Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée, La Fausse Antipathie : Acte III dans Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée 1762




ACTE III



Scène I.

ORPHISE, seule.

Sçachons ce que Geronte aura fait chez sa niéce.
S’il aime un peu ma fille, en cas qu’il s’intéresse
À son hymen, il peut me servir à mon gré.
Damon est gentilhomme ; il est même titré…



Scène II.

GERONTE, ORPHISE.
Geronte, sortant de chez Léonore.

La femme est une espece à qui rien ne ressemble ;
C’est tout bien ou tout mal ; & tous les deux ensemble.
Est-elle vertueuse ? elle l’est à l’excès.
Sa sagesse devient un véritable accès ;
La modération lui paroît insipide :
C’est toujours à l’extrême où son penchant la guide.
Ses moindres mouvemens sont des convulsions ;
La vertu, dans son cœur, se change en passions,

Dégénere en faux zèle, & devient fanatique.

Orphise.

Ah ! vous voilà, Monsieur, dans votre humeur critique.

Geronte.

Ne vous chagrinez pas d’un portrait si flâté.
Une femme, à tout âge, est un enfant gâté.

Orphise.

Le mépris pour le sexe est un air qu’on se donne,
Qui n’est, en vérité, convenable à personne.

Geronte.

Madame, je suis juste, & sans prévention.
J’avois fait jusqu’ici certaine exception…

Orphise.

Peut-on sçavoir combien vous en exceptiez ?

Geronte.

Peut-on sçavoir combien vous en exceptiez ?Une.
Et c’étoit encor trop.

Orphise.

Et c’étoit encor trop.Pour nous quelle fortune !

Geronte.

C’est Silvie. Ah ! morbleu, je me trompe de nom.
Son caprice imprévu me trouble la raison.
Diable ! Je ne sçais plus ce que je voulais dire.
J’exceptois Léonore ; & cela vous fait rire.

Orphise, riant.

C’est votre niéce, à qui vous faisiez cet honneur ?

Geronte.

Léonore, elle-même.

Orphise.

Léonore, elle-même.Elle a bien du bonheur.