Voyage en Orient (Nerval)/Appendice/XV

Calmann Lévy (Œuvres complètes de Gérard de Nerval III. Voyage en Orient, IIp. 313-322).


xv — CATÉCHISME DES DRUSES


Demande. Vous êtes Druse ? — Réponse. Oui, par le secours de notre maître tout-puissant.

D. Qu’est-ce qu’un Druse ? — R. Celui qui a écrit la loi et adore le Créateur.

D. Qu’est-ce que le Créateur vous a ordonné ? — R. La véracité ; l’observation de son culte et celle des sept conditions.

D. Quels sont les devoirs difficiles dont votre Seigneur vous a dispensés et qu’il a abrogés ; et comment savez-vous que vous êtes un vrai Druse ? — R. En m’abstenant de ce qui est illicite, et faisant ce qui est licite.

D. Qu’est-ce que c’est que le licite et l’illicite ? — R. Le licite est ce qui appartient au sacerdoce et à l’agriculture ; et l’illicite, aux places temporelles et aux renégats.

D. Quand et comment a paru Notre-Seigneur tout-puissant ? — R. L’an 400 de l’hégire de Mahomet. Il se dit alors de la race de Mahomet pour cacher sa divinité.

D. Et pourquoi voulait-il cacher sa divinité ? — R. Parce que son culte était négligé, et que ceux qui l’adoraient étaient en petit nombre.

D. Quand a-t-il paru en manifestant sa divinité ? — R. L’an 408.

B. Combien demeura-t-il ainsi ? — R. L’an 408 en entier ; puis il disparut dans l’année 409, parce que c’était une année funeste. Ensuite il reparut au commencement de 410, et il demeura toute l’année 411 ; et enfin, au commencement de 412, il se déroba aux yeux, et ne reviendra plus qu’au jour du jugement.

D. Qu’est-ce que le jour du jugement ? — R. C’est le jour où le Créateur paraîtra avec une figure humaine et régnera sur l’univers avec la force et l’épée.

D. Quand cela arrivera-t-il ? — R. C’est une chose qui n’est pas connue ; mais des signes l’annonceront.

D. Quels seront ces signes ? — R. Quand on verra les rois changer et les chrétiens avoir l’avantage sur les musulmans.

D. Dans quel mois cela aura-t-il lieu ? — R. Dans la lune de Dgemaz ou dans celle de Radjad, selon les supputations de l’hégire.

D. Comment Dieu gouvernera-t-il les peuples et les rois ? — R. Il se manifestera par la force et l’épée, et leur ôtera la vie, à tous.

D. Et, après leur mort, qu’arrivera-t-il ? — R. Ils renaîtront au commandement du Tout-Puissant, qui leur ordonnera ce qu’il lui plaira.

D. Comment les traitera-t-il ? — R. Ils seront divisés en quatre parties ; savoir : les chrétiens, les juifs, les renégats et les vrais adorateurs de Dieu »

D. Et comment chacune de ces sectes se divisera-t-elle ? — R. Les chrétiens donneront naissance aux sectes des nasariés[1] et de métualis ; des juifs sortiront les Turcs. Quant aux renégats, ce sont ceux qui ont abandonné la foi de notre Dieu.

D. Quel traitement Dieu fera-t-il aux adorateurs de son unité ? — R, Il leur donnera l’empire, la royauté, la souveraineté, les biens, l’or, l’argent, et ils demeureront dans le monde, princes, pachas et sultans.

D. Et les renégats ? — R. Leur punition sera affreuse. Elle consistera en ce que leurs aliments, quand ils voudront boire et manger, deviendront amers. De plus, ils seront réduits en esclavage et soumis aux plus rudes fatigues chez les vrais adorateurs de Dieu. Les juifs et les chrétiens souffriront les mêmes tourments, mais beaucoup plus légers.

D. Combien de fois Notre-Seigneur a-t-il paru sous la forme humaine ? — R. Dix fois, qu’on nomme stations, et les noms qu’il y porta successivement sont : El-Ali, El-Bar, Alia, El-Maalla, El-Kâïem, El-Maas, El-Azis, Abazakaria, El-Mansour, El-Hakem.

D. Où eut lieu la première station, celle de El-Ali ? — R. Dans une ville de l’Inde, appelée Rchine-ma-Tchine.

D. Combien de fois Hamza a-t-il apparu, et comment s’est-il nommé à chaque apparition ? — R. Il a apparu sept fois dans les siècles écoulés depuis Adam jusqu’au prophète Samed. Dans le siècle d’Adam, il se nommait Chattnil ; dans celui de Noé, il s’appelait Pythagore ; David fut le nom qu’il porta au temps d’Abraham ; du temps de Moïse, il se nomma Chaïb, et de celui de Jésus, il s’appelait le Messie véritable et aussi Lazare ; du temps de Mahomet, son nom était Salman-el-Farzi, et du temps de Sayd son nom était Saleh.

D. Apprenez moi l’étymologie du nom Druse. — Ce nom est tiré de notre obéissance pour le hakem par l’ordre de Dieu, lequel hakem est notre maître Mahomet, fils d’Ismaël, qui se manifesta lui-même par lui-même à lui-même ; et, lorsqu’il se fut manifesté, les Druses, en suivant ses ordres, entrèrent dans sa loi, ce qui les fit appeler Druses : car le mot arabe enderas, ou endaradj, est la même chose que dahrah, qui signifie entrer. Cela veut dire que le Druse a écrit la loi, s’en est pénétré et est entré sous l’obéissance du hakem. On peut trouver une autre étymologie en écrivant Druse par une s ; alors, il vient de daras, iedros, étudier, ce qui signifie que le Druse a étudié les livres de Hamza et adoré le Tout-Puissant, comme il convient.

D. Quelle est notre intention en adorant l’Évangile ? — R. Apprenez que nous voulons par là exalter le nom de celui qui est debout par l’ordre de Dieu, et celui-là est Hamza ; car c’est lui qui a proféré l’Évangile. De plus, il convient qu’aux yeux de chaque nation nous reconnaissions leur croyance. Enfin, nous adorons l’Évangile, parce que ce livre est fondé sur la sagesse divine, et qu’il contient les marques évidentes du vrai culte.

D. Pourquoi rejetons-nous tout autre livre que le Coran, lorsqu’on nous questionne sur cet article ? — R. Parce que nous avons besoin de n’être pas connus pour ce que nous sommes, nous trouvant au milieu des sectateurs de l’islamisme. Il est donc à propos que nous reconnaissions le livre de Mahomet ; et, afin qu’on ne nous fasse pas un mauvais parti, nous avons adopté toutes les cérémonies musulmanes, et même celle des prières sur les morts ; et tout cela seulement à l’extérieur, afin d’être ignorés.

D. Que disons-nous de ces martyrs dont les chrétiens vantent tant l’intrépidité et le grand nombre ? — R. Nous disons que Hamza ne les a point reconnus, fussent-ils crus et attestés par tous les historiens.

D. Mais, si les chrétiens viennent à nous dire que leur foi n’est pas douteuse, parce qu’elle est appuyée sur des preuves plus fortes et plus immédiates que la parole de Hamza, que répondons-nous et comment avons-nous reconnu l’infaillibilité de Hamza, cette colonne de la vérité dont puisse être le salut sur nous ? — R. Par le témoignage que lui-même a rendu de lui-même, lorsqu’il a dit, dans l’épitre du commandement et de la défense : « Je suis la première des créatures de Dieu ; je suis sa voix et son point ; j’ai la science par son ordre ; je suis la tour et la maison bâtie ; je suis le maître de la mort et de la résurrection ; je suis celui qui sonnera la trompette ; je suis le chef général du sacerdoce, le maître de la grâce, l’édificateur et le destructeur des justices ; je suis le roi du monde, le destructeur des deux témoignages ; je suis le feu qui dévore. »

D. En quoi consiste la vraie religion des prêtres druses ? — R. C’est le contre-pied de chaque croyance des autres nations ou tribus ; et tout ce qui est impie chez les autres, nous le croyons, nous, comme il a été dit dans l’épître de la tromperie et de l’avertissement.

D. Mais, si un homme venait à connaître notre saint culte, à le croire et à s’y conformer, serait-il sauvé ? — R. Jamais, la porte est fermée, l’affaire est finie, la plume est émoussée ; et, après sa mort, son âme va rejoindre sa première nation et sa première religion.

B. Quand furent créées toutes les âmes ? — R. Elles furent créées après le pontife Hamza, fils d’Ali. Après lui, Dieu créa de lumière tous les esprits qui sont comptés, et qui ne diminueront ni n’augmenteront jusqu’à la fin des siècles.

D. Notre auguste religion admet-elle le salut des femmes ? R. Sans doute, car Notre-Seigneur a écrit un chapitre sur les femmes, et elles ont obéi sur-le-champ, comme il en est mention dans l’épître de la loi des femmes, et il en est de même dans l’épître des filles.

B. Que disons-nous du reste des nations qui assurent adorer le Seigneur qui a créé le ciel et la terre ? — R. Quand même elles le diraient, ce serait une fausseté ; et, quand même elles l’adoreraient réellement, si elles ne savent pas que le Seigneur est le hakem lui-même, leur adoration est sacrilège.

D. Quels sont ceux, des anciens qui ont prêché la sagesse du Seigneur à ceux qui ont établi notre croyance ? — R. Il y en a trois dont les noms sont Hamza, Esmaïl et Beha-Eddine.

D. En combien de parties se divise la science ? — R. En cinq parties : deux d’entre elles appartiennent à la religion et deux à la nature. La cinquième, partie, qui est la plus grande de toutes, ne se divise point. Elle est la science véritable, celle de l’amour et de Dieu.

D. Comment connaissons-nous que tel homme est notre frère, observateur du vrai culte, si nous le rencontrons en chemin ou s’il s’approche de nous en passant et se dise Druse ? — R, Le voici : après les compliments d’usage, nous lui disons : « Sème-t-on dans votre pays de la graine de myrobolan (aliledji) ? » S’il répond : « Oui, on la sème dans le cœur des croyants ; » alors, nous l’interrogeons sur notre foi : s’il répond juste, c’est notre compatriote ; sinon, ce n’est qu’un étranger.

D, Quels sont les pères de notre religion ? — R. Ce sont les prophètes du hakem, savoir : Hamza, Esmaïl, Mahomet et Kalimé, Abou-el-Rheir, Beha-Eddine.

D. Les Druses ignorants ont-ils le salut ou un emploi auprès du hakem, quand ils meurent dans cet état d’ignorance ? — R, Il n’est point de salut pour eux, et ils seront dans le déshonneur et l’esclavage chez Notre-Seigneur jusqu’à l’éternité des éternités.

D. Qu’est-ce que Doumassa ? — R. C’est Adam le premier ; c’est Arkhnourh ; c’est Hermès ; c’est Édris ; Jean ; Esmaïl, fils de Mahomet-el-Taïmi ; et, au siècle de Mahomet, fils d’Abdallah, il s’appelait El-Mekdad.

D. Qu’est-ce que l’antique et l’éternel ? — R. L’antique est Hamza ; l’éternel est l’âme, sa sœur.

D. Qu’est-ce que les pieds de la sagesse ? — R. Ce sont les trois prédicateurs.

D. Qui sont-ils ? — R. Jean, Marc et Matthieu.

D. Combien de temps ont-ils prêché ? — R, Vingt et un ans ; chacun d’eux en prêcha sept.

D. Qu’est-ce que ces édifices qui sont en Égypte et qu’on nomme pyramides ? — R. Ces pyramides ont été bâties par le Tout-Puissant, pour atteindre à un but plein de sagesse qu’il a conçu dans sa providence.

D. Quel est ce but plein de sagesse ? — R. C’est d’y placer et d’y conserver jusqu’au jour du jugement où sera sa seconde venue, les secrets et les quittances que sa main divine a prises de toutes les créatures.

D. Pour quelle raison a-t-il paru à chaque nouvelle loi ? — R. Pour exalter les adorateurs de son vrai culte, afin qu’ils s’y affermissent, qu’ils sussent que c’est lui qui change à sa volonté les justices, et qu’ils ne crussent pas à d’autres que lui.

D. Comment les âmes retournent-elles dans leur corps ? — R. Chaque fois qu’un homme meurt, il en naît un autre, et c’est ainsi qu’est le monde.

p. Comment appelle-t-on les musulmans ? — R. La descente (el tanzil).

D. Et les chrétiens ? — R. L’explication (el taaouil). Ces deux dénominations signifient, pour ceux-ci, qu’ils ont expliqué la parole de l’Évangile ; pour ceux-là, le bruit répandu que le Coran est descendu du ciel.

B. Quelle a pu être la volonté de Dieu en créant les génies et les anges qui sont désignés dans le livre de la sagesse de Hamza ? — R. Les génies, les esprits et les démons sont comme ceux d’entre les hommes qui n’ont pas obéi à l’invitation de Notre-Seigneur le hakem. Les diables sont des esprits devant ceux qui ont des corps. Quant aux anges, îl faut y voir une représentation des vrais adorateurs de Dieu, qui ont obéi à l’invitation du hakem, qui est le Seigneur adoré dans toutes les révolutions d’âge.

D. Qu’est-ce que les révolutions d’âge ? — R. Ce sont les justices des prophètes qui ont paru tour à tour, et que les gens du siècle où ils vivaient ont déclarés tels, comme Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus, Mahomet, Sayd. Tous ces prophètes ne sont qu’une seule et même âme qui a passé d’un corps dans un autre, et cette âme, qui est le démon maudit, gardien d’Ebn-Termahh, est aussi Adam le désobéissant, que Dieu chassa de son paradis, c’est-à-dire à qui Dieu ôta la connaissance de son unité.

D. Quel était l’emploi du démon chez Notre-Seigneur ? — R. Il lui était cher ; mais il conçut de l’orgueil et refusa d’obéir au vizir Hamza ; alors, Dieu le maudit et le précipita du paradis.

D. Quels sont les anges en chef qui portent le trône de Notre-Seigneur ? — R. Ce sont les cinq primats qu’on appelle : Gabriel qui est Hamza, Michel qui est le second frère, Esrafil-Salamé-ebn-abd-el-ouahab, Esmaïl, Beha-Ëddin, Métatroun-Ali-ebn-Achmet. Ce sont là les cinq vizirs qu’on nomme El-Sabek (le précédent), El-Cani (le second), El-Djassad (le corps), El-Rathh (l’ouverture), et Fhial (le cavalier).

D. Qu’est-ce que les quatre femmes ? — R. Elles se nomment Ismaël, Mahomet, Salamé, Ali, et elles sont : Ël-Kelmé (la parole, El-Nafs (l’âme), Beha-Eddin (beauté de la religion), Omm-el-Rheir (la mère du bien).

D. Qu’est-ce que l’Évangile qu’ont les chrétiens, et qu’en disons-nous ? — R. L’Évangile est bien réellement sorti de la bouche du Seigneur le Messie, qui était Salman-el-Farsi dans le siècle de Mahomet, lequel Messie est Hamza, fils d’Ali. Le faux Messie est celui qui est né de Marie, car celui-là est fils de Joseph.

D. Où était le vrai Messie, quand le faux était avec ses disciples ? — R. Il se trouvait dans le nombre de ces derniers. Il professait l’Évangile ; il donnait des instructions au Messie, fils de Joseph, et lui disait : « Faites cela et cela, » conformément à la religion chrétienne, et le fils de Joseph lui obéissait. Cependant, les Juifs conçurent de la haine contre le faux Messie, et le crucifièrent.

D. Qu’arriva-t-il après qu’il eut été crucifié ? — R. On le mit dans un tombeau. Le vrai Messie arriva, déroba le corps du tombeau, et l’enterra dans le jardin ; puis il répandit le bruit que le Messie avait ressuscité.

D. Pourquoi le vrai Messie se conduisit-il ainsi ? — R, Pour faire durer la religion chrétienne et lui donner plus de force.

D. Et pourquoi favorisa t-il aussi l’hérésie ? — R. Afin que les Druses pussent se couvrir comme d’un voile de la religion du Messie, et que personne ne les connût pour Druses.

D. Qui est celui qui sortit du tombeau et qui entra chez les disciples les portes fermées ? — R. Le Messie vivant qui ne meurt point, et qui est Hamza.

D. Comment les chrétiens ne se sont-ils pas faits Druses ? — R. Parce que Dieu l’a voulu ainsi.

D. Mais comment Dieu souffre-t-il le mal et l’hérésie ? — R. Parce que son constant usage est de tromper les uns et d’éclairer les autres, comme il est dit dans le Coran : « Il a donné la sagesse aux uns, et il en a privé les autres. »

D. Et pourquoi Hamza, fils d’Ali, nous a-t-il ordonné de cacher la sagesse et de ne pas la découvrir ? — R. Parce qu’elle contient les secrets et les quittances de Notre-Seigneur, et il ne convient pas de découvrir à personne des choses où le salut des âmes et la vie des esprits se trouvent renfermés.

D. Nous sommes donc égoïstes, si nous ne voulons pas que tout le monde se sauve ? — R. Il n’y a point là d’égoïsme ; car l’invitation est ôtée ; la porte est fermée ; est hérétique qui est hérétique, et croyant qui est croyant, et tout est comme il doit être.

Le carême qui était ordonné anciennement est aboli aujourd’hui ; mais, quand un homme fait carême hors du temps prescrit, et se mortifie par le jeûne, cela est louable ; car cela nous rapproche de la Divinité.

D. Pourquoi a-t-on supprimé l’aumône ? — R. Chez nous, l’aumône envers nos frères les Druses est légitime ; mais elle est un crime à l’égard de tout autre, et il ne convient pas de la faire.

D. Quel but se proposent les solitaires qui se mortifient ? — R. C’est de mériter, quand le hakem viendra, qu’il nous donne à chacun, selon nos œuvres, des vizirats, des pachaliks et des gouvernements.

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L’auteur d’un ouvrage sur la Turquie, M. Ubicini, remarque avec raison que, malgré la navigation à la vapeur, malgré les progrès de la statistique moderne, l’Orient n’est guère plus connu aujourd’hui qu’il ne l’était durant les deux derniers siècles. Il est certain que, si le nombre des voyageurs a augmenté, les rapports de commerce établis autrefois entre nos provinces du Midi et les cités du Levant ont diminué de beaucoup. Les touristes ordinaires ne séjournent pas assez longtemps pour pénétrer les secrets d’une société dont les mœurs se dérobent si soigneusement à l’observation superficielle. Le mécanisme des institutions turques est, du reste, entièrement changé depuis l’organisation nouvelle que l’on appelle tanzimat, et qui devient la réalisation longtemps désirée du hatti-chérif de Gul-Hane. Aujourd’hui, la Turquie est assurée d’un gouvernement régulier et fondé sur l’égalité complète des sujets divers de l’empire[2].

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Les lettres et les souvenirs de voyage réunis dans ce livre étant de simples récits d’aventures réelles, ne peuvent offrir cette régularité d’action, ce nœud et ce dénoûment que comporterait la forme romanesque. Le vrai est ce qu’il peut. La première partie de cet ouvrage semble avoir dû principalement son succès à l’intérêt qu’inspirait l’esclave indienne achetée au Caire, chez le djellab Abd-el-Kérim. L’Orient est moins éloigné de nous qu’on ne pense, et, comme cette personne existe, son nom a dû être changé dans le récit imprimé. Des détails authentiques et circonstanciés nous ont appris qu’elle est aujourd’hui mariée dans une ville de Syrie, et son sort paraît être heureusement fixé. Le voyageur qui, sans y trop songer, s’est vu conduit à déplacer pour toujours l’existence de cette personne, ne s’est rassuré, touchant son avenir, qu’en apprenant que sa situation actuelle était entièrement de son choix. Elle est restée dans la foi musulmane, bien que des efforts eussent été faits pour l’amener aux idées chrétiennes. Les Français ne peuvent plus, désormais, acheter d’esclaves en Égypte ; en sorte que personne ne risquera aujourd’hui de se jeter dans des embarras qui entraînent, d’ailleurs, une certaine responsabilité morale.

  1. Les nasariés (nazaréens), ou ansaries, et les métualis, peuplades du Liban, dans les provinces de Tripoli et de Saïda.
  2. Voici les chiffres les plus récents applicables à la situation de l’empire turc :

    La race ottomane est de 11,700,000 âmes.

    Les autres peuples des diverses parties de l’empire, Grecs, Slaves, Arabes, Arméniens, etc., complètent le nombre des sujets de tout l’empire, qui est de 35,350,000 âmes. — La population de Constantinople est de 797,000 âmes, dont 400,000 musulmans, le reste se composant d’Arméniens, de Grecs, etc.

    Le budget et de 468 millions.

    L’armée régulière, de 138,680 hommes, peut être portée, avec sa réserve et ses contingents, à plus de 400,000 hommes.