Samuel Taylor Coleridge, La Harpe éolienne 1795

Traduction Charles-Augustin Sainte-Beuve 1830


XXVII

A MON AMI VICTOR PAVIE

LA HARPE ÉOLIENNE

traduit de coleridge

Ô pensive Sara, quand ton beau front qui penche,
Léger comme l’oiseau qui s’attache à la branche,
Repose sur mon bras, et que je tiens ta main.
Il m’est doux, sur le banc tapissé de jasmin,
À travers les rosiers, derrière la chaumière.
De suivre dans le ciel les reflets de lumière.
Et tandis que pâlit la pourpre du couchant.
Que les nuages d’or s’écroulent en marchant,
Et que de ce côté tout devient morne et sombre.
De voir à l’Orient les étoiles sans nombre
Naître l’une après l’autre et blanchir dans l’azur,
Comme les saints désirs, le soir, dans un cœur pur.
À terre, autour de nous, tout caresse nos rêves ;
Nous sentons la senteur de ce doux champ de fèves ;
Aucun bruit ne nous vient, hors la plainte des bois,
Hors l’Océan paisible et sa lointaine voix
Au fond d’un grand silence ;

Au fond d’un grand silence ; — et le son de la Harpe,
De la Harpe en plein air, que suspend une écharpe
Aux longs rameaux d’un saule, et qui répond souvent
Par ses soupirs à l’aile amoureuse du vent.
Comme une vierge émue et qui résiste à peine,
Elle est si langoureuse à repousser l’haleine
De son amant vainqueur, qu’il recommence encor,
Et, plus harmonieux, redouble son essor.
Sur l’ivoire il se penche, et d’une aile enhardie
Soulève et lance au loin des flots de mélodie ;
Et l’oreille, séduite à ce bruit enchanté.
Croit entendre passer, de grand matin, l’été,
Les sylphes voyageurs, qui, du pays des fées,
Avec des ris moqueurs, des plaintes étouffées,
Arrivent, épiant le vieux monde au réveil.
Ô magique pays, montre-moi ton soleil.
Tes palais, tes jardins ! où sont tes Harmonies,
Elles, qui,