Émile Bergerat, Le Maître d’école 1870


LE


MAÎTRE D’ÉCOLE


à mon ami
FRÉDÉRIC ANDRÉ






I

Messieurs les Allemands, au détour d’un chemin
Vous m’avez arrêté, les armes à la main…
Je ne suis pas soldat, n’ayant pas l’uniforme.
Vos édits sont formels, — et je les avais lus.
Je serai fusillé tout à l’heure ! — Au surplus
Faites votre devoir, je plaide pour la forme.


II

Quand vous êtes venus en France, mon pays,
J’étais l’instituteur de ces bourgs envahis.
Comme on entend les bois gazouiller à l’aurore,
Le babil des enfants indiquait ma maison !
— C’est celle que l’on voit fumer à l’horizon,
Dans ce brasier, où tout un canton s’évapore.


III

Ma femme était Badoise. — Oui, dans ce temps serein,
On pouvait naître encor des deux côtés du Rhin
Sans s’égorger et sans songer aux représailles.
Son cours ne traversait que mes rêves d’amant :
S’il me séparait d’elle, il était allemand ;
Elle le crut français le jour des épousailles.


IV

Nous nous étions connus à Strasbourg ! — Je voudrais
Ne pas dire ce nom devant vous, étant près
De retourner au Dieu qu’atteste ma patrie !
Elle était protestante, et mon culte est romain ;
Mais le jour