Edward Gibbon, Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain : tome II, chapitre XI 1776

Traduction François Guizot 1819


Règne de Claude. Défaite des Goths. Victoires, triomphes et mort d’Aurélien.

SOUS les règnes déplorables de Valérien et de Gallien, l’empire avait été opprimé et presque détruit par les tyrans, les soldats et les Barbares. Il fut sauvé par une suite de princes, qui tiraient leur obscure origine des provinces martiales de l’Illyrie. Durant un espace de trente ans environ, Claude, Aurélien, Probus, Dioclétien et ses collègues triomphèrent des ennemis étrangers et domestiques de l’état, rétablirent, avec la discipline, la force des frontières, et méritèrent le titre glorieux de restaurateurs de l’univers romain.

Auréole envahit l’Italie, est vaincu et assiégé dans Milan.

Un tyran efféminé fit place à une succession de héros. Le peuple indigné contre Gallien lui imputait tous ses malheurs ; et réellement ils tiraient, pour la plupart, leur source des mœurs dissolues et de l’administration indolente de ce prince. Il n’avait pas même ces sentimens d’honneur qui suppléent si souvent au manque de vertu publique, et tant que la possession de l’Italie ne lui fut pas disputée, une victoire remportée par les Barbares, la perte d’une province, ou la rebellion d’un général, troubla rarement le cours paisible de sa vie voluptueuse. [A. D. 268.] Enfin une armée considérable, campée sur le Haut-Danube, donna la pourpre impériale à son chef Auréole, qui, dédaignant les montagnes de la Rhétie, province stérile et resserrée, passa les Alpes, s’empara de Milan, menaça Rome, et somma Gallien de venir sur le champ de bataille disputer la souveraineté de l’Italie. L’empereur, irrité de l’insulte et alarmé à la vue d’un danger si pressant, développa tout à coup cette vigueur cachée, qui perçait quelquefois à travers l’indolence de son caractère ; et s’arrachant au luxe du palais, il parut en armes à la tête des légions, traversa le Pô, et marcha au-devant de son compétiteur. Le nom défiguré de Pontirole [358] rappelle encore le souvenir d’un pont sur l’Adda, qui, durant l’action, dut être un objet de la plus grande importance pour les deux armées. L’usurpateur fut entièrement défait, et reçut même une blessure dangereuse. Il se sauva dans Milan, qui fut aussitôt assiégé. Le vainqueur fit dresser contre les murailles toutes les machines de guerre connues des anciens. Auréole, incapable de résister à des forces supérieures, et sans espérance d’aucun secours étranger, se représentait déjà les suites funestes d’une rebellion malheureuse.

Sa dernière ressource était