Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 10/Géométrie élémentaire, article 1

GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Solution des problèmes de mathématiques proposés au concours général des colléges royaux de Paris, en 1819 ;

Par M. Francœur, professeur à la faculté des sciences
de Paris.
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Les problèmes qu’on a proposés cette année au concours général des colléges royaux de la Capitale m’ont semblé susceptibles de solutions élégantes. Celui de mathématiques élémentaires, en particulier, m’ayant paru faiblement résolu par les concurrens ; ce qui tient sans doute à la difficulté du sujet ; j’ai pensé que les géomètres pourraient ne pas voir sans quelque intérêt les recherches auxquelles je me suis livré sur ces divers problèmes ; et c’est ce qui me détermine à les consigner ici.

Mathématiques élémentaires.

Problème unique. Par un point donné dans un angle, et également distant de ses deux côtés, mener une droite, terminée à ces mêmes côtés, de telle sorte que le point donné la divise en deux segmens dont la somme des quarrés soit équivalente à un quarré donné ?

Solution. Soient l’angle donné (fig. 1), et le point donné, également distant des côtés soit la droite cherchée, et soit le côté du quarré auquel la somme des quarrés des segmens doit être équivalente.

Soient menées respectivement parallèles à la figure sera un lozange donné, dont nous représenterons le côté par Soient, en outre ;

Le triangle donne
Le triangle donne

on a donc par la condition du problème

(1)

Les triangles semblables donnent d’ailleurs

ou encore

(2)

Voilà donc deux équations pour déterminer et et conséquemment le problème pourrait, en toute rigueur, être réputé résolu.

En mettant pour dans la première équation, sa valeur donnée par la seconde, elle prend cette nouvelle forme

(3)

d’où on tire

On connaît donc présentement la somme et le produit des deux inconnues ces deux inconnues sont donc racines d’une même équation du second degré, et, puisque a déjà deux valeurs, le problème a quatre solutions. On voit, au surplus, qu’à cause de la symétrie de la figure, ces quatre solutions se réduisent réellement à deux.

Soit abaissée du point la perpendiculaire sur et désignons par nous aurons

d’où

Prolongeons jusqu’en au-delà de de manière qu’on ait en menant et en représentant par la longueur de cette droite, nous aurons

ce qui donnera

équation fort simple, qu’il faudra combiner avec (2), pour avoir

L’élimination de entre ces deux équations donnera, comme l’on sait,

d’où

et l’on aurait semblablement

Si l’on porte sur de part et d’autre du point en et on aura Les moitiés de ces deux distances étant prises pour hypothénuses de deux triangles ayant un des côtés de l’angle droit égal à l’autre côté de l’angle droit de ce triangle sera la valeur de notre radical ; et le reste de la construction ne souffrira plus aucune difficulté.

À cause que entrent symétriquement dans les équations du problème, on peut ne prendre que le signe supérieur du radical dans les valeurs de on obtiendra ainsi deux solutions du problème desquelles on déduira facilement les deux autres en observant que les quatre droites qui le résolvent doivent être, deux à deux, symétriquement situées par rapport à la droite

À cause de on voit que, lorsque les quatre valeurs de seront réelles et inégales, il y en a toujours deux positives et deux négatives ; ces dernières devant être portées en sens inverse des premières, il s’ensuit qu’il y a alors deux solutions dans l’angle tandis que les deux autres sont dans ses deux supplémens. La figure 2 représente l’ensemble de ces quatre solutions. Les quatre droites cherchées sont tellement situées que l’on a et l’on a en outre

Tant que sera plus petit que il sera, à plus forte raison, plus petit que et le problème admettra quatre solutions distinctes. Si l’on a ou

ou, en chassant le radical,

ou enfin

les deux droites se confondront dans la seule droite et le problème n’aura plus que trois solutions. Il n’en aura que deux seulement, lesquelles tomberont toutes deux dans l’angle lorsque sera compris entre et Ces deux solutions se réduiront en une seule lorsqu’on aura ou

ou, en chassant le radical,

et les deux droites se confondront alors dans une seule perpendiculaire menée à par le point Enfin, si l’on a les quatre valeurs de seront imaginaires, et le problème ne pourra plus être résolu.

Dans le cas où l’angle donné est droit, le lozange devient un quarré (fig. 3) ; on a et partant

les quatre racines sont à la fois réelles ou à la fois imaginaires, suivant qu’on a ou et, dans le premier cas, deux sont positives et les deux autres négatives. Rien d’ailleurs n’est plus facile alors que de construire le problème.

Si, en effet, du centre et d’un rayon égal à on décrit un arc, coupant en et en et qu’ensuite des points et avec les rayons respectifs on décrive des demi-cercles terminés, le premier sur en et le second sur en en menant par ces points et par le point les droites ces quatre droites résoudront le problème.

Au lieu d’éliminer entre les équations

on peut en déduire les valeurs de par l’intersection des lieux géométriques de la manière suivante :

Si l’on prend l’angle donné pour angle des coordonnées positives, la première de ces deux équations sera celle d’une hyperbole passant par le point et ayant pour asymptotes les deux côtés de cet angle ; hyperbole qui se trouve ainsi tout-à-fait déterminée. Quant à l’autre, c’est celle d’une droite déterminant sur les axes, à partir de l’origine, des segmens égaux entre eux et à En répétant donc (fig. 4) la même construction que dans la figure 1.re, et portant d’une part sur vers de en et de l’autre sur la même droite, en sens inverse, de en si des points on abaisse sur les perpendiculaires coupant cette droite en les abscisses des intersections de ces droites avec l’hyperbole seront les quatre valeurs de Ainsi, par exemple, dans le cas de la figure, le problème n’admettra que deux solutions, parce que ne rencontre pas la courbe.

Mais on peut, dans cette construction, remplacer l’hyperbole par le cercle. Si, en effet, du quarré de l’équation on retranche le produit de l’équation par il viendra

équation d’un cercle rapporté aux deux côtés de l’angle donné comme axes, ayant son centre à l’origine, et son rayon donné par la formule

Ayant donc construit, comme ci-dessus, les deux droites (fig. 5), nous aurons, comme alors Si, de plus, nous menons la diagonale du lozange, nous aurons les deux, valeurs de deviendront donc

Soit donc le centre du lozange. En prolongeant au-delà de d’une quantité du point comme centre et de deux rayons respectivement égaux à on décrira deux arcs coupant en puis du centre et avec les rayons on décrira deux cercles, dont les intersections respectives avec auront pour abscisses les valeurs cherchées de On voit donc qu’ici, comme dans la figure précédente, le problème n’admettra que deux solutions.

Mathématiques spéciales.

PROBLÈME I. Une droite se meut sur le plan d’un angle donné, dont les côtés ont une longueur indéfinie, de manière à former avec ces côtés un triangle dont l’aire soit constante et donnée ; à quelle courbe appartient le centre de gravité de l’aire de ce triangle, point déterminé par la condition que les droites qui le joignent aux trois sommets du triangle partagent ce triangle en trois parties équivalentes ?

Solution. Soit l’angle donné (fig. 6) ; soit l’une des positions de la droite mobile ; soit l’aire constante du triangle variable et soit enfin la position du centre de gravité qui répond à celle de

Soient menées on devra avoir, par l’énoncé Soit divisé en trois parties égales en soient menés et soit prolongée jusqu’à la rencontre de en

Les triangles sont équivalens, comme étant l’un et l’autre le tiers de d’où il suit que est parallèle à est donc semblablement parallèle à Les triangles sont donc semblables ; et, puisque est le tiers de et doivent être respectivement le tiers de et donc aussi sont les tiers respectifs de ou les moitiés de donc le point est le milieu de ce qui démontre une propriété connue du centre de gravité, d’après la définition admise dans l’énoncé du problème.

Soient pris les deux côtés de l’angle donné pour les axes des coordonnées ; et en conséquence, soient faits on aura Mais l’aire on aura donc, en substituant,

ou

La courbe cherchée est donc une hyperbole dont les asymptotes sont les côtés de l’angle donné, et dont la puissance est constante connue.

Pour construire cette courbe, on prendra (fig. 7) ; on formera le lozange dont le sommet sera le sommet de l’hyperbole, ayant pour asymptotes les côtés de l’angle donné. La courbe sera donc complètement déterminée. Elle aura d’ailleurs, pour les longueurs de ses demi-diamètres principaux, Les diagonales et du lozange dont il vient d’être question.

Dans le sens strict de l’énoncé du problème, l’autre branche d’hyperbole, comprise dans l’opposé au sommet de l’angle est inutile à sa solution ; mais cette branche, ainsi que les hyperboles conjuguées à la première que l’on construirait dans les deux supplémens de l’angle devraient entrer en considération, dans le cas où l’on donnerait au problème cet énoncé général :

Deux droites fixes d’une longueur indéfinie se coupant sur un plan sous un angle donné, et une autre droite, aussi indéfinie, étant mue sur ce plan, de manière à former, avec les deux premières, un triangle dont l’aire soit donnée et constante ; quel est le lieu du centre de gravité de l’aire de ce triangle ?

Sous cet énoncé général, la courbe, formée de quatre branches hyperboliques, aurait pour équation

PROBLÈME II. Un angle trièdre fixe étant donné dans l’espace ; on suppose qu’un plan indéfini se meut de manière à former avec les trois faces de cet angle trièdre, un tétraèdre dont le volume soit constant et donné ; et on demande quel sera le lieu du centre de gravité du volume de ce tétraèdre ; point déterminé par cette condition que les quatre tétraèdres qui, y ayant leurs sommets, auront pour bases les quatre faces du tétraèdre dont il vient d’être question, devront être équivalens ?

Solution. Soient (fig. 8) les trois faces de l’angle trièdre donné, dont le sommet est en soit l’une des positions du plan mobile ; soit le centre de gravité qui lui répond ; et soit enfin le volume constant du tétraèdre

Soit menée prolongée jusqu’à la rencontre du plan en soit menée et, par le point soit menée, parallèlement à l’arète une droite se terminant à en Soit encore menée prolongée jusqu’à la rencontre de en soient, en outre, menées respectivement parallèles à et se terminant à ces droites en Menons enfin

À cause de parallèle à et conséquemment au plan de la face les deux tétraèdres qui, ayant cette face pour base commune auront leurs sommets en et devront être équivalens ; mais, puisque le premier doit être le quart du tétraèdre total le dernier doit l’être aussi ; donc est le quart de donc est le quart de et conséquemment le quart de On prouverait semblablement que est le quart de d’où il serait facile de déduire que est le centre de gravité de l’aire du triangle que est le quart de et d’obtenir ainsi toutes les propriétés connues du centre de gravité du volume du tétraèdre, en partant de la définition comprise dans l’énoncé du problème.

Soient prises les trois droites pour axes des coordonnées. Soient faits nous aurons

soient, en outre, l’angle que fait avec sa projection orthogonale sur la base et soit l’angle la hauteur du tétraèdre total sera évidemment l’aire de sa base étant d’ailleurs son volume sera

en substituant donc, nous aurons pour l’équation de la surface cherchée ; lieu de tous les points

surface du troisième ordre.

Pour en étudier la forme, nous remarquerons que, si l’on fait on a équation d’une hyperbole entre ses asymptotes ; et l’on pourrait faire la même remarque pour et Ainsi cette surface est telle que toutes ses sections parallèles à l’un quelconque des plans coordonnés sont des hyperboles ayant pour asymptotes les intersections des deux autres plans coordonnés par le même plan ; et il n’en faut pas d’avantage pour apercevoir que la nappe de cette surface, comprise dans l’angle trièdre proposé, s’étend à l’infini et a pour plans asymptotiques les faces même de cet angle trièdre par lesquelles elle est d’ailleurs circonscrite.

Cette nappe seule résout le problème, dans le sens strict de son énoncé ; mais si, au lieu d’un angle trièdre, on considère trois plans indéfinis passant par un même point, et formant angles trièdres autour de ce point, le problème pourra être indistinctement résolu par toutes les nappes de cette surface, lesquelles sont au nombre de quatre, et tellement disposées entre elles, que deux ne se trouvent jamais situées dans deux angles opposés aux sommets. Les angles où elles se trouvent sont, 1.o l’angle des positifs ; 2.o les trois angles pour lesquels une seule des trois coordonnées est positive.

On peut donner à l’équation de cette surface une forme symétrique, en y introduisant les angles que forme l’arête avec les arêtes il suffit pour cela de remarquer que, suivant les notes de la Géométrie de M. Legendre, on a

et d’introduire cette valeur dans l’équation ci-dessus.