Juhani Aho, La Bienvenue. Nuit d’hiver dans La Revue blanche, tome 22, Mai-juin-juillet-août 1900

Traduction Ivan Aguéli

UN POÈME FINNOIS[1]

La bienvenue Nuit d’hiver


Je salue ton retour, ô nuit d’hiver, crépuscule regretté, ami fidèle et pacifique !

Tu es certainement beau, toi aussi, jour d’été du Nord, soleil qui ne veux jamais disparaître et que célèbrent tous les oiseaux ; toi qui fais éclore les feuilles des arbres et qui dore l’épi, tu es aussi mon ami doux et généreux.

Mais tu es indiscret ; tu es trop familier : tu ne me laisses jamais seul. Tu veux toujours me rappeler ta personne ; tu m’obliges à tout voir sous ton jour : ciel, terre, forêt, rivages, champs et prairies… Tous doivent surgir à ta lumière, comme frappés de la puissance magique. Tu veux soumettre à ton pouvoir, non seulement le jour, mais encore le royaume de la nuit. L’été durant, tu veux que toute la création se prosterne devant toi. L’alouette du ciel doit chanter tes louanges du matin jusqu’au soir, et lorsque ton disque a disparu, le rossignol les continue. Le coucou doit te glorifier les vingt-quatre heures entières, dans la chaleur brûlante du midi, pendant les heures froides de la nuit.

C’est pour cela que tu me fatigues et que je souhaite ton départ.

Et c’est encore pour cela que je salue ton retour, silencieux crépuscule d’hiver, frère jumeau du soleil printanier, ô mon ami paisible, discret.

Tu planes et descends lentement, sans bruit, sur les champs et les plaines ; tu déploies l’ombre de tes ailes invisibles devant ma fenêtre, telle une mère qui tire doucement les rideaux devant le berceau de son enfant et s’en va, mystérieuse sur la pointe des pieds.

Le monde extérieur disparaît

  1. Une littérature est en train de naître au pays de la nuit boréale : — en voici une des rares manifestations.