Clément Dumesnil, Réflexions préliminaires des vrais principes politiques 1849

I.

De la Flatterie

La flatterie, dans tout gouvernement, est un signe de servitude ; elle est incompatible avec la liberté, qui produit l’égalité. La flatterie est fausse et égoïste ; elle découle de la peur ou de la fureur ; n’ayant que soi en vue, elle n’observe aucune règle de mérite ou d’équité. La flatterie est d’autant plus exaltée et plus honteuse que ceux qui la patronisent sont plus méprisables ; aussi Pline observe-t-il que les empereurs qui furent les plus haïs, furent aussi les plus flattés ; car, dit-il, la dissimulation est plus ingénieuse et plus artificieuse que la liberté, et la peur l’est plus que l’amour.

C’est un vice en inimitié continuelle avec la vérité : il est calomniateur, et souvent cruel : tout mot qui lui déplait est un libelle ; toute action qu’il n’aime pas est une trahison ou une sédition.

Avec un gouvernement libre, cet être hideux, qu’accompagnent toujours la bassesse et le déshonneur, craint de se montrer, et se cache.

La tyrannie fait les flatteurs, comme les flatteurs font les tyrans. Ces êtres dégradés doivent être voués au mépris de tous les citoyens d’une société bien constituée.

II.

De l’Esprit Public.

L’esprit public, entendu comme il faut, est l’amour de son pays, qui renferme tous les sentimens honorables et chers à l’humanité ; après la vraie religion, sans laquelle il ne peut avoir de solide fondement, c’est la première des vertus, qui contient en elle toutes les autres vertus sociales ; elle conduit à l’avantage de tous : celui qui en est vraiment animé ne considère ni la peine, ni les périls, ni les pertes qui peuvent résulter pour lui dans le noble exercice qu’il en fait ; en un mot, c’est la sollicitude de l’homme pour tout ce qui peut promouvoir et assurer le bien être de son pays et de ses concitoyens.

On parle beaucoup de l’esprit public, mais on en parle très souvent sans en être pénétré ; on le mentionne sans en avoir une véritable idée, seulement comme une chose excellente, une qualité précieuse que tout le monde aime, dont personne ne voudrait passer pour ne pas avoir, et que beaucoup, trop malheureusement, ne comprennent que comme devant être la satisfaction de leurs passions personnelles, de leur esprit d’égoïsme, et de leur ambition particulière.

Considérez ce portrait, ô vous grands patriotes, gouvernans et gouvernés, entrez en vous-mêmes, et voyez si vous en avez la ressemblance. Qui avez-vous louangé pour son propre mérite, sans esprit de parti ? Qui avez-vous renversé pour le seul bien de votre pays ? Quels avantages avez-vous procurés à votre nation en sacrifiant vos propres intérêts ?