Jacques-Julien Houtou de La Billardière, Mémoire sur le moyen employé par les rainettes pour s’élever le long des corps même les plus lisses 1819


Lu à l’Académie royale des Sciences, le 11 janvier 1819.




Les naturalistes qui de nos jours ont donné l’histoire des rainettes, n’ont pas manqué de nous faire connaître leur opinion sur la manière dont ces jolis animaux grimpent le long des corps les plus polis. Ils pensent que c’est au moyen de pelottes visqueuses qu’ils ont à cet effet sous les doigts. La rainette commune (hila viridis) que j’ai conservée pendant plusieurs mois, m’a mis à portée de reconnaître qu’une cause bien plus puissante que la viscosité, les aide à merveille dans leur marche ascensionnelle. En effet, c’est en formant le vide au moyen de la pelotte dont l’extrémité de chaque doigt est munie, qu’ils se soutiennent dans toute position très-inclinée, et même à la renverse. Alors les muscles fléchisseurs des doigts se contractent, puis la pelotte hémisphérique dont chaque extrémité est garnie s’applique exactement contre l’objet auquel elle doit se fixer, en s’aplatissant du centre successivement jusque sur les bords. Là se trouve ce qu’on a désigné sous le nom d’ongle ; corps moins dur qu’un cartilage, mais résistant, à-peu-près circulaire, ayant en arrière une légère dépression ; il circonscrit dans tout le pourtour chaque pelotte, qui est formée de fibres musculaires très-déliées et fort rapprochées, attachées principalement à la dernière phalange, qui, très-courte, dépasse à peine le milieu des pelottes rétractiles. Leur plus grand volume se fait remarquer dans l’état de relâchement par le renflement de ces mêmes pelottes qui sont revêtues, à l’extérieur, d’une membrane très-lisse. Avec une pareille disposition, il est bien aisé à cet animal de s’opposer plus ou moins, selon le besoin, à la pression atmosphérique. En effet, lorsqu’il se fixe sur un verre bien transparent et dans une position verticale, on voit ses pelottes se contracter au moyen de l’appareil musculaire dont nous venons de parler, le bord dur qui les entoure étant appliqué très-exactement pour défendre tout accès à l’air atmosphérique dans la cavité qui se forme alors. Il ne faut pas un grand effort pour l’y soutenir, puisqu’on le voit souvent employer à peine le tiers de ses moyens d’adhésion, pour laisser reposer les autres ; toute contraction musculaire étant toujours pénible. La juxtaposition de la peau du dessous du corps ajoute sans doute à ces mêmes moyens ; mais il n’est question ici que de ceux qu’il emploie pour s’élever. Je l’ai vu plusieurs fois poursuivant sa proie le long du vitrage, se garantir de la chute au moyen d’une seule de ses pelottes qui l’y ramenait.

Les rainettes présentent toutes la même conformation. Les naturalistes ont eu raison, sans doute, de ranger ces batraciens dans un genre nouveau, bien distinct des grenouilles, avec lesquelles cependant Linné les avait réunis. Mais il sera