Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1205

Règne de Philippe II Auguste (1180-1223)

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[1205]


Les Français et les Vénitiens qui avaient pris Constantinople, tandis que tout leur avait jusque là heureusement réussi, reçurent, vers la fête de Pâques, un important échec. Le roi des Blacques et des Bulgares, les ayant attaqués, de concert avec les Comans, les Grecs et les Turcs, les vainquit ; par la permission du Seigneur, les principaux d’entre eux périrent dans le combat. Par un commun conseil, leur armée fut divisée en trois parties. Les uns se tenaient à la garde de Constantinople ; les autres, avec Henri, frère de l’empereur Baudouin, se répandant partout, se rendaient maîtres des villes et châteaux non encore soumis, et veillaient à empêcher ceux qui l’étaient de se révolter. L’empereur Baudouin, avec les grands, assiégea la ville d’Andrinople, éloignée de l’espace de cinq journées de Constantinople. Comme ils étaient donc arrêtés à ce siège, harcelés un jour par les ennemis, Louis, comte de Blois, et d’autres nobles, les attaquèrent témérairement et les poursuivirent trop loin. Lors ils furent entourés par un grand nombre d’ennemis, qui sortirent des embuscades dressées de tous côtés, et il se fit un misérable carnage des Français. L’empereur fut pris, et un grand nombre de nobles furent tués. Ainsi privée de ses chefs, l’armée leva le siège, et vint à Constantinople. Gautier, comte de Brienne, qui s’était emparé de la plus grande partie de la Pouille, et avait eu jusques alors la fortune prospère, entouré par Tybod, fut blessé et pris, et mourut peu de temps après.

Philippe, roi de France, s’empara, après un long siège, de Loches et de Chinon, châteaux très-fortifiés. Par là toute la Touraine et tout l’Anjou furent délivrés de la domination du roi d’Angleterre.