Percy Bysshe Shelley, Le Nuage (The Cloud) 1820

Traduction 1860 par le chevalier de Chatelain


Le Nuage.


                         I.

                      Des ruisseaux et des mers
J’apporte un bain de pleurs à la fleur embaumée ;
                      De mes hauts belvéders
Je porte une ombre douce à la feuille pâmée.
                      J’éveille le bouton
                      Quand dans le molleton
Sur le sein de sa mère il berce sa pensée,
En tombant goutte à goutte en humide rosée.
Je fouette la grêle et par monts et par vaux,
                      Et soudain je blanchis la terre,
Et puis me ravisant, j’en forme des ruisseaux
Et lui rends sa verdure…… en dépit du tonnerre.


                         II.

                      Bien au-dessus de moi
Je tamise la neige, et les hauts pins gémissent ;
                      Et la nuit, comme un Roi
Sur cet oreiller blanc mes membres s’assoupissent.
                      Dans les castels de l’air
                      Mon pilote, l’éclair,
Se tient, muet sublime, observant le tonnerre
Qui s’agite en dessous comme un foudre de guerre ;
Lors à travers la terre, à travers l’océan
           Bien doucement mon pilote me guide,
                  Prenant quelquefois son élan,
Soit vers les rocs aigus, soit vers quelqu’Atlantide,
En quête où les Esprits assemblent leur divan,
                         Où plane leur fluide ;
Jusqu’à ce qu’il soit sûr, sous un torrent, un mont,
                      D’avoir trouvé l’Esprit qu’il aime ;
Et moi, pendant ce temps, je me chauffe au plafond
Du ciel bleu ; – cependant qu’il se dissout lui-même !