Hippolyte Buffenoir, La Jeune Sicilienne dans Cris d’amour et d’orgueil 1888


LA JEUNE SICILIENNE


La jeunesse est une fleur dont
l’amour est le fruit… Heureux le
vendangeur qui le cueille après
l’avoir vu lentement mûrir !

Pindare
.

I


Voyageur attiré par les splendeurs de l’Art,
J’avais franchi le seuil d’une église célèbre,
Et, marchant à pas lents, je cherchais du regard
Les chefs-d’œuvre taillés dans le marbre funèbre.

J’admirais les tombeaux, les lampes d’or massif
Qui brûlent nuit et jour devant le tabernacle :
Leurs discrètes lueurs m’avaient rendu pensif
Comme un croyant qui tremble à la voix d’un oracle.

Qui n’a des souvenirs, et ne devient rêveur
Au fond d’un sanctuaire aux piliers séculaires ?
Qui ne sent s’éveiller quelque antique ferveur
Dans les temples remplis d’ombres crépusculaires ?

Je songeais qu’autrefois des milliers de mortels,
Pèlerins accourus de lointaines contrées,
S’étaient agenouillés au pied de ces autels
Dont je considérais les parures sacrées.

Et j’évoquais les jours où le peuple en émoi,
Naïvement séduit par un attrait mystique
Aimait s’anéantir et proclamer sa foi
Dans les fleurs et l’encens de l’enceinte gothique.

L’église était déserte, et le bruit de mes pas
Retentissait longtemps sur la dalle sonore :
Je croyais m’avancer dans la nuit du trépas
Et des morts profaner le sommeil incolore.

Oh ! non, non, me disais-je en ma sincérité,
Ce ne sont point les murs de cette église antique
Qui renferment pour moi la vie et la beauté !
Ces autels ont perdu leur attrait poétique.

Fuyons le morne aspect de ces tombeaux glacés,
De ces froids monuments, de ces linceuls de pierre
Où sont ensevelis d’illustres trépassés
Depuis longtemps réduits et tombés en poussière.

Dans le marbre doré laissons se reposer
L’orgueilleux souvenir de ces grands personnages,
Et sous ces vastes nefs