Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 15/Géométrie élémentaire, article 10

GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Réflexions d’un Anonyme, sur l’article de M. Bouvier,
inséré à la page
 115 du présent volume ;

(Extrait ; par M. Gergonne.)
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Un Anonyme nous a adressé d’Allemagne, nous ignorons de quelle contrée, des réflexions critiques sur la démonstration donnée par M. Bouvier de la propriété de minimum dont jouissent le périmètre du carré et la surface du cube, entre les périmètres et surfaces des parallélogrammes rectangles de même surface et des parallélipipèdes de même volume.

L’auteur de ces réflexions ne prétend pas infirmer la démonstration de M. Bouvier, qu’il trouve tout-à-fait exacte ; mais il en attaque la forme qu’il trouve peu naturelle et peu d’accord avec le titre d’élémentaire que M. Bouvier lui a donnée. Pour des raisons logiques dans le détail desquelles il est superflu d’entrer, il pense, 1.o que M. Bouvier aurait dû démontrer d’abord ses deux corollaires, comme propositions principales, et ne présenter ensuite celles qu’il considère comme principales que comme des corollaires de celles-là ; 2.o que, pour exprimer que deux quantités sont inégales, il est plus convenable d’exprimer que la plus grande diminuée de la plus petite donne un reste plus grand que zéro, que d’exprimer que la plus grande divisée par la plus petite donne un quotient plus grand que l’unité ; et c’est principalement à reproduire la démonstration d’après ces bases qu’il consacre la lettre qu’il nous fait l’honneur de nous adresser.

Si l’Anonyme ne tenait qu’au premier de ces deux points, la démonstration serait tout aussi simple que celle de M. Bouvier, et on retomberait même exactement sur les résultats déjà obtenus par ce géomètre ; mais on ne peut accorder le second qu’en sacrifiant beaucoup de la brièveté ; et c’est ce dont le lecteur demeurera sans doute convaincu, lorsque nous lui aurons mis sous les yeux une démonstration conforme au vœu du critique, bien qu’un peu plus simple que la sienne ; démonstration qui, au surplus, se trouvera peut-être pareille à celle de M. le professeur Lhuilier, qui ne nous est pas connue.

THÉORÈME I. Parmi tous les parallélogrammes rectangles de même périmètre, le carré est celui de plus grande surface.

Démonstration. Quel que soit un parallélogramme rectangle donné, ses deux dimensions peuvent toujours être représentées par et de manière qu’aucune des deux quantités et ne soit négative. Seulement devra être supposé nul, si les deux dimensions sont égales.

La surface de ce parallélogramme sera et son périmètre

Si, sous le même périmètre, on veut construire un carré, son côté devra être ou et sa surface sera Tout se réduit donc à prouver qu’on doit avoir

ou

inégalité qui devient, par le développement,

dont l’exactitude est manifeste, tant que n’est pas nul, c’est-à-dire, tant que le rectangle donné n’est point un carré.

COROLLAIRE. Parmi tous les parallélogrammes rectangles de même surface, le carré a le moindre périmètre.

Démonstration. Soient, en effet, un rectangle et un carré équivalent ; et supposons, s’il est possible, que ce carré n’ait pas un moindre périmètre ; en construisant un rectangle semblable à et de même périmètre que ne serait pas moindre que ni conséquemment moindre que contrairement à ce qui vient d’être démontré.

THÉORÈME II. Parmi tous les parallélipipèdes rectangles de même surface, le cube est celui de plus grand volume.

Démonstration. Quel que soit un parallélipipède rectangle donné, ses trois dimensions peuvent toujours être représentées par de manière qu’aucune des trois quantités ne soit négative. Seulement sera nul, si les deux plus grandes dimensions sont de même longueur ; ce sera si ce sont les deux plus petites ; enfin, et seront tous deux nuls, si les trois dimensions sont égales.

La surface de ce parallélipipède sera

c’est-à-dire,

et son volume

c’est-à-dire,

Si, sous la même surface, on veut construire un cube, l’une de ses faces devra être le sixième de la surface totale du parallélipipède, c’est-à-dire ;

son arête sera donc

et son volume

et tout se réduira à prouver qu’on doit avoir

ou bien

or, en développant, on trouve, pour la première partie,


et pour la seconde,


substituant donc dans l’inégalité ci-dessus, il viendra


ou, en développant et réduisant,


inégalité dont l’exactitude est manifeste, tant que et ne sont pas tous deux nuls, c’est-à-dire, tant que le parallélipipède donné n’est point un cube.

COROLLAIRE. Parmi tous les parallélipipèdes rectangles de même volume, le cube à la moindre surface.

Démonstration. Soient en effet un parallélipipède rectangle et un cube équivalent ; et supposons, s’il est possible, que ce cube n’ait pas une moindre surface. En construisant un parallélipipède semblable à et de même surface que ne serait pas moindre que ni conséquemment moindre que contrairement à ce qui vient d’être démontré.

Voilà des démonstrations terre à terre, telles que l’Anonyme paraît les aimer, et telles que tout le monde peut les trouver ; tandis que M. Bouvier les avait abrégées par un coup d’adresse ; et, dans notre opinion, les coups d’adresse qui abrègent constituent le talent. Du reste, nous remercions sincèrement ce critique pour nous avoir fait remarquer, 1.o qu’à la page 116, ligne 18, il eût été plus court, plus clair et plus correct de remplacer ces mots : ayant une surface moindre que la sienne, par ceux-ci : sous une surface moindre ; 2.o qu’au bas de la page 117, nous avons laissé mettre minimum pour maximum. Lui-même, dans sa lettre, au lieu de a écrit ce qui prouve que tout le monde ici bas est sujet aux distractions, hors de France tout comme en France.