Prosper Jolyot de Crébillon, dit Crébillon père, Atrée & Thyeſte. Tragédie 1750


ATRÉE ET THYESTE
TRAGÉDIE
ACTE PREMIER
SCÈNE I.
Atrée, Euryſthène, Alcimédon, gardes.
A T R É E.

Avec l’éclat du jour je vois enfin renaître
L’eſpoir & la douceur de me venger d’un traître.
Les vents, qu’un dieu contraire enchaînait loin de nous,
Semblent avec les flots exciter mon courroux ;
Le calme, ſi longtemps fatal à ma vengeance,
Avec mes ennemis n’eſt plus d’intelligence ;
Le ſoldat ne craint plus qu’un indigne repos
Aviliſſe l’honneur de ſes derniers travaux.
Allez, Alcimédon ; que la flotte d’Atrée
Se prépare à voguer loin de l’île d’Eubée :
Puiſque les dieux jaloux ne l’y retiennent plus,
Portez à tous ſes chefs mes ordres abſolus ;
Que tout ſoit prêt.


SCÈNE II.
Atrée, Euryſthène, gardes.
ATRÉE, à ſes gardes.

Que tout ſoit prêt.Et vous, que l’on cherche Pliſthène ;
Je l’attends en ces lieux. Toi, demeure, Euryſthène.


SCÈNE III.
Atrée, Euryſthène.
A T R É E.

Enfin ce jour heureux, ce jour tant ſouhaité
Ranime dans mon cœur l’eſpoir & la fierté.
Athènes, trop longtemps l’aſile de Thyeſte,
Éprouvera bientôt le ſort le plus funeſte ;
Mon fils, prêt à ſervir un ſi juſte tranſport,
Va porter dans ſes murs & la flamme & la mort.

E U R Y S T H È N E.

Ainſi, loin d’épargner l’infortuné Thyeſte,
Vous détruiſez encor l’aſile qui lui reſte.
Ah ! Seigneur, ſi le ſang