Chez Jean-François Bastien (Tome cinquième. Tome sixièmep. 10-11).


LA DÉSOBLIGEANTE.
Calais.


J’avois remarqué qu’un homme mécontent de lui-même étoit dans une position d’esprit admirable pour faire un marché. Il me falloit une voiture pour voyager en France et en Italie. J’aperçus des chaises dans la cour de l’hôtellerie, et je descendis de ma chambre pour en acheter ou pour en louer une. Une vieille désobligeante, qui étoit placée dans le coin le plus reculé de la cour, me frappa d’abord les yeux, et je sautai dedans : je la trouvai passablement d’accord avec la disposition actuelle de mes sensations. Je fis donc appeler monsieur Dessein, le maître de l’hôtellerie… mais monsieur Dessein étoit allé à vêpres. J’allois descendre, lorsque j’aperçus le moine de l’autre côté de la cour, causant avec une dame qui venoit d’arriver à l’auberge… Je ne voulois pas qu’il me vît ; je tirai le rideau de taffetas pour me cacher ; et ayant résolu d’écrire mon voyage, je tirai de ma poche mon écritoire portative, et je me mis à en faire la préface dans la désobligeante.