Waldlieder
Traduction par des contributeurs de Wikisource.
Gedichte, volume 2CottaVolume 2 (p. 212-214).

V.

Comme Merlin
Je veux pénétrer la forêt ;
Ce que les tempêtes emportent,
Ce que le tonnerre roule,
Et les éclairs désirent,
Ce que les arbres disent,
Quand ils craquent,
Je veux comme Merlin le comprendre.

La jouissance de l’orage monte en lui
Et Merlin jette son vêtement
Dans la tempête,
Afin que les vents caressent,
Les éclairs purifient
Sa poitrine nue.

Le chêne étend ses racines
Dans la terre,
Mille fois, sous le sol il boit
La vie à ses sources secrètes,
Qui font atteindre à son tronc le ciel.

Merlin laisse ses cheveux flotter au vent
Çà et là dans la nuit orageuse,
Les éclairs fauves et ardents l’entourent
Et oignent sa tête,
La nature, ouverte,
Sa sœur, sa confidente,
Abreuve son cœur, quand les éclairs
Embrassent sa chevelure noire.

L’orage est achevé,
Calmement la nuit suit son cours ;
Après la bataille, entièrement pacifié,
Le ciel retrouve sa sérénité ;
Béni soit celui qui écoute
Comme Merlin le silence de la forêt !

Nuit de printemps ! Pas un souffle,
Même les tiges les plus frêles ne ploient plus,
Chaque feuille est immobile, comme ensorcelée
Par le regard de la Lune.
Gagnant peu à peu les dieux
Et pénétrant les lois éternelles,
Sous le couvert d’un haut chêne
L’enchanteur veille, penseur solitaire,

Tissant mystérieuses sous les branches
Des toiles de pensées.

Certaines voix inaudibles,
Qui ne parlent pas aux hommes,
Merlin les entend chanter
Doucement et danser en ronde.
Car la reine des elfes,
Ou quelque Parque malicieuse,
Pour aider ses sens,
Tient à son oreille un cornet enchanté.
Il entend couler, mousser et bondir
Le flux vital des plantes ;
Les oiseaux épuisés par les jeux de l’amour et de la journée
Sommeillent dans les branchages,
Mais leur repos aussi est heureux ;
Tendant l’oreille, Merlin les entend
Rêver sous leur plumage
À des chants prochains.
Comme les sons, la lumière de la Lune se répand
Sur les chênes et les aubépines,
Et dans le calice que forme la mousse la plus tendre,
L’on entend bruire le poème de l’éternité.