Julia Daudet, Poésie de Madame Julia A. Daudet dans Le Monument de Marceline Desbordes-Valmore

1896



Poésie de Madame Julia A. Daudet


Mère, femme et poète, et l’on peut s’étonner
Que pleurent dans ses vers tant de subtiles peines,
La plainte et le regret, le droit de pardonner,
Les devoirs familiers parmi les heures vaines,

L’inquiétude au fond de ton cœur éprouvé,
Comme une eau qui s’agite et remonte aux paupières,
Car ton destin errant sans cesse fut gravé,
Marceline au doux nom, sur les plus dures pierres.

Ici, près de ta mère, il me semble te voir,
Et tenant à son cœur de si vive tendresse,
Que, bien des ans passés, tu sus nous émouvoir
De cet amour l’enveloppant de sa caresse,

De la vie humble en un foyer de pauvreté,
Mais où déjà l’enfant qui serait un poète
Rien qu’en aspirant l’air mouvant d’un jour d’été,
Ouvrait sa petite âme à souffrir toute prête.

Et tu chantas d’abord un oiseau prisonnier
Dans le décor, dans l’or fleuri des girandoles,
Et d’accents si vibrants, que bientôt le dernier
Se brisa sur ta lèvre en amères paroles.


Plus de chants ! Mais en toi, comme au col gémissant
De la colombe en proie à sa plainte éperdue
Se gonflaient les regrets, les soupirs à l’absent,
Tu mourais, sans le rythme en qui te fut rendue

La voix, l’expansion des maux soufferts, criés
Ou murmurés parfois à qui sait les entendre,
Muse au Calvaire, Madeleine aux doigts liés
Sur une lyre, Femme en pleurs et Mère tendre !