Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 10/Géométrie descriptive, article 1

GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.

Construction de la tangente à une courbe
à double courbure ;

Par un Abonné
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Au Rédacteur des Annales ;
Monsieur,

Dans le traité de Géométrie descriptive, récemment publié par M. Vallée, l’auteur donne, d’après M. Hachette, la solution du problème dont voici l’énoncé :

PROBLÈME. Une ligne courbe quelconque, à double courbure, soumise ou non à la loi de continuité, étant donnée, avec un de ses points ; mener, par ce points une tangente à cette courbe ?

Pour parvenir à son but, l’auteur, d’après M. Hachette a recours à des surfaces gauches dont la courbe dont il s’agit est l’intersection ; ce qui conduit à une solution si compliquée qu’elle me paraît pouvoir passer pour impraticable. M. Vallée lui-même semble en porter le même jugement, puisqu’il dit (pag. 268) que le procédé qu’il vient de développer est d’un emploi pénible, et que c’est seulement sous le rapport de la géométrie descriptive que M. Hachette a rendu un grand service à la science.

J’ai essayé de résoudre le même problème d’une manière différente ; et voici ma solution qui me paraît assez simple pour mériter d’être connue. J’observe d’abord que la courbe et le peint par lequel il est question de lui mener une tangente, étant donnés par leurs projections horizontale et verticale, les projections de la tangente par le point donné ne seront autre chose que les tangentes menées aux projections par les projections du même point ; de sorte que tout le problème se réduit à savoir mener une tangente à une courbe plane, par un point donné de cette courbe  ; ce que j’exécute ainsi qu’il suit :

Soit (fig. 10) la courbe plane proposée ; et soit le point par lequel on se propose de lui mener une tangente. Par ce point soient menées à la courbe une suite de sécantes arbitraires sur lesquelles soient prises, à partir de cette même courbe et dans le même sens, les longueurs égales et arbitraires par les points déterminés par ces longueurs, soit fait passer une seconde courbe laquelle contiendra le point comme la première. Si alors de ce point comme centre, et avec un rayon égal à la longueur constante et arbitraire dont il vient d’être question, on décrit un arc de cercle coupant cette seconde courbe en la droite sera la tangente demandée.

Si, en effet, on représente en général par la distance du point à un point quelconque de la première courbe, et par la longueur constante ; la distance du point au point correspondant de la seconde courbe aura pour expression mais, lorsque la sécante devient tangente, on a donc pour la tangente en on doit avoir

On conçoit que, dans la pratique, il convient de prendre la longueur constante aussi grande que l’espace dont on peut disposer peut le permettre, afin d’écarter le point le plus possible du point Il conviendra aussi de multiplier davantage le nombre des sécantes dans le voisinage de la tangente, afin d’être plus sûr de la courbure de la seconde courbe en cet endroit. Enfin, on pourra se ménager un moyen de vérification, en portant aussi la longueur constante en sens inverse ; ce qui déterminera une nouvelle courbe auxiliaire, et conséquemment un nouveau point à l’opposite du premier.

Lorsque l’un des points pris sur la courbe primitive, est très-voisin du point comme il arrive, par exemple, dans le cas actuel pour le point la direction de la sécante peut être douteuse ; alors, pour la déterminer plus surement, on peut recourir au procédé que voici, et qui porte avec lui sa démonstration.

Des points et comme centres, et avec un même rayon quelconque, plus grand cependant, que la moitié de soient décrits quatre arcs se coupant en puis de ces deux points comme centres et avec un autre rayon arbitraire, plus grand cependant que la moitié de l’intervalle soient décrits deux nouveaux arcs se coupant en alors la droite sera la sécante demandée.

Nous devons remarquer encore que nos deux courbes sont auxiliaires l’une de l’autre, d’où il suit que, si du point comme centre, et avec pour rayon, on décrit un arc de cercle coupant la courbe primitive en la droite sera une tangente en à son auxiliaire.

Il est presque superflu d’observer qu’en enseignant à mener graphiquement une tangente à une courbe plane, par un quelconque de ses points, nous avons aussi enseigné implicitement à lui mener une normale par le même point.

Quoique cette solution semble plus simple et non moins exacte que celle de M. Hachette, il restera toujours à ce géomètre le mérite d’avoir le premier résolu la question. Ce qui peut néanmoins paraître extraordinaire, c’est qu’il ait eu recours à des surfaces courbes, lorsque toutes les quantités données et la quantité cherchée se trouvent situées dans un même plan. Je ne serais pas éloigné de croire, au surplus, que la solution de M. Hachette, bien analisée, se trouverait revenir à celle qui vient d’être exposée.

Agréez, etc.

Marseille, le 16 de septembre 1819.