, et celles des lois de Solon qui provoquaient des discussions, ainsi que le pouvoir de décision souveraine qu’avaient les juges ; ils prétendaient redresser ainsi la constitution et la soustraire aux discussions. Par exemple, en ce qui concerne les donations, ils rendirent chacun absolument libre de donner à qui il voudrait et enlevèrent les entraves mises à ce droit : « excepté en état de folie ou de sénilité ou sous l’influence d’une femme », cela afin d’enlever tout moyen d’action aux sycophantes. Et pour le reste ils agissaient de même.  Telle fut leur conduite, au début du moins ; et ils exécutaient les sycophantes et les scélérats qui parlaient au peuple contre son véritable intérêt pour lui être agréables et créaient des embarras. Ces actes faisaient plaisir aux citoyens qui croyaient que les Trente agissaient pour le bien de l’État.  Mais, quand ils tinrent plus solidement la ville, ils n’eurent égard à aucun citoyen ; ils mettaient à mort ceux qui se distinguaient par leur fortune, leur naissance ou leur réputation, afin de supprimer leurs sujets de crainte et par désir de piller les fortunes ; et en peu de temps, ils n’avaient pas tué moins de quinze cents personnes[120].


Divisions entre les Trente.

XXXVI. Comme l’État s’affaiblissait ainsi, Théramène, indigné de ce qui se passait, conseilla aux Trente d’abandonner leurs procédés impudents et de faire participer au gouvernement les plus honnêtes gens. Tout d’abord ils s’y opposèrent ; puis, comme le bruit de ces discussions s’était répandu dans la foule et que la majorité était favorable à Théramène, ils craignirent qu’il ne devint chef du parti populaire et ne détruisît leur pouvoir absolu ; ils dressèrent alors une liste de trois mille citoyens qui devaient, disaient-ils, participer au gouvernement.  Théramène à nouveau critiqua ces mesures, d’abord parce que, voulant appeler au pouvoir les honnêtes gens, ils n’appelaient que trois mille personnes, comme si le mérite était limité à ce nombre ; puis parce qu’ils faisaient deux choses contradictoires en établissant un pouvoir fondé sur la violence et plus faible que ses sujets[121]. Les Trente ne tinrent pas compte de ces critiques et pendant longtemps ils remirent la publication de la liste des Trois Mille et la gardèrent entre leurs mains ; et quand ils décidaient de la publier, ils effaçaient certains des inscrits et inscrivaient d’autres gens à leur place.


Exécution de Théramène.

XXXVII. L’hiver déjà commencé, comme Thrasybule et les bannis s’étaient emparés de Phylé[122], les Trente qui avaient échoué dans l’expédition faite contre eux décidèrent de désarmer les autres citoyens et de perdre Théramène de la manière suivante. Ils présentèrent deux lois au Conseil[123], en lui ordonnant de les accepter à mains levées : l’une donnait pleins pouvoirs aux Trente pour mettre à mort les citoyens qui n’étaient pas sur la liste des Trois Mille, l’autre interdisait l’exercice des droits politiques à tous ceux qui avaient détruit les fortifications d’Éétioneia[124] ou avaient agi contre les Quatre Cents qui avaient établi la précédente oligarchie ; or Théramène avait participé à ces deux actions et ainsi, une fois les lois ratifiées, il était exclu de la cité et les Trente étaient libres de le mettre à mort.  Après l’exécution de Théramène, les Trente désarmèrent tous les Athéniens à l’exception des Trois Mille, et en tout ils inclinèrent de plus en plus vers la cruauté et la scélératesse. Ils envoyèrent une ambassade à Lacédémone pour accuser Théramène et demander du secours : les Lacédémoniens les écoutèrent et leur envoyèrent comme haut commissaire Callibios[125] avec sept cents soldats environ qui tinrent garnison dans l’Acropole.


Rétablissement de la démocratie.

XXXVIII. Puis quand les gens de Phylé eurent occupé Munichie et eurent vaincu en bataille rangée ceux qui s’étaient portés contre eux avec les Trente[126], les gens de la ville, de retour après l’engagement, se réunirent le lendemain sur l’Agora et renversèrent les Trente ; ils élurent alors dix citoyens avec pleins pouvoirs pour mettre fin à la guerre. Mais ceux-ci, après leur entrée en fonctions, ne firent rien de ce pour quoi ils avaient été élus, et ils envoyèrent une ambassade à Lacédémone pour solliciter du secours et un emprunt[127].  Comme les citoyens supportaient difficilement ces actes, les Dix, craignant d’être renversés et voulant épouvanter les autres (ce qui arriva d’ailleurs), arrêtèrent et firent mettre à mort Démarétos, l’un des principaux citoyens ; et ils tinrent fermement le pouvoir avec l’aide de Callibios, des Péloponnésiens présents et aussi de certains des chevaliers[128]. Car c’était parmi eux plus que parmi les autres citoyens qu’on s’opposait au retour des gens de Phylé.  Mais quand les occupants du Pirée et de Munichie, à qui passait tout le parti démocratique, l’emportèrent dans la guerre, on destitua les Dix élus en premier lieu et l’on élut dix autres citoyens considérés comme les plus honnêtes[129]. Ce fut sous leur magistrature, avec leur aide et leur appui que fut conclu l’accord et que le parti démocratique revint à Athènes. Les principaux d’entre eux étaient Rhinon de Paiania et Phayllos[130] d’Acherdonte ; en effet, avant l’arrivée de Pausanias, ceux-ci étaient entrés en négociations avec les gens du Pirée, et après son arrivée ils travaillèrent avec zèle et d’accord avec eux au retour du peuple.  La conclusion de la paix et de l’accord fut assurée par Pausanias, roi de Lacédémone[131], aidé par les dix conciliateurs qui arrivèrent ensuite et dont lui-même avait hâté la venue. Rhinon et ses collègues reçurent l’éloge pour leur dévouement à la démocratie ; et, alors qu’ils étaient entrés en fonctions sous l’oligarchie, ils rendirent leurs comptes sous le régime démocratique, sans que personne eût un grief à faire valoir contre eux, soit parmi les gens restés à Athènes, soit parmi les gens rentrés du Pirée ; et pour ces raisons mêmes Rhinon fut aussitôt élu stratège.


L’accord entre la ville et le Pirée.

XXXIX. L’accord se fit sous l’archontat 403/2 d’Euclide aux conditions suivantes : « Ceux des Athéniens restés dans la ville qui désireront émigrer occuperont Éleusis en gardant leurs droits de citoyens, en se gouvernant librement eux-mêmes et en jouissant de leurs revenus.  Le sanctuaire sera commun aux deux partis ; les Eumolpides et les Kéryces[132] l’administreront selon les traditions des ancêtres. Les gens d’Éleusis ne pourront venir dans la ville ni ceux de la ville venir à Éleusis, exception faite en faveur des deux partis au temps des Mystères. Les gens d’Éleusis contribueront sur leurs revenus à la caisse fédérale comme les autres Athéniens[133].  Si des émigrés veulent occuper une maison à Éleusis, l’agrément du propriétaire sera nécessaire ; s’il y a désaccord, chacune des deux parties choisira trois experts et le propriétaire recevra le prix fixé par eux. Vivront en communauté avec les émigrés les gens d’Éleusis acceptés par eux.  Pour les gens qui veulent émigrer et qui sont présents à Athènes, le délai d’inscription sera de dix jours après la prestation du serment, le délai de départ de vingt jours ; pour les gens absents d’Athènes, le délai sera le même à dater de leur retour.  Un habitant d’Éleusis ne pourra remplir aucune fonction à Athènes avant d’avoir été réinscrit comme habitant de la ville. Les procès de meurtre auront lieu suivant les lois des ancêtres en cas d’assassinat ou de coups et blessures volontaires.  Nul n’aura le droit de reprocher le passé à personne, sauf aux Trente, aux Dix, aux Onze et aux anciens gouverneurs du Pirée, ni même à ceux-ci après leur reddition de comptes. Les magistrats ayant rempli leurs fonctions au Pirée rendront leurs comptes aux gens du Pirée ; ceux qui les ont remplies dans la ville, aux citoyens ayant un revenu déclaré[134] ; ces formalités remplies, ceux qui le voudront pourront émigrer. L’argent emprunté pour la guerre sera rendu séparément par chaque parti. »


L’action d’Archinos.

XL. Les conditions de l’accord étant telles, ceux qui avaient combattu avec les Trente étaient effrayés ; beaucoup songeaient à émigrer, mais remettaient leur inscription aux derniers jours (ce que l’on fait d’ordinaire). Archinos, ayant remarqué leur nombre, voulut les retenir et supprima les derniers jours du délai d’inscription ; et ainsi bien des gens furent forcés de rester, malgré eux jusqu’à ce qu’ils fussent rassurés.  En ceci Archinos[135] semble avoir agi en bon citoyen, et aussi ensuite quand il attaqua pour illégalité le décret de Thrasybule où celui-ci donnait le droit de cité à tous les gens rentrés avec lui du Pirée, dont certains étaient bien connus pour esclaves ; et une troisième fois, alors que l’un de ceux qui étaient rentrés commençait à faire des reproches, en l’arrêtant, en le menant devant le Conseil et en décidant celui-ci à le mettre à mort sans jugement ; Archinos disait que c’était à ce moment qu’il fallait montrer si l’on voulait conserver la démocratie et respecter les serments : relâcher cet homme, c’était encourager les autres à agir de même ; l’exécuter, c’était un exemple pour tous. C’est ce qui arriva : quand il eut été mis à mort, personne ne rappela plus le passé.  D’ailleurs les Athéniens, en particulier et en corps, semblent avoir adopté la conduite la plus belle et la plus civique à propos des malheurs précédents. Non seulement ils effacèrent les accusations portant sur le passé, mais ils rendirent en commun aux Lacédémoniens l’argent que les Trente avaient emprunté pour la guerre, alors que les conventions ordonnaient aux deux partis, celui de la ville et celui du Pirée, de payer leurs dettes séparément ; car les Athéniens jugèrent que c’était par là qu’il fallait commencer à pratiquer l’union. Dans les autres villes, le parti démocratique, quand il est vainqueur, bien loin de contribuer de son propre argent, va jusqu’à faire un nouveau partage des terres.  Les Athéniens conclurent encore un accord avec les gens d’Éleusis la troisième année qui suivit l’émigration, sous l’archontat de 401/0 Xénainétos.


Résumé de la partie historique.

XLI. C’est là ce qui se produisit dans la suite. Mais c’est alors, sous l’archontat de 403Pythodoros[136], que le peuple, devenu maître des affaires, établit la constitution encore existante, et il semblait avoir pris le pouvoir à bon droit puisqu’il était rentré par ses propres forces.  C’était la onzième réforme de la constitution athénienne. En premier lieu ce fut l’immigration d’Ion et de ceux qui s’établirent avec lui ; alors pour la première fois ils se répartirent dans les quatre tribus et établirent les rois des tribus. En second lieu la première modification, sous forme de véritable constitution, se produisit sous Thésée et s’écarta un peu de l’état monarchique. Après elle ce fut la réforme de Dracon, où l’on rédigea pour la première fois les lois (IV). La troisième se produisit après la guerre civile, sous Solon (V-XII) ; c’est avec elle que commence la démocratie. La quatrième fut la tyrannie de Pisistrate (XIV-XIX). La cinquième vint après le renversement des tyrans et fut la réforme de Clisthène (XX-XXII), plus démocratique que celle de Solon. La sixième suivit les guerres médiques, quand l’Aréopage dirigeait l’État (XXIII). La septième, qui lui succéda, fut celle qu’Aristide indiqua et qu’Éphialte réalisa en affaiblissant l’Aréopage (XXIV-XXV) ; ce fut alors que la ville commit le plus de fautes sous l’influence des démagogues et à cause de la maîtrise de la mer. La huitième consista dans l’établissement des Quatre Cents (XXIX-XXXIII) ; et après elle, en neuvième lieu, ce fut de nouveau la démocratie (XXXIV). La dixième fut la tyrannie des Trente et des Dix (XXXV-XXXVIII). La onzième suivit le retour des gens de Phylé et du Pirée (XXXIX-LX) ; et c’est depuis elle qu’on en est arrivé au régime actuel en attribuant toujours de plus grands pouvoirs à la foule. Car le peuple s’est rendu maître de tout, et tout est réglé par les décrets et les tribunaux où le peuple est souverain. En effet les jugements rendus autrefois par le Conseil sont passés aux mains du peuple ; et en cela on semble avoir bien fait, car le petit nombre est, plus que le grand, accessible à la corruption par l’argent et la faveur.  Tout d’abord on refusa d’accorder une indemnité à l’assemblée ; puis, comme on n’y venait pas et que les prytanes usaient d’expédients afin d’obtenir le nombre nécessaire pour rendre valable le vote, Agyrrhios fit d’abord donner une obole ; puis Héracleidès de Clazomènes[137], surnommé le Grand Roi, fit donner deux oboles, et Agyrrhios enfin trois oboles.


L’éphébie.

XLII. L’état actuel du gouvernement est le suivant. Prennent part au gouvernement ceux qui sont nés de parents ayant tous deux le droit de cité. Les jeunes gens sont inscrits au nombre des démotes à l’âge de dix-huit ans. Au moment de l’inscription, les démotes, après serment, décident par un vote : premièrement s’ils ont l’âge exigé par la loi — en cas de décision contraire, ils retournent parmi les enfants — ; deuxièmement s’ils sont de condition libre et de naissance légitime. Celui que les démotes repoussent par leur vote, comme n’étant pas de condition libre, peut faire appel au tribunal ; le dème de son côté élit cinq de ses membres pour soutenir l’accusation. Si le tribunal décide qu’en effet il n’a pas le droit de se faire inscrire, l’État le fait vendre ; si au contraire il gagne son procès, les démotes sont tenus de l’inscrire.  Cela fait, le Conseil soumet les inscrits à un examen, et s’il décide que l’un d’eux n’a pas atteint l’âge de dix-huit ans, il met à l’amende les démotes qui l’ont inscrit. Après que les éphèbes ont subi cet examen, leurs pères se réunissent par tribus et, après avoir prêté serment, élisent, parmi les membres de la tribu âgés de plus de quarante ans[138], les trois citoyens qu’ils jugent les plus honorables et les mieux faits pour prendre soin des éphèbes. Sur ces trois le peuple en élit à main levée un pour chaque tribu comme censeur (sophroniste). Le proviseur (cosmète) est élu parmi les autres Athéniens comme chef de tous les éphèbes.  Ces chefs, après avoir réuni les éphèbes, commencent par faire avec eux la tournée des sanctuaires, puis se rendent au Pirée où ils tiennent garnison, les uns à Munichie, les autres à l’Acté. Le peuple nomme encore à main levée deux instructeurs (pédotribes) et des maîtres spéciaux qui leur apprennent à combattre comme hoplites, à tirer de l’arc, à lancer le javelot, à manœuvrer la catapulte. Il est alloué à chacun des sophronistes une drachme par jour pour sa nourriture, et aux éphèbes quatre oboles par tête. Le sophroniste reçoit l’argent pour les éphèbes de sa tribu et achète ce qu’il faut pour la nourriture commune de tous ; car ils prennent leurs repas par tribu. Il a soin de tout ce qui les concerne.  Ils passent ainsi la première année de l’éphébie. La seconde année, une assemblée du peuple est tenue au théâtre et les éphèbes y sont passés en revue pour les manœuvres de compagnie. Ils reçoivent alors de l’État un bouclier rond et une lance, font des marches militaires dans le pays et tiennent garnison dans les forts.  Pendant ces deux années de garnison, ils portent une chlamyde et sont exempts de toute charge. Afin qu’ils n’aient pas de prétexte pour s’absenter, ils ne peuvent ester en justice ni comme défendeurs, ni comme demandeurs, excepté lorsqu’il s’agit de recueillir une succession, une fille épiclère ou un sacerdoce de famille. À l’expiration des deux années ils sont désormais confondus avec les autres citoyens.


Fonctions tirées au sort. Le Conseil des cinq cents.

XLIII. Voilà ce qui concerne l’inscription des citoyens et l’éphébie. Tous les fonctionnaires de l’administration ordinaire sont désignés par le sort, excepté le trésorier des fonds militaires, les administrateurs du fonds des fêtes (théoricon) et l’intendant du service des eaux qui sont élus à main levée et restent en charge d’une fête des Panathénées à la fête suivante[139]. Toutes les fonctions militaires sont également données à l’élection.

2Le Conseil est désigné par le sort ; il se compose de cinq cents membres, cinquante par tribu. Chaque tribu exerce la prytanie à son tour, dans l’ordre fixé par le sort : les quatre premières pendant 36 jours chacune, les six dernières pendant 35 ; car l’année est réglée sur le cours de la lune.  Tout d’abord les prytanes en fonctions prennent leurs repas en commun dans la Rotonde (Tholos) et pour cela reçoivent de l’État une indemnité en argent[140]. Ensuite ils sont chargés de réunir le Conseil et l’assemblée du peuple : le Conseil tous les jours à l’exception des jours de vacance, et l’assemblée quatre fois par prytanie. Ce sont eux qui inscrivent d’avance toutes les affaires que le Conseil doit traiter, l’ordre du jour de chaque séance et le lieu où il doit siéger.  Ils rédigent également l’ordre du jour des assemblées. L’une d’elles, dite l’assemblée principale, est tenue [de traiter des sujets suivants] : elle confirme à main levée les magistrats si elle est d’avis qu’ils s’acquittent bien de leur charge[141]. Elle délibère sur les questions d’approvisionnement et de défense du pays. C’est en ce jour que tout citoyen qui le veut doit présenter les accusations de haute trahison. On y donne lecture des états des biens confisqués[142] et des instances engagées pour l’attribution d’une succession ou d’une fille épiclère, afin que nul ne puisse ignorer la vacance d’aucun bien.  À la même assemblée, dans la sixième prytanie, outre les sujets indiqués, les prytanes mettent à l’ordre du jour un vote sur l’ostracisme pour décider s’il y a lieu ou non d’y procéder[143], les votes sur les accusations contre les sycophantes intentées par les Athéniens et les métèques jusqu’à concurrence de trois pour chacune des deux catégories, et contre ceux qui n’auraient pas tenu des engagements pris envers le peuple.  Une autre assemblée est consacrée aux suppliques. Qui le veut peut déposer un rameau de suppliant[144] pour avoir le droit d’entretenir le peuple des affaires qu’il voudra, publiques ou privées. Deux autres sont consacrées au reste des affaires. Les lois ordonnent que dans chacune d’elles on mette en délibération trois questions relatives aux choses sacrées, trois affaires de hérauts ou d’ambassadeurs, trois affaires profanes. Il arrive parfois que la délibération soit ouverte sans un vote préalable[145]. C’est devant les prytanes que doivent se présenter tout d’abord les hérauts et les ambassadeurs ; c’est à eux aussi que les envoyés remettent les lettres dont ils sont porteurs.


XLIV. Les prytanes ont un chef (épistate) désigné par le sort. Il occupe cette fonction pendant une nuit et un jour, et il ne peut ni la prolonger au delà ni l’exercer deux fois. Il garde les clefs des temples où sont le Trésor et les archives publiques, ainsi que le sceau de l’État. Il est tenu de rester dans la Tholos et avec lui la trittye des prytanes qu’il a désignée[146].  Lorsque les prytanes réunissent le Conseil et le peuple, l’épistate tire au sort neuf présidents (proèdres), un de chaque tribu sauf celle qui exerce la prytanie, et parmi ces proèdres un autre épistate, et il leur remet l’ordre du jour.  Après l’avoir reçu ils veillent au bon ordre de la séance, proposent les sujets sur lesquels on doit délibérer, organisent toutes autres choses et décident la levée de la séance. On ne peut être épistate des proèdres qu’une fois dans l’année, mais on peut être proèdre une fois par prytanie.

4L’élection des stratèges, des hipparques et des autres fonctionnaires militaires se fait aussi dans l’assemblée, de la façon que décide le peuple. Les prytanes y procèdent dans la première prytanie après la sixième où les présages sont favorables. Pour cette opération également, il faut un vote préalable du Conseil (probouleuma).


Attribution du Conseil des cinq cents.

XLV. Le Conseil avait autrefois le droit souverain d’infliger l’amende, l’emprisonnement et la mort. Mais un jour qu’il avait livré au bourreau un certain Lysimachos et que celui-ci était déjà assis pour être exécuté, Eumélidès d’Alopéké l’arracha au supplice, déclarant qu’on ne pouvait mettre à mort aucun citoyen sans la décision d’un tribunal. L’affaire ayant été jugée devant un tribunal, Lysimachos fut acquitté et cela lui valut le surnom de « l’échappé du bâton ». Le peuple enleva au Conseil le droit de condamner à la mort, à l’emprisonnement, à l’amende, et établit par une loi que toutes condamnations ou amendes prononcées par le Conseil seraient portées par les thesmothètes devant le tribunal et que la décision votée par les juges serait seule souveraine.

2Le Conseil juge encore la plupart des magistrats, principalement ceux qui manient des fonds ; mais là encore son jugement n’est pas définitif et on peut en appeler au tribunal. Il est permis également aux particuliers de porter devant le Conseil une dénonciation contre tout magistrat qu’ils veulent accuser de ne pas se conformer aux lois ; mais celui-ci, s’il est condamné par le Conseil, a encore le droit d’en appeler au tribunal.

3Le Conseil procède aussi à l’examen de ceux qui siègeront au Conseil l’année suivante et des neuf archontes. Autrefois il avait un droit absolu d’exclusion, mais aujourd’hui les exclus peuvent en appeler au tribunal.

4Voilà donc les cas où le Conseil n’a plus un pouvoir souverain. Le Conseil fait porter à l’assemblée son avis préalable, et l’assemblée n’a le droit de voter sur aucune question qui n’ait été l’objet d’une délibération préalable du Conseil et qui n’ait été inscrite à l’ordre du jour par les prytanes ; car, du fait seul de cette infraction, l’auteur de la proposition votée s’expose à une action d’illégalité.


XLVI. Le Conseil veille aussi à l’entretien des trières déjà construites, des agrès et des loges pour vaisseaux. Il fait construire des galères neuves à trois ou quatre rangs de rames, autant que le peuple a décidé pour l’une ou l’autre catégorie, ainsi que les agrès correspondants et les loges. Le peuple nomme à main levée des architectes pour les vaisseaux à construire. Si le Conseil ne livre pas ces constructions achevées au Conseil qui lui succède, il n’a pas droit à la récompense ordinaire ; car celle-ci ne lui est remise que sous l’exercice suivant. Pour la construction des galères le Conseil choisit dix commissaires dans son sein.  Le Conseil inspecte également tous les édifices publics, et s’il est d’avis qu’une faute a été commise, il en fait l’objet d’un rapport à l’assemblée du peuple et, après qu’il a conclu à une condamnation, il livre le coupable au tribunal.


Les trésoriers d’Athèna.

XLVII. Le Conseil collabore aussi avec les autres magistrats dans la plus grande partie de leur administration. Ce sont d’abord les trésoriers d’Athéna. Ils sont au nombre de dix, tirés au sort, un par tribu, parmi les pentacosiomédimnes : ainsi le veut la loi de Solon — car elle existe encore — ; mais celui que le sort a désigné exerce les fonctions, même s’il est très pauvre[147]. Les trésoriers reçoivent, en présence du Conseil, la statue d’Athéna, les Victoires [en or], le reste des ornements sacrés et les sommes en caisse.


Les Vendeurs.

2Viennent ensuite les dix Vendeurs (pôlètes), désignés par le sort, un par tribu. Ils font toutes les adjudications de l’État, ils mettent en vente l’exploitation des mines et la ferme des impôts, assistés du trésorier des fonds militaires et des administrateurs du théoricon, en présence du Conseil ; ils se portent aussi garants, à l’égard de l’acquéreur que le Conseil a désigné par un vote à main levée, des mines vendues, de celles qui sont exploitables et ont été vendues pour trois ans et de celles qui sont concédées[148] et ont été vendues pour dix ans. Ils mettent en vente, en présence du Conseil, les biens de ceux qui ont été condamnés par l’Aréopage[149] et des autres condamnés ; la vente est garantie par les neuf archontes. Quant aux fermes des impôts qui sont vendues pour une année, ils inscrivent sur des tablettes blanchies le nom de l’acheteur avec le montant du prix et les remettent au Conseil.  Ils inscrivent à part, sur dix tablettes, ceux qui doivent faire des versements à chaque prytanie, — à part ceux qui doivent verser trois fois par an et font une tablette pour chaque versement, — à part ceux qui versent à la neuvième prytanie. Ils dressent la liste des terrains et maisons qui ont été revendiqués au profit de l’État et vendus par jugement[150]. Car ce sont les pôlètes qui font cette vente. Le prix des maisons est payable en cinq annuités ; celui des terrains en dix ; les versements se font à la neuvième prytanie.  L’archonte-roi apporte[151] aussi les locations des terrains sacrés après les avoir inscrites sur des tablettes blanchies. Ceux-ci également sont affermés pour dix ans et le loyer est versé à la neuvième prytanie. Aussi est-ce à cette prytanie qu’on recueille le plus d’argent.  On porte donc au Conseil les bordereaux dressés suivant les échéances ; ils sont sous la garde de l’esclave public. Lorsqu’arrive une échéance, l’esclave remet aux receveurs-généraux (apodectes) les bordereaux correspondants, en prenant sur les rayons ceux-là seulement dont le montant doit être versé dans la journée et effacé. Les autres restent à part pour qu’on ne les efface pas avant le terme.


Receveurs-généraux et auditeurs des comptes.

XLVIII. Il y a dix receveurs-généraux (apodectes) tirés au sort un par tribu. On leur remet les bord des échéances, et ils effacent, en présence du Conseil dans la salle des séances, les sommes qui sont versées, puis ils restituent les bordereaux à l’esclave public. Si quelqu’un ne fait pas le versement, il est inscrit sur le bordereau comme débiteur et il doit payer l’arriéré au double ou être mis en prison. Les lois donnent au Conseil le droit d’opérer le recouvrement et de mettre en prison.  Le premier jour, les apodectes reçoivent tous les fonds et les répartissent entre les divers magistrats. Le lendemain ils apportent la répartition inscrite sur une tablette, ils en donnent lecture article par article dans la salle des séances et demandent au Conseil, par inscription à l’ordre du jour, si quelqu’un a connaissance qu’un magistrat ou un particulier ait commis une irrégularité à l’occasion de la répartition. Si le Conseil est d’avis qu’une irrégularité a été commise, les apodectes font procéder au vote sur la condamnation.

3Sont encore tirés au sort dix auditeurs des comptes (logistes) par le Conseil dans son sein, pour recevoir à chaque prytanie les comptes des magistrats[152].  Il tire également au sort dix redresseurs (euthynes), un par tribu et deux assesseurs pour chacun des euthynes. L’euthyne est tenu de siéger avec ses assesseurs, lors des assemblées de la tribu, devant la statue du héros éponyme de sa tribu. Si quelque citoyen, dans un délai de trois jours après le compte rendu devant le tribunal, veut introduire une action civile ou criminelle en redressement de compte contre un magistrat déjà jugé, il inscrit sur une tablette blanchie son nom, le nom du défendeur, le grief allégué avec l’évaluation [de la peine ou de l’amende], et remet la tablette à l’euthyne.  Celui-ci l’examine et, s’il conclut à une condamnation, il remet la demande — quand elle touche à un intérêt privé — aux juges des dèmes chargés d’introduire [devant le tribunal] les affaires de cette tribu[153] ; quand elle touche à un intérêt public, il l’inscrit au bureau des thesmothètes[154]. Si ceux-ci jugent recevable cette action en redressement de compte, ils la portent de nouveau devant le tribunal et la décision des juges est souveraine.


Les cavaliers.

XLIX. Le Conseil s’occupe également de l’examen des chevaux. Si un cavalier qui a un bon cheval est jugé mal le nourrir, il est puni par la retenue de l’indemnité de nourriture. Les chevaux qui ne peuvent pas suivre ou qui ne veulent pas rester dans le rang par indocilité sont marqués d’une roue sur la mâchoire et la bête ainsi marquée est réformée. Le Conseil examine aussi les éclaireurs montés et décide s’ils sont bons pour ce service ; s’il prononce à main levée l’exclusion de l’un d’eux, celui-ci est mis à pied. Il examine aussi ceux qui combattent avec les cavaliers : l’exclusion entraîne la suppression de la solde.

2Quant aux cavaliers, ils sont recrutés par des officiers de recrutement, élus à main levée par l’assemblée du peuple au nombre de dix. Ceux-ci remettent la liste des recrues aux hipparques et aux phylarques qui l’apportent au Conseil[155]. Après avoir ouvert le tableau scellé dans lequel ont été consignés les noms des cavaliers [en activité], le Conseil efface ceux des cavaliers précédemment inscrits qui déclarent sous la foi du serment qu’ils n’ont plus la force de servir. Il appelle alors ceux qui viennent d’être recrutés. Si quelqu’un déclare sous la foi du serment qu’en raison de son état physique ou de sa fortune il ne peut pas servir dans la cavalerie, il est renvoyé. Pour celui qui ne s’excuse pas avec serment, les membres du Conseil décident à main levée s’il est bon ou non pour le service de cavalerie : s’ils l’acceptent, ils l’inscrivent sur le tableau ; sinon, ils le renvoient aussi.


3Autrefois le Conseil jugeait les modèles[156] et le péplos ; maintenant c’est le tribunal désigné par le sort. Il paraît que le Conseil se laissait guider par la faveur dans son jugement. Il s’occupe encore, de concert avec le trésorier des fonds militaires, de la fabrication des Victoires[157] et des prix décernés aux Panathénées.

4Le Conseil passe encore l’examen des infirmes. Il existe en effet une loi ordonnant que ceux qui possèdent moins de trois mines et dont le corps est mutilé au point de ne leur permettre aucun travail soient examinés par le Conseil et qu’il soit alloué à chacun, aux frais de l’État, deux oboles par jour pour sa nourriture. Il y a un trésorier des infirmes désigné par le sort.

5D’une manière générale, le Conseil collabore aussi avec les autres magistrats dans la plus grande partie de leurs fonctions.


Commissaires de police. Inspecteurs des marchés, des mesures, etc.

L. Telles sont les fonctions administratives du Conseil. Le sort désigne également : dix commissaires pour l’entretien des temples ; ils reçoivent des apodectes trente mines pour faire les réparations les plus urgentes ;  dix commissaires de police (astynomes), dont cinq exercent leur charge au Pirée, cinq à la ville. Ils veillent à ce que les joueuses de flûte, de lyre et de cithare ne soient pas louées plus de deux drachmes[158], et, si plusieurs personnes se disputent la même femme, ils tirent au sort pour décider et la louent à celui que le sort a désigné. Ils veillent aussi à ce que les boueurs ne déchargent pas leurs ordures à moins de dix stades de l’enceinte. Ils empêchent d’empiéter par des constructions sur la voie publique, d’élever des balcons en saillie sur la rue, de placer sur le haut des maisons des chéneaux avec écoulement sur la voie publique, d’avoir des fenêtres ouvrant sur la rue. Ils font enlever les corps de ceux qui meurent dans la rue par des esclaves publics qui sont à leur service[159].


LI. Sont également désignés par le sort : dix inspecteurs des marchés (agoranomes), cinq pour le Pirée et cinq pour la ville. Les lois leur prescrivent de veiller à ce que tout ce qui est mis en vente soit sans mélange et sans falsification.

2Dix inspecteurs des mesures (métronomes), cinq pour la ville et cinq pour le Pirée. Ils inspectent tous les poids et mesures afin que les vendeurs en emploient qui soient justes.

3Il y avait aussi dix commissaires du commerce des grains (sitophylakes), désignés par le sort, cinq pour le Pirée et cinq pour la ville ; il y a en aujourd’hui vingt pour la ville et quinze pour le Pirée. Ils veillent d’abord à ce que les grains se vendent au juste prix, ensuite à ce que les meuniers vendent la farine en proportion du prix de l’orge et les boulangers les pains en proportion du prix du blé et que ces pains aient le poids qu’ils auront fixé ; car la loi prescrit aussi à ces commissaires de fixer le poids.

4Sont également tirés au sort dix inspecteurs du port marchand. Il leur est enjoint de surveiller les marchés et d’exiger que les commerçants portent à Athènes les deux tiers de tout chargement de blé qui entre dans le marché aux grains.


Les Onze et les Introducteurs.

LII. On désigne aussi par le sort les Onze, qui ont à s’occuper de ceux qui sont dans la prison. Les voleurs, les voleurs d’hommes libres[160], les voleurs d’effets, arrêtés en flagrant délit, sont mis à mort par les soins des Onze, s’ils avouent. Si le prévenu conteste, les Onze introduisent l’affaire devant le tribunal ; acquitté, ils le remettent en liberté ; condamné, ils le font exécuter. Ils sont chargés d’introduire devant le tribunal les actions relatives aux terrains et maisons signalés avec état à l’appui comme appartenant à l’État, et remettent aux pôlètes les biens que le tribunal a jugé appartenir à l’État[161]. Ils introduisent aussi les poursuites engagées par voie de délation ; ils en sont en effet chargés. Toutefois quelques-unes d’entre elles sont engagées par les thesmothètes.

2On désigne aussi par le sort les Introducteurs au nombre de cinq, chargés d’introduire les affaires qui doivent être jugées dans le délai d’un mois, chacun pour deux tribus. Les affaires à juger dans le délai d’un mois sont : l’action en paiement de dot ; l’action en paiement des intérêts d’un prêt consenti à une drachme[162] ; l’action en restitution d’un capital emprunté pour faire des affaires sur l’agora, et aussi l’action pour voies de fait ; les actions entre participants à un prêt d’amitié (éranistes), entre associés ; les actions relatives aux ventes d’esclaves, de bêtes de somme ; les actions ayant pour cause le service de la triérarchie et les affaires de banque.

3Toutes ces actions sont de la compétence des Introducteurs et jugées dans le mois. Sont également jugées dans le délai d’un mois les actions pour ou contre les fermiers d’impôts[163] : les apodectes les jugent souverainement jusqu’à concurrence de dix drachmes ; au-dessus, ils introduisent l’affaire devant le tribunal.


Les Quarante et les arbitres.

LIII. Sont aussi tirés au sort les Quarante — à raison de quatre par tribu —, à qui ressortissent les autres actions civiles. Autrefois ils étaient au nombre de trente et allaient de dème en dème pour juger les procès[164], mais après l’oligarchie des Trente leur nombre fut porté à quarante.  Ils jugent souverainement jusqu’à dix drachmes ; pour les affaires évaluées au-dessus de ce chiffre, ils les remettent aux arbitres publics (diétèles). Ceux-ci, une fois saisis, rendent une décision dans le cas où ils ne réussissent pas à concilier les parties. Si les deux plaideurs l’acceptent et s’y tiennent, le procès est terminé. Mais si l’un des deux adversaires fait appel au tribunal, l’arbitre met dans deux boîtes séparées — l’une au nom du demandeur, l’autre au nom du défendeur — les témoignages, sommations et textes de loi invoqués par l’un et par l’autre ; il y appose son cachet, y attache la sentence arbitrale transcrite sur une tablette et remet le tout aux quatre juges de la tribu du défendeur[165].  Ceux-ci, après avoir reçu le dossier, introduisent l’affaire devant un tribunal composé de deux cent un membres, si la demande est au-dessous de mille drachmes, et de quatre cent un, si elle est au-dessus. Il n’est pas permis aux parties d’invoquer aucun autre texte de loi, sommation ou témoignage que ceux qui viennent de l’arbitre et qui ont été mis dans les boîtes.  Sont arbitres publics les citoyens qui ont atteint leur soixantième année. On constate leur âge d’après les archontes et les éponymes. Il y a en effet [deux sortes d’éponymes] : les dix héros éponymes des tribus et les quarante-deux éponymes des classes. Primitivement ceux qu’on inscrivait comme éphèbes étaient inscrits sur des tablettes blanchies, et en tête on marquait le nom de l’archonte en charge dans l’année de leur inscription et le nom de l’éponyme qui avait été en tête de la liste des arbitres de l’année précédente. Maintenant la liste des éphèbes est gravée sur une stèle de bronze qu’on dresse devant le palais du Conseil, près des [dix] éponymes.  Les Quarante prennent la dernière des stèles éponymiques, partagent les arbitrages entre les citoyens qui y sont inscrits et répartissent par le sort les affaires que chacun doit arbitrer. Chacun est tenu de terminer par une sentence celles que le sort lui a assignées. La loi porte en effet que tout citoyen qui, ayant atteint l’âge requis, ne remplirait pas les fonctions d’arbitre, sera frappé d’atimie, à moins qu’il ne se trouve cette année-là chargé de quelque magistrature ou hors du pays. Ce sont là les seules causes de dispense.  Si quelqu’un prétend avoir été lésé par l’arbitre, il peut le poursuivre par voie de dénonciation devant le corps des arbitres et, si ceux-ci le condamnent, l’arbitre est frappé d’atimie[166]. Mais lui aussi peut faire appel de ce jugement.  On emploie encore les éponymes pour le service militaire. Lorsqu’on envoie en campagne des hommes en âge de servir, on affiche à partir de quel archonte et quel éponyme jusqu’à quel archonte et quel éponyme les hommes sont tenus de partir.


Les auditeurs des comptes et les substituts.

LIV. On a encore recours au sort pour les charges suivantes : cinq agents-voyers auxquels il est prescrit d’entretenir les routes et qui emploient des esclaves publics comme ouvriers ;  dix auditeurs des comptes (logistes) et dix substituts (synégores) qui les assistent. Tous ceux qui ont exercé une charge sont tenus de porter leurs comptes devant eux ; car seuls ils ont qualité pour examiner les livres des comptables et pour porter les comptes de leur gestion devant le tribunal. Si les logistes établissent un détournement de fonds, les juges condamnent le délinquant pour vol, et le montant du détournement est payé au décuple. Si les logistes révèlent quelque fait de corruption et que les juges condamnent, ceux-ci fixent la somme reçue qui est également payée au décuple. Si les juges condamnent pour malversation, ils évaluent la faute, et la somme n’est payée qu’au simple, si le paiement est effectué avant la neuvième prytanie ; sinon, au double. Le décuple n’est jamais doublé.


Les secrétaires.

3Le sort désigne aussi le secrétaire qui est appelé secrétaire de la prytanie. Il est le maître des écritures publiques ; il a la garde des décrets qui sont rendus ; il prend copie de tous les autres documents ; il assiste aux séances du Conseil. Autrefois cette fonction était élective, et le vote à main levée y portait les citoyens les plus illustres et les plus dignes de la confiance du peuple ; en effet on inscrit son nom sur les stèles qui portent les traités d’alliance et sur les décrets qui confèrent la proxénie ou le droit de cité. Il est maintenant désigné par le sort.  On tire au sort un second secrétaire, le secrétaire des lois, qui assiste également aux séances du Conseil et prend copie de toutes les lois.  Un autre secrétaire est élu par le peuple. Il doit donner lecture des actes à l’assemblée et au Conseil ; ses attributions se bornent uniquement à cette lecture.


Commissaires pour les sacrifices.

6On tire au sort les dix commissaires pour les sacrifices (hiéropes), que l’on appelle les hiéropes des sacrifices expiatoires. Ils offrent les sacrifices prescrits par les oracles et, si pour quelque entreprise il est nécessaire d’obtenir des présages favorables, ils sacrifient avec l’assistance des devins.  On tire aussi au sort dix autres hiéropes que l’on appelle hiéropes annuels. Ils offrent certains sacrifices et dirigent toutes les fêtes qui se célèbrent tous les quatre ans, excepté les Panathénées[167]. Ces fêtes sont : 1o celle de Délos — il se célèbre aussi à Délos une fête qui a lieu tous les six ans — ; 2o les Brauronies ; 3o la fête d’Héraclès ; 4o les Éleusinies ; 5o les Panathénées. Aucune de ces fêtes ne tombe dans le même… Actuellement on en a ajouté une, les Héphaisties, sous l’archontat de 329/8 Képhisophon.

8Sont encore tirés au sort l’archonte envoyé à Salamine et le démarque du Pirée, qui, dans les deux endroits, célèbrent les Dionysies et désignent les chorèges. À Salamine le nom de l’archonte est inscrit dans les actes publics.


Les neuf archontes. Examen.

LV. Les magistrats dont il vient d’être parlé sont désignés par le sort et toutes leurs attributions ont été exposées. Pour ceux qu’on appelle les neuf archontes, il a été dit de quelle manière ils étaient désignés à l’origine[168]. Aujourd’hui on tire au sort les six thesmothètes et leur secrétaire, et aussi l’archonte, le roi, le polémarque, un dans chaque tribu, à tour de rôle.  Ces magistrats sont soumis à un examen, d’abord dans le Conseil des cinq cents, excepté le secrétaire : celui-ci est examiné seulement devant le tribunal, comme les autres magistrats ; car tous les magistrats, soit désignés par le sort, soit élus, n’entrent en charge qu’après avoir été soumis à un examen. Pour les neuf archontes, ils subissent un premier examen dans le Conseil, un second devant le tribunal. Autrefois aucun d’eux ne pouvait entrer en charge si le Conseil l’avait rejeté ; aujourd’hui on peut faire appel au tribunal, et c’est celui-ci qui décide souverainement en matière d’examen.  Dans l’examen, on pose d’abord cette question : « Quel est ton père et de quel dème ? Quel est le père de ton père ? Quelle est ta mère ? Quel est le père de ta mère et de quel dème ? » On lui demande après cela s’il participe à un culte d’Apollon Patrôos et de Zeus Herkeios et où sont ces sanctuaires ; puis s’il possède des tombeaux de famille et où ils sont ; ensuite s’il se comporte bien envers ses parents ; s’il paye ses contributions[169]  ; s’il a fait les campagnes militaires. Après avoir posé ces questions, [le président] poursuit : « Produis tes témoins à l’appui ».  Quand les témoins ont été produits, le président demande : « Y a-t-il quelqu’un qui veuille accuser cet homme ? » S’il se présente un accusateur, le président donne la parole à l’accusation et à la défense, et ensuite fait procéder à un vote, à mains levées dans le Conseil, au scrutin dans le tribunal. S’il ne se présente aucun accusateur, il fait aussitôt voter. Autrefois [dans ce cas] un seul juge déposait son bulletin ; aujourd’hui il faut que tous les juges se prononcent par leur vote sur le compte des archontes, afin que, si un candidat malhonnête a écarté les accusateurs, il soit au pouvoir des juges de l’exclure.  Après avoir été admis de cette façon à l’examen, les archontes se rendent à la pierre sur laquelle on place les parts découpées des victimes et sur laquelle aussi prêtent serment les arbitres avant de prononcer leur sentence et les témoins qui présentent une excuse. Les archontes montent sur la pierre et jurent de remplir leur charge en toute justice et conformément aux lois, de ne pas recevoir de présents à raison de J’exercice de leurs fonctions ou, s’ils en reçoivent, de consacrer une statue d’or. De là, quand la prestation a pris fin, ils se rendent à l’Acropole où ils prêtent une seconde fois serment dans les mêmes termes ; après quoi ils entrent en fonctions.


LVI. L’archonte, le roi et le polémarque prennent chacun deux assesseurs (parèdres) qu’ils choisissent ; ceux-ci sont examinés devant le tribunal avant d’entrer en fonctions et ils rendent leurs comptes à leur sortie de charge.

L’archonte.

2L’archonte aussitôt installé commence par faire proclamer par le héraut que chacun restera, jusqu’à la fin de sa magistrature, possesseur et maître des biens qu’il possédait avant son entrée en charge.  Puis il institue les chorèges pour le concours de tragédie, au nombre de trois qu’il prend parmi tous les Athéniens et les plus riches[170]. Autrefois il désignait aussi cinq chorèges pour le concours de comédie : maintenant ce sont les tribus qui les présentent pour ce concours. Il reçoit ensuite les chorèges présentés par les tribus : à savoir pour les chœurs d’hommes, les chœurs d’enfants et pour les chœurs des comédies aux Dionysies, — pour les chœurs d’hommes et les chœurs d’enfants aux Thargélies. Pour les Dionysies il y en a un par tribu ; aux Thargélies un pour deux tribus : chacune des deux à son tour fournit le chorège. Il procède alors, à la demande des chorèges, aux échanges de fortunes (antidoses) et porte [au tribunal] les motifs de dispense légale ; par exemple, si l’un d’eux déclare soit avoir déjà rempli ce service public (liturgie), soit en être exempt pour avoir rempli une autre liturgie et se trouver encore dans les délais de l’exemption, soit n’avoir pas atteint l’âge requis. Il faut en effet que tout chorège d’un chœur d’enfants ait quarante ans accomplis. L’archonte désigne aussi les chorèges pour Délos et le chef de la théorie pour le vaisseau à trente rameurs qui y conduit les jeunes gens.  Les processions qu’organise l’archonte sont : celle qui a lieu en l’honneur d’Asclépios, le jour où les initiés (mystes) gardent la maison[171] ; — celle des grandes Dionysies qu’il organise de concert avec les commissaires (épimélètes). Ceux-ci étaient autrefois élus par le peuple au nombre de dix et ils supportaient toutes les dépenses faites pour la procession ; maintenant ils sont tirés au sort, un par tribu, et le peuple leur donne cent mines pour tous les frais.  Il organise encore la procession des Thargélies et la procession en l’honneur de Zeus Sôter. Il dirige également le concours des Dionysies et celui des Thargélies. Telles sont les fêtes dont s’occupe l’archonte.

6Les actions publiques et privées que donne l’archonte dans l’ordre fixé par le sort et qu’il instruit avant de les introduire au tribunal[172] sont les suivantes : mauvais traitements envers les parents ; tout citoyen qui le veut peut poursuivre sans s’exposer à aucune amende — ; mauvais traitements envers les orphelins ; l’action est donnée contre les tuteurs — ; mauvais traitements envers une fille héritière (épiclère) ; l’action est donnée contre les tuteurs et contre le mari — ; mauvaise gestion des biens d’un orphelin, donnée aussi contre les tuteurs — ; démence, si l’on accuse quelqu’un de dissiper son patrimoine par démence — ; l’action en désignation de répartiteurs, si quelqu’un s’oppose au partage de biens communs — ; en dation de tuteurs — ; en attribution de tutelle[173] — ; en exhibition de biens — ; pour se faire inscrire comme tuteur — ; demandes d’envoi en possession d’une succession ou d’une épiclère.  L’archonte prend soin des orphelins, des épiclères et des femmes qui après la mort de leur mari prétendent qu’elles sont enceintes. Si quelqu’un leur fait tort, l’archonte peut lui infliger une amende ou le traduire devant le tribunal. L’archonte est aussi chargé d’affermer les biens des mineurs et des épiclères, les biens des épiclères jusqu’à ce qu’elles atteignent leur quatorzième année[174]. Il prend hypothèque sur les biens des fermiers. Si les tuteurs ne fournissent pas les aliments à leurs pupilles, l’archonte les contraint à payer le nécessaire.


Le roi.

LVII. Telles sont les attributions de l’archonte. Le roi, tout d’abord, veille à la célébration des Mystères, de concert avec les [quatre] épimélètes élus par le peuple : deux choisis parmi tous les Athéniens, un dans la famille des Eumolpides, un dans celle des Kéryces ; ensuite des Dionysies du Lénæon, qui comprennent une procession et un concours. Le roi et les épimélètes règlent en commun la procession ; le roi organise seul le concours. Il organise aussi toutes les courses aux flambeaux. C’est lui encore qui, pour ainsi dire, a la direction de tous les sacrifices dont l’institution remonte aux ancêtres.

2Le roi donne, en se réglant sur le sort, les actions publiques d’impiété et les actions en revendication de sacerdoce. C’est lui qui est juge dans toutes les contestations entre familles ou entre prêtres au sujet de leurs privilèges[175]. C’est à lui aussi que ressortissent toutes les actions de meurtre, et c’est lui qui proclame l’interdit religieux contre ceux qui sont sous le coup de ces accusations.  Les actions de meurtre et de blessure, si meurtre et blessure ont été prémédités, sont portées devant l’Aréopage, ainsi que les accusations pour incendie et pour empoisonnement, si le poison a causé la mort. Ce sont les seules affaires que juge ce Conseil. Pour le meurtre involontaire, la tentative de meurtre, l’homicide d’un esclave, d’un métèque ou d’un étranger, c’est le tribunal du Palladion. Si l’accusé avoue l’homicide, mais soutient qu’il a agi légitimement, par exemple s’il a surpris sa victime en flagrant délit d’adultère ou s’il a tué à la guerre par erreur ou dans les jeux en luttant, l’affaire est jugée dans le Delphinion. Quand un homme déjà exilé pour un meurtre pouvant donner lieu à composition est accusé d’un nouveau fait de meurtre ou de blessure, l’affaire est jugée dans l’enceinte de Phréatos.  L’accusé présente sa défense du haut d’un navire qui a mouillé près du rivage. Tous ces procès de meurtre, à l’exception de ceux qui sont portés devant l’Aréopage, sont jugés par des … désignés par le sort ; ils sont introduits par le roi, et le jugement a lieu dans l’enceinte d’un temple et en plein air. Quand le roi juge, il enlève sa couronne. L’accusé jusqu’au jour du jugement est exclu des lieux sacrés, et la loi ne lui permet même pas d’entrer dans l’agora : ce jour-là il pénètre dans l’enceinte du temple pour présenter sa défense. Lorsque l’accusateur ne connaît pas celui qui a commis le meurtre, l’action est donnée contre l’auteur, quel qu’il soit, du crime. Le roi juge encore, de concert avec les rois des tribus[176], les accusations de meurtre contre les objets inanimés et les animaux.


Le polémarque.

LVIII. Le polémarque est chargé des sacrifices à Artémis chasseresse et à Ényalios. Il organise les jeux funéraires, et il offre les sacrifices funéraires en l’honneur de ceux qui sont morts à la guerre, en l’honneur aussi d’Harmodios et d’Aristogiton.  Sa compétence embrasse toutes les actions privées qui concernent les étrangers domiciliés (métèques), les étrangers assimilés (isotèles)[177] et les proxènes. Il est tenu de les recevoir et de les répartir en dix lots qu’il assigne par la voie du sort aux dix tribus ; les juges de chaque tribu sont tenus de les remettre aux diétètes.  Le polémarque introduit personnellement les actions contre l’affranchi qui abandonne son patron, contre le métèque qui n’a pas de patron, ainsi que les affaires de succession et de filles épiclères quand il s’agit de métèques. En un mot il a pour les métèques même compétence que l’archonte pour les citoyens.


Les thesmotètes.

LIX. Les thesmothètes ont seuls qualité d’abord pour fixer et afficher les jours où les tribunaux doivent juger, puis pour les assigner aux magistrats. Car ceux-ci doivent les accepter comme les thesmothètes les leur auront donnés.  Ce sont encore eux qui introduisent devant le tribunal les accusations de haute trahison que l’on porte devant l’assemblée, les condamnations [prononcées par l’assemblée] ainsi que toutes les plaintes préjudicielles, et les actions publiques d’illégalité, les actions contre l’auteur d’une loi préjudiciable, les actions contre les proèdres et contre l’épistate, les actions en reddition de comptes contre les stratèges.  On porte aussi devant eux des actions publiques pour lesquelles il y a consignation : usurpation du droit de cité, et corruption, si quelqu’un par des dons a échappé à la dite accusation ; — sycophantie ; — vénalité ; — mauvaise foi dans l’inscription des débiteurs publics, dans l’assignation, dans la non-radiation d’un débiteur qui a payé ; — non-inscription d’un débiteur qui n’a pas payé ; — adultère.  Ils font en outre procéder devant le tribunal à l’examen préalable pour toutes les magistratures ; ils introduisent les appels de ceux que les démotes ont exclus par leur vote et les condamnations émanant du Conseil.  Ils introduisent également des actions civiles, à savoir celles qui concernent le grand commerce et les mines, et contre les esclaves qui insultent un homme libre. Ils assignent par la voie du sort aux magistrats les tribunaux tant civils que criminels.  Ils font ratifier les conventions conclues avec les autres cités et introduisent les procès à juger en exécution de ces conventions, ainsi que les actions de faux témoignage devant l’Aréopage.

7Pour le tirage au sort des juges, ce sont tous les neuf archontes, auxquels est adjoint comme dixième le secrétaire des thesmothètes, qui y font procéder, chacun dans sa tribu.


Les maîtres des jeux.

LX. Voilà ce qui concerne les neuf archontes. On désigne aussi par le sort les maîtres des jeux (athlothètes) au nombre de dix, un par tribu. Après avoir subi l’examen, ils restent quatre ans en fonctions. Ils organisent la procession des Panathénées, le concours de musique, le concours gymnique et la course de chevaux ; ils veillent à la confection du péplos et, de concert avec le Conseil, à la fabrication des amphores ; enfin ils remettent l’huile aux athlètes [vainqueurs].  L’huile provient de la récolte des oliviers sacrés. L’archonte la prélève sur les propriétaires des terrains où se trouvent ces arbres, à raison de une cotyle et demie par pied[178]. Autrefois la cité affermait la récolte, et quiconque déracinait ou abattait un olivier sacré était jugé par le Conseil de l’Aréopage et, en cas de condamnation, puni de mort. Depuis que l’huile est due par le propriétaire du terrain, le jugement n’a plus lieu bien que la loi subsiste. Car le droit de la cité s’exerce sur le terrain et non sur les pieds[179].  Quand l’archonte a recueilli l’huile produite en l’année de sa charge[180], il la remet sur l’Acropole aux trésoriers [d’Athéna], et il ne lui est pas permis d’aller siéger à l’Aréopage avant d’avoir livré le tout aux trésoriers. Ceux-ci la gardent à l’Acropole jusqu’à la fête des Panathénées où ils en donnent livraison aux athlothètes, et les athlothètes la distribuent aux vainqueurs du concours. Les prix sont : pour les vainqueurs du concours musical une somme d’argent et des objets d’or ; des boucliers pour le concours d’aptitudes physiques[181] ; de l’huile pour le concours gymnique et pour la course de chevaux.


Fonctions données à l’élection.
Stratèges, etc.

LXI. Toutes les fonctions militaires sont données à l’élection à main levée : d’abord dix stratèges. Autrefois on en prenait un par tribu ; aujourd’hui on les prend parmi tous les Athéniens. Le peuple leur assigne par son vote leurs attributions : l’un, le stratège des hoplites, a le commandement des hoplites quand ils font campagne hors du territoire ; — un autre, le stratège du territoire, est chargé de le garder et, si la guerre a lieu en Attique, c’est lui qui la conduit ; — deux pour le Pirée, un pour Munichie, l’autre pour l’Acté, veillent à la garde des arsenaux du Pirée[182] ; — un autre, le stratège des symmories, dresse le rôle des citoyens tenus d’équiper une trière (triérarques), procède, sur leur demande, aux échanges de fortunes et introduit devant le tribunal les contestations qui les concernent ; — les autres stratèges sont détachés au dehors suivant les besoins du moment.  À chaque prytanie il y a un vote à main levée pour confirmer les stratèges dans leur charge, si l’on estime qu’ils s’en acquittent bien[183]. Celui à qui elle est enlevée par un vote est jugé par le tribunal qui, en cas de condamnation, fixe la peine ou l’amende ; s’il est acquitté, il reprend ses fonctions. Quand ils exercent un commandement, les stratèges ont le droit d’emprisonner tout homme qui manque à la discipline, de le chasser de l’armée et de lui infliger une amende ; mais ils n’usent guère de l’amende.

3Sont également élus : dix chefs de bataillon (taxiarques), un de chaque tribu. Ils commandent aux hommes de leur tribu et nomment les capitaines.

4Deux colonels de cavalerie (hipparques), pris parmi tous les Athéniens. Ils ont le commandement de la cavalerie, prenant l’un et l’autre en partage cinq tribus. Ils ont sur les cavaliers les mêmes droits que les stratèges sur les hoplites, et ils sont également soumis à un vote de confirmation.

5Dix chefs d’escadron de tribu (phylarques), un de chaque tribu. Ils commandent aux cavaliers de leur tribu comme les taxiarques aux hoplites.

6L’hipparque de Lemnos qui a charge des cavaliers en garnison dans l’île.

7Sont encore élus à main levée : un trésorier de la galère paralienne et, en outre, un trésorier de la galère d’Ammon.


LXII. Pour les fonctions désignées par le sort, on distinguait autrefois celles qui en même temps que les neuf archontes étaient tirées dans l’ensemble de la tribu, et celles qui, tirées au Théseion, étaient réparties entre les dèmes. Mais, les dèmes s’étant mis à vendre ces charges, on les tire au sort, elles aussi, dans l’ensemble de la tribu, à l’exception des membres du Conseil et des gardes[184], dont la désignation a été laissée aux dèmes.

Salaires.

2Les salaires sont les suivants : d’abord à l’assemblée du peuple, pour les séances ordinaires une drachme ; pour la séance principale neuf oboles[185] ; — aux tribunaux, trois oboles[186] ; — au Conseil, cinq oboles. Les prytanes reçoivent en plus une obole pour frais de nourriture. — Les neuf archontes reçoivent chacun quatre oboles pour frais de nourriture, et se chargent de nourrir leur héraut et leur joueur de flûte. — L’archonte de Salamine reçoit une drachme par jour. — Les maîtres des jeux prennent leurs repas au prytanée pendant le mois d’Hécatombéon où tombent les Panathénées, à partir du 4. — Les amphictyons envoyés à Délos touchent une drachme par jour sur les fonds de Délos. — Tous les magistrats envoyés à Samos, Skyros, Lemnos ou Imbros reçoivent une indemnité en argent pour frais de nourriture.

3On peut remplir plusieurs fois les fonctions militaires, mais aucune des autres magistratures ; on peut cependant faire deux fois partie du Conseil.


Les tribunaux.
Juges et tirages au sort.

LXIII. Les juges des tribunaux sont tirés au sort par les neuf archontes par tribus ; le secrétaire des thesmothètes tire au sort ceux de la dixième tribu[187].  Il y a dix entrées aux tribunaux, une pour chaque tribu ; — vingt salles pour le tirage au sort, deux pour chaque tribu ; — cent boîtes, dix pour chaque tribu ; — [dix] autres boîtes où l’on met les tablettes de ceux qui ont été désignés par le sort pour être juges[188] ; — deux vases [par tribu]. À chaque entrée on place autant de bâtons qu’il y a de juges [de la tribu], et dans l’un des vases on met autant de glands qu’il y a de bâtons. Sur ces glands sont inscrites des lettres de l’alphabet, à partir de la onzième, le Λ ; on emploie autant de lettres qu’il y a de tribunaux à garnir.  Peuvent être juges tous les citoyens âgés de plus de trente ans, à condition de n’être pas débiteurs du trésor public ou privés de leurs droits civiques. Celui qui siège sans en avoir le droit est poursuivi par voie de délation et traduit devant le tribunal ; s’il est reconnu coupable, les juges ont à fixer en outre la peine ou l’amende qui sont laissées à leur appréciation. En cas de condamnation pécuniaire, il doit être maintenu en prison jusqu’à ce qu’il ait acquitté la dette antérieure, qui a motivé la délation, et l’amende ajoutée par le tribunal.  Chaque juge a sa tablette en buis. Elle porte son nom et celui de son père, le nom de son dème et une des [dix premières] lettres de l’alphabet jusqu’à Κ ; en effet dans chaque tribu les juges sont répartis en dix sections, de telle façon qu’ils soient en nombre à peu près égal dans la lettre qui désigne chaque section.  Quand le thesmothète a tiré au sort les lettres qui doivent être apposées sur les tribunaux[189], l’appariteur les prend et va placer sur chaque tribunal la lettre que le sort lui a assignée.


LXIV. Les dix boîtes dont il a été parlé sont placées dans l’avant-cour de l’entrée réservée à chaque tribu : elles sont marquées des caractères de l’alphabet jusqu’au Κ. Quand les juges ont déposé leur tablette dans la boîte portant la même lettre, prise dans les caractères de l’alphabet, qui figure sur la dite tablette, l’appariteur secoue les boîtes et de chacune d’elles le thesmothète tire une tablette.  Le {premier] tiré est appelé l’afficheur. Il est chargé d’afficher les tablettes, à mesure qu’elles sortent de la boîte, sur le tableau à rainures qui porte la même lettre que la boîte. On le désigne par le sort, afin que ce ne soit pas toujours le même qui affiche et pour qu’il ne puisse commettre de fraude. Il y a cinq tableaux dans chaque salle.  Quand il a mis les cubes [en nombre voulu dans l’urne], l’archonte procède au tirage au sort [des juges] de la tribu salle par salle[190]. Les cubes sont en bronze : il y en a de noirs et de blancs. Autant il faut désigner de juges, autant on met de cubes blancs ; [toutefois] un seul cube compte pour cinq tablettes et la proportion est la même pour les cubes noirs[191]. Quand [l’archonte] a extrait les cubes [en nombre voulu], le héraut procède à l’appel des juges que le sort a désignés. L’afficheur en fait aussi partie.  Aussitôt qu’il a répondu à l’appel de son nom, le juge tire un gland de l’[autre] urne. Il le tend alors, tenant en l’air la lettre, pour le montrer d’abord à l’archonte qui préside. L’archonte, après avoir vu la lettre, met la tablette du juge dans la boîte qui porte la même lettre que le gland, afin qu’il se rende au tribunal qui lui a été assigné par le sort et non à celui qu’il voudrait, et aussi afin qu’on ne forme pas un tribunal avec les juges que l’on voudrait.  Auprès de l’archonte sont placées autant de boîtes qu’il y a de tribunaux à constituer ; elles portent chacune une lettre qui est celle que le sort a assignée à chacun des tribunaux.


LXV. Le juge montre encore son gland à l’appariteur avant de franchir la grille [du tribunal][192]. L’appariteur lui remet un bâton de la couleur du tribunal qui porte la même lettre que son gland, afin qu’il soit forcé d’entrer dans le tribunal qui lui a été assigné par le sort ; s’il entre dans un autre, la couleur de son bâton dénonce la fraude.  Les tribunaux ont en effet chacun le linteau de leur porte peint d’une couleur particulière. Muni de son bâton, le juge se rend au tribunal qui a même couleur que son bâton et même lettre que son gland. Quand il y est entré, il reçoit un jeton frappé par l’État des mains de celui que le sort a désigné pour cette fonction.  Après avoir rempli ces formalités, les juges, gardant leur gland et leur bâton, prennent place dans le tribunal et s’installent. [Cependant][193] les afficheurs restituent leurs tablettes à ceux que le sort a écartés,  et les esclaves publics qui font fonction d’appariteurs [apportent] de chaque tribu pour en faire livraison les boîtes — une pour chaque tribunal — qui renferment les noms des membres de la tribu siégeant dans chaque tribunal. Ils les remettent aux juges désignés par le sort pour rendre leurs tablettes à leurs collègues. Ces juges sont au nombre [de cinq] par tribunal, et les tablettes leur permettront de faire l’appel pour le paiement du salaire[194].


Désignation des présidents, des surveillants.

LXVI. Quand tous les tribunaux sont constitués, on dépose dans le premier tribunal deux urnes et des cubes en bronze [de deux sortes] : les uns, peints aux couleurs des tribunaux, les autres portant inscrits les noms des magistrats [présidents]. Deux des thesmothètes désignés par le sort mettent, en les séparant les uns des autres, l’un les cubes peints dans la première urne, l’autre les noms des magistrats dans la seconde. Le premier nom de magistrat tiré de l’urne est proclamé par le héraut qui annonce qu’il aura à sa disposition le premier tribunal désigné par le sort ; le second aura le second, et ainsi de suite pour les autres, afin qu’aucun magistrat ne sache d’avance quel sera son tribunal, mais qu’il n’ait que celui qui lui aura été attribué par le sort.  Quand les juges sont arrivés et qu’ils ont été répartis dans chacun des tribunaux, le magistrat qui a la présidence du tribunal tire une tablette de chaque boîte, de manière à avoir dix noms, un par tribu[195]. Il met ces tablettes dans une autre boîte vide et les cinq premiers noms qu’il tire se trouvent affectés par le sort : le premier à la surveillance de l’eau[196], les quatre autres à la surveillance des bulletins de vote, pour empêcher que nul ne cherche à suborner le surveillant de l’eau ni ceux des bulletins, et qu’aucune fraude ne soit commise dans les opérations.  Les cinq juges dont le nom n’est pas sorti reçoivent des présidents[197] le tableau de service relatif au paiement du salaire et à l’endroit où les tribus le toucheront, dans le tribunal même, quand le jugement aura été rendu. On veut que les juges, une fois séparés, le reçoivent par petits groupes, au lieu de se presser en grand nombre dans le même endroit et de se gêner les uns les autres.


L’audience.
Plaidoiries.

LXVII. Quand ces dispositions ont été prises, on appelle les causes : si c’est jour où l’on juge les affaires privées, causes privées au nombre de quatre, de celles qu’admet la loi, et les parties s’engagent toutes deux par serment à parler seulement sur l’affaire ; si c’est jour d’affaires publiques, actions publiques, et l’on n’en juge qu’une.  Il y a [au tribunal] des clepsydres munies de tuyaux pour l’écoulement. On y verse l’eau dont la mesure détermine la durée des plaidoiries. Sont accordés dix conges aux affaires au-dessus de cinq mille drachmes, et trois pour la réplique[198] ; — sept conges pour moins de cinq mille drachmes, et deux pour la réplique ; — cinq conges pour moins de mille drachmes, et deux pour la réplique ; — six conges dans les contestations entre compétiteurs ; dans ces procès il n’y a jamais de réplique.  Le juge qui est préposé à l’eau ferme le tuyau, chaque fois que le greffier va donner lecture d’une loi ou d’un témoignage ou de quelque pièce de ce genre. S’il s’agit d’un procès qui dure toute une journée divisée en plusieurs parties, il ne ferme pas le tuyau ; mais la même quantité d’eau est attribuée à l’accusation et à la défense[199].

4La mesure du jour est calculée d’après les jours du mois de Posidéon[200].

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5…Le jour est divisé [en trois parties]… tous les procès pouvant entraîner la prison, la mort, l’exil, la privation des droits civiques ou la confiscation des biens…


L’audience.
Vote.

LXVIII. [La plupart] des tribunaux comptent 501 juges… Pour les actions publiques…, qui doivent être portées devant 1 000 juges, on réunit deux tribunaux à l’Héliée ; pour… qui doivent être portées devant 1 500 juges, on réunit trois tribunaux.  Les bulletins de vote sont en bronze, munis d’une petite tige au milieu ; il y en a la moitié de percés et la moitié de pleins[201]. Quand les plaidoiries ont été prononcées, ceux qui ont été préposés par le sort aux bulletins en remettent deux à chacun des juges — un percé et un plein — ostensiblement, au vu des parties, afin que nul ne reçoive ni deux bulletins pleins, ni deux percés. Puis celui que le sort a préposé à cet office reprend les jetons ; en échange, au moment du vote, chaque juge reçoit un jeton de bronze marqué d’un Γ, qu’il rendra pour toucher les trois oboles[202]. On veut que tous prennent part au vote : nul ne peut en effet recevoir ce jeton qu’à la condition de voter.  Deux amphores ont été placées dans le tribunal, l’une en bronze, l’autre en bois, que l’on peut séparer l’une de l’autre pour qu’on ne puisse pas y introduire de bulletins en fraude sans être vu. C’est dans ces amphores que votent les juges : celle de bronze est celle qui décide ; celle de bois ne compte pas. L’amphore de bronze porte un couvercle dont la fente ne laisse passer qu’un bulletin, pour que le même juge ne puisse pas en mettre deux.  Au moment où il va être procédé au vote, le héraut fait une première proclamation, demandant si les parties se proposent d’attaquer les témoignages ; elles ne sont plus reçues à le faire quand le vote a commencé. Puis, reprenant la parole, il fait une seconde proclamation : « le bulletin percé est pour la partie qui a plaidé la première ; le bulletin plein pour celle qui a plaidé la seconde ». Le juge prenant en même temps ses deux bulletins par la tige et appuyant ses doigts sur [les deux extrémités de] la tige, sans laisser voir aux plaideurs ni la partie creuse ni la partie pleine, dépose le bulletin valable dans l’amphore de bronze, le bulletin nul dans l’amphore de bois.


L’audience.
Dépouillement du scrutin.
Évaluation de la peine.

LXIX. Quand tous les juges ont voté, les appariteurs prennent l’amphore qui compte et la vident sur une table creusée d’autant de trous qu’il y a de bulletins, en tel ordre que les bulletins valables, placés les premiers, soient faciles à dénombrer[203] et que les tiges, percées ou pleines, soient bien visibles pour les parties. Ceux qui ont été préposés par le sort aux bulletins de vote les comptent sur la table, mettant à part bulletins pleins et bulletins creux, et le héraut proclame le nombre des voix, attribuant les bulletins percés au demandeur, les pleins au défendeur[204]. Celle des deux parties qui a le plus grand nombre de voix gagne le procès : à égalité, c’est le défendeur.  Ensuite les juges procèdent encore, s’il y a lieu, à l’évaluation [de la peine ou de l’amende] : ils votent de la même manière, rendant leur jeton [de bronze][205] et reprenant un bâton. Le temps accordé à chacune des deux parties pour s’expliquer sur l’évaluation est d’un demi-conge d’eau. Quand ils ont fini de juger les affaires qui leur étaient imposées par les lois[206], les juges touchent leur salaire, chacun dans le groupe qui lui a été assigné par le sort[207].


  1. Les Alcméonides étaient accusés d’avoir tué, malgré la protection divine, Kylon et ses partisans. Cf. Hérodote V 71 ; Thucydide I 126, 12.
  2. Les anciens attribuaient 1/6 de la récolte tantôt au propriétaire, tantôt au tenancier (ce qui est plus probable).
  3. Pour le roi, cf. chap. LVII, le polémarque, chap. LVIII, l’archonte, chap. LVI.
  4. Ion, fils d’Apollon et de Créuse (cf. Euripide, Ion).
  5. Pour les thesmothètes, voir chap. LIX.
  6. Cf. Politique 1270 b 39.
  7. Cependant, en 399 encore, le roi a un bureau au Portique Royal (cf. Platon, Euthyphron 2 A).
  8. L’Aréopage, depuis 362 (chap. XXV), ne gardait plus guère que des fonctions judiciaires ; mais cf. Isocrate, Aréopagitique.
  9. Il semble qu’Aristote veuille parler ici des lois politiques (cf. chap. VII).
  10. Sur cette constitution, cf. Introduction, p. viii-ix.
  11. L’archontat de Solon se place en 592/1 selon Aristote, Suidas et saint Jérôme ; Diogène Laerce donne la date de 594/3.
  12. Cette mesure fut une abolition complète des dettes de toute nature (cf. les vers de Solon, chap. XII 5) par une sorte d’application rétroactive de la loi interdisant l’esclavage pour dettes. Après le ve s. au contraire, l’abolition des dettes fut considérée comme le signe de l’extrême anarchie (cf. Platon, République 566 A, Lois 648 D ; Isocrate, Panathénaïque 259 ; Démosthène, Contre Timocrate 149) ; aussi certains auteurs (en particulier Androtion, cité par Plutarque, Solon XV), désireux de concilier la mesure de Solon avec l’état de l’opinion publique de leur temps, cherchèrent-ils à faire de la sisachthie une simple réduction des dettes due à la réforme monétaire.
  13. Cf. Plutarque, Solon XV ; Praecepta gerendae reipublicae XII 10.
  14. Tablettes de bois où étaient inscrites les lois et qui, groupées par quatre, tournaient sur des pivots.
  15. Pour les archontes, voir chap. III, LVI-LIX ; pour les trésoriers et les polètes, chap. XLVII ; pour les Onze, chap. LII. Les colacrètes semblent avoir disparu à la fin du ve s.
  16. Médimne (51,84 l) pour les solides, métrète (38,88 l) pour les liquides. Plus tard une drachme fut considérée comme l’équivalent d’un médimne (ou métrète).
  17. Cf. chap. LV 3, et la note 2.
  18. La disposition (si le renseignement est exact) tomba rapidement en désuétude ; car les archontes furent élus jusqu’en 487 (XXII 5).
  19. Cf. chap. XLVII 1, note 1.
  20. Clisthène remplaça les quatre tribus dites « ioniennes » par les dix tribus classiques (cf. chap. XXI).
  21. Toutes les indications des anciens sur la réforme métrique de Solon sont fort obscures dans leurs détails. L’explication la plus probable est celle-ci : Solon remplaça le système éginétique (mine de 617 g, drachme de 6,17 g), attribué à Phidon, par le système euboïque (mine de 436,6 g ; drachme de 4,366 g) ; ainsi la mine nouvelle (cent drachmes euboïques) équivalait à 70 drachmes anciennes (éginétiques).
  22. La drachme attique (4,366 g d’argent) vaut théoriquement 0,98 fr.
  23. D’après ce texte, les unités de poids auraient donc pesé les 21/20 des unités monétaires du même nom.
  24. Cf. Plutarque, Solon XXV.
  25. Distiques élégiaques cités par Plutarque, Solon XVIII. Il semble que nous ayons un commentaire de ces vers dans Aristote, Politique 1274 a 15-19.
  26. Distiques élégiaques cités par Plutarque, Comparaison de Solon et de Publicola II ; la maxime finale est citée aussi par Clément d’Alexandrie, Stromates III 129 et se retrouve dans Théognis 153-4.
  27. Pindare (Olympiques XIII 12) emploie l’expression inverse (ὕβριν κόρου ματέρα θρασύθυμον) ; de même un oracle cité par Hérodote VIII 77.
  28. Tétramètres trochaïques ; deux sont cités par Plutarque, Solon XVI, et deux par Ælius Aristide II, p. 536.
  29. Vingt-sept trimètres iambiques, dont dix-sept sont cités par Ælius Aristide (tout le début sauf la première phrase) et sept (au milieu) par Plutarque, Solon XV. Le trimètre iambique (qui devait être plus tard le mètre préféré du dialogue dramatique) sert ici à donner à la poésie de Solon le ton rapide du discours politique. Nous avons ainsi une véritable apologie de Solon écrite par lui-même quelque temps après son archontat.
  30. Il s’agit des bornes qui témoignaient des droits du créancier sur la terre du débiteur, et que la suppression des dettes a fait disparaître.
  31. Ces vers nous prouvent que la sisachthie a bien été, de l’aveu même de Solon, une abolition complète des dettes de toute nature, puisqu’elle a libéré tous les esclaves pour dettes. D’ailleurs, les accusations rapportées au chap. VI 2 n’ont pu prendre naissance que dans ce cas, et non dans celui d’une réduction des dettes qui n’aurait pas touché les débiteurs complètement insolvables.
  32. Même métaphore chez Hérodote VI 83 : Ἄργος δὲ ἀνδρῶν ἐχηρώθη ὥστε οἱ δοῦλοι αὐτῶν ἔσχον πάντα τὰ πρήγματα ἄρχοντές τε καὶ διέποντες.
  33. Trimètres iambiques.
  34. Trimètres iambiques cités par Plutarque, Solon XVI.
  35. La chronologie de cette période n’est pas absolument sûre. On pourrait cependant la fixer ainsi : Archontat de Solon : 592/1 — Quatre ans : 591/0-588/7 — Absence d’archonte : 587/6 — La seconde période de quatre ans partirait de la fin de la première : 587/6-584/3 — Absence d’archonte : 583/2 — Damasias : 582/1 (cf. Marbre de Paros, l. 53-4), 581/0, début de 580/79 — Les dix archontes : 580/79. (Cf. G. Mathieu, Bibl. de l’École des Hautes Études, no 216, p. 31, n. 3).
  36. En réalité l’élection des archontes de cette année fut annulée plus tard (cf. Xénophon, Helléniques II, 3, 1 ; Lysias XXXI 3-4 pour l’archontat de Pythodoros en 404/3).
  37. Roturiers agriculteurs ou industriels de la première classe (cf. XXVI 2).
  38. Cf. Hérodote I 59 ; Plutarque, Solon XIII et XXIX.
  39. Nous connaissons deux autres revisions : en 445/4 (cf. Plutarque, Périclès XXXVII) et en 346 (cf. Harpocration s. v. διαψήφισις ; Démosthène, Contre Euboulidès ; Isée, Pour Euphilétos).
  40. Cf. Hérodote I 59 ; Plutarque, Solon XXX.
  41. Cf. Élien, Histoire variée VIII 16 ; Plutarque, Solon XXX ; Diogène Laerce I, 49-60 ; Diodore de Sicile IX 29.
  42. Sur les difficultés de cette chronologie, voir l’Introduction, p. xi-xii. En tout cas les dates de l’avènement (561/0) et de la mort de Pisistrate (527) paraissent sûres.
  43. Cf. Hérodote I 60 ; Cleidémos, fr. 24 (Fragm. hist. graec., I, p. 364).
  44. Hérodote est le seul auteur dont le nom soit cité par Aristote ; même une affirmation de Thucydide est désignée par ὁ λεγόμενος λόγος (XVIII 4).
  45. Cf. Hérodote I 61-64.
  46. À l’extrémité S. du promontoire O. de la Chalcidique.
  47. Région montagneuse aux confins de la Thrace et de la Macédoine, où se trouvaient des mines d’or et où, au ive s., fut fondée la ville de Philippes.
  48. Entre Marathon et Athènes.
  49. Cf. Hérodote I 64 et Athénée VIII 348 A-C (qui cite, précisément à ce propos, la Constitution des Naxiens d’Aristote).
  50. Cf. Polyen, Stratagèmes L 21, 2.
  51. Cf. XIV 3.
  52. Thucydide VI 54, 5 fixe cet impôt au vingtième de la récolte, ce qui est plus vraisemblable ; en effet tous les historiens s’accordent à reconnaître que la domination de Pisistrate fut modérée, du moins par rapport à celle de ses fils ; cf. ibid., 7.
  53. Sur les juges des dèmes, cf. XXVI 3 et LIII 1 : il y en eut trente au temps de Périclès, quarante après la restauration de la démocratie en 403.
  54. Cf., dans Diodore IX 57, Zénobios IV 76 et les Anecdota graeca de Villoison II 40, la même historiette, destinée sans doute à expliquer un proverbe ou un nom de lieu.
  55. Expression proverbiale ; cf. [Platon] Hipparque 229 B ; Plutarque, Aristide XXIV, Cimon X.
  56. Cf. VIII 5. Aristote, suivant le langage de son temps, interprète ἄτιμος par privé des droits de citoyen ; mais au vie siècle l’expression désignait la mise hors la loi.
  57. Cf. Plutarque, Solon XII 3. C’est à l’occasion de cette guerre que Solon aurait composé une élégie dont Plutarque (ibid. VIII) nous a conservé le début.
  58. Cf. Thucydide VI 55, 1 et Hérodote V 94, qui nous apprend qu’Hégésistratos fut tyran de Sigée. Hippias s’établit aussi dans cette région après son expulsion d’Athènes.
  59. Des descendants de Kypsélos, tyran de Corinthe au milieu du viie s., régnèrent à Corinthe et d’autres à Ambracie.
  60. On sait que, contrairement au récit des historiens, l’opinion athénienne regardait Harmodios et Aristogiton comme les libérateurs du peuple. Voy. Introd., p. x ; cf. Hypéride, Contre Philippidès, 3 ; Démosthène, Contre Leptine, 18, 29, 127, 159.
  61. Dans le « Céramique intérieur » (quartier N.-O. d’Athènes, non loin de la porte Dipylon).
  62. Cf. Diodore X 16 ; Polyen I 22.
  63. Allusion à Thucydide VI 58, 2 ; sur la façon dont Aristote en parle, voir Introduction p. iv et p. 15 note 3. Le σκόλιον de Callistratos, conservé par Athénée, dit que les conjurés cachèrent leurs poignards dans les branches de myrte qu’ils portaient à la procession.
  64. La hauteur de Munichie, dominant les ports, fut toujours un point stratégique important ; cf. XXXVIII 1, LXI 1 ; Thucydide VIII 92, 5.
  65. Strophe d’un type commun à un grand nombre de scolies attiques.
  66. Le temple de Delphes, incendié en 548, fut reconstruit grâce à une souscription ouverte dans tout le monde grec, à laquelle s’associèrent aussi des rois barbares, par exemple Amasis d’Égypte ; on admet généralement qu’il fut à nouveau détruit en 373 par un tremblement de terre et des éboulements, puis reconstruit (cf. Bourguet, Les ruines de Delphes, p. 253 et suiv.). Sur le rôle des Alcméonides, cf. Hérodote V 62-65 ; Isocrate, Sur l’Échange 232 ; Démosthène, Contre Midias 144 ; Philochore fr. 70. (Fragm. hist. graec. I, p. 395).
  67. C’était la partie O. des remparts de l’Acropole ; détruite alors, elle resta en ruines au moins jusqu’au iie s. après J.-C.
  68. Cf. chap. I et Extraits d’Héraclide 2, Une démarche de même nature fut encore faite par Sparte au temps de Périclès, dont la mère était nièce de Clisthène.
  69. Cf. Hérodote V 66-73, qui donne une version un peu différente, notamment sur la capitulation de Cléomène : selon lui, la vie sauve n’aurait été accordée qu’aux Lacédémoniens, et les Athéniens partisans d’Isagoras auraient été emprisonnés et condamnés à mort.
  70. Distique élégiaque (hexamètre et pentamètre dactyliques).
  71. Les membres d’une même famille (γένος) au sens religieux peuvent être désormais répartis entre plusieurs tribus.
  72. Groupements religieux de familles nobles (γένη) ou d’associations de roturiers (θίασοι). Le fait d’être membre d’une phratrie est pour l’Athénien une des preuves de la légitimité de la naissance. Périclès fut autorisé exceptionnellement à faire inscrire le fils d’Aspasie dans sa phratrie ; cf. Plutarque, Périclès, XXXVII.
  73. Cf. Philochore fr. 79 b ; J. Carcopino, Histoire de l’ostracisme athénien (Bibl. de la fac. des lettres de Paris, XXV, 1909).
  74. Sur les stratèges et leurs fonctions au ive s., cf. chap. LXI.
  75. Hipparchos, archonte en 496/5, fut frappé de l’ostracisme en 488/7. S’il y eut des ostracisés plus anciens, ils rentrèrent régulièrement avant le décret d’amnistie qui a fourni à Aristote les noms cités ici.
  76. C’était la partie la plus riche des mines du Laurion (déjà en exploitation auparavant) située dans le dème de Bésa.
  77. Cf. Hérodote VIII 44 ; Thucydide I 14, 2 ; Plutarque, Thémistocle IV ; Polyen I 30.
  78. Le cap Géraistos forme l’extrémité S.-O. de l’Eubée, et le cap Skyllaion l’extrémité E. du Péloponnèse à l’entrée du golfe Saronique.
  79. Cf. Politique 1304 a 20, plus favorable à l’ensemble du peuple.
  80. Cf. Hérodote VIII 41 ; Cleidémos (dans Plutarque, Solon X).
  81. Aristide eut encore un commandement à Platées et dans l’expédition de Byzance ; mais Aristote suit ici la tradition littéraire (cf. Plutarque, Aristide VIII).
  82. Ce geste symbolique affirmait la fidélité éternelle au serment prêté (cf. Plutarque, Aristide XXV ; Hérodote, I 165).
  83. Samos reçut cependant des colons athéniens (clérouques) après sa révolte de 440 ; de même Mytilène en 427.
  84. Aristote décrit par anticipation la situation d’Athènes à la veille de la guerre du Péloponnèse. Cf. Aristophane, Guêpes 709.
  85. Cf. XXVII 3-5 ; LXIII 2 ; LXVI 3 ; LXVIII 2.
  86. Il s’agit des orphelins de guerre. Cf. Thucydide II 46 ; Platon, Ménéxène 248 E ; Aristote, Politique 1268 a 8.
  87. Sur cette réforme, cf. Philochore fr. 141 b ; Plutarque, Périclès VII et IX, Cimon X. Voir aussi l’Introduction, p. xi.
  88. L’autel domestique.
  89. Sans doute était-il question ici du sort ultérieur de Thémistocle.
  90. Cf. Antiphon, Sur le meurtre d’Hérode 68 ; [Platon], Axiochos 368 D ; Plutarque, Périclès X (les deux premiers ne connaissent pas le nom du meurtrier).
  91. Au ive s. au contraire, on a normalement recours à des mercenaires.
  92. Ce chiffre n’est évidemment vrai que pour les années exceptionnelles (par ex. en 459/8 où l’Érechthéide a 177 de ses membres — non de ses hoplites — tués à l’ennemi ; cf. I.G. I, 433) ; car, en Sicile même, Athènes ne mit pas en ligne plus de 2 700 citoyens des trois premières classes.
  93. Sur les juges des dèmes, voir XVI 5 et LIII 1.
  94. Sans doute en 463 après le siège de Thasos ; cf. Plutarque, Cimon XIV.
  95. Cf. Thucydide II 2, 1.
  96. Cf. Plutarque, Cimon X ; Cicéron, De officiis 64.
  97. Sur le procès d’Anytos (409) cf. Diodore XIII, 64, 8 ; Plutarque, Coriolan XIV. Sur son rôle en 404, cf. XXXIV 3. Anytos fut l’un des accusateurs de Socrate.
  98. La diobélie (indemnité pour l’assistance aux fêtes) apparaît en 410 (I. G. I, 188, l. 10 sqq.).
  99. Sur toute cette période, cf. Thucydide VIII 54-97, dont le récit est assez différent de celui d’Aristote, surtout en ce qui concerne l’établissement du régime.
  100. Cf. Thucydide VIII 1, 3 : ces dix commissaires avaient été établis quand arriva à Athènes la nouvelle du désastre de Sicile.
  101. Sur les accusations d’illégalité, cf. XLV 4 et LIX 2.
  102. Dans Thucydide VIII 65, 3 et 67, 3, et [Lysias], Pour Polystratos 13, le chiffre de 5 000 citoyens actifs est un maximum.
  103. Sur ces deux chapitres, voir l’Introduction, p. vii-viii.
  104. Cf. LXI 3-4.
  105. Cf. XLVII 1.
  106. Trésoriers chargés d’administrer le produit des tributs des alliés (XXIII 5).
  107. Cf. XLIII 6 (ordre du jour de l’Assemblée).
  108. Mesure oligarchique, d’après Aristote Politique 1294 a 38 ; cf. aussi IV 3. Sur les rapports entre ces deux chapitres, voir l’Introduction, p. vi.
  109. Ces « autres Athéniens » sont les soldats de la flotte stationnée à Samos, qui s’étaient refusés à reconnaître le régime des Quatre Cents et dont l’opposition, sous la direction de Thrasybule, de Thrasylle, puis d’Alcibiade rappelé d’exil, devait fortement contribuer à la chute des Quatre Cents ; Aristote passe leur rôle sous silence. Le projet prévoit leur réunion avec les partisans des Quatre Cents.
  110. Les huit jours qui suivirent servirent sans doute à régulariser la situation. Cf. Thucydide VIII 68-71 ; Lysias, Contre Ératosthène, 62-78.
  111. Plus tard Peisandros se réfugia à Décélie et Antiphon fut exécuté ; sur Théramène, cf. XXXIII-XXXVII.
  112. Une autre tentative de paix, plus pressante, fut faite par les Quatre Cents à la fin de leur domination ; cf. Thucydide, VIII 90-91.
  113. Jugement analogue chez Thucydide VIII 97, 2.
  114. Sans doute vers 410/9, où le Conseil des cinq cents a déjà repris ses fonctions ; cf. Andocide, Sur les Mystères 96.
  115. Chaque stratège aurait dû être jugé séparément et au scrutin secret. En réalité six seulement (cf. Philochore fr. 121) furent condamnés et exécutés (mais cf. Platon, Apologie 32 B, Axiochos 368 D).
  116. En 410, selon Diodore XIII 51-53 et Philochore fr. 118 ; en 405, selon Lysias, Contre Agoratos 8 et Eschine, Sur l’Ambassade 76.
  117. Cf. Lysias, Contre Ératosthène 73 ; Xénophon, Helléniques II 3, 2 ; Diodore XIV 3, 6.
  118. C’est-à-dire sans doute parmi les chevaliers ; cf. Philochore, fr. 100.
  119. Cf. Bekker, Anecdota graeca 235.
  120. Cf. Isocrate, Aréopagitique 67, Panégyrique 113 ; Eschine, Contre Ctésiphon 23.
  121. Cf. Xénophon, Helléniques II 3, 19.
  122. Fort commandant la route de Béotie à Athènes à travers la chaîne du Parnès.
  123. Cf. Xénophon, Helléniques, II 3, 11-50. Critias, chef de la fraction des Trente opposée à Théramène, n’est pas nommé par Aristote.
  124. Ouvrage fortifié protégeant au N. l’entrée du port du Pirée, détruit en 411 par les adversaires des Quatre Cents de crainte que ceux-ci n’y accueillent la flotte péloponnésienne. Cf. Thucydide VIII 90 et 92.
  125. Cf. Plutarque, Lysandre XV.
  126. Critias fut tué dans ce combat ; cf. Xénophon, Helléniques II 4, 11-19.
  127. Cf. Lysias, Contre Ératosthène 54-57.
  128. L’hostilité du peuple contre les chevaliers durait encore lors de l’expédition de Thibron en Asie. Cf. Xénophon, Helléniques III 1, 4.
  129. Cf. Xénophon, Helléniques II 4, 29 ; Lysias, Contre Ératosthène 54-59.
  130. Phayllos n’est pas cité ailleurs.
  131. Cf. Xénophon, Helléniques II 4, 29-39.
  132. Familles sacerdotales chargées du culte de Déméter et de Coré à Éleusis ; cf. LVII 1.
  133. En 404 Athènes avait dû entrer dans la ligue péloponnésienne (Cf. Lysias, Contre Nicomachos 22 ; Xénophon, Helléniques II 2, 20) ; il s’agit donc des fonds à verser à la caisse fédérale de cette ligue.
  134. Aux citoyens des trois premières classes ; cf. chap. VIII.
  135. Sur les décrets d’Archinos, cf. Isocrate, Contre Callimachos 2-3 ; Eschine, Contre Ctésiphon 187-190. Sur celui de Thrasybule, cf. Platon, Phèdre 257 C ; Eschine, Contre Ctésiphon 195 et scholie ; Vie des dix orateurs, 835 F. Sur les récompenses aux métèques et aux étrangers, cf. P. Foucart, Mém. de l’Ac. des Inscr., 1920, XLII, p. 3-35.
  136. Le peuple, vainqueur sous l’archontat de Pythodoros (premier semestre de 403), ne rentra officiellement que le 12 Boédromion de l’archontat d’Euclide (sept.-oct. 403) ; cf. Plutarque, De gloria Atheniensium, VII.
  137. Héracleidès de Clazomènes, sans doute apparenté à une famille princière d’Asie (de là son surnom), fut naturalisé Athénien et remplit des charges importantes, peut-être la stratégie (cf. Platon, Ion, 541 D).
  138. Pour l’âge requis cf. LVI 3, p. 60. Le chorège d’un chœur d’enfants doit avoir quarante ans accomplis.
  139. L’année civile commençait au 1er Hécatombéon. Les Panathénées se célébraient à la fin du même mois.
  140. Voy. chap. LXII 2.
  141. Cf. chap. LXI 2.
  142. Cf. chap. XLVII 3 et LII 1.
  143. Sur l’institution de l’ostracisme par Clisthène, voy. chap. XXII 1-7.
  144. Sur l’autel.
  145. Vote portant sur le probouleuma ou avis préalable du Conseil.
  146. Sur les trittyes instituées par Clisthène, voy. chap. XXI 4.
  147. Voy. Introduction, p. xxvii.
  148. Entendons : qui sont concédées pour la première fois.
  149. Sur la compétence de l’Aréopage, voy. chap. LVII 3-4.
  150. Toute revendication était appuyée sur un état (ἀπογραφή) des biens revendiqués. Cf. chap. XLIII 4 et LII 1.
  151. Apporte au Conseil. Cf. au même chap., 5 : εἰσφέρεται… εἰς τὴν βουλήν.
  152. Cette commission des comptes est à distinguer des logistes mentionnés au chap. LIV 2.
  153. Sur ces juges, voy. chap. LIII.
  154. Sur les thesmothètes, voy. chap. LIX.
  155. Sur les hipparques et phylarques, voy. chap. LXI 4 et 5.
  156. Vraisemblablement les modèles des édifices publics, cf. chap. XLVI 2, mais le texte est peut-être incomplet.
  157. Sur les Victoires en or, voy. chap. XLVII 1.
  158. C’était en effet le prix fixé par la loi, et Hypéride (Pour Eurénippos 3) cite l’exemple de deux lenones qui sont l’objet d’une poursuite criminelle pour avoir loué plus de deux drachmes leurs joueuses de flûte.
  159. Dans les dèmes ruraux ces fonctions de police incombaient au démarque.
  160. Ceux qui vendent comme esclaves des hommes libres.
  161. Sur l’ἀπογραφή, voy. chap. XLIII 4 ; sur les polètes, chap. XLVII 2.
  162. Par mine et par mois, soit 12 %.
  163. Sur les fermiers des impôts, voy. chap. XLVII 2 ; sur les apodoctes, chap. XLVIII.
  164. Ils avaient été institués par Pisistrate, chap. XVI 5.
  165. Sur ces juges, voir chap. XLVIII 5 et LVIII 2.
  166. Voir, en 363, l’exemple de l’arbitre Straton (Midienne, 83 suiv.).
  167. Sur les grandes Panathénées, voy. chap. LX.
  168. Voy. chap. II 2-4 ; VIII 1 ; XXII 5 ; XXVI 2.
  169. Aristote ne s’est pas mis d’accord avec lui-même : cf. chap. VII 4.
  170. Sans tenir compte de la division en tribus.
  171. Sur cette retraite des mystes avant le départ de la procession pour Éleusis, voy. P. Foucart, les Mystères d’Éleusis, 1914, p. 317 et 320.
  172. Cf., pour le temps antérieur à Solon, chap. III, 5 fin, où Aristote use du verbe προανακρίνειν.
  173. Quand il y a compétition entre plusieurs citoyens.
  174. C’est-à-dire l’âge où elles peuvent être mariées.
  175. Cf. chap. XXI 6.
  176. Les rois des anciennes tribus (chap. VIII 3) avaient été maintenus.
  177. Qui supportent mêmes impôts et charges que les citoyens.
  178. Un peu plus de 41 centilitres.
  179. La quotité d’huile due ne varie pas selon le nombre des pieds.
  180. C’est-à-dire : l’huile due par les propriétaires sur leur récolte.
  181. À la fois belle tenue sous les armes ou à cheval et beauté virile.
  182. Cf. chap. XLII 3. Pour les arsenaux, cf. Dinarque, III 2.
  183. Cf. chap. XLIII 4.
  184. Sur les gardes, voy. chap. XXIV 3.
  185. Cf. chap. XLIII 4-5 et XLI 3.
  186. Chap. XXVII 3-4
  187. Cf. chap. LIX 7.
  188. Dans ces derniers chapitres, dont nous avons signalé la nouveauté (Introduction, p. xix et suiv.), le traducteur est souvent obligé d’ajouter au texte et de multiplier les crochets pour aider à l’intelligence de la description.
  189. Elles sont tirées parmi celles qui suivent le Κ.
  190. C’est-à-dire dans les deux salles affectées à chaque tribu (LXIII 2).
  191. Entendons que le cube blanc sorti de l’urne entrainait la désignation des cinq noms inscrits sur les cinq tablettes correspondantes du tableau et que le cube noir les récusait.
  192. Le texte de la fin de la phrase est incertain. Le juge ne peut se diriger vers son tribunal que muni de son bâton. Or les bâtons ont été déposés dans l’avant-cour des salles de tirage au sort (LXIII 2). Aristote n’en a pas fini avec les opérations qui se passent dans ces salles, où afficheurs et appariteurs sont encore occupés (LXV 3 et 4).
  193. Nous ajoutons le mot : cependant, pour mieux distinguer toutes ces opérations. Pendant que les juges s’installent au tribunal, les afficheurs qui siégeront avec eux sont restés dans les salles de tirage et remettent leurs tablettes aux candidats non désignés.
  194. Le meilleur guide pour l’étude de ces derniers chapitres est M. G. Colin : Les sept derniers chapitres de l’Ἀθηναίων πολιτεία dans la Revue des Études grecques, 1917, p. 1-68.
  195. Il y a en effet dix boîtes par tribunal : voy. LXV 4.
  196. C’est-à-dire des clepsydres : voy. LXVII 2.
  197. Nous entendons par τούτων ceux dont il est dit plus haut ligne 2 : ἡ ἀρχὴ ἡ ἐφεστηκυῖα ἐν τῷ δικαστηρίῳ.
  198. Un conge mesure 3 litres 24.
  199. Entendons que, dans ce cas, l’accusation et la défense, sachant l’eau dont elles disposent, calculeront d’avance le temps qui sera pris par l’audition des témoins et la lecture des pièces, par une discussion éventuelle entre les adversaires, enfin par les avocats (συνήγοροι).
  200. Le mois athénien de Posidéon, qui correspond à décembre-janvier, est celui où les jours sont le plus courts.
  201. On possède des bulletins de vote athéniens, découverts à Athènes, et on en trouvera l’image dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg-Saglio-Pottier, II, 1892, s. v. Dikastai, fig. 2415-2416. Ces figures sont reproduites dans Sandys² au Frontispice.
  202. Sur ces jetons différents, voy. G. Colin, Revue des Études grecques, 1917, p. 55. Ceux qui sont repris au moment du vote ont été distribués aux juges à leur entrée dans le tribunal qui leur a été assigné (voy. chap. LXV 2). On a retrouvé quelques-uns de ces derniers jetons : voy. l’article cité du Dictionnaire des antiquités, fig. 2413-2414 et Sandys².
  203. Le texte a été brouillé par le copiste et le mot κύρ<ιαι> devient embarrassant, tous les bulletins déposés dans l’urne de bronze étant valables. Si le mot κύριαι a été réellement employé par Aristote, il peut s’appliquer aux bulletins favorables au demandeur qui sont placés les premiers sur le tableau.
  204. Entendons aussi : à l’accusateur et à l’accusé.
  205. Cf. chap. LXVIII 2. Après le vote, ce jeton leur sera de nouveau remis pour qu’ils puissent toucher leur salaire.
  206. Cf. chap. LXVII 1.
  207. Cf. chap. LXVI 3.