Colette, ou les amusements de bon ton/03

s. n. [Maurice Duflou] (p. 39-63).
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III


Allons, ne grogne pas, chéri ! Est-ce de ma faute si l’on me suit comme une chienne ? me disait Colette, cet après-midi, après m’avoir avoué, avec une tranquille inconscience, qu’elle venait, à l’instant, de se faire lutiner sous une porte cochère.

Mon sang n’avait fait qu’un tour.

— Quoi ! il n’y a pas quinze jours que je suis ton amant…

— Eh bien ! de quoi ça te prive qu’un zigomar que tu ne connais pas plus que moi, m’en ait mis un coup ?

— Quel culot !

— Est-ce que je t’empêche de baiser qui tu veux ?… J’aime la fantaisie et la diversité ! T’ai-je pas averti ?… Et puis, encore une fois, je te le demande, qu’est-ce ça peut te fiche qu’un de plus monte sur la voiture ?… Mon vieux, t’es pas à la page !…

Je bouillais.

— Garce va !

— Ça, tu peux le dire !

— Alors, pendant que moi, ici, je croquais le marmot…

— … je m’en donnais une secousse !… En voilà une affaire !…

— Salope !… ça te prend donc comme une envie de pisser ?

— Puisque je suis nymphomane, fit-elle avec ingénuité, tout en mirant dans la glace la grâce de son visage.

— Tu m’avais dit exhibitionniste !

— Oh ! ça et le reste ! reprit Colette qui m’enveloppait de ses bras… Si je te faisais le compte de mes vices !… Patiente ! tu les connaîtras tous ! Allons, mimi, un bécot !… mieux que ça !… Et quand tu te seras assez roulé dans tous mes vices, eh bien ! puisqu’on n’aura plus rien à s’apprendre, on se quittera !… Voilà comme je comprends l’amour !… En attendant, est-ce que tu ne t’en paies pas tout ton saoul avec moi, que tu t’en fais péter la sous-ventrière, dis, mon petit salaud ?…

— Garce !… roulure !…

Elle exultait.

— Allez, vas-y, j’aime ça !… tiens, bats-moi !…

Je levai la main sur elle. Provocante, elle me tendit sa joue.

— Mais frappe donc !…

La sensuelle caresse de ses yeux, le charme irrésistible de son sourire me désarmèrent. Je pris sa jolie tête dans mes mains avec tendresse.

— Colette, moi qui t’aime tant !

— Quoi ? reprit-elle avec humeur, ta colère est déjà tombée ?… Moi qui cherchais à fouetter ton désir et le mien… moi qui t’apporte mon cul tout chaud encore de sa pollution pour que tu me baises de rage sur l’affront que je t’ai fait… pour que tu m’étripes le con dans l’assouvissement de ta vengeance !…

— Alors, dis-je avec tristesse, c’est donc vrai ?

Elle se leva comme un ressort.

— Si c’est vrai ?… Tiens, mets-y ton doigt ! s’écria-t-elle avec l’emportement d’un amour-propre blessé.

Soulevant sa jupe et m’ouvrant ses jambes :

— Tâte, si c’est pas mouillé de foutre !

Devant ce cynisme, je fus sur le point de prendre mon chapeau. Le désir brutal, aiguillonné par le souvenir des félicités charnelles que je devais à Colette, me cloua sur place.

— Tâte donc ! répétait-elle, la tête inclinée sur sa motte rutilante qu’elle me découvrait dans l’écartement de son pantalon de batiste.

Je haussai les épaules.

— Tu veux pas ?… Non ?…

Alors, ayant piqué son index entre les lèvres de sa vulve, elle me le fourra sous le nez.

— Tiens ! si ça ne sent pas le foutre !… c’est qu’il en avait un paquet !

— Salope ! salope ! salope !…

Elle se jeta à mon cou, et malgré ma résistance, me colla sa bouche en ventouse.

— Ça ne te fait donc pas bander ? soupira-t-elle, sa main à ma braguette.

Je la repoussai brutalement.

— Ça va ! fit Colette d’un ton très résigné. Puisque tu n’as plus de couilles au cul, je m’en vais, là, devant cette glace, me donner la petite secousse sur le goût du type… Ah ! un beau type, par exemple…

Aussi tranquillement que si elle eût été seule, elle approcha une bergère dans l’axe d’un miroir penché.

— Et il t’a payée ? raillai-je, tout en la regardant faire.

— Pardi ! je marche pas à l’œil quand je veux me donner de la fille qui raccroche !…

Elle s’assit et disposa avec soin, autour de ses cuisses ouvertes, la double corolle d’un mol jupon de Valenciennes et d’une robe de crêpe de Chine d’une jolie nuance aurore.

— Et moi, minauda-t-elle avec une coquetterie attendrie, moi qui voulais te donner l’étrenne de cette gentille petite toilette !… Je me disais, une fois toute habillée : « Ah ! qu’il va bander à chiffonner tout cela !… » ; tu ne sais pas comme ce serait bon de baiser là-dessous… Vois si c’est joli !… Je pensais que tu allais me saccager ces dentelles et me le faire au moins trois fois !… Allons ! viens donc, mimi !…

— L’étrenne ? ripostai-je, mais ne l’as-tu pas donnée à ton marloupate ?

— Oh ! si peu… Quoi ! le temps de faire ça… Tu penses, sous une porte !… Enfin, tu boudes, tant pis ! Paie-toi la reluque… ça m’excite qu’on me regarde !…

Elle se renversa contre le dossier, un bras sous la nuque, ses fesses au bord du siège, et sa main longue et fine s’appliqua à l’huis de sa culotte. Deux doigts s’infléchirent au haut de la cosse, en un tremblement giratoire.

— Est-ce gracieux ? fit-elle, les yeux fixés sur la glace.

Assis en face d’elle, je savourais, la rage au cœur, le galbe polisson de ses jambes dans leur coulée de soie azuréenne, ses petits pieds de faune cambrés sur leurs hauts talons, et cette pose canaille où, dans le flou des jupes et le frémissement des dentelles du pantalon, le ventre s’animait au souvenir de sa dernière prostitution…

Doucement, la main papillonnait en rond.

— Hein, si c’est joli !

— Cochonne ! grommelai-je.

Je dévorais ma jalousie sous le harcèlement d’une image où je voyais les belles cuisses de Colette ouvrir à un passant de la rue leurs dessous affriolants et livrer à son rut les trésors qui m’appartenaient. L’idée qu’elle s’était donnée ainsi toute habillée, l’intuition des gestes qu’elle avait eus pour se retrousser, ajoutaient à ma torture. Il y eut un silence. Je regardais la main charmante qui pilonnait sur place, d’un mouvement imperceptible. Le corps de Colette eut un léger sursaut. Elle murmura :

— Oh ! ce que c’est bon !…

Je repris :

— Quand même, faut-il que tu sois putassière ! dans la rue, avec un mec que tu n’as jamais vu !…

— Justement ! Et un beau type, que je t’ai dit, costaud, bronzé, dans ton genre, très chic, soigné, les yeux noirs et doux comme les tiens quand tu n’es pas en rogne… Je pensais en songeant à toi : « Un peu voir s’il le fait aussi bien !… Et puis ce que petit Jo va s’exciter de… »

— Merde, alors !… En as-tu du vice !… tu crois donc que je mange dans les auges à cochons ?

— Bon ! Eh bien ! ne me dérange pas. Laisse-moi me branler !…

Et la blanche main se remit à sa fricarelle, avec la plus incivile désinvolture pour moi. Les paupières closes, la tête alanguie contre son bras replié, Colette, au doux aller de sa motte sous ses doigts, lâchait de petits soupirs.

Je mordais mes lèvres. L’âpre besoin de connaître les détails de sa friponnerie, et d’en torturer mes sens me retint, une fois encore, de la gifler et d’en finir avec elle.

— Enfin, demandai-je avec plus de douceur, tu peux bien me le dire comme il te l’a fait !

— De la plus agréable manière, mon cher !

— Est-ce lui qui t’avait abordée ?

— Non, c’est moi qui l’ai lorgné en le croisant… Mais laisse-moi, que je me fricote à mon aise !…

— Je te fous une baffe, criai-je, si tu continues à me narguer.

Elle rouvrit les yeux et me fixa de son irrésistible sourire.

— Ça te reprend ?…

— Tu peux bien t’arrêter de te branler, nom de Dieu !

La petite main se dégagea de son nid douillet.

— Là ! Eh bien ! qu’y a-t-il ?

— Raconte-moi comme ça s’est passé ?

Un éclair incendia sa prunelle.

— Je savais bien, va, que ça t’allumerait ! me dit-elle.

Elle croisa ses jambes, rabattit ses jupes, et tout en secouant la cendre d’une cigarette :

— Comment ça s’est passé ? Oh ! bien simplement ! C’était aux Champs-Élysées, je sortais du Fouquet’s ; je croise mon type, je lui jette une œillade, il se retourne, je me retourne ; il comprend, fait demi-tour, m’emboîte le pas et m’aborde.

« — Charmante enfant, où courez-vous si vite ? — Pas chez mon mari. — Je m’en doute, mais chez quelque amant fortuné ? — Bien sûr. — L’heureux mortel ! Ne puis-je me substituer à lui pendant une heure ? — Une heure ? vous n’y pensez pas, Monsieur ! — Eh bien ! nous mettrons les bouchées doubles ! Ce ne sera l’affaire que d’une demi-heure. — C’est encore trop pour une fantaisie ! — Alors, quoi, sur le pouce ? — Pourquoi pas ? — En chambre ? — J’ai horreur du meublé. — En voiture ? — C’est bien banal. — Je ne vous propose pas le métro, il n’y a pas d’affluence à cette heure. — Oh ! d’ailleurs, lui objectai-je, j’aimerais quelque chose de plus inédit. — Ah ! fort bien ! fit-il, très amusé ; je ne déteste pas non plus l’originalité. Que vous semblerait… voyons… d’une porte cochère ? — Ça c’est une idée ! » acquiesçai-je.

Nous avons bientôt trouvé une entrée qui se prêtât à ce caprice… Allons, mimi, fais donc plus la tête ! puisqu’on ne se connaissait pas ! que personne ne l’a vu et que je te le raconte ! Alors ! c’est-il pas pleurer pour rien ?…

— Pour rien ? Tu appelles ça pour rien ? que j’en bande seulement d’y penser !

À cet aveu, Colette se précipita entre mes jambes.

— Tu vois ! tu vois que ça te fait de l’effet ! me dit-elle avec l’exaltation qu’elle apportait à toutes ses insanités. Montre-moi, chéri, montre-moi que tu bandes !…

De fait, une excitation singulière commençait à m’aiguillonner, comme s’il se fût agi d’une autre que ma maîtresse. Je ne sais quelle soif de stupre m’avilissait en ce moment à savourer cette turpitude d’être le témoin étranger des prostitutions d’une femme dont j’avais les faveurs. Oui, je bandais comme jamais.

— Continue, lui dis-je en mordant goulûment ses lèvres cyniques. Vautre-moi dans ta fange !

— C’était, poursuivit Colette, un couloir pas très éclairé, avec une loge en retour et la porte d’entrée ouverte seulement d’un battant. « Voilà qui est à merveille ! » dit mon type. Et nous entrâmes. Oh ! ce ne fut pas long !… Il m’a poussée dans le coin du battant fermé et m’a dit de me mettre comme pour rattacher ma chaussure.

— Oui, je vois, en levrette ! ai-je interrompu. Garce, en levrette, que c’est encore plus salaud !

— Bien sûr, en levrette ! tu penses, si debout, ç’eût été commode !…

— Ça va !… Enfin, tu lui as donné ton cul !…

— Oh ! Qu’en a-t-il vu ? Il n’y a pas mis le nez dessus !… J’ai posé le pied sur le chasse-roue, et me suis courbée, faisant mine de renouer mon ruban. Ainsi, en bonne posture, il m’a soulevé la robe et le jupon. J’ai senti sa main qui écartait ma culotte… Je te dis qu’il ne regardait même pas… Tu comprends qu’il fallait que ce soit à l’esbroufe… Un coup de cul : j’avais sa pine dans le con… Mon vieux, c’est entré sans que je dise « ouf ! »

— Pétasse ! pouffiasse !… et tu as trouvé ça bon ?

— Tiens, cette affaire ! Sûr que c’était bon !…

— Et il t’a rempli le clapier, hein ?

— Le clapier ! protesta-t-elle, cabrée sous l’insulte. Le clapier, quand il n’y a pas plus mignon bijou que le mien ! Tu en parlerais autrement si tu bandais !…

Ah ! qu’elle est donc jolie, cette sacrée putain de Colette ! Comment résister à cet air innocent et fâché, tandis que sa petite main sans rancune se faufile dans mon pantalon.

Je m’attendris…

— Allons, viens là, dis-je en l’entraînant sur le bord du lit.

Je la prends dans mes bras, je bois la petite larme hypocrite qui perle au bout de ses longs cils. Ma main se coule entre ses cuisses, au creux du nid. Doucement, mon médius imprime sa giration sur le clitoris en feu.

— Oh ! oui… va !… ronronne-t-elle sur ma bouche.

— Seulement, finis-moi l’histoire, ça t’excitera.

— Oui, mais branle bien !… Où en étais-je ?

— Qu’il venait de te le mettre…

— C’était délicieux ! Pense, presque sur le trottoir ! Chaque fois que j’entendais un pas approcher, ça me donnait un choc… Aïe ! si on entrait ! Je me disais… Mais tu me lâches !…

— Et tu te disais ?…

— Je me disais : Si c’était mon Jo qui entre, et me voit là, jupes troussées, en posture de chienne en chaleur, le cul à l’air, jambes ouvertes…

— Ah ! tu avais les jambes ouvertes ?

— Quelle question !… Mais branle bien, chéri !

— Et lui ?

— Il m’enlaçait aux hanches, par-dessous la robe, et sa main droite était descendue sur le bouton…

— Ah ! le cochon, il te branlait ?

— Bien sûr !… mais tu me laisses encore en plan !… va, chéri, c’est si bon pendant que je te raconte… Oui, il me branlait…

Un silence. Les yeux de Colette papillotent.

— Oh ! branle ! branle ! mon aimé !…

— Et pendant qu’il te branlait ?

— J’écoutais… si… ah ! ah !…

— Mais lui ?

— Il me baisait… ah ! ah !… ça vient…

— Retiens-toi !… fais durer… moi aussi ça m’excite à présent… Il baisait… Mais comment qu’il baisait ?

— Lentement, en dégustant… ah ! ah ! je te dis que je vais y être… oh ! oh ! branle… plus fort…

Ses cuisses se serrent sur ma main, sa motte frissonne. J’accentue ma giration digitale.

— En dégustant, tu dis ?

— Oui… oh ! oh ! à petits coups… ah ! ah !… petits… coups de cul… va ! va ! chéri… je peux plus… je peux plus… ah ! ça y est !…

Le gémissement de sa jouissance monte… monte… sous la trituration de son clitoris, maintenant âpre et presque rageuse. Ses jambes jusque là pendantes, s’étirent, agitent de crispations la pointe de ses petits souliers qu’elle pique en l’air, et glissant de mes bras, Colette se renverse sur le lit.

— Ah ! que je jouis !… que je jouis !…

Moi je continue de la branler sauvagement.

— Déguste ! déguste ! dis-je entre mes dents ; vois si je sais branler, moi aussi, tiens, avec les trois doigts sur le bouton et le petit dans la vulve, et puis le pouce de l’autre main dans le cul ! là… Est-ce que je sais branler, dis ?

Ses cuisses sur mes genoux, chevillée par son anus, ses pimpantes jupes en corolle autour de la taille, mon regard rivé à sa belle toison rousse qui donnait du bec entre les bords de la culotte, je la branlai avec fureur.

Je la fis jouir trois, quatre, cinq, six fois, je ne sais plus. Je me saoulais de ses cris,

— Hein ? que je branle bien ?… Va, il peut y venir ton type !… Déguste !… mais déguste donc !… Pour une fois, tu pourras te vanter d’avoir été branlée !…

Et je frottais, et je frottais, mouvant mes doigts en rond, pilonnant, écrasant, triturant et pinçant le cher petit pois, dur comme une perle de verre. Elle hennissait, tordait ses bras, roulait sa tête, bondissant du ventre, soulevée sur ses épaules.

— Jouis ! jouis ! petite pute ! ricanais-je impitoyable. Encore !… jusqu’à demain !… jusqu’à en claquer… Il n’y a que ça de bon, jouir, jouir !…

Le hululement ininterrompu de son extase accablée emplissait la chambre. Son clitoris, d’un rouge quasi violacé, écumait. Fou de rage ou d’exaltation érotique au spectacle de ce corps qui se convulsait dans les affres d’un spasme sans fin, parmi les exclamations d’un bonheur à mourir, j’eusse voulu branler Colette jusqu’à ce qu’elle écumât du sang.

— Jouis ! jouis toujours ! lui criais-je, penché sur sa bouche mignonne que tordait un rictus de douleur. Jouis !… Pour une branlade, ça c’est une branlade !… Dis, que je branle mieux que lui ?

Le sein palpitant, les yeux tout virés, les flancs en houle, les bras battant l’air, Colette n’avait plus que des cris inarticulés.

— Ah ! ah !… assez… assez… ah ! plus… plus… ah ! grâce, arrête… je meurs, assez !…

Mais je branlais sans arrêt, d’un poignet inlassable, dans une mare de mouille gluante qui, sous le long barattage de mes doigts ourlait d’une écume jaunâtre les bords du conin.

— Assez ! assez !… glapissait la jolie bouche exsangue.

— Non, non, répétais-je, jouis ! jouis ! tant que tu as du foutre !

Une fois, deux fois, trois fois encore, je la vis jouir d’une jouissance qui n’était plus qu’un affreux martyr. Mais soudain, le sursaut tragique d’un être qui défaille sous la tension de ses nerfs, la souleva désespérément en une clameur d’agonie. J’eus peur. Je m’arrêtai… Je portai mon regard sur son visage. Blanche comme un lis, les paupières estompées d’un grand cerne de bistre, la bouche entr’ouverte sous l’accablement de sa douloureuse félicité, Colette, muette et immobile, les mains glacées, était évanouie.

Je relevai son buste entre mes bras ; sa tête pesante chancela sur son col de cygne. J’étendis de tout son long son corps charmant sur les oreillers de dentelle, et passionnément je baisai ses lèvres sèches et brûlantes et bus l’haleine mourante de sa pâmoison.

— Colette, ma chérie ?…

Le souffle seul de son sein agité répondit à l’appel de ma tendresse.

Alors, je ne sais quelle tentation brutale j’eus de ce corps endormi dans le pimpant chiffonné de cette robe de taffetas mauve dont Colette était venue offrir la primeur à mes embrassements. Le battement de mes artères tic-taquait à mes tempes.

Allongé à son côté, ma main plongeait au cœur de ses dessous, mon visage en feu incliné sur le charme défait de son évanouissement. Et aussitôt, le lubrique désir de la posséder, là, en cet état de demi-mort, m’agenouilla entre ses cuisses, pour goûter d’un viol savoureux et d’une jouissance sans partage arrachée à l’inertie d’un corps vivant.

Mon rut exacerbé par l’insensibilité de la chair à mes attouchements, je retournai le devant des jupes. Je pris la jambe droite de Colette sur mon épaule, j’écartai son pantalon et ma queue en main, je m’ouvris aisément les lèvres du bijou ruisselant.

Prestige de l’imagination ! Jamais je ne ressentis si vivement le plaisir de l’introït. Je poussais doucement, tout doucement, revenant en arrière, repiquant du gland, revenant encore, ne franchissant que du collet l’étroit passage, et demeurant là, sur les bords, afin d’y prolonger le sentiment sadique de pénétrer, à son insu, l’intimité charnelle d’une beauté surprise en son sommeil.

Ah ! le délice du viol, dans l’inertie de ce corps sous le frottis léger dont se caressait mon gland entre les lèvres brûlantes de la vulve, tout au seuil !… Pas un réflexe, rien pour me distraire de la sensation égoïste que je me répétais d’un branle insensible sur le point si érectile du filet… Pas l’ombre non plus d’un frisson quand le renflement de mon gland s’étrangla délicieusement dans l’anneau du vagin qui, franchi d’une molle poussée, se referma sur le collet de la verge. Sensation ineffable où je m’attardai dans une immobilité qui tenait en suspens ma jouissance déjà proche.

Mais mon ventre, plus prompt que mon désir, donna de l’avant et mon vit se coula lentement jusqu’au fond de sa gaine onctueuse. Le spasme souverain l’attendait aux replis de l’utérus. À peine y était-il engagé, que je sentis les canaux se gonfler sous l’invasion du sperme, puis crever dans un choc qui me fixa sur place. À demi relevé sur les genoux, étreignant contre ma poitrine la cuisse de Colette, j’attachais mon regard à la tendre blessure que je labourais parmi l’emmêlement de nos toisons. De ma vie, je crois, je n’éjaculai avec tant d’impétuosité, dans la diffusion d’une jouissance aussi intense qu’elle avait été différée.

Colette ne remua pas plus qu’un mannequin d’Imans qui eût reçu ma décharge entre les cuisses. Pâle, les membres abandonnés, elle n’avait de la vie que le souffle égal et calme qui soulevait doucement sa gorge.

Toujours chevillée à sa vulve, ma verge robuste n’avait rien perdu de sa raideur. Je débusquai du corsage chemisier les deux beaux fruits de neige nichés dans la dentelle, et tout en suçotant leurs mignonnes baies roses, je me remis à coïter posément, à courte allure, pour me distiller goutte à goutte toutes les suavités de ce second service.

Pour me faire de la posture un agrément nouveau, je passai aussi l’autre jambe de Colette sur mon cou, ma tête entre ses genoux, mes bras enserrant étroitement ses hanches. Repliées contre les seins, ses cuisses me ramenaient en avant tout le champ de son cul contre lequel je barattais à petits coups, de haut en bas.

Accroupi sur mes talons, l’échine courbée, mon vit, coincé dans la raie des fesses, foulait et refoulait les nymphes coralines, et dégainant de sa glue de mouille, se pâmait dans l’anneau de l’entrée en un léger frottement sur place. Puis, ayant repiqué deux ou trois plongées vigoureuses jusqu’à l’utérus, il ressortait avec lenteur, déconnait entièrement, et, sans le secours de la main, rigide et gluant, fonçait, tête basse, dans la bouche de pourpre épanouie entre les brides du pantalon.

Non, je n’eus jamais une jouissance égale à cette possession d’un corps dans la torpeur de ses sens. J’étais véritablement le seul maître d’un plaisir dont la chair que je violais n’était plus que l’instrument aveugle et servile, passif à toutes les fantaisies de mon caprice.

J’eusse voulu la baiser de cent façons, en toutes les poses les plus bandatives, dans sa bouche pâle et languide, au creux de l’aisselle dont je buvais l’acide sudation de la frisure rousse, entre les nichons qui creusaient un vallonnement aussi satiné qu’un pétale de rose, sur le tapis d’or des épaisses boucles de sa toison, au pli grassouillet de son avant-bras, ou en ce coin si délectable du jarret parmi les plissures de son bas de soie héliotrope, ou encore entre ses adorables cuisses blondes plus veloutées que la tubéreuse, et là, dans cette ensorcelante raie du cul qu’aguichait encore la lubrique fente de la culotte, enfin dans cet anus tapi au fond des fesses et dont la polissonne rehaussait les stries d’un cerne de khol noir.

Tout en la besognant en des alternances d’arrêts où je refrénais mon ardeur de jouir, je composais avec les jambes de Colette, abandonnées à ma merci, une diversité de postures dont s’aiguillonnait mon rut sur les images les plus érotiques de son cul. Mon vit jusqu’à la garde dilatait à craquer l’anneau charnel qui l’épousait.

Soudain, sous le redoublement de mes coups dans la montée d’une extase qui emportait ma volonté, le corps charmant sortit de sa torpeur lascive et anima d’un frémissement les voiles qui le déshabillaient à moitié. Les seins pointaient la dureté de leurs fraises roses sous ma langue. Le souffle se précipitait ; un frisson agita l’ardente crépelure de la motte qui se mit à se mouvoir. Colette eut un soupir alangui, rouvrit les yeux et balbutia comme en se retrouvant à la minute où elle s’était évanouie :

— Oh ! oui… oh ! prends-moi… prends-moi… Entre, bien au fond… que je sente cogner ta queue comme celle du type…

Empoignant ses chevilles, je lui retournai les jambes contre l’épaule, et je l’encerclai de mes bras dans une pose si raccourcie que je la couvais tout entière.

— Oh ! oh ! que tu rentres… que tu rentres !… va, chéri… va, pousse !… murmura-t-elle. Cogne-le ce con, cogne-le… ah ! ah !…

Ah ! nom de Dieu ! si je cognais, car la rage m’avait repris à ce souvenir.

— Comme ça, qu’il te cognait ?

— Oh ! oui ! plus fort encore !… Va ! va !…

— Et toi, cochonne ?

— Moi, je lui tendais le cul, comme une pouliche en chaleur… ah ! ah ! que tu fais bien, chéri ! Oh ! c’est divin…

Me prenant la tête entre ses mains, elle me planta furieusement sa langue en bouche.

— Cogne ! donnes-en des coups de cul ! Ah ! que c’est bon !… Ah ! va ! va !… Salaud, tu t’en paies autant que lui, hein ? Dis, que j’ai un joli con ?… Ah ! ah !… un con royal, hein ? Sens-tu comme il te happe le gland, dis, mon conin ? Ah ! ah ! chéri, sur le bord, racle un peu, entre les lèvres… Ah ! ah ! oui, là… juste à l’entrée… Ah ! ce plaisir ! Mais tu pars ! tu pars, déjà !…

Son terrible casse-noisette avait eu raison de mes efforts à prolonger son délire. Sous le flot qui l’arrosait, dégageant ses jambes, les nouant sur mon dos, elle entra dans une folle danse de sa croupe, pompant ma queue avec toute l’énergie de sa motte qui me battait le pubis à coups précipités.

— Tiens ! tiens ! criait-elle en scandant la violence de ses saccades. Tiens ! tiens ! décharge-le ton foutre ! Hein ? si je la tire ta moelle ! Tiens ! tiens ! Ah ! quel délice !… Décharge ! décharge encore ! Plonge fort, va !… Mets-en… quoi… tu peux plus ?…

Son désir inextinguible s’exaspérait contre ma fatigue en une houle furibonde de ses flancs et de son cul.

— Vas-y ! recommence ! fais-moi jouir encore !

Et sur mon vit qui demandait à souffler, d’un branle déchaîné de son ventre, Colette, haletante, crispée à mon cou, mena d’affilée, trois autres postes en une chevauchée frénétique. Alors, me retournant sur le dos pour mieux m’éperonner, elle sauta sur ma verge qui avait repris vigueur, s’empala de tout le poids de ses fesses et, hurlante et frémissante comme une Walkyrie, la main à sa vulve pour m’empêcher de déconner aux soubresauts de sa course, elle s’abîma avec moi dans une dernière jouissance âpre, farouche, sauvage, où je crus pisser du sang.

 

— Et ton type ? demandai-je l’instant d’après qu’elle se lavait le cul.

— Quoi, mon type ? fit-elle distraitement, tandis que sa jolie main blanche et fine s’ébrouait dans la mousse savonneuse de ses poils.

— Oui, quand vous avez eu fini vos cochonneries ?

— Ah ! je ne t’ai pas dit ! Il m’a allongé une pièce de vingt francs ! oui, mon vieux, vingt francs ! hein, quel radin ?… Eh bien ! tu ne peux t’imaginer cet effet qu’il m’ait traitée en fille de trottoir ! ce ragoût de se dégrader, mon cher ! Alors ! tu ne sais pas ? Je me suis troussée et j’ai fourré la pièce sous la jarretière, comme les putains après une passe… Tiens ! prends-la ! ça m’excite que tu joues au mec avec moi. Va ! il faut être de son temps !

— Quand même, dis-je, tu es une belle saloperie !

Et je la claquai sur les deux joues.

Elle eut un hennissement de volupté.

— Oui, oui, venge-toi ! frappe-moi ! piétine-moi ! suppliait-elle.

Et soulevant sa jupe, elle fit glisser à ses pieds sa culotte, se mit à quatre pattes sur le tapis et livra à ma colère la radieuse beauté de ses fesses et de ses cuisses.

— Tiens, chéri, je te l’abandonne mon cul cochon ! Flagelle-le, fais-en de la charpie, déchire-moi la peau, étripe-moi le con et l’anus. Va, régale-toi !

Je ne résistai pas, sous la provocation de cette croupe adorable qui s’offrait à mes coups dans la posture même où elle sortait de se prostituer, je ne résistai pas à la volupté cruelle de meurtrir ses chairs délicatement rosées.

Je les giflai, je les fessai à tour de bras, du plat et du revers de mes mains à toute volée, les marbrant affreusement de l’empreinte de mes doigts comme une cire molle. Je passai au cramoisi, puis au lie de vin la tendre couleur aurore de la peau, qui bientôt, sous la violence de ma correction qu’excitaient les râles voluptueux et les trémoussements de Colette, se souleva en cloques où parurent quelques picots de sang.

Alors, dans l’ivresse de ce sadique massacre et la griserie de ce relent de chair battue et fumante, je me jetai, culotte bas, sur ce cul pitoyable que secouaient les délirantes convulsions de la jouissance sous les affres de la douleur.

Ainsi qu’une jument à l’approche de son étalon, Colette, secouant sa crinière, tendant sa nuque, jeta comme le cri d’une angoisse éperdue, creusa ses reins et étala largement la saillie de ses fesses pour m’y recevoir.

— Dans le cul, chéri, dans le cul ! implora-t-elle. Oh ! pour l’amour de Dieu, encule-moi !…

Avec une joie bestiale du mal, j’accostai brutalement, dans l’impétuosité forcenée de mon rut rallumé, la souffrance de ces chairs excoriées, livides et brûlantes, et m’ouvrant sans pitié la sente tuméfiée du cul, j’y plantai le vit d’un coup si rude que je crus en écarteler l’anus sous la force de mon gland.

Une plainte déchirante accueillit sur le seuil des entrailles le brandon que j’y poussais. Il me sembla, tant j’étais en feu, que j’allais en entendre grésiller les muqueuses. Mais quand j’eus plongé jusqu’au fond, je me sentis moi-même en pleine fournaise.

Dans la torture dont je suppliciais, par l’emboîtement de mon corps au sien, les fesses saccagées de Colette où je collais comme une tunique de Nessus, je la possédai avec un emportement lubrique qui assouvit, en une jouissance décuplée par le sentiment du mal que je lui faisais, toute l’exaltation de ma jalousie.

Et c’est sur les mâchures les plus vives de son cul que, dans l’absolution de sa faute, je répandis, par générosité d’âme, le baume rafraîchissant de mon foutre.

 

— Va, Colette, lui dis-je, alors que dans la glace elle mirait, par-dessous le troussé de sa robe, le triste état de la figure dont elle était fière jusqu’à la montrer à qui voulait la voir dans la rue, va, tu peux recommencer. Moi aussi, cela m’excite !

— Je le savais bien ! fit-elle sans rancune, en se pendant passionnément à mon cou.