Éditions Georges Crès et Cie (p. 95-·).


CHAPITRE VII

Un an

Passé ?

Déjà !

Comme le temps file !

Jadis c’était bien autre chose :

Les Mois, les Ans avaient des lieues de long Très peu de large. Ce temps allait à pied. Paisible. Il faisait sa petite promenade quotidienne. Flânotant. Devisant par grandes périodes. Souvent on marquait le pas. On manquait d’air, un peu, entre des bêtes de bâtisses banales (démolies !)

Nous avons connu les voitures à chevaux (pas possible !) Et le ciel vierge (quel archaïsme !). — Nos petits-neveux riront de bon cœur en apprenant notre pauvre Histoire asthmatique.

— Tant pis ! — Nous aussi, vers 14 ans, nous avons ri des Revenants-Illustres, invités par nos Professeurs à donner — via notre intelligence avertie, brillante ; leur opinion (stupéfaite) sur le Progrès qu’ils n’ont pas connu, eux, — Pythagore, Platon, Shakespeare, — entre autres.

Mais notre Temps :

Un beau midi il se réveille

tout fatigué de sa torpeur

il fait appeler un taxi

le prend

y prend goût

s’en dégoûte (je comprends)

et il lui faut vite !

ses 2040100 H. P.

ensuite : il boucle la boucle de l’année par avion ; disparaît en dirigeable.

Et, très bientôt, on peut le croire, grâce au Progrès — il sera, la même seconde, partout à la fois…

Puis : Il débordera l’Espace. Qui télescopera l’Infini. Et tous les deux, avec nous, s’embobineront en Éternité.

— Après ?

— Frein-air-comprimé, peut-être

Tout : bloqué

et nous qui croyions régenter Horizon, Oxygène ; on reprendra — naturellement — le petit trantran sans trépidations de nos trisaïeux.

Il faudra réinventer la brouette !

Qui sait ?

Pour le présent, Kaleido, Gilly, Joël Joze font florès.

Alterné avec l’Alhambra (rue de Malte, Alhambra ! Alhambra ! palais que des génies — acrobates, équilibristes, jongleurs, excentrics, illusionnistes ; chants, danses, orchestre, projecteurs — ont doré comme un rêve et rempli d’harmonies…) c’est au Kaleido que je passe mes soirs. Et je vous plains si vous n’en faites pas autant. Qu’est-ce que vous pouvez bien inventer d’insipide au coin de votre radiateur. Lecture ? Conversation ? Somnolence Bridge ? — Vous allez dans le Monde ? aux Générales ? à l’Opéra ? aux Tangos ? à votre dîner de famille ? — Déliquescences !

— LE KALÉIDOSCOPE ! — (location par téléphone)

Tenez, voici 4 ou 5 extraits du Programme-Journal.

J’en collectionne les numéros pour les relire un après-dîner, si quelque chipie de grippe me tient à la gorge et à la maison. Assurance contre Incidents dépressifs : Guignol-Kaleido. Et un petit gobelet Gruau-Laroze, très chaud, très sucré, aux clous-de-girofle.

Entre les deux, j’aurai ma tourelle blindée !


PROGRAMME — JOURNAL
DES
GRANDS VOYAGES en KALÉIDOSCOPE
ÉTABLISSEMENTS JOËL JOZE

Sté anonyme au Capital de 800 millions

Siège social — Paris — 20, rue Bélidor

2 000 
Salles de Projections en France et dans toute l’Europe.
 
120 Salles dans Paris
3 000 
 places dans chaque Salle
 
Succursales à New-York — San-Francisco — Baltimore — Tokio — Pékin — Melbourne — Le Caire — Le Cap, etc.
 
Inventeur-Directeur : M. Joël Joze.
 
1er Opérateur Œil-Droit : M. Gilly.

Séances ininterrompues de 11 h. du matin

 
à minuit 59.
 
Places de 1 à 100 francs.

Le Public est informé.

1) Qu’il voit parfaitement de toutes les places.

2) Que le Personnel, intéressé à l’Exploitation, décline tout pourboire.

3) Dans les salles de Kaleido tous rafraîchissements, cigarettes, etc… peuvent être obtenus instantanément, automatiquement par S. S. F. (signal sans fil breveté) reliant chaque fauteuil au Service de Plaisance.

EXTRAITS
                                    DE QUELQUES
VOYAGES POUR LA SEMAINE DE
PÂQUES
— Saison 19** —

1er VOYAGE

Mesdames, Messieurs,            
à cette séance            
                        nous vous présenterons

THERMOMÈTRES HUMAINS
excursion humoristique
enregistrée par M. Gilly.

Dans les Rues ces Personnes échangent des saluts en passant.

Notons que les Saluts, comme les Personnes ne se ressemblent pas :

Saluts de 20 espèces. Et davantage.

Nous retiendrons seulement, pour rester dans les limites de notre séance

Salut glacial

Salut froid-sec

Salut douteux

Salut obséquieux

Salut protecteur

Salut cavalier

Salut beau-sec

Salut amical

Salut cordial

Salut délirant

Si habitués au spectacle des Choses Quotidiennes que nous y prenons à peine garde. Ou bien, que nous sommes occupés exclusivement (et c’est dommage) à tirer de ce spectacle gratuit des conclusions d’intérêt privé — sans doute passionnantes — mais chétives en portée psychique : il nous faut le secours stimulant et l’optique vivace de notre moderne Kaleido, pour obtenir du Salut, comme de tout Signe habituel, un rendement maximum, riche de sens absolu.

Veuille considérer, Public,

qu’il y a

1o) un niveau moyen de Salut

Sans moyenne nul point de repère. Partant ni Hauts ni Bas.

2o) un niveau individuel

lequel, — désigné sous le vocable anglo-saxon « STANDING », — peut varier à chaque instant.

Pourquoi ?

Point d’interrogation (et de méditation) éminemment tirebouchonesque, livre passage à une découverte sur les moyens de locomotion, (nouveau bienfait du Kaleido : nous constatons de visu que rien isolé dans l’Univers)

REMARQUONS :

ce ressac incessant. Grande marée humaine dans une métropole :
VAGUE PIÉTON : 
Salut glacial, protecteur ou cavalier ; — à lui adresse comme de juste. Personnellement il peut user du salut obséquieux ou de tout autre. Comme on amorce une canne à pêche.
ÉCUME : 
(amateurs de tramways et autobus ; métromanes : etc.) : Saluts se rapprochant sensiblement du genre piéton.
FLOT LIMONEUX : 
(affréteurs de taxis et autre fretin à prétentions pratiques, sans, éclat) : Salut cavalier, salut beau-sec ; voire, salut amical
GRANDES CRÊTES, LAMES DE « FONDS », HOULE DU LARGE : 
(propriétaires de dirigeables, avions grand luxe, autos dernier cri) : Saluts délirants, etc., etc.

(Note de la Direction : L’espace limité dont nous disposons dans ce programme nous oblige à ne donner qu’un raccourci de nos Visions, un comprimé de Voyages. Le reste à l’Écran. Pour tous renseignements ou réclamations s’adresser salle principale 88 Bd de la Madeleine Paris — qui tient à la disposition des amateurs, la collection complète de ces Voyages depuis la Création.)

Nos Abonnés ayant vu défiler ce spectacle d’actualité savent que, selon l’usage du Kaleido, une transformation s’opère :
Maintenant, notre armée du Salut prend aspect neuf :
Sur chaque Individu nous observons un insigne. Détail d’habillement qui sert, sans supplément d’enquête, à établir le Droit-Social-aux-Révérences.
Cet insigne nécessaire n’est autre qu’un THERMOMÈTRE
Voyez : nous portons chacun le nôtre !… Et tout comme, dans Paris, les Horloges pneumatiques suivent docilement l’Heure de l’Observatoire, nos Thermomètres spéciaux se règlent sur l’étiage mondial ― nous voulons dire mondain.

Un Thermomètre-Standard préside à nos destinées saluantes

(Ciel où serions-nous sans lui ? Privés de Boussole et de Pôle ? Livrés sur l’Océan du Monde à tous les Écueils d’un Accueil inconsidéré ? Jetés sur tous les Récifs des Égards, des Regards intempestifs ou escamotés ?)

LE THERMO-MAÎTRE nous sauve de nous-mêmes : Révélateur idéal. Centre de Gravité. Incomparable instrument de Précision et de Décision. Son Niveau-Moyen : ce-qui-convient. Ce-qui-rassure. Ce-qui-ne-choque-pas.

Standing régulateur. Base de ravitaillement : ZÉRO (consulter le graphique, ci-contre)

Chacun, sur thermomètre breveté, marque sa température sociale. Et cherche par rayonnement à faire ascensionner sa cote atmosphérique, laquelle — dûment remontée — ouvre, à l’infini, des perspectives salutaires.

Que si notre Public s’imagine que la cote « Vers à Soie » par exemple, correspond à une étude poussée de ces larves élégantes ; nous serons dans l’obligation de renvoyer telle fournée de spectateurs candides à l’examen microscopique des exigences de notre Boule terrestre : Il ne s’agit pas ici d’approfondir. Mais de grimper. Et, système des compensations, loi de physique fort analogue à celle des vases communicants, ce qui voisine avec Zéro-Indicateur est proche des plus riantes Régions thermométriques, des plus fertiles Zônes.

Admirez ces « Orangers », ces « Myrtes ». Plongez-vous avec ravissement dans ces « Bains chauds ». Visitez le « 

Sénégal ». En évitant, si vous pouvez, la

« Chambre de Malades » terme souvent fatal d’une exquise délectation :

Croyez-en Kaleido, votre très fidèle oculiste, ces « Malades » dans cette « Chambre » sont des diabétiques, gorgés du sucre de la flatterie que leur fournissent en abondance malsaine les Betteravières-Réunies de la Prospérité.

Que notre attention maintenant se reporte sur les Transis dont les thermomètres jalonnent les degrés arctiques.

Nous constaterons — avec chagrin sans doute — que ces piteux ankylosés, victimes de leur épiderme irritable et de leur défaut d’adaptation, ne sont pas tous le Néant que d’abord nous avions supputé. Vous rencontrez, en nombre, parmi ces granités à face humaine, des êtres bien pourvus de valeur transcendante

Alors ? d’où leur exil dans les icebergs ? de ce qu’ils n’ont pas su — les fols — régler leurs thermomètres sur le niveau infaillible. Zéro. C’est tout. Telle est la clef plate et perfectionnée d’un tel rébus.

Et voilà pourquoi vous découvrez au froid fond d’une Alaska morale, des Prospecteurs d’or vierge. Chargés de pépites. Riches à milliards ? Non pas ! — Incapables de se réconforter d’un quelconque rosbif. Parce qu’ils ne possèdent que leur fruste trésor inconnu ou suspect.

Alors bien obligés, bientôt contraints d’échanger le Métal-Natif contre des Gins corrodants. Au sous-sol d’on ne sait quel « Saloon » hanté des filles et des ruffians de la Prairie.

Promptement délestés de leur trouvaille, de cet Or qu’ils ont extrait au péril de l’existence, en râclant la neige de leurs doigts gourds ; ils s’en vont mourir dans des coins, seuls, abrutis, désespérés. Tandis que Naufrageurs et Pimprenelles font ripaille. Et, avec l’or subtilisé (converti en coupures commodes) achètent des thermomètres battant neuf, qui marquent bien.

Est-il besoin de souligner pour notre intelligente Clientèle, que nous avons ici l’Image des Précurseurs persécutés ?

 
 
 
(Pas d’entr’acte)
(les Spectateurs n’ayant pas assisté au début de la Séance sont invités à rester)

2e VOYAGE

GOBEURS D’HUÎTRES,
AMATEURS D’ESCARGOTS,
MANGEURS DE TOILES D’ARAIGNÉES


Public
aujourd’hui
Kaléïdo te fait voir

Des Dîneurs attablés dans une
« Renommée d’Huîtres »

Convives souriants gobent par douzaines les froids mollusques mollement empressés à leur plaire.
De ci, de là, levant leur verre de Vouvray,

ils vrillent du regard les amateurs d’escargots qui vident — indifférents aux relents alliacés — plat sur plat de coquilles kaki, savoureuses.

Kaleido enregistre avec plaisir la forme sympathique des escargotières. Et celle, non moins invitante, des petites fourches à dégustation.

Près des gobeurs d’huîtres, nous avons filmé rapidement le bel or des citrons cireux. Et quelques malicieuses saucières vinaigre à l’échalote plein de charme. Joignons à ce spectacle de haut-goût, les bouteilles que voilà ; sorties de côtes bourguignonnes et des plus fins flancs tourangeaux.

Ainsi soit-il souvent ordonné pour notre satisfaction grandissime et pour les meilleurs souvenirs de ce stage subsolaire.

Gobeurs d’huîtres ; amateurs d’escargots ; s’ils ne fusionnent pas toujours, savent du moins se rendre justice. On est entre ' gourmands. Bravo ! (flûte pour gourmets gourmés qui chipotent trois petits pois nouveaux dans une assiette ancienne !)

— Huîtres ou escargots ? — Kaleido n’a pas à se prononcer : la plus imperceptible pointe d’ail ne demeure hors ligne qu’en évitant les confidences.

Mais voici que l’œil magistral de notre Appareil-Ami vient saisir sur le vif un autre spectacle gastronomique. Plutôt sur le mort-vif ! Quels pauvres hères attablés devant une pitance de famine ? Quels Chevaliers de Sombre-Accueil ? Qu’est-ce qu’ils avalent ? Pas possible ? Des Toiles d’Araignées !

. . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . .

(La Direction rappelle qu’un luxe de détails suggestifs est amplement fourni à l’écran. Séance ininterrompue jour et soir.)

. . . . . . . . . . . . .

Alors, Public, tu croyais que les tristes dévorateurs de pièges-à-mouches étaient gueux-comme-rats-de-cave ? Et tu prétendais reconnaître dans les deux autres classes dégustantes, quelques milliardaires anciens ou récents ?

Public-débonnaire-sans-diagnostic, tu nous désoles.

Sache voir à travers Kaleido :

Gobeurs d’Huîtres :

Connaisseurs-ès-gentillesses. Un peu balourds. Un peu enfoncés dans les routines plaisantes. Sédentaires de joie. Sans excès d’initiative, ils réchauffent — métaphoriquement — leur vieille-fine selon les règles ancestrales. Gens estimables puisqu’ils savent vivre

Mais

Amateurs d’escargots, convenablement mis au point, te livrent forme bien mieux aimée :

Chers FANTAISISTES

Gloire à vous !

Quant aux dyspeptiques aragnophages, tu perçois enfin leur figure kaleidoscopée

BILLIONNAIRES !

que Manque-de-Goût

rend tristement captifs de Nourritures-nauséabondes.

À leurs Mercenaires bien stylés

le suc et la saveur des choses.

Pour eux : la peau !

Tandis que des Mains très véloces vident ses poches sous prétexte de les nettoyer — MIDAS

— esclave de ses esclaves et serf du Seigneur Quenpenseton —

(sans même oser faire la grimace) avale (affreux !)

Mauvaise Humeur avec Poussière

coagulées !

. . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . .

3e VOYAGE

ALPHABET

Public

tu aperçois ici

l’Imprimerie nationale (ou une autre)

Ces boîtes sans apparence dénommées Casses recèlent à millions d’exemplaires toutes les

Lettres de l’Alphabet

tous les Corps

tous les Caractères

Y fourchus ; Z zigzagants ; Œ frères siamois ; sortent moins souvent qu’A.E.I.O et que les biensonnantes consonnes

Entre ces caractères

certains, par leurs formes, séduisent

autres déplaisent ; les mal fondus.

et puis : leurs places. Le mot qu’ils servent à composer.

Ces caractères fins ou baveux

en un clin d’œil

Kaleido leur prête

corps humains

et nous voyons

— tout sautillants —

Hommes — Femmes — Enfants

sortir et rentrer dans leurs cases

— ou s’y rouiller.

(Caractères courants. Majuscules. Minuscules. Italiques. Lettres gothiques. Bâtardes. Rondes. — Les mots qu’ils forment sont autant de Noms de Familles : — cet A figure en « Habileté ». Ces autres en « Haine » et « Harmonie »)

Public

lorsque tu parcourras telle plaquette

seras-tu vexé ? transporté ?

Par Caractères mauvais ou bons ?

Non

discerne (que)

Caractères sont bons par chance

mauvais par manque

c’est dire misère

Misère ?

pas toujours Manque de Monnaie comme insinue cette moderne-myopie-morale, laquelle — gourde ! — veut prendre « Richesse » pour « Seul-Bien »

Misère peut être manque de :

Santé

Gaîté

Sécurité

Beauté

Manque de Prestige

Manque de Ressort

Manque d’Air et d’Âme

Manque d’Amour

même, manque de Manque (grande misère)

ainsi Public, quand, ce Z-là « bizarre » te semblera plus-difficile à vivre que tel O, — amène, rond, plein de grâce dans son cercle égoïste, — (assis au beau milieu de « Joie ») — pense, peut-être à Kaleido : Nos Caractères (dit-il) sont notre même Structure et la Substance de notre état.

. . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . .

(7 fois par semaine changement de programme)

4e VOYAGE

PIEUVRE

Public

entrons au Crédit International

reconnais

ce vaste Hall

ces escaliers-spirales

ces comptoirs sectionnés, grillagés, guichetés

Caisses

Chèques

Comptes-courants

Comptes-spéciaux

Virements

Change

etc.

chacun porte sa plaque (indicatrice) de cuivre clair bien astiqué (Inscriptions noires)

dans les sous-sols

Coffres-forts

bondés, gorgés

de Millions

papiers — pièces d’or — pierreries —

Rançons. Otages, qui luisent ou bien qui disent :

Tant.

dans les étages

surchauffés

devant leurs bureaux-cylindres (importés d’Amérique)

d’importants Messieurs

soucieux

enchâssés dans ces forts fauteuils

tournants articulés (bois et cuir) grands Feudataires et Mandataires de S. M. L’ARGENT

(Ô Titres. Ô Lettres de Créance et de Crédit)

Argent ?

Prête-nom à effet !

ici Argent n’est rien

s’il n’est OR

OR n’est rien

s’il n’est

FORCE

(Matérielle)

FORCE-Matérielle ! (Haro ? Hourrah ?)

nous dira pourquoi

nous sommes TOUS asservis sur terre

à Elle

la Pieuvre-Impératrice ?

(Un jour — prochain — Argent prendra un autre nom. Oui. Kaleido voit très distinctement ces Grands-Vassaux-de-la-Matière, réduits à changer de Pavillon (' couvrant leur marchandise). Ou même : bannis, pulvérisés

Mais Pieuvre est toujours pareille. Satrape-Capital cède le pas : C’est un autre tyran, qui passe. Et voilà tout.)

Aujourd’hui ce n’est pas la question

Kaleido vous invite seulement à parcourir ces Corridors

qui sont autant de Tentacules

dont la Pieuvre se sert pour — nous ses Tributaires — nous serrer, enserrer, dans les mille liens de nos besoins matériels :

(Voici : — Nourriture — Boisson — Vêtement — Chaleur — Lumière — etc.)

on est captif

on se rachète. On se libère (autant qu’on peut)

on sort des corridors tentaculaires

en jetant des palets dans le palais glouton de la Pieuvre. — Argent cossu, agile, est fait pour être dévoré. (Là où Argent repaît, c’est le meilleur quartier de cette Mandarine terrestre.)

aussi voyez ceux-ci :

« roublards »

autres : placés, pesés sur bascules d’or

et « Pounds » fixent leur poids

autres : très lourdement marquent leur valeur, par colonnes serrées, symétriques ; ciment armé ; fermés ;

« marquent »…

autres : trafiquent artistement sur « lyre »

Chaque être est franc, soit affranchi pour le nombre de

« francs »

qu’il possède

celui-ci — 1 seul franc (si dur à conquérir) —

ne libère que son estomac. Et encore ? Viandes ?

trop chères ! Alors ce Trompe-la-Faim, ce Trompe-l’Âme

Alcool

suffira-t-il ?

Ceux-là ont libéré

leurs bras, leurs jambes

et leur esprit

pour tant et tant et tant de francs

incalculables !

(souples, larges affluents du grand fleuve Fortune.)

laquais et limousines

répondent d’eux

et leurs mains blanches

libres

soignées patriciennes

et tant de feux follets et feux de joie

feux d’artifice

— si chers — tout autour d’eux !

(Ainsi Corps Cœur Esprit sont tirés de captivité. Mais qui — suffisamment — acquitte Conscience — par grandes Aumônes ?

. . . . . . . . . .

la Pieuvre

cependant digère dort dévore

sur son

Tas

Kaleido a découvert une époque

(lointaine)

Talent

unité monétaire

mais

Génie

(à ce qu’il prétend)

mémoire marchande

n’a rien valu

tant qu’il vécut.

Jamais Chef n’a rien acheté, n’a rien payé de sa Personne entière offerte sur le marché

Il faut d’abord

le décapiter

et le frapper (en effigie)

dans des disques

d’un métal mélangé :

Alliage

Effigie

Voilà ce que réclame (à grands cris)

pour Modèle et Monnaie

cette hybride rognure du

TOUT :

le monde

. . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . .

5e VOYAGE

ALIBI


Un téléphone

s’est détraqué (cela se voit)

au Kaleido (où chaque détail — d’installation — prend forme humaine)

maintes plaintes (de l’Abonné)

et des recherches

(interminables)

une Administration clairaudiante (et claudicante)

déclare (enfin)

que cette pile est en défaut

On la remplacera ?

prenez patience

(et soignez bien vos cordes vocales dans l’intervalle de deux appels espacés — par force majeure)

en attendant

Pile

sera jugée selon son démérite et les rigueurs des

Lois de l’Acoustique.

(Voici :) Fils. Pôles. Sonnerie. Microphone. et autres. Témoins à charge.

Abonné : partie civile

et les brillants Membres du Bureau

(téléphonique)

Après prouesses oratoires (dans ce Milieu éminemment sensible au charme de la Parole)

Pile

condamnée. Au rebut ! Sera pilée !

(ça lui est égal en somme : c’était fatal. et elle : usée)

Sortant des Assisses, Kaleido songe que

peut-être

Pile

subissait les variations de l’Air ? et suivait, tant bien que mal, Mouvements d’ensemble

Alors ? Dans l’installation (téléphonique) qui — absolument — prouvera son alibi ?… qui.   .   . que.   .   . quand une faute.   .   .    .   .   .    parmi nous.   .   . se commet.   .   

. . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . .

(5 minutes d’interruption : manque de courant)