Voyage de La Pérouse autour du monde/Tome 1/Relation d’un voyage de la frégate la Princesse

RELATION[1]

D’un Voyage intéressant de la frégate la Princesse, de Manille à Saint-Blaise[2], en 1780 et 1781.

Aussitôt mon arrivée à Manille, le commandant de la frégate qui m’y avait conduit, débarqua les forces maritimes qu’il avait amenées, les établit au port de Cavite[3] pour le défendre, et me nomma major de ces troupes. Il me chargea en même temps de lever le plan de ce port et de ses environs. Le but de ce travail était de déterminer la situation la plus favorable où l’on pourrait placer les embarcations destinées à s’opposer à la descente des ennemis.

Le gouverneur fit armer la frégate la Princesse, pour une expédition qu’il crut devoir tenir secrète. Lorsque la frégate fut prête à mettre à la voile, je reçus très-inopinément l’ordre d’en prendre le commandement. La surprise que me causa cette nomination inattendue, l’ignorance où 1780. Août.j’étais de l’objet de l’expédition, la crainte de voir ma mission interrompue par la nécessité de quelque combat, furent pour moi la source de mille anxiétés : mais le gouverneur me représenta que cette commission me ferait d’autant plus d’honneur, que l’objet en était plus intéressant ; que si l’ennemi se mettait à ma recherche, ce qu’il ne manquerait pas de faire, la sagesse et l’activité de mes manœuvres seraient une preuve de mon intelligence, et qu’enfin le succès de ma commission serait un grand service que je rendrais à notre souverain. Ces expressions m’animèrent si puissamment, que je me tins singulièrement honoré de ce que le gouverneur eût jeté les yeux sur moi pour une expédition semblable, dans des circonstances aussi critiques. J’acceptai le commandement, et je mis à la voile le 2424. août, après avoir reçu du gouvernement un paquet cacheté, qui contenait les instructions et les ordres que je devais suivre, et le port où il m’était d’abord ordonné de me rendre. Je ne devais ouvrir ce paquet qu’à douze lieues de distance de Cavite.

Le 2525., me trouvant à la distance prescrite, j’ouvris le paquet. Il m’était enjoint de me rendre au port de Sisiran[4], où j’attendrais les derniers ordres du gouvernement, en me tenant toujours sur le qui-vive, prêt à repousser les attaques des ennemis, qui chercheraient sans doute à m’intercepter, s’ils venaient bloquer Manille.

1780.
Août.
Les vents mollirent, et devenus contraires, ils s’opposaient à mon débouquement entre les îles. Je me maintins en conséquence, louvoyant bord sur bord, faisant tout mon possible pour gagner au vent ; mais je ne pus vaincre le courant, qui me repoussait avec force, venant de la pointe d’Escarseo[5], qu’il me fut impossible de doubler. Je fus donc obligé de mouiller le 2929., à deux heures du matin, près de cette pointe, vis-à-vis le port de Galeras, par 25 brasses, fond de sable.

Le 3030., à trois heures et demie du matin, le vent tourna à l’Ouest ; mais il était si violent qu’il me fit chasser sur mes ancres. Je voulus mettre à la voile ; le courant ne le permit pas, il m’entraînait même vers le port. J’étais sur dix brasses de fond ; je laissai tomber une ancre, qui devint le jouet du courant et du vent qui fraîchissait de plus en plus, de sorte que je n’eus bientôt que cinq brasses d’eau. Je laissai tomber une seconde ancre ; et à l’aide de la grande ancre, que je jetai bien vite, je m’éloignai de la terre, dont je n’étais plus distant que d’environ une longueur de la frégate : et quoique je restasse toujours engagé sur la pointe d’Alagican, qui forme le port des Galères, je pus cependant me mettre à la voile ; mais ce fut en laissant une ancre, une grande ancre, deux câbles et un grand câble, engagés dans les roches[6]. À neuf heures du matin, je doublai la 1780. Août. pointe ; et quoique le vent eût molli, en passant au troisième quart[7], cependant, forçant de voiles, je parvins à mouiller le 3131., à huit heures du soir, à l’abri de l’île Tiaco, pour débouquer le lendemain.

Le premier septembreSeptembre.
1er .
, je remis à la voile, et à quatre heures du soir, je me trouvai à un quart de lieue au Nord de Saint-Bernardin. De là je dirigeai ma route pour passer entre les îles Catanduanès[8] et Luçon : comme cette route devait me porter au passage le plus étroit entre des battures et cette île, je mis à la cape à dix heures, et je me trouvai le 22., au point du jour, à deux lieues de distance de Catanduanès. Je courus à toutes voiles ; et à onze heures et demie, j’avais atteint sa pointe la plus au Nord et à l’Ouest, et je passai à une fort petite distance des derniers îlots voisins de cette pointe. De là je courus à l’Ouest-Sud-Ouest et à l’Ouest, serrant le vent pour gagner Sisiran. J’atteignais presque le port, à six heures du soir. Je courus différentes bordées toute la nuit : le lendemain 33., je mouillai à deux heures du soir, et j’amarrai ma frégate le mieux qu’il me fut possible, dans l’attente des derniers ordres qui devaient m’être adressés. Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/339 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/340 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/341 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/342 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/343 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/344 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/345 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/346 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/347 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/348 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/349 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/350 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/351 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/352 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/353 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/354 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/355 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/356 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/357 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/358 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/359 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/360 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/361 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/362 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/363 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/364 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/365 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/366 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/367 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/368 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/369 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/370 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/371 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/372 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/373 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/374 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/375 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/376 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/377 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/378 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/379 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/380 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/381 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/382 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/383 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/384 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/385 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/386 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/387 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/388 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/389 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/390 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/391 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/392 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/393 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/394 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/395 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/396 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/397 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/398 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/399 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/400 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/401 Page:La Pérouse - Voyage de La Pérouse, Tome 1.djvu/402


  1. Les originaux espagnols de cette relation et de l’extrait de la suivante, ont été envoyés par la Pérouse ; la traduction est l’ouvrage de A. G. Pingré, et la carte correspondante, cotée dans l’Atlas, sous le n.° 68, dressée d’après ces relations et les anciens journaux, est due aux soins de Buache, membre de l’Institut national. (N. D. R.)
  2. On sait que Manille, dans l’île Luçon, est la ville capitale des îles Pliilippines. Saint-Blaise ou S. Blas est un port sur la côte occidentale du Mexique.
  3. Cavite est un port à trois lieues de Manille.
  4. Sisiran est un port de la côte orientale de Luçon, presque directement opposé à Manille, n’étant que de 16 minutes plus austral que cette ville.
  5. Cette pointe, le port des Galères, les îles Tiaco et Saint-Bernardin, sont situés dans le canal ou détroit qui sépare l’île Luçon des autres Philippines.
  6. J’abrège ici beaucoup, tant parce que le détail serait inutile et ennuyeux, que parce qu’il y a quelques endroits que je n’entends pas, soit faute d’intelligence de ma part, ce que je ne crois cependant pas, soit par la faute du copiste, qui aura estropié son original.
  7. Les Espagnols divisent l’horizon en quatre quarts ; le 1er  s’étend du Nord à l’Est, le 2e de l’Est au Sud, le 3edu Sud à l’Ouest, le 4e de l’Ouest au Nord.
  8. Cette île est située vis-à-vis la partie la plus au Sud-Est de l’île Luçon ; sa pointe septentrionale est presque sur le même parallèle que Sisiran.