Colette, ou les amusements de bon ton/02

s. n. [Maurice Duflou] (p. 19-38).
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II


Je l’ai connue aux Folies-Bergère où j’étais, ce soir-là, son voisin d’orchestre. Sa beauté fixa tout de suite mon attention : un ovale parfait, couronné des ondulations mordorées d’une luxuriante chevelure, des yeux d’un bleu pers, larges et bien fendus, qui avaient un éclat d’aigue-marine, un nez délicat, légèrement relevé à la Roxane, une bouche toute petite, ronde et rouge comme une cerise, une peau liliale, des mains à peindre. Grande, mince, mais bien en chair, une robe de velours rouge la moulait, dont le décolleté découvrait la blancheur d’une épaule du plus joli modelé et le vallonnement d’une ravissante gorge de vingt ans. Un homme paraissant plus de deux fois son âge — c’était son mari — l’accompagnait.

Je la dévisageai avec tant d’insistance qu’elle tourna son regard de mon côté. Je n’abaissai pas le mien devant sa hardiesse à me fixer à son tour ; je l’enveloppai de toute la flamme du désir qu’elle allumait en moi, et je lus dans la caresse de ses beaux yeux et le sourire qui releva le coin de sa bouche mignonne, le plus aimable des encouragements. J’entrai aussitôt en conversation avec son petit soulier lamé or et noir. Loin de s’étonner de ma familiarité, il s’empressa de me donner la riposte avec tout l’esprit qu’on peut mettre à parler par signes.

Tandis qu’en même temps je me délectais à déshabiller des yeux ma jolie voisine, un détail de sa toilette retint mon attention. Oh ! un rien : le relief de sa jarretière sous le chatoyant reflet du velours. J’en eus comme un choc sensuel. Au même instant, soit machinalement, soit qu’ayant surpris mon trouble, elle voulût m’en prolonger l’émoi, la belle fit, avec affectation, le geste piquant de la remonter le long de la cuisse.

Pour moi, amateur de dessous soignés, il ne me fallut que ce geste affété qui se liait à l’image d’élégances clandestines pour bander encore plus raide. Aussi, j’attaquai du genou. L’exquis visage me jeta cette fois un sourire plus marqué, puis s’effaça de nouveau dans la feinte attention qu’il semblait donner ailleurs, comme pour encourager mon audace.

Justement, l’éclairage venait d’être mis en veilleuse. J’effleurai de ma main la cuisse de la jeune femme, et enhardi par son immobilité, j’en caressai le contour délicatement conique… Un frisson, un imperceptible frisson répondit à ma privauté, et soudain la jambe tout entière s’accola à la mienne.

Alors, de l’air le plus tranquille du monde, Colette — je venais d’entendre son nom — souleva par côté sa robe jusqu’à la jarretière, en tapota la coque du bout de ses ongles carminés, rabattit à mi-cuisse la dentelle de sa culotte, et prenant sa lorgnette, laissa négligemment sa jupe en l’air.

Toute la jambe était à ma discrétion. Je n’hésitai plus. Ma main grimpa du jarret au volant de dentelle, se faufila dans la gaine de satin, franchit la lisière du bas, pelota et pétrit avec délice la ferme élasticité de la chair, et tout doucement dévala sur le devant, entre les cuisses jointes.

J’en étais là, quand le sigisbée de la belle dont j’avais cru surprendre des regards en coulisse, porta avec attention ses yeux où se dissimulait ma main. Je battis en retraite. Mais, ô surprise, à ce moment même où s’exerçait la curiosité du bonhomme, la jeune femme, avec un cynisme stupéfiant, se troussa toute la robe jusqu’à la manchette de son pantalon qui me parut de satin mauve ; elle en ouvrit discrètement la fente et sans plus de façons me prit la main. Elle me la déposa dans le nid douillet de sa toison, et se penchant à mon oreille :

— Allez-y carrément… branlez-moi… J’aime ça, là, devant tout le monde… c’est mon mari qui vous en prie.

De la tête, celui-ci m’avait alors salué très poliment. Je ne fus, de ma vie, davantage éberlué ; mais je ne me perdis ni en réflexions, ni en discours. Les deux belles cuisses s’écartèrent avec complaisance et je me disposai de la manière la plus commode.

Nous occupions le dernier rang de l’orchestre, dans un coin des plus obscurs. Il y avait peu de monde, encore ; derrière nous et sur le côté, le promenoir était presque désert. Je me tournai de biais vers ma voisine, j’allongeai familièrement mon bras gauche sur son dossier, et, de deux doigts insinués dans les lèvres de l’humide cosse, je branlai, sous les yeux du vieux, le clitoris dont il me faisait hommage.

J’y mis tout mon savoir.

— Eh bien ! Colette, murmurait le bonhomme qui se régalait de son office de voyeur, eh bien ! que vous semble de cette amusette ?

— Piquante, mon ami, piquante !…

— Et comment vous le fait-on ?…

— À la perfection, mon cher !…

Calée dans son fauteuil, accoudée d’un bras, son éventail de plumes de paradis déployé au-dessus de ma main, elle faisait aller d’un mouvement insensible sa petite motte.

Lorsqu’au durcissement de son pois de senteur suivi du raidissement de tout son corps, je compris qu’elle jouissait en silence, je lui plongeai mon médius au cœur de la vulve. Je l’en asticotai tout comme d’un vit, et, d’un balancement des reins dont elle accompagnait mon coït digital, elle fit sourdre, une seconde fois, la muette effusion de son plaisir. C’est à peine si je l’entendis soupirer :

— Ah ! ça y est !…

Et ses cuisses se refermèrent brusquement sur ma main que je dégageai.

Elle me tendit une petite pochette de soie où je m’essuyai discrètement. Le mari, avançant la tête, me dit :

— Je vous sais gré, Monsieur, de votre galanterie…

— Qui le cède à la vôtre, Monsieur, coupai-je aussitôt.

— Pas du tout, et je ne veux pas être en reste avec vous. Entre gens du monde on s’oblige mutuellement, et s’il vous plaît, Monsieur, à votre tour, d’agréer les bons offices d’une estime qui ne demande qu’à devenir plus familière…

— C’est aussi mon souhait, déclarai-je avec la même politesse. Et rien ne me serait plus agréable de savoir que c’est également celui de Madame, si j’ai pu lui donner lieu d’être satisfaite de moi.

— Très, Monsieur, très satisfaite, dit la jeune femme dont l’œil pétillait. Et je pense que nous ne nous en tiendrons pas là.

— Vous m’y voyez tout disposé, Madame, répondis-je, en baisant dévotieusement les doigts mignons qu’elle me tendait.

Négligemment, je laissai retomber sa main de ma bouche sur ma braguette. À travers le drap du pantalon, Colette saisit le témoignage flatteur de mes sentiments pour elle. Et comme je m’apprêtais à prévenir le geste que j’attendais d’elle :

— Non, laissez ! fit-elle en écartant mes doigts, cela m’excite…

Elle me déboutonna jusqu’à la ceinture, se glissa dans mon caleçon de soie, en explora sans hâte les coins cachés, caressa mes couilles et le périnée, enfin empoigna mon vit dont elle parut jauger la vigueur. Je compris à quelques mines que cet examen la confirmait dans une bonne opinion de moi.

— Au moins, êtes-vous vicieux ? me souffla-t-elle : c’est ce que j’apprécie surtout.

— Ô ma charmante ! je ne sais si vous me rendrez des points, mais je n’ai jamais été qu’à l’école du vice et j’ai pour les putains la plus vive considération.

Elle alors de son plus joli sourire :

— S’il en est ainsi, Monsieur, nous nous entendrons fort bien !

— Mais, m’enquis-je à voix plus basse, d’un ton un peu inquiet, votre mari doit-il être de toutes les parties ?

— Pensez-vous !… se récria-t-elle ; ce vieux cocu ?… Je ne vous demanderai que quelques charités pour lui : ce sont les rançons de ma liberté et de mes amusements ; car je suis très libertine… Ainsi, ce soir, je vous prierai de me baiser devant lui…

— Chez vous ?…

— Non, ici… Je sais l’endroit…

Tout en disant, Colette me branlottait doucement dans ma culotte, pendant que de sa main libre elle promenait sa lorgnette d’écaille sur la scène. Une vingtaine de jolies girls, quasi nues, y achevaient, cuisses en l’air, les évolutions de leur gymnastique érotique. Elle se pencha sur moi :

— Ah ! les belles fesses, les beaux culs, hein ? J’aimerais tant ça, moi, de montrer le mien en public, de faire bander toutes les queues et de voir les gens se branler devant moi, là, comme à présent…

Et ses doigts crispés sur la raideur de ma verge, elle ajouta :

— Se doutent-ils que je vous le fais, tous ces jolis culs dont je sens d’ici l’odeur de mouille ? Hein ? sentez-vous cette odeur de rut ?… Ah ! que je voudrais leur planter cette pine dans la jolie raie que dessine leur slip.

Je n’avais pas besoin de cette image pour m’exciter, et j’étais sur le point de polluer l’exquise petite main, lorsque le rideau tomba : c’était l’entr’acte. Le mari, avec toute la correction d’un homme du monde qui a l’habitude des situations les plus délicates, m’invita à venir boire, en compagnie de sa femme, une coupe de champagne. Colette prit gentiment mon bras, et au bar, sans aucune gêne, sous le couvert d’un échange de banalités et de propos assez licencieux, nous mîmes nos scrupules fort à l’aise. D’ailleurs, je n’avais d’yeux que pour la jeune femme dont ma bonne fortune me faisait servir le caprice et qui m’ensorcelait de sa beauté, de ses grâces, de son parfum et de tout ce qu’elle portait de voluptueux et de pervers dans sa démarche, dans ses gestes et son langage.

Lorsque le spectacle reprit, nous regagnâmes la salle. Impatient du bonheur qu’elle m’avait promis pour le soir même, je demandai à Colette dont la main tremblait dans la mienne :

— Est-ce pour maintenant, chérie ?

— Attends ! me dit-elle avec toute la familiarité déjà de deux amants. Pelote-moi d’abord un peu, là, dans la foule…

Et se frayant un passage au plus épais qui était tout rassemblé dans le voisinage de la scène, elle s’accouda à la balustrade du pourtour. Son mari se rangea tout à côté, moi derrière. Et quand nous fûmes de nouveau dans une demi obscurité, je soulevai avec précaution le bas de sa robe, pour donner à Colette le délicieux frisson d’un outrage fait à sa pudeur en public. J’avais compris que c’était l’émotion qu’elle recherchait et dont les femmes sont en général très friandes.

J’y allai si doucement qu’elle eut un sursaut au contact de ma main avec la chair de ses cuisses. Elle se retourna même brusquement sous l’effet de sa surprise, soit qu’elle crût que l’audace venait d’un autre, ou qu’elle s’en fît une plus piquante saveur d’y attirer les regards. Continuant mon manège avec toute l’habitude que j’en ai, je pelotai ses grassouillettes rondeurs, chatouillai son entre-fesses, et contournant sur le devant, je me posai dans la soie de ses poils.

Alors, elle, coulant un bras en arrière, eut l’incroyable témérité de me déboutonner, de tirer mon vit et de le diriger dans la raie de son cul que j’avais étroitement accolé.

Par bonheur, l’intérêt de la scène où paradaient les grâces nues de mademoiselle Maryse, tenait, têtes en l’air, tous les gens en haleine. Mais il fallait à Colette l’émotion active du scandale. Après qu’elle s’en fut donné assez l’illusion par cette bravade, elle lâcha ma queue que je rengainai dans la culotte, reprit mon bras et nous nous dégageâmes de notre cercle.

— Venez-vous ? dit-elle à son mari.

Comme sur un mot d’ordre, celui-ci nous mena au lavabo. La préposée lui fit un sourire de connaissance, il lui glissa un petit billet, et elle nous ouvrit une porte qu’elle referma derrière nous.

Aussitôt Colette se suspend passionnément à mes lèvres, le buste cambré sous mes mains, son ventre lascivement mouvant contre le mien. Puis, elle se baisse, me caresse le vit du bout de sa langue, l’embouche, donne deux ou trois coups de pompe, enfin se relève et se met en posture.

D’un geste gamin de son pied de Cendrillon, elle a saisi le bas de sa robe qu’elle remonte à la taille ; appuyée des mains au rebord de la cuvette, elle se penche, fait saillir sa croupe sous le satin mauve de sa culotte dont la fente qui bâille trahit les adorables secrets d’une raie profonde entre les deux reliefs charnus d’un blanc de neige.

— Va, me dit-elle à mi-voix, choisis à ton gré le chemin qui te tente… Les deux me sont également agréables…

— Eh bien ! répondis-je, nous ferons les deux promenades… Allons d’abord à Vénus !…

Et je l’enconnai. Elle, alors, tirant la queue de son mari, se mit à lui tailler une plume pendant qu’avec vigueur je fourgonnais son étroit vagin. Dans l’état d’érection où j’étais depuis une heure, ce ne fut pas long. Il ne me fallut pas dix secousses pour toucher au but. Et comme mon habile baiseuse avait su emboîter un pas égal au mien, je l’entendis gémir de jouissance au moment même où mon éjaculation lui emplit le conin de sa lave. J’étais encore en forme.

— À présent, fis-je, un petit tour à Sodome !

Et déjà, je m’engageais dans la voie de la terre jaune, quand Colette se redressa :

— Varions la chose, Monsieur, dit-elle. Vous m’avez baisée en levrette, enculez-moi en gamin… J’aime ça de me pourfendre moi-même !

Je m’assis sur le siège, et elle m’enjamba par-devant. Se haussant sur la pointe de ses petits souliers, une main à mon épaule, l’autre à mon vit, elle empala son anus en une lente pression des fesses. Elle y alla jusqu’aux poils, non sans étouffer quelques gémissements où le plaisir se mêlait à l’acuité de la perforation.

Quand elle fut entièrement chevillée, sa bouche exquise rendit un soupir d’aise sur ma bouche. Un bras passé à mon cou, nos lèvres jointes, nos langues en bataille, elle partit en poste. Ah ! Dieu ! qu’elle chevauchait bien, soulevée et abaissée alternativement sur ma quille à la molle cadence d’un petit trot pour prolonger le plaisir de la route.

Tout en cheminant, de sa jolie main distraite, elle machinait par à-coups le priape de son bonhomme dont toute l’extase était dans les yeux qu’il avait rivés sur le cul de sa femme.

Le bonheur, cette fois encore, nous enveloppa, elle et moi, dans la même félicité. La jouissance qui tordit la jeune femme sur mes cuisses renversa si vivement son torse en arrière que ses deux seins en bondirent hors du corsage, offrant à ma bouche la saveur de leurs baies vermeilles.

— Oh ! que c’est bon ! que c’est bon !… soufflait-elle entre ses dents, sous l’afflux de ma semence, la gorge haletante, l’œil voilé. Ah ! que tu décharges fort… Ah ! ah ! encore !…

Accolée à ma poitrine, ses bras en collier, à grands coups de cul manœuvrant la pointe de ma mentule, elle pompait avidement de son sphincter les dernières gouttes qui dégorgeaient du méat.

— Ah ! que je jouis !… que je jouis !… râlait-elle à mi-voix sur ma bouche.

D’un mouvement convulsif, sa motte se frotta à ma toison que je sentis se baigner d’une abondante rosée, puis la jolie tête s’alanguit sur mon épaule. Un arôme doux et chaud d’Origan légèrement aillacé montait de l’aisselle blonde de Colette.

Nous nous déliâmes enfin. Jupe à la taille, prenant ma place sur la cuvette, très placidement elle se mit à pisser, tandis que de ses doigts effilés elle faisait monter au sommet de ma verge une dernière goutte qu’y cueillit sa bouche mutine.

Là-dessus, la jeune femme se releva, et, sa robe rabattue, elle vint gratter à la porte. La préposée nous ouvrit aussitôt qu’elle put nous ménager une sortie. Elle nous salua avec toutes les marques de la plus grande considération. Au vestiaire, Colette congédia fort lestement son mari. Il nous accompagna jusqu’à sa voiture, en me rendant mille grâces de ce que je voulusse bien prendre soin de sa femme pour le reste de la nuit.

Un petit chasseur, casquette à la main, nous ouvrit la portière. De figure gentille, figé dans un respectueux émoi, il semblait quêter la charité d’un regard de ma compagne.

— Mais c’est mon petit mendiant ! fit celle-ci en s’engouffrant dans l’auto. Le coquin, il sait que je lui donne chaque fois.

Et lui tapotant la joue :

— Eh bien ! monte, nigaud, qu’attends-tu ?

Elle le tira par le bras et l’assit à son côté, rouge de bonheur. La portière claqua.

— Au Rat Mort !

À peine roulions-nous que, sans plus égard à moi que si je n’eusse pas été là, elle entreprit le gamin, le branla d’abord un peu, puis, enjambée par lui, debout sur la banquette, le fit jouir en bouche.

— À moi, mignon ! dit-elle aussitôt.

Renversée sur son siège, les pieds en l’air contre la glace de devant, elle lui donna son con à gamahucher. Nous arrivions comme elle rendait l’âme pour la seconde fois.

Elle lui glissa une pièce et nous entrâmes.

À table, elle fut d’un entrain étourdissant où la fantaisie capricieuse de son esprit acheva de m’enchaîner à la séduction endiablée de son adorable personne. Au dessert, elle me dit tout à coup :

— Je veux boire à nos amours !

Je tendis ma coupe à ses lèvres. Elle les détourna avec un sourire moqueur.

— Enfant ! fit-elle, ce n’est pas ainsi que je l’entends !

Se rapprochant un peu plus de moi sur la banquette, dans le petit coin où nous étions, elle me déboutonna, harpa mon vit de sa main droite et, à l’abri de la nappe, se mit carrément à le secouer. Mon bras passé sur son épaule, je la regardais faire tout en lâchant mes ronds de fumée. Ses yeux dans les miens, elle me murmura :

— Quand tu y seras, avertis-moi, hein ?

— Quoi donc, Colette, observai-je assez effaré, c’est à la source même que vous comptez boire ?

— C’est mon affaire ! Laissez-vous seulement jouir !…

Je me fusse gardé de l’interrompre davantage par une curiosité intempestive. Elle faisait si bien ! Ah ! fichtre, quel velours que celui des trois jolis doigts dont elle jouait sous le scintillement de leurs pierres ! Le buste droit, un coude sur la table, nul n’eût soupçonné, tant elle y était habile, l’outrage public de son audace.

— Hein ? me disait-elle, si c’est savoureux à la barbe de tous ces gens !…

Le plaisir me parcourait déjà de ses ondes et bourdonnait à mes oreilles parmi les énervantes langueurs de l’orchestre de tziganes. Colette surprit dans mon regard les signes avant-coureurs de la syncope.

— Ça va y être, dis ?

Pour toute réponse je lui serrai convulsivement le poignet dont elle me branlait.

Alors, elle glissa prestement entre mes jambes un grand verre qu’elle avait à sa portée, et d’une ultime secousse me faisant éjaculer, y recueillit tout le jet de ma semence. Puis, avec le sang-froid d’un défi, enveloppant de sa main le témoignage de son stupre, elle me le tendit pour que je l’arrosasse d’extra-dry. Elle battit longuement la floconneuse mixture, délaya, fit mousser, et quand le breuvage eut l’aspect d’une épaisse citronnade, d’un toast mutin levant son verre, elle me dit, du plus joli de ses sourires :

— À nos amours, Monsieur !

Et lentement, à petites gorgées, comme on déguste un vin généreux, elle vida l’étrange philtre qui devait nous lier.

— Maintenant, à toi ! reprit-elle en essuyant sa bouche mignonne.

Elle vit mon ébahissement.

— Ah ! voilà qui vous intrigue !…

En même temps, elle me passait un biscuit à champagne.

— Prends !

— Et puis ? questionnai-je.

— Quoi ? vous ne devinez pas ?… Ah ! Monsieur, qu’il vous reste à apprendre !… La forme et la consistance de ce biscuit ne vous éclairent donc pas sur son usage ?… Dans quelle coupe voulez-vous que cela se trempe ?…

— Ah ! délices de mon cœur, lui dis-je, que vous êtes polissonne, et que je suis sot ! Mais, ici, Colette…

Elle eut un haussement d’épaules.

— Si vous croyez que personne ne m’a vue vous branler !… Allons, trempez, chéri !…

Sans plus de façons qu’elle n’en avait mis à me déboutonner la braguette, elle troussa le devant de sa robe et m’ouvrit sa culotte de soie. Et comme je jetais un regard anxieux autour de nous :

— Qu’il vous en faut peu pour vous émouvoir, me dit-elle en une moue d’impatience. Mais le scandale, mon cher, c’est le piment de la vie !… Montrez-moi que vous seriez le digne partenaire de tous les libertinages de bon ton !

Je ne pouvais plus hésiter, à moins de faire figure de naïf et de me ridiculiser.

— Allons, Monsieur, ajouta Colette, voici ma cosse qui vous attend !… Par exemple, faites doucement pour ne pas l’écorcher, encore que je ne déteste pas la brutalité au lit !…

Mon bras droit disparut sous la nappe, pendant que l’autre s’appliquait à donner le change d’une banale familiarité. Je passai le bout du biscuit rose entre les lèvres du conin ; avec précaution je l’y insinuai à l’aide d’un doigt, puis le machinant d’avant en arrière, je le fourrai tout entier dans la vulve.

— Laissez l’y un moment, chéri, pour qu’il s’humecte bien, souffla Colette ; vous verrez cette fine gourmandise ! Mon cher, un jus de noisettes pilées, ma mouille !…

Elle croisa ses cuisses afin de chauffer à point, le temps de boire une coupe, et d’allumer une Laurens ; puis, de nouveau entre-bâillant sa culotte à ma main :

— Défournez, ami, et croquez-moi ça !

Je retirai le biscuit tout enveloppé d’une onctueuse crème. Ma foi, sous l’effet d’une demi griserie, sans dégoût j’y mordis à pleines dents, tandis que penchée sur moi, Colette, avec une grâce espiègle, m’en disputait l’autre moitié. Et nos lèvres se rencontrèrent sur la dernière bouchée.

À cet instant, un vieux Monsieur méticuleux qui sortait, s’approcha et me dit :

— Faut-il envoyer le chasseur vous retenir un foutoir ?

— Comme ça se trouve, répliqua Colette, on y allait justement !

C’est, en effet, dans une maison de passe de la rue Pigalle dont elle était une habituée, qu’elle me conduisit pour y finir la nuit. Elle y fit choix de deux beaux fruits exotiques, tout nouvellement arrivés et qui n’avaient pas encore passés en mains, deux jolies filles de seize ans, une petite Chinoise et une grande Malabaraise, d’un galbe piquant, d’une finesse de peau qui ne le cédait qu’à l’incomparable fermeté des chairs.

Elles lui travaillèrent, deux heures durant, alternativement ou en conjuguant leur savoir, les seins, la motte, le nombril, l’aisselle, le con, l’anus et la plante des pieds, avec tous les raffinements de l’art érotique de l’Extrême-Orient. Pas un pouce de son corps ravissant, dont Colette me donnait ainsi le régal sous l’infinie résonance des cordes de son inépuisable sensualité, n’échappa à leurs baisers, à leurs suçons, à leurs morsures, aux pointes irritantes de leurs langues expertes.

Elle se fit successivement enconner et enculer par chacune d’elles, en même temps que je la gamahuchais. Nous occupâmes les relâches de sa fatigue à voir la fluette jaune et la plantureuse noire se gougnotter avec l’emportement d’une sombre bestialité, parmi des râles comme je n’en entendis jamais et des sursauts où leurs corps se tordaient en nœuds reptiliens. Ensuite, je la baisai étendue sur le dos de la Malabaraise, pendant que la Chinoise m’effeuillait le croupion de la plus suave manière.

Après une collation pour ranimer nos forces, suivie d’un intermède que nous jouèrent les deux Orientales à se piner à tour de rôle avec le godemiché, je sodomisai la mignonne Fuh-lang, tout en muguetant le cul de Colette agenouillée par-dessus ses épaules, Djélanhi couchée sous moi, entre mes jambes qui me mâchait les burnes.

Insatiable et d’une volupté qui se revivifiait de ses excès mêmes, Colette ordonna une dernière figure. Les trois femmes se disposèrent en levrette, à la file indienne. Colette occupait la place du milieu. Foutue en con par la Pékinoise, elle foutait en cul la mulâtresse dont j’avais, assis sur un siège bas, la tête crépue entre mes cuisses. J’embouchai ses lèvres épaisses et suavement ourlées comme j’eusse enconné une petite jument. Elle me pompa, suça et picota le dard avec un talent de fellatrice dont ces peuples d’Asie, élevés dans le culte de la fornication, ont le secret.

Un ongle plongé dans mon anus, les doigts de son autre main me faisant mille pattes, tandis que sa bouche et sa langue multipliaient leurs artifices, la Malabaraise eut raison de ma lassitude. La résistance prolongée de mon organe creva soudain en une jouissance indicible sous l’ardente et acharnée ponction qui me semblait tirer, en un souffle de feu, toute la substance de mon être.

Mourantes de plaisir sous leur phallus de cire et sous l’agilité du doigt dont elles se clitorisaient mutuellement, les trois gousses s’effondrèrent l’une sur l’autre.

Pour finir, Colette se paya encore le luxe de pisser dans la bouche de ses partenaires en s’accroupissant alternativement sur leur visage, ainsi qu’elle eût fait sur le pot.

Là-dessus, nous nous rhabillâmes et nous sortîmes fort satisfaits de nous. Je raccompagnai Colette au petit jour et rentrai chez moi sur les genoux.