Félix Lazare, Louis Lazare, Justice (Palais de) dans Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments 1844
Justice (palais de).
Il était réservé à notre époque de continuer l’œuvre inachevée des siècles précédents, et de mettre la dernière main à des monuments vénérables sans leur ravir le cachet précieux des temps où ils ont été élevés.
L’État, le département de la Seine et la ville de Paris doivent concourir pour des parts proportionnelles à l’agrandissement et à l’isolement du Palais-de-Justice. Grâce à cet heureux accord, la capitale de la France comptera bientôt un monument complet de plus.
Nous allons jeter un regard rétrospectif sur l’origine et les phases du Palais-de-Justice. Peut-être le moment où l’édifice va changer d’aspect est-il le plus favorable pour écrire son histoire.
Le Palais-de-Justice est presqu’aussi vieux que celui des Thermes. Il était édifice public même avant l’invasion des Francs dans les Gaules. En preuve de cette assertion, nous allons rappeler une circonstance récente.
En 1784, on découvrit à une grande profondeur, dans une fouille qui fut faite sous les bâtiments qui bordent la rue de la Barillerie, en avant de la Sainte-Chapelle, un cippe quadrangulaire haut d’environ trois mètres. Ce monument ne porte aucune inscription et présente sur ses quatre faces, des figures ayant 1 m. 80 c. de hauteur. Sur l’un de ses côtés, on reconnaît facilement le dieu Mercure, qui est représenté avec tous ses attributs. Sur une autre face, on voit une image d’Apollon armé de l’arc et du carquois. Il tient d’une main un poisson, et de l’autre s’appuie sur un gouvernail. Cette réunion d’attributs dans le même personnage a fait penser avec raison que cette figure était l’emblème de la navigation sur la Seine. Le troisième côté du cippe représente une femme qui porte un caducée, attribut qui paraît s’appliquer à Maïa, mère du dieu Mercure. Enfin sur la dernière face se trouve un jeune homme couvert du paludamentum. Il a des ailes et tient de la main droite un globe. Il pose le pied sur un gradin, et semble prêt à s’élancer dans les airs. Nos historiens ont pensé que cette figure était l’emblème du soleil au printemps ; ses ailes indiquent la vélocité de sa course, et le disque la rotondité de l’univers. Ce cippe est d’une pierre commune pareille à celle des sculptures de l’autel des Nautes Parisiens, trouvé en 1711 sous le chœur de l’église Notre-Dame. M. Grivaud de la Vincelle, qui a donné la description de ce monument, en fait remonter la construction à l’époque où fut érigé l’autel des Nautes, c’est-à-dire sous le règne de Tibère. Ce cippe, transporté à la Bibliothèque royale, est placé au bas de l’escalier qui conduit aux salles de lecture.
Ce curieux débris nous démontre, outre l’ancienneté du palais, que l’importance de Lutèce était tout entière dans son commerce par eau. En effet, sa situation excellente pour le commerce fluvial n’offrait pas, surtout au premier âge de la ville, les mêmes avantages au transport des marchandises par terre ; la Cité, qui se trouvait dans un fond marécageux, était environnée de bois très épais et de montagnes très fatigantes à gravir. Arrêtés par ces obstacles, les Parisiens durent préférer le commerce par eau qui, n’offrant aucune difficulté, se faisait avec plus de promptitude. Il paraît certain que, sous la domination romaine, le palais fut habité par des officiers municipaux connus sous le nom de défenseurs de la Cité. Ces magistrats populaires, dont les fonctions étaient mixtes, tenaient lieu de juges ordinaires et de police, et d’officiers de finance sous l’autorité de l’unique magistrat de province, c’est-à-dire du Proconsul romain. Ils étaient toujours nommés de droit par le peuple, et cette élection n’était regardée comme valable que lorsqu’elle était consentie par tous les citoyens. Leurs attributions embrassaient la justice sommaire sur toute espèce de contestations entre les habitants, la justice commerciale, les fonctions municipales et le recouvrement des impôts. Les défenseurs de la Cité étaient élus ordinairement parmi les Nautes Parisiens, qui devaient compter dans leur corporation les citoyens les plus notables.
Le palais de la Cité fut réparé, agrandi ou rebâti par