Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1206

Règne de Philippe II Auguste (1180-1223)

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[1206]


La reine Adèle, mère de Philippe, roi de France, mourut à Paris, et fut enterrée en Bourgogne à Pontion, auprès de feu son père Thibaut, comte de Champagne et de Blois. Jean, roi d’Angleterre, passa en Aquitaine, et amena avec lui d’innombrables troupes vers La Rochelle. Philippe, roi de France, marcha à sa rencontre avec de grandes forces. Les deux armées n’étant pas loin l’une de l’autre, il ne s’engagea cependant aucun combat ; Jean, roi d’Angleterre, voyant ses provisions épuisées, laissa là l’expédition, et fut forcé de s’en retourner sans avoir réussi. Othon, qui avait long-temps disputé, au sujet de l’Empire, contre Philippe, roi des Romains, abandonné de ses partisans, demeurait à Cologne, seule ville qui lui fût favorable. Mais Philippe assiégea Cologne ; les citoyens étant sortis pour combattre, furent vaillamment repoussés ; et Othon ayant été honteusement mis en fuite, Cologne se rendit à Philippe.

Comme à Constantinople on n’avait aucune certitude sur la mort ou sur la vie de l’empereur Baudouin, les Français et les Latins élevèrent au trône de l’Empire et couronnèrent Henri, son frère, jeune homme d’une très-grande bravoure. Dans le même temps, un certain clerc, nommé Galon, revenant de Constantinople dans son pays, apporta en France avec lui la partie antérieure de la tête de saint Jean-Baptiste, et en fit présent à l’église d’Amiens. La veille de Saint-Nicolas, chose peu commune en hiver, le tonnerre gronda, des éclairs brillèrent, et dans beaucoup d’endroits, des édifices en furent consumés. Il s’ensuivit de tels torrens de pluie qu’il n’y avait personne de cette époque qui dît avoir jamais vu fondre un tel déluge et inondation. La Seine, à Paris, brisa trois arches du Petit-Pont, renversa en cette ville un grand nombre de maisons, et causa ailleurs beaucoup de dommages. Barthélémy, archevêque de Tours, mourut, et eut pour successeur Geoffroi de Lande.