Voyage de Marco Polo/Livre 2/Chapitre 52

LII
Du grand fleuve Caromoran et des villes Conigangui et Caigui.


En suivant le premier chemin dont nous avons parlé, on rencontre un grand fleuve nommé Caromoran[1], que l’on dit prendre sa source dans le royaume du grand Prêtre-Jean. Il est large d’un mille et si profond qu’il porte les plus grands navires ; il est aussi fort poissonneux. Non loin de l’embouchure de ce fleuve et à l’endroit où il se décharge dans l’Océan, il y a bien quinze mille navires, formant une flotte, que le Grand Khan entretient là afin d’être toujours en état de mener une armée dans les îles de la mer qui sont de sa domination, au cas qu’il en soit besoin. Parmi ces vaisseaux il y en a de si grands qu’ils peuvent porter quinze chevaux et autant d’hommes pour les monter, sans compter les vivres et le fourrage nécessaires pour les uns et les autres. Il y a outre cela environ vingt matelots dans chaque navire. Tout près de l’endroit où se tient cette flotte, il y a deux villes bâties sur le rivage, dont l’une s’appelle Conigangui et l’autre Caigui. Après avoir traversé ce fleuve, on entre dans la province de Mangi, dont nous allons parler.

  1. Ou fleuve Noir, à cause de ses eaux troubles. C’est le fleuve Jaune actuel.