Voyage au Sénégal pendant les années 1784 et 1785


Voyage au Sénégal
pendant les années 1784 & 1785
1802




Voyage au Sénégal
pendant les années 1784 et 1785

D’aprés les mémoires
de Lajaille, ancien officier de la Marine française

contenant des recherches sur la Géographie,
la Navigation et le Commerce
de la côte occidentale d’Afrique
depuis le cap Blanc
jusqu’à la rivière de Serralione

Avec des notes
sur la situation de cette partie de l’Afrique
jusqu’en l’an X (1801 & 1802)

Par Pierre Labarthe

Orné d’une très belle Carte gravée par P. F. Tardieu
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Publié par Dentu, an X (1802)





Avertissement. modifier

LAfrique, particulièrement vers la fin du dix-huitième siècle, a fixé l’attention des amis des arts et des sciences. Buffon pensait que cette contrée renferme peut-être plus de richesses que l’Amérique, sous les mêmes latitudes. Lalande, dans un mémoire sur le même sujet, a étendu les bornes de nos connaissances. Parmi les Anglais, le major Rennel a donné des éclaircissements sur la géographie de l’intérieur de l’Afrique ; chaque partie enfin de cette intéressante contrée, devient l’objet de la curiosité des voyageurs, des recherches des savants, des spéculations des négociants, et des méditations des philosophes.

Le Sénégal, qui nous occupe, mérite d’être connu pour les productions précieuses qu’il renferme.

Si l’on remonte à la conquête qu’en ont faite les Portugais, vers l’an 1447 on verra que le commerce a été le but des navigateurs qui ont fréquenté cette côte. Peu d’auteurs, si l’on en excepte Labat, Demanet et Adanson, ont fait connaître ce pays sous des rapports avantageux ; mais leurs ouvrages remontent à des époques déjà reculées ; le plus ancien est de a 1728 et le plus récent de 1768.

Depuis, nous avons conquis le Sénégal sur les Anglais ; le commerce a tour-à-tour été soumis à des privilèges exclusifs, et affranchi des entraves qui le gênaient. La traite des noirs, qui pendant longtemps a fait le principal objet des échanges au Sénégal, est abolie ; mais tandis que la France a proclamé là liberté des nègres, les Anglais exercent cette traite, sans concurrence de notre part, sur les rives de la Gambie et sur les côtes d’Afrique jusqu’au cap Negro, c’est-à-dire dans un espace de douze cents lieues. Ils font par-là fleurir leurs possessions en Amérique, refluer leurs richesses vers la métropole.

Quelles que soient les vue ultérieures du Gouvernement français, relativement au mode de remplacement des noirs, le Sénégal doit encore intéresser nos armateurs, par l’extraction de la gomme, des cuirs, de l’or, de la cire, du morfil[1], etc.

C’est donc un service à rendre au commerce, que de lui offrir les moyens de faire, sur ces côtes, des opérations sûres, de connaître les points où les échanges peuvent avoir lieu, ainsi que les marchandises les plus favorables pour la traite.

Le voyage que l’on publie en ce moment, peut être regardé comme le recueil le plus complet sur la géographie, la navigation et le commerce de la partie de la côte occidentale d’Afrique, renfermée entre le cap Blanc et la rivière de Serralione.

L’auteur a été à portée de consulter les mémoires de Lajaille, ancien officier de la marine française, chargé par le Gouvernement, en 1784 et 1785, de reconnaître cette étendue des cotes.

Il a eu d’ailleurs à sa disposition, les manuscrits déposés dans les bureaux du ministère de la Marine et des Colonies. Il s’est fait un devoir de consulter les hommes les plus instruits sur toutes les branches de l’administration coloniale ; et s’il n’avait craint de blesser leur modestie, il aurait la même satisfaction à les nommer, qu’il en éprouve à leur attribuer le degré d’intérêt dont ses recherches sont susceptibles.

Ce voyage offre des observations sur la situation, l’étendue, le climat, le sol, les animaux, les productions végétales, les mines d’or, les rivières, baies et caps de ces contrées ; les rapports politiques avec les princes maures et nègres ; l’histoire et le gouvernement de ces peuples, leur religion, leurs mœurs, leurs usages ; les états des marchandises les plus usitées pour la traite de la gomme, de l’or, du morfil, soit dans la rivière du Sénégal, soit le long de la côte jusqu’à Serralione, soit dans l’intérieur des terres jusqu’à Galam et Bambouk, pays des mines d’or. On y fait connaître la manière de compter et d’opérer les échanges, la valeur des denrées et marchandises d’importation et d’exportation.

Cet ouvrage présente en outre le tableau comparatif des exportations de la gomme, depuis 1784 jusqu’en l’an 7 (1799) ; celui de l’introduction des noirs dans nos Colonies de l’Amérique, depuis 1763 jusques et compris 1789 ; l’état du commerce de France avec nos possessions coloniales pendant le même espace de temps ; une notice historique du commerce d’Afrique sous le régime du privilège. Il est suivi d’une Appendice contenant des réflexions sur les avantages et les inconvénients des Compagnies exclusives, ou de là concurrence. Ceux pour qui l’histoire naturelle a des attraits, liront avec empressement l’opinion de Buffon sur l’utilité d’un voyage dans l’intérieur de l’Afrique ; et ce qui donne un nouveau prix aux observations de ce naturaliste, c’est qu’elles sont inédites, étant restées jusqu’à ce jour enfermées dans le dépôt des Colonies.



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Pierre Labarthe[2]


Voyage au Sénégal.



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1er janvier 1784 • Lettre première. modifier



Brest, 1er janvier 1784



Sur le point de quitter la France pour visiter la côte occidentale d’Afrique, mon âme éprouve tous les sentiments divers ; je laisse un ami sincère que je ne reverrai peut-être jamais ; pourrai-je l’oublier, lui qui s’est chargé de mon éducation, qui a formé mon cœur, encore plus par les exemples que par les préceptes ! Combien je vais vous regretter ! Ma seule consolation sera de me retracer le souvenir de vos bontés, de lire et relire les instructions que vous m’avez remises en partant. Oui, je remplirai vos desirs ; vous voulez un compte exact de ce que je verrai. Vous exigez que je vous retrace la position des lieux, les mœurs, les usages des peuples de la brûlante Afrique ; comptez sur mon zèle et ma bonne volonté. Si je réussis, je devrai mes succès à vos soins, et si la reconnaissance a quelques droits sur vous, je mérite bien le titre de votre ami.

Adieu.



1er janvier 1784 • Lettre II



Brest, 1er janvier 1784



Je comptais, Madame, trouver une lettre de vous dans le lieu de mon embarquement : je ne puis croire que vous m’ayez déjà oublié. Oui je recevrai avant mon départ, des nouvelles de celle qui a fait naître en moi les plus douces affections. Il n’est plus ce temps où nous partagions nos études, où vous excitiez en moi une touchante émulation. Avec quelle avidité nous parcourions les livres de voyages ! J’aimais à voir la préférence que vous donniez aux relations sur l’Afrique ; et lorsque, la carte sous les yeux, noua parcourions cette vaste région, je me plaisais à vous voir fixer particulièrement votre attention sur les livres qui vont être le but de mes recherches.

Que ne puis-je vous accompagner, me disiez-vous ? Non, Madame, ce n’est pas à votre sexe à franchir les mers ; tranquille sous un climat tempéré, vous goûterez un jour le bonheur que vos vertus vous promettent, et moi, agité sous un ciel brûlant, je parcourrai ces régions peu connues dans l’espoir d’être, à votre exemple, utile à mes semblables.

J’ai l’honneur d’être avec respect…



15 janvier 1784 • Lettre III modifier



Brest, le 15 janvier 1784



Je vous remercie de la lettre de recommandation que vous avez bien voulu me procurer pour M. Delajaille, commandant la corvette la Bayonnaise, à bord de laquelle je dois m’embarquer.

Cet officier m’a fait l’accueil le plus obligeant ; il m’a invité à me tenir prêt, attendu que nous ne tarderions pas à mettre à la voile.



18 janvier 1784 • Lettre IV modifier



Brest, le 18 janvier 1784



Je reçois, heureusement à temps, la caisse de livres<ref>Voyez note I.</ref> que vous m’avez envoyée.

Je ne puis trop vous remercier d’y avoir ajouté quelques cartes géographiques. En attendant le moment de partir, je m’occupe d’un plan de lecture pendant la traversée.

J’ai fait emplette de quelques bons instruments de mathématiques.

Au nombre des passagers se trouvent M. de Repentigny, qui va prendre le commandement du Sénégal, et M. Bailly, qui se rend à la même destination pour y remplir les fonctions’ d’ordonnateur.

On m’a parlé de M. Destanches, capitaine au bataillon des volontaires d’Afrique, dont on vante les talents comme ingénieur.

Je ferai en sorte de lier connaissance avec lui, et de mettre à profit les conseils qu’il pourra me donner.

Adieu.



20 janvier 1784 • Lettre V



A bord de la Bayonnaise,
le 20 janvier 1784



Après quelques jours d’attente, nous touchons au moment du départ. Les vents sont est-sud-est. Je vous écris sans doute pour la dernière fois d’Europe. Faites agréer mes tendres hommages à Madame ***. L’immensité des mers va bientôt me séparer de tout ce qui m’est cher ; conservez moi votre amitié.



12 février 1784 • Lettre VI



A bord de la Bayonnaise,
mouillage du cap Blanc,
le 12 février 1784.



Je profite d’un bâtiment américain qui fait son retour en France, pour me rappeler à votre souvenir.

Partis de Brest le 21 janvier, nous n’étions pas à vingt-cinq lieues d’Ouessant, que nous fûmes contrariés par des vents de sud-ouest. La corvette fatigua prodigieusement ; elle reçut plusieurs coups de mer, dont un seul l’engagea pendant trois ou quatre minutes ; mais à force de lutter contre les contrariétés, nous parvînmes à les vaincre.

Bientôt nous dépassâmes l’île Madère[3].

Le commandant manœuvra pour prendre connaissance des Canaries[4].

Le 8 février, nous vîmes l’île Forta-Ventura.

Aux approches du cap Boyador, nous eûmes à lutter contre la tendance des courants.

Pour doubler le cap, M. Delajaille fit porter au sud-ouest un quart ouest ; puis ayant dirigé sa route au sud-est, nous vîmes la terre à cinq ou six lieues ; tandis que, d’après les calculs d’estime, nous croyons-en être à vingt et une lieues.

Je demandai la cause d’une erreur aussi considérable. Peut-être, me dit un marin à qui je m’adressai, doit-on. l’attribuer à la force des courants ; peut- être aussi la côte est-elle portée trop à l’est sur les cartes. Je me contentai d’une réponse qui annonce des lumières de la part de son auteur, puisqu’il sait douter.

Ce qui m’a inspiré l’estime la plus vraie pour M. Delajaille, c’est l’attention et les soins qu’il a apportés dans ses reconnaissances. Le journal qu’il a tenu serait du plus grand secours pour les navigateurs. Il a bien voulu me le communiquer : je crois vous faire plaisir d’en extraire ce qui peut vous intéresser sous le rapport de la géographie et de la navigation.

"Pour tourner le cap Barbas, dit M. Delajaille, je fis sonder de deux heures en deux heures, et l’on trouva depuis trente-cinq brasses, au large, jusqu’à cinquante brasses, à une lieue et demie de terre. Je m’en approchai à une lieue, sans trouver moins de vingt brasses, ce qui prouve la non-existence du banc entre le cap Barbas et le cap Blanc, auquel lès cartes donnent trois Lieues de projection dans l’ouest. On distingue bien parfaitement un banc de sable très-près de la surface, et qui règne tout le long et à une demi-lieue de la côte, dont la direction est nord-nord est et sud-sud-ouest, jusqu’au cap Corveiro ; elle rentre ensuite vers le sud et forme une petite baie d’une demi-lieue de profondeur, qui se termine au cap Blanc, dont la latitude est de 20 d. 50 min.

Nous mouillâmes à une lieue de ce cap.

A quinze lieues sud du cap Blanc est l’île d’Arguin, sur laquelle les Portugais bâtirent un fort dans le quinzième siècle[5].

Ce fort, successivement possédé par les Hollandais[6], les Français[7], les Prussiens[8], fut accordé à la Compagnie du Sénégal, par un traité conclu à la Haye, le 13 février 1727. On faisait autrefois à ce comptoir un commerce assez considérable de gomme extraite des forêts de gommiers dont est couverte la rive droite de la rivière de Saint-Jean, qui en est peu éloignée.

La Compagnie en fît démolir les fortifications, à la même époque de 1727 ; et elle avait attiré les Maures, pour la vente de la gomme de cette partie de la côte, à un lieu appelé l'escale du Desert, peu distant de l’île Saint-Louis au Sénégal.

Le traité de 1768 ayant maintenu les Anglais dans la possession du Sénégal, on agita la question de savoir s’ils avaient le commerce exclusif à Arguin ; mais la conquête du Sénégal

en 1779<ref>Le Sénégal a été conquis le 3o janvier 1779</ref> et le traité de Versailles[9] levèrent toute difficulté à cet égard ; Arguin resta nécessairement lié au pays conquis.

L’île d’Arguin est susceptible de recevoir un établissement de pêcherie. Les Hollandais nous en ont donné l’exemple pendant le temps qu’ils l’ont possédée ; ils surent, malgré sa stérilité, en tirer un parti utile.

On trouve sur les bancs qui l’avoisinent, une espèce de grosses morues[10] propres à être salées ou séchées.

L’île d’Arguin abonde en tortues qui sont très utiles pour les équipages, ainsi que pour les convalescents.

Je ne terminerai pas cette lettre sans parler d’un spectacle nouveau pour moi, et qui m’a fait éprouver un vrai plaisir.

En traversant le Tropique, nous vîmes plusieurs oiseaux de couleur blanchâtre, dont la queue est formée d’une seule plume longue ; leur vol est toujours fort élevé ; les marins les appellent les oiseaux du Tropique.

C’est dans ces mêmes passages que nous vîmes le poisson volant ; il a la forme du hareng ; il a de chaque côté deux nageoires fort longues, qui ressemblent à des ailes. On a remarqué qu’il ne peut voler qu’autant que ses ailes sont humides ; en sorte qu’il est forcé de replonger souvent pour les humecter de nouveau.

Le dauphin est ardent à donner la chasse au poisson volant ; il épie l’instant où il retombe pour s’en saisir. Le dauphin ne ressemble en aucune manière à la figure que les peintres lui donnent.



18 février 1784 • Lettre VII



A bord de la Bayonnaise,
le 18 février 1784



En quittant le cap Blanc, le 14 février 1784, nous portâmes au sud-ouest de la boussole. Cette route, suivant toutes les cartes, devait nous éloigner du grand banc, que Bellin place sud-sud-est et nord-nord-ouest ; mais M. Delàjaille ayant trouvé depuis trente à quinze brasses, il fut obligé de se répandre dans l’ouest.

Cet officier nous a rappelé qu’en 1770 M. de Vaudreuil, commandant une division, trouva les mêmes brasseyages.

Des navigateurs trop confiants s’y sont trouvés compromis, notamment deux bâtiments marchands, dans la dernière guerre, et, une goélette en 1783 ; en sorte que M. Delajaille s’est décidé, d’après sa propre expérience, à placer le banc au sud-ouest un quart sud du cap Blanc, et cette position a l’avantage d’indiquer aux navigateurs une route plus sûre et exempte de danger, dans leur trajet du cap Blanc à Portendic.

A trente lieues au sud d’Arguin, on découvre un groupe d’îles, dont la principale est celle de Tider. Entre cette dernière île et le cap Mirik, est l’embouchure de la rivière Saint-Jean-, son cours est peu connu. Nos marins, contenus par la perfidie des Maures, n’ont pas osé risquer de la remonter.

Le 15 février, nous eûmes connaissance du cap Mirik. M. Delajaille en détermina la latitude par 18 degrés 51 minutes, au lieu de 18 degrés 15 minutes, ainsi qu’il est placé sur la carte de Bellin. Cette nouvelle position diminuait de quatre lieues la distance du cap Blanc au cap Mirik. En longeant la côte, on découvre la petite baie de Tindal, qui se trouve fermée par un banc de sable, à l’exception d’un passage étroit à son extrémité nord. Puis on découvre Portendic, rade foraine.

Il se fait dans ce lieu un commerce assez considérable de gomme. Pbrtendic avait été acquis des Maures par là Compagnie du Sénégal, le 29 juillet 1717. Cette acquisition fut confirmée le 6 mars 1728, par un nouveau traité fait avec Alichandoura et Borali, chefs de la tribu maure qui la possédait dans le principe. Il y avait un fort, qui fut démoli en 1727 ; la traite fut attirée ensuite à l’escale du Désert.

Les Anglais se sont réservés, par le traité de paix de 1783[11], de commercer à Portendic, ainsi qu’à la rivière Saint-Jean, sans toutefois pouvoir y former d’établissement. L’adhésion que le gouvernement français a donnée à cette mesure, nous prive de près de six cents milliers de gomme, que les Anglais traitent dans cette rade.

Le 18 février, nous arrivâmes au Sénégal ; nous mouillâmes à une lieue de la barre, par huit brasses et demie, sur un bon fond de vase.

M. Delajaille place le fort du Sénégal par 15 degrés 53 minutes de latitude, et 18 degrés 51 minutes de longitude occidentale du méridien de Paris.


Lettre VIII

Au Sénégal, le 15 mars 1784

L’embouchure du fleuve étant fermée par une barre inaccessible aux grands bâtiments, nous vîmes venir de petits bateaux destinés à nous la faire passer.

Nous arrivâmes bientôt à l’île Saint-Louis, principal établissement du Sénégal, et située à cinq lieues de l’embouchure[12].

Cette île qui a environ une demi-lieue de superficie, s’étend du nord au sud, et forme une espèce de banc allongé, à une petite distance de la partie très étroite de la côte qui sépare le fleuve de la mer.

Le sol plat, aride et peu élevé dessus du niveau du fleuve, ne permet pas de s’y livrer à la culture ; on y voit réussir seulement quelques jardins dans la saison des pluies. Le climat, constamment mal sain est cependant moins dangereux dans la basse saison, qui commence en décembre et finit en mai, et qui est ainsi appelée, parce que les eaux du fleuve sont basses dans cet intervalle.

Les maladies sont plus fréquentes pendant le reste de l’année, qu’on nomme la haute saison, à cause des débordements ; et se réduisent à deux espèces, la dysenterie et la fièvre maligne.

Il n’y a jamais eu de médecins au Sénégal : on n’y a fait passer que des chirurgiens, plus ou moins exercés, dans leur art. Cependant, ou la médecine est vaine et futile, ou le premier soin devrait être de charger des hommes de l’art d’observer l’influence du climat sur la santé des habitants Peutêtre un médecin habile découvrirait-il dans les productions mêmes du pays, ou dans un régime analogue aux localités, les moyens de prévenir des maladies aussi funestes, et de s’en garantir. Déjà on a reconnu que, pour purifier l’air pendant la mauvaise saison, il était utile de brûler de la gomme arabique[13], production exclusivement accordée au sol du Sénégal par la nature. On a également observé que le palmier produit une espèce de vin très rafraîchissant, lorsqu’il est nouvellement fait. Malheureusement on le tire de la grande terre, et lorsqu’il arrive à l’île Saint-Louis, il est corrompu et devient très pernicieux pour ceux qui en boivent.

Le siége du commerce et de l’administration attire dans cette île une peuplade assez nombreuse de mulâtres et de nègres libres[14] ; ils chérissent infiniment leur séjour, et entretiennent une quantité d’esclaves, dont ils ne font rien, et qu’ils ne vendent qu’à la dernière extrémité. Ils subsistent par le fruit de la traite qu’ils vont faire au haut du fleuve, dans la saison convenable, soit de vivres, soit d’objets de commerce. Les Européens les emploient principalement à servir des embarcations d’un port à l’autre.

Il y a plusieurs îles voisines du chef-lieu. Quelques personnes assurent qu’elles sont susceptibles de la culture du tabac, du coton et même du froment. Cependant elles sont restées jusqu’à présent incultes et inhabitées. À la vérité, on a remarqué que ces îles sont trop inondées et trop sujettes aux vicissitudes de la mobilité du terrain, dans le temps de la crue des eaux, pour qu’on puisse y entreprendre des établissements durables et utiles.

La seule dont on pourrait tirer quelque avantage est celle de Babagué[15], située près l’embouchure de la rivière. Cette île étant un peu plus élevée que les autres, et par conséquent moins sujette aux inondations du fleuve, serait propre à recevoir le surplus de population de l’île Saint-Louis.

Le commerce avec les naturels du pays est le principal motif qui puisse amener les Européens dans cet établissement. La traite des noirs, de la gomme, de l’or et du morfil, ont fait dans tous les temps, le principal objet des échanges.

Nous avons trouvé ici M. Dumontet, gouverneur ; il a été remplacé, à notre arrivée, par M. de Repentigny.

À peine débarqué, j’ai appris que le rappel de M. Dumontet est dû aux plaintes portées par le commerce, contre son administration. Il est accusé de s’être livré à des spéculations personnelles dont la concurrence avec les opérations des armateurs de la métropole nuisait aux succès de ces derniers. Je ne cherche point a pressentir ce qui sera décidé, non nostrum inter vos… D’ailleurs, vous en apprendrez l’issue avant moi ; les pièces de la procédure seront envoyées à Versailles.

Après avoir mis à son poste le nouveau gouverneur du Sénégal, M. Delajaille a reçu des ordres ultérieurs, qui ont pour objet de reprendre possession de Gorée[16](a) et du comptoir d’Albreda sur la rivière de Gambie. Il doit visiter ensuite les îles Bissagots, les îles des Idoles ou de Loss et la rivière de Serralione.

Je regrette infiniment de ne pouvoir l’accompagner. Mon séjour ici ne sera pas, j’ose le croire, sans intérêt ; puisque je serai à portée de prendre des renseignements sur l’établissement principal, avant de passer aux comptoirs secondaires. M. Delajaille d’ailleurs m’a fait espérer de me communiquer ses observations à son retour.


12 avril 1784 • Lettre IX modifier



Fort Louis, le 12 avril 1784.



Pour satisfaire à vos désirs, j’ai pris les renseignements les plus exacts sur la direction du cours du Sénégal, que les géographes ont longtemps confondu avec le Niger[17] ; sur la traite de la gomme, sur les peuples qui habitent les rives du Sénégal, et sur les établissements qu’on rencontre en remontant le fleuve.

L’embouchure du Sénégal dans l’Océan est, comme je l’ai dit, fermée par une barre de sable et de vase que le courant entraîne vers la mer et que le flot repousse. Elle laisse cependant une passe qui permet l’entrée aux barques et petits bâtiments pontés. Elle varie de situation et est toujours dangereuse à passer.

C’est à cinq lieues au-dessus que sont l’île et le fort Saint-Louis, dont je vous ai parlé dans ma précédente lettre.

Le Sénégal se divise en plusieurs bras avant de se perdre dans la mer. Il court d’abord pendant vingt-cinq lieues, nord et sud, parallèlement à la côte. Sa direction change ensuite, et à quelques sinuosités près, elle devient est et ouest.

En remontant le fleuve cinq lieues au-dessus du coude où sa direction change, et à vingt-cinq lieues de l’île Saint-Louis, on trouve 1'escale du Désert. Ce lieu aride et réellement désert est renommé pour la traite de la gomme qu’on y fait avec les Maures.

A soixante lieues, toujours en remontant le fleuve, est une île assez grande, nommée l'île à Morphil, sur la pointe de laquelle la Compagnie française fit construire, en 1743, un fort qu’on appelle fort de Podor. Cette escale est également importante par la traite de la gomme.

Il y a encore deux autres escales appelées du Coq et du Terrier-Rouge, où les Maures apportent leur récolte. Ces dernières sont situées dans le voisinage de Podor.

La gomme que l’on nomme arabique, est une substance muqueuse et résineuse, nécessaire aux manufactures. Elle découle d’arbres appelés gommiers. Les Maures la récoltent pour la vendre aux Européens ; C’est une "branche de commerce d’autant plus précieuse, qu’elle est en quelque sorte exclusive en faveur des possesseurs du Sénégal. La gomme que l’on tire du Levant ne forme pas la cinquantième partie de la consommation de l’Europe.

Les Maures recueillent particulièrement la gomme dans les trois forêts de Sahel, Lebiar et Alfatak, situées au nord de l’île Saint-Louis. On trouve plusieurs bouquets de gommiers détachés de ces forêts, dans divers autres points du Sénégal.

La récolte de la gomme a lieu au mois de mars ; elle est comme celle de tous les fruits, sujette à des variations, et la traite se ressent de la disette ou de l’abondance. On a cependant remarqué que les gommiers ne manquent jamais deux années de suite.

La consommation habituelle de cette drogue dans, toute l’Europe, est évaluée à mille tonneaux du poids de deux mille livres chaque. La Compagnie française en traitait jadis chaque année douze cents quintaux maures[18].

Notre traite s’élève aujourd’hui de douze à quinze cents milliers[19](i).

Nous pouvions en tirer jusqu’à deux millions de livres pesant, sans la faute que nous avons faite par le traité de paix de 1783, de permettre aux Anglais d’aller à Portendic, qui est un point de la côte à quarante lieues au-dessus de la rivière du Sénégal.

D’après l’évaluation approximative des marchandises de traite dont la France peut fournir une partie, la gomme doit être évaluée valoir de douze à quinze sous la livre sur les lieux, et le prix de vente en France de quarante à quarante-cinq sous, en temps de paix. Il faut donc regarder cette branche presque exclusive de commerce, comme étant de trois millions annuellement.

Trois tribus de Maures indépendantes, ayant chacune leur chef possèdent le pays où sont situées les forêts de gommiers. Ces Maures parlent la langue arabe ; ils sont eux-mêmes Arabes d’origine ; ils forment comme eux un peuple pasteur et nomade. Ils n’ont point d’habitations fixes ; ils campent en troupes ; on appelle Adouar leurs camps ou villages ambulants ; ils y restent tant qu’ils trouvent aux environs des pâturages, suffi- sans pour leurs bestiaux ; leur religion est le mahométisme. Cette religion est prêchée. par des Maures que les nègres du Sénégal nomment Serins, et que nous appelons Maraboux.

On regarde en général les Maraboux comme formant une tribu particulière. Adonnés au commerce, ils ont trouvé plus de sûreté dans les préjugés religieux que dans leur courage ; leurs armes sont des chapelets et l’Alcoran<ref>Les Maraboux ont aussi leurs reliques qu’on nomme grigris : ils les vendent, et ce commerce leur rend beaucoup. Il y en a de toutes les formes. C’est ordinairement un morceau de papier écrit en arabe, et enveloppé artistement dans du cuir ou du linge : chaque grigris a sa vertu particulière ; il y en a qui préservent de tous maux, et ceux-ci coûtent plus cher.</ref> ; ils affectent un zèle outré, ils passent pour les docteurs de la loi. Ce titre leur acquiert une vénération générale et leur procure l’avantage de voyager avec sécurité dans les déserts de l’intérieur de l’Afrique.

Les trois tribus maures fixées au nord du Sénégal, sont celles de Trarzas[20],d’Aulade-el-Hagi et d’Ebraquana.

Les Trarzas occupent le pays compris entre Arguin, la rivière Saint-Jean et le Sénégal. Ce pays s’étend des bords de la mer jusqu’à quarante lieues dans les terres.

La forêt de Sahel se trouve dans cet arrondissement. Le chef de cette tribu[21] est un descendant d’Alichandora, dont le nom est célèbre dans les relations de ces pays incultes.

La tribu d’Aulad-el-Hagi possède les terres à l’est et au nord-est de la précédente : la forêt de Lebiar en dépend.

La troisième tribu, appelée Ebraquana, s’étend à l’est de celle Aulad-el-Hagi : elle renferme dans ses possessions la forêt d’Alfatak.

Les Maures Bracknas[22](b) font partie de la tribu Ebraquana.

Ces tribus sont souvent en guerre, l’objet de ces guerres est la possession de quelques pâturages on de la récolte de la gomme. Ils se servent d’armes à feu et de poignards. Ils préfèrent les fusils fins à deux coups. Ils choisissent les plus légers. Leurs forces consistent principalement dans leur cavalerie. Il est rare qu’ils se rassemblent plus de trois mille hommes. Ils font également des courses sur les états des princes nègres leurs voisins, dont les habitations sédentaires et sans défense les exposent aux irruptions des Maures. Les fruits de leurs victoires consistent dans l’enlèvement des bestiaux et la vente des vaincus faits esclaves.

Ces tribus regardent le roi de Maroc comme leur schérif ; mais l’éloignement des états de ce prince assure l’indépendance de ces hordes errantes. .

Les Maures mettent leur gomme dans des balles de peau ; ils l’apportent sur le dos de leurs chameaux et de leurs bœufs aux escales du Désert et de Podor, dans les mois d’avril et de mai. Les Maures vendent leur gomme au quantar.

Anciennement le poids commun du quantar était évalué de 1800 à 2000 livres pesant ; maintenant il est porté à 2400.

Des traiteurs[23](a) se rendent, de leur côté, à ces escales ; ils y apportent des objets d’échange qui consistent principalement en eaux-de-vie, toiles, quincaillerie et verroterie[24]. (b)

Lorsque la vente de la gomme est favorable à Portendic, les Trarzas, plus voisins de cette rade que les autres tribus, y portent une partie de leur récolte, et alors la vente faiblit à l’escale du Désert ; mais elle se soutient mieux à Podor, au Coq et au Terrier-Rouge, où s’apportent les gommes recueillies dans les forêts de Lebiar et d’Alfatak.

Les Maures n’ont aucun établissement sur le Sénégal. Les nègres occupent principalement les terres qui sont au sud. Je parlerai, dans la lettre suivante des différentes nations qui Habitent les rives de ce fleuve.



15 Mai 1784 • Lettre X



Sénégal, 15 Mai 1784.



Les pays dans lesquels les Français ont pénétré, en remontant le fleuve du Sénégal, sont les royaumes d’Hoval, des Foules et de Galam.

Le royaume d’Hoval (Oualo en langue du pays) s’étend environ trente lieues du nord au sud, le long de la mer, et à quarante dans l’intérieur des terres.

Le roi s’appelle brac. On lui donne ce nom par titre de distinction.

L’île Saint-Louis et celles qui l’avoisinent sont renfermées dans les états de ce prince. On remarque entr’autres l’île de Babagué, l’île de Saure, celle de Thiunk, l’île aux Bois. Au-dessus sont les îles Bouksar et de Bifeche, formées par la division du bras du Sénégal. Cette dernière est boisée et offre des savanes où paissent de nombreux troupeaux.

A dix lieues au-dessus de l’île Bifeche, après avoir dépassé l’escale du Désert, on rencontre la rivière portugaise, située sur la rive gauche du fleuve : c’est un marigot, ou canal naturel, de cinq lieues de longueur, qui communique au lac de Panier-Foule, dans lequel refluent, avec abondance les eaux du Sénégal, lors de 1a saison des pluies.

Les bords de ce lac, étant fertilisés par ces débordements, produisent du riz, du maïs et autres grains en abondance. Il est environné d’une grande quantité de villages de nègres.

Au sud-est du Sénégal, sur la rive droite, est le marigot de Cayort qui conduit au lac de ce nom. Il est beaucoup plus considérable que celui de Panier-Foule.

Il y a peu de princes noirs plus absolus que le roi brac ; il peut impunément réduire ses sujets en esclavage et les vendre. Il est censé propriétaire de toutes les terres. Il les oblige de cultiver toutes celles dont il se réserve la jouissance, ainsi qu’en usaient les rois de la première race de la monarchie Française. Quand il voyage, il est nourri et défrayé aux dépens de son peuple. Cependant, malgré ce pouvoir, il y a peu de princes qui soient aussi misérables. Son revenu le plus certain consiste dans les coutumes[25](i) que nous lui payons, et qui se montent à peine à mille écus.

En cas de guerre, tous prennent les armes. Les chefs de chaque village, à la tête de cette milice indisciplinée, se réunissent auprès du prince. Leur plus grande force consiste dans leur cavalerie.

Un seul combat décide du sort de la guerre. Le vaincu fuit et cherche à traiter. Le vainqueur ne demande qu’à retourner dans ses foyers avec le butin qu’il a fait. Selon qu’il a eu des avantages plus ou moins grands, il force le premier à se déclarer vassal, à payer un tribut.

Ces conditions, qui ne sont jamais exactement observées, font le sujet d’une nouvelle guerre, ou plutôt d’une nouvelle irruption dont l’événement a la même issue.

Ces milices ne reçoivent aucune paye ; elles marchent sans approvisionnement, n’ont d’autres profits que le partage du butin. Les grands ou chefs ont un lot presque égal à celui du prince. La crainte d’être faits esclaves les rend braves dans l’action ; l’avarice et l’espoir du gain arrêtent seuls le carnage, les prisonniers faits esclaves étant leur plus grand profit.

Ce tableau démontre l’extrême faiblesse du brac, et fait voir combien il est absurde de donner le titre de roi à un misérable chef d’une petite nation barbare. Il peut encore servir à faire connaître le degré de bonheur dont jouissent les nègres dans leur propre patrie. On voit également, par cet exposé, que quoique notre principal établissement soit dans l’état de ce prince, bien loin que nous ayons quelque motif de le craindre, sa consistance politique dépend de la protection que nous lui accordons.

Le royaume des Foules est possédé par le siratick.

Ses états s’étendent des deux côtés du fleuve, dans une longueur de plus de cent quarante lieues. Leur vraie largeur est inconnue ; mais elle est bien moins, considérable. L’île à Morphil et celle de Bilbas en dépendent.

Le fort de Podor, dont nous avons parlé plus haut, est situé sur l’île à Morphil, à soixante lieues de l’embouchure du Sénégal. Cette île très fertile produit une grande quantité de mil, et on y trouve beaucoup de bestiaux. Le café, le coton, l’indigo y croissent sans soins. On assure même que la canne à sucre y serait cultivée avec succès. L’objet de la Compagnie en formant ces établissemens[26], était de mieux assurer la subsistance des habitans de l’île Saint-Louis, de protéger la traite et de favoriser les communications avec les parties supérieures du fleuve.

L’île de Bilbas a soixante et dix lieues au-dessus de Podor, est abondante en pâturages ; l’air en est salubre. Ce motif seul devrait : engager à y former un établissenient. Les voyageurs, en remontant et en descendant le fleuve y pourraient y rétablir leur santé, et la proximité de plusieurs nations maures et de forêts de gommiers finirait par y attirer un commerce avantageux en captifs et en gomme.

Le siratick est beaucoup plus puissant que le roi brac ; il a une cavalerie nombreuse. Ses états sont divisés en plusieurs provinces. Chaque province est gouvernée par un lieutenant qui a un pouvoir absolu, et qui commande les milices. Ces hommes, mal armés et sans discipline, ne peuvent résister qu’à des nègres aussi mal armés et aussi indisciplinés qu’eux. Deux ou trois compagnies de soldats européens, avec deux ou trois pièces de campagne, mettront toujours en déroute la plus forte de ces armées.

Les mœurs, les usages, la constitution et la religion du royaume des Foules sont, à peu de chose près, les, mêmes que ceux du pays du roi brac. Le langage seul est différent. On peut évaluer à deux mille livres les coutumes que nous payons au siratick.

Le royaume de Galam joignant celui des Foules, s’étend sur le Sénégal, dans une longueur de quarante lieues, et finit au rocher felou, cataracte où la navigation de ce fleuve est arrêtée, et au-delà de laquelle les Français ont peu pénétré. Ses bornes au nord et au sud ne sont point connues. Les sujets et les vassaux du roi, ou du tunka de Galam sont d’un caractère inquiet qui rend sa situation précaire. Cependant, dans les révolutions qui les agitent, ils choisissent toujours un roi dans la même famille, en préférant le plus proche parent du côté des femmes, usage presque général dans ces contrées.

La puissance de ce chef ou souverain dépend de son courage et de son adresse à captiver la confiance de ceux qui lui sont subordonnés. On appelle Serracolets des peuples du pays de Galam et des contrées voisines. Ils sont perfides et cruels. Là crainte les contient plus que la bonne foi, et il faut être toujours en garde en traitant avec eux.

Les Serraoolets forment plusieurs états, tantôt indépendants, tantôt tributaires les uns des autres. On prétend que le roi de Galam est lui-même tributaire du roi de Cassera[27](a), prînce négre dont les états s’étendent à l’est au-dessus du rocher felou et de la cataracte de Govina.

Les Français avaient fait élever, dans le premier temps, à Galam, sur une des rives du fleuve, un fort appelé Saint-Joseph[28]. Sa situation est désagréable, à cause du mauvais air et des dégats fréquemment occasionnés par les débordements du fleuve. Les Anglais l’avaient abandonné. Le projet des Français était de le transférer près de Sangalon, village situé à l’embouchure de la rivière de Féleme[29], qui mêle, huit lieues plus bas, ses eaux avec celles du Sénégal. C’est en effet le lieu le plus convenable. On y monte avec des bateaux pontés. Le sol y est fertile et produit une grande quantité de mil.

Le comptoir de Galam avait pour objet, comme celui de Podor, de faciliter l’extension du commerce. C’est là que la traite des noirs est la plus abondante.

Chaque année, une partie des habitants du Sénégal et de Gorée font le voyage de Galam. Les bâtiments, au nombre de quarante, plus ou moins ; partent dans tout le courant de juillet et sont trois mois pour remonter le fleuve ; en sorte qu’ils arrivent à Galam vers la fin d’octobre. Là, se tient une foire ou marche où se trouvent les Maures des pays circonvoisins. Cette foire a lieu pendant les quinze premiers jours de novembre. On y traite de l’or, du morphil, des peaux de bœuf, du riz, de plusieurs sortes de mil et du bled de Turquie. Les objets d’échange sont des guinées ou des pièces de toile, des armes à feu, de la verroterie, quincaillerie, etc. Lorsque les eaux du fleuve commencent à baisser, on donne le signal du départ. Le retour des bâtiments s’effectue dans l’espace de quinze jours à-peu-près, et l’on juge bien que l’arrivée de la flotte au Sénégal y produit la joie la plus vive parmi les habitants.

On appelle Mandingues les Maures qui se rendent à Galam ; ils font du commerce leur plus grande occupation. Ces Mandingues forment des peuplades assez considérables, qui habitent le pays de Galam et les contrées voisines au sud-est. Séparés du corps de leur nation, ils vivent dans une espèce d’indépendance, en payant quelques tributs aux chefs des petits états où ils se fixent. Ils forment des caravanes, parcourent tout l’intérieur de l’Afrique ; ils y portent les marchandises qu’ils ont achetées des Européens, et en ramènent des esclaves ; ils en rapportent aussi de l’or et du morfil ; ils sont, par attachement à leur culte, ou plutôt par politique, tous maraboux ou hommes de loi comme les Maures serins[30] : ce qui leur donne de la considération et leur procure ; plus de sûreté dans leurs voyages.

II serait bien à désirer qu’on prît, pour se rendre à Galam, une autre voie que celle du fleuve, dont le cours est malsain, à cause des exhalaisons qui s’élèvent des marais qu’il forme et des terres qu’il inonde. Ajoutez à cela que l’air n’y circule point, qu’il est brûlant et n’est point rafraîchi par les vents et par la mer. On est d’ailleurs dévoré par des insectes, inondé par des pluies continuelles. Lorsque le fleuve est dans sa plus grande crue, les courants sont d’une force incroyable, et les vents, presque toujours contraires augmentent encore les difficultés. Enfin, on est réduit à la nécessité d’aller à la cordelle, et ce moyen pénible augmente encore les désagrémens, ainsi que les dangers. Ce n’est pas encore tout ; pour avoir le passage libre, on paye des coutumes à plusieurs princes de la rivière, et sur-tout à celui du pays des Foules<ref>Peuls, suivant Adanson ; les Peuls, dit cet auteur, s’appellent Foules par corruption</ref>.

Il faut s’arrêter, attendre, négocier. Cette lenteur, souvent excessive, est d’autant plus désagréable qu’on n’est jamais parfaitement d’accord. Quelquefois, on en v,ient aux prises.

Les naturels résistent aux périls da ce voyage, mais les étrangers y succombent presque toujours : ceux qui reviennent sont mourants, et il est rare qu’ils se rétablissent parfaitement. Au retour, la navigation n’est pas dangereuse, parce que la mauvaise saison est passée. Elle est prompte, en ce que les courants et les vents la favorisent.

D’après les notes qui m’ont été communiquées par un Marabou, la route par terre à Galam offre un moyen plus sûr, plus prompt et plus commode. On peut entreprendre ce voyage pendant huit mois de l’année, et se rendre à Galam en vingt-cinq jours[31]. Le temps le plus favorable est au commencement d’avril ; pour lors, la saison est fraîche et les vents du nord régnent sans interruption.

M. de Repentigny, à qui j’ai fait part du désir que j’avais d’entreprendre ce voyage, m’a promis de m’en faciliter les moyens.



21 mai 1784 • Lettre XI



Sénégal, le 21 mai 1784



M. Delajaille, de retour de sa mission à la rivière de Serralione, a relâché à Gorée pour y rétablir ses malades et y prendre des rafraîchissements. Il a bien voulu me faire passer une copie du journal de sa route, en m’invitant cependant de ne pas le montrer, jusqu’à ce qu’il l’ait fait connaître au ministre de la marine. Je le lui ai promis. Cet officier compte revenir dans nos parages vers la fin de cette année. Il a eu la bonté d’exiger d’avance que je lui donnasse ma parole que je l’accompagnerais. Vous concevez avec quelle reconnaissance j’ai répondu à cette marque d’amitié de sa part.

Je profite de l’occasion de la corvette la Bayonnaise, qui fait son retour en France, pour vous adresser la suite de la description des pays qui avoisinent le Sénégal.

21 mai 1784 • Lettre XII modifier



A bord de la corvette la Bayonnaise,
Sénégal, le 21 mai 1784



Indépendamment des pays dont je vous ai parlé dans ma dernière, je ne dois pas omettre de faire mention des royaumes de Bondou et de Bambouc où l’on a reconnu et découvert plusieurs mines d’or.

Bambouc et Bondou, situés au sud du royaume de Galam, sont les pays où se trouvent les mines les plus riches. Ce sont des espèces de républiques habitées par des nègres appelés Mandingues et gouvernées par des chefs indépendants, entre lesquels celui de Bondou est le plus craint et le plus, respecté.

Yoici ee que j’ai appris de plus positif sur l’époque de la découverte des mines d’or.

Dès le temps de la première concession du Sénégal[32], on s’était flatté de découvrir les mines d’or que ce pays renferme ; mais soit que les concessionnaires aient éprouvé des obstacles dans leurs recherches, soit qu’ils aient été détournés par d’autres vues, ce n’est qu’en 1736 que la Compagnie française a paru s’occuper sérieusement de cet objet, instruite alors par divers mémoires envoyés par ses préposés de la richesse des mines de Bambouc et de Bondon. Elle envoya, pour les visiter, un artiste qui, à son retour en France, donna des détails satisfaisants. Ce même artiste fut envoyé de nouveau, en qualité de commandant, à Galam, avec des pouvoirs dont il abusa envers les naturels du pays. Il fut massacré au fort Saint-Joseph, avec tout le poste ; et la Compagnie, rebutée des dépenses inutiles qu’elle avait faites, abandonna son projet.

Cependant, David[33], directeur-général de la concession du Sénégal, passa en France en 1741 ; il excita la Compagnie à suivre ses premiers projets sur les mines de Galam ; et d’après l’essai de quelques sacs de terre du pays, qu’il avait apportés, et qu’il fit laver, les directeurs se décidèrent une seconde fois à les exploiter. David fut chargé lui-même de les visiter et de préparer, les voies d’exploitation projetée. Il établit en effet des comptoirs ; et après s’être assuré de la richesse des mines, il revint au chef.lieu, et commit Delabrue, directeur à Galam, pour exécuter le plan qu’il avait formé.

Dans ces entrefaites survint la guerre de 1744. David fut envoyé à l’Isle-de-France. Delabrue passa à la direction générale du Sénégal, et d’autres soins détournèrent la Compagnie de l’objet des mines jusqu’après la paix. Le projet pour leur exploitation subsistait néanmoins toujours. Les comptoirs établis par David près de Bambouc et Bondou avaient été constamment entretenus. Aussenac, commandant du fort Saint-Joseph, en Galam, se transporta, en 1756, à Kelimani et à Natacou[34](à), où de nouvelles mines venaient d’être découvertes. Il en vérifia la richesse et l’abondance, et fit passer aux directeurs de la Compagnie, à Paris, des minerais qui furent trouvés très-riches, d’un or très-pur, et entre lesquels plusieurs pesaient jusqu’à trois ou quatre gros.

Aussenac observait, dans un de ses mémoires, que plus on fouillait la terre, plus les mines étaient précieuses : et il assurait, d’après les essais qu’il avait faits, qu’elles produiraient, tous frais quelconques, quarante et cinquante pour cent de bénéfice. La Compagnie, convaincue plus que jamais de la bonté de ces mines, faisait des préparatifs pour en accélérer l’exploitation, lorsque la prise du Sénégal, en 1758, fit évanouir ses espérances. On ignore jusqu’à quel point les Anglais se sont occupés de cet objet important, pendant qu’ils ont possédé[35](a) le Sénégal ; on sait seulement qu’ils y envoyèrent, en 1769, un artiste qui mourut en Galam.

Les principales mines sont celles de Natacou et de Kelimani, situées aux environs de la petite rivière de l’Or, qui prend sa source près d’un village appelé Tambaoura, et qui se joint à celle de Felémé, à quatorze on quinze lieues au-dessus de son embouchure.

Ces mêmes mines ne sont éloignées du fort Saint-Joseph, en Galam que d’environ quarante ou cinquante lieues. Le chemin par terre est très pénible, à cause des montagnes et des bois épais dont le pays est couvert. Les nègres qui l’habitent sont paresseux, indolents et sans nulle ambition. Ils ne se donnent la peine de ramasser des richesses qu’ils foulent chaque jour aux pieds, qu’autant qu’ils en ont besoin pour subsister.

Il n’est parvenu, depuis la paix de 1783, aucune connaissance nouvelle sur ces mines. Je sais que le commandant actuel est chargé, par ses instructions nouvelles, de faire de nouvelles tentatives. Puisse-t-il ne pas négliger de profiter des premières découvertes !

15 juin 1784 • Lettre XIII modifier



Sénégal, le 15 juin 1784



Vous désirez que je vous parle des productions du pays. Je crois devoir me borner à décrire, d’après les meilleurs naturalistes, les arbres remarquables, tels que l’acacia qui produit la gomme, le tamarinier, le palmier. Dans le cas où vous voudriez en connaître un plus grand nombre, vous pourrez consulter Adanson, que l’on regarde comme l’auteur qui a le mieux traité l’histoire naturelle du Sénégal[36].

Je vous parlerai également de quelques animaux curieux et extraordinaires.

L’acacia du Sénégal[37](a) est un arbre moyen, ou pour mieux dire un arbrisseau de quinze à vingt pieds de haut, dont le bois est blanc, dur, plein ; il a l’écorce cendrée. Son tronc, dit Adanson, est rarement droit, mais diversement incliné, et couvert du bas en haut de branches tortueuses, fort irrégulières, qui donnent à cet arbrisseau une forme peu élégante. Ses feuilles sont petites, deux fois ailées, et composées de quatre ou cinq couples de pinnules, qui chacune soutiennent douze à quinze paires de folioles longues d’une ligne, larges d’un cinquième de ligne, glabres, veineuses et obtuses, avec une très petite pointe à leur sommet. A la base de chaque feuille on trouve trois épines coniques, noirâtres, luisantes, longues de deux lignes, et crochues, mais plus particulièrement celles du milieu que les deux autres,qui le sont néanmoins. Les fleurs sont blanches, polyandriques, fort petites et disposées en épis pédoncules, axillaires et longs de trois pouces. Les fruits, selon le même naturaliste, sont des gousses aplaties, très-minces, elliptiques, pointues aux deux bouts, d’un jaune de bois, longues de trois pouces et demi, larges de huit à neuf lignes, veinées à l’extérieur, ondées légèrement en leurs bords, et chargées de poils courts peu sensibles. Elles renferment chacune environ six semences très aplaties, et orbiculaires, ou un peu cordiformes. Cet arbre croît au Sénégal, et se plaît particulièrement dans les sables qui bordent la côte maritime de cette contrée. Il donne la gomme blanche qu’on apporte en France de cette partie de la côte occidentale d’Afrique, et qui, quoique plus estimée que celle qui nous vient d’Égypte, est confondue avec elle dans les boutiques sous le nom de gomme arabique, dont la, médecine et les arts font un très grand usage.

Pain de singe : Cet arbre que quelques personnes ont confondu avec le tamarinier, est de la hauteur du noyer ; il est étendu au large et touffu ; son tronc est quelquefois si gros qu’à peine douze personnes peuvent l’embrasser. Il y en a un dans l’île de Saure qui a soixante pieds de circonférence. Il croît au Sénégal. Les nègres composent de son fruit une liqueur, avec de l’eau, du sucre ou du mîel, pour apaiser leur soif. Cette boisson est très rafraîchissante.

Palmier : II y a plusieurs espèces de palmier. On remarque plus particulièrement au Sénégal, le rondier et le palmier vinifère.

Le palmier rondier a été appelé ainsi du nom de ronu que lui donnent le » nègres. Son tronc est fort gros et droit, semblable à une colonne de cinquante à soixante pieds de haut, de l’extrémité de laquelle sort un faisceau de feuilles, qui, en s’écartant, forment une tête ronde. Chacune représente un éventail de cinq à six pieds d’ouverture, porté sur une queue de même longueur. Les fruits des pieds femelles sont de la grosseur d’un melon ordinaire, mais un peu plus longs, enveloppés d’une peau coriace comme un fort parchemin, qui recouvre une chair jaunâtre, remplie de gros filaments attachés à trois gros noyaux. Ce fruit, que les nègres aiment beaucoup cuit sous la cendre, a un peu le goût du coin ; son odeur est assez forte » mais agréable.

Le palmier vinifère est ainsi nommé parce qu’on en tire une liqueur appelée vin de palme. Cette liqueur, lorsqu’elle est bue dans les vingt-quatre heures, est très-rafraîchissante.

Parmi les animaux domestiques[38](a), on remarque le chameau, un des animaux les plus utiles de ce pays, non seulement parce qu’il porte de grands fardeaux, mais encore parce qu’il est patient et sobre. On l’élève à voyager plusieurs mois de suite à travers les sables les plus arides et les plus brûlants, avec une petite quantité d’eau. Son lait fournit une excellente boisson, et sa chair fait la principale nourriture des Maures.

Les chevaux arabes qu’on voit au Sénégal, sont plus petits que ceux de l’Europe, mais ils sont bien proportionnés, agiles et de différentes couleurs.

L’Afrique produit une grande quantité d’animaux sauvages, tels que l’éléphant, le rhinocéros, le lion, le tigre, etc.

L’éléphant est célèbre pour son intelligence, sa docilité, son courage, sa force et sa grosseur ; on ne saurait trop s’étonner de voir que les Africains n’aient pas tenté d’imiter les peuples de l’Inde, en apprivoisant un animal aussi utile : au contraire, ils le redoutent. Ces hommes, peu réfléchis, se hâtent de le tuer, afin d’en avoir les dents dont ils font un grand commerce. Le profit qu’ils y trouvent leur fait méconnaître les autres avantages qu’ils pourraient en retirer.

Un ancien habitant du Sénégal m’a conté un trait, où j’ai reconnu la morale de la pièce des Chasseurs et de la Laitière.

Il chassait à la Grand’terre ; il aperçoit un nègre nonchalamment appuyé sur le canon de son fusil.
— Blanc, s’écrie celui-ci, veux-tu m’acheter des dents d’éléphant ?
— Avec plaisir, où sont-elles ?
— Viens, il est là, nous le tuerons.
On juge, bien que notre habitant fut peu curieux d’aller à la rencontre de l’éléphant.

Le rhinocéros est ainsi nommé à cause de la corne qu’il porte sur le nez : il est originaire d’Afrique. La ménagerie de Versailles en possède un.

Que vous dirai-je du lion, du tigre et de la panthère, après les Buffon[39] et les Daubanton[40] ?

Les oiseaux du Sénégal ne sont pas moins intéressants à connaître. De tous ceux qu’on y voit, l’autruche volante est le plus grand et le plus fort : les naturalistes la nomment l’outarde d’Afrique. Elle diffère des autres espèces, en ce qu’après avoir couru un certain temps, elle parvient à s’enlever ; tandis que le propre de l’autruche est de ne pouvoir voler ; ce que les naturalistes attribuent à la pesanteur de son corps jointe à la petitesse de ses ailes. Mais cet oiseau a tant de force dans ses pieds et dans ses ailes qu’il court plus vite que le cavalier le mieux monté. L’autruche confie ses œufs, pendant le jour, à la seule chaleur du soleil ; elle ne s’en éloigne jamais, et les couve pendant la nuit. Les plumes de cet oiseau servent à l’ornement.

Parmi les autres oiseaux, on remarque les calao à bec noir et à bec rouge, leur bec est difforme ; le guepier rouge et vert ; le pique-bœuf ; le coliou huppé ; les veuves à longue queue. On en distingue encore beaucoup d’autres dont le plumage est aussi riche que varié.

Vous ne serez point fâché de voir ici une notice de Buffon, qui n’a point encore paru, sur des minéraux et des végétaux d’Afrique. Elle est déposée aux archives de la marine à Versailles ; j’en ai vu ici la copie, et voici à quelle occasion ce savant naturaliste a adressé ce mémoire au ministre de la marine.

En 1784, un conseiller des mines de Saxe (d’Einsiedel) avait projeté un voyage dans l’intérieur de l’Afrique ; il se proposait de traverser le Sénégal, les royaumes de Tombut, d’Agades ; d’aboutir dans la Nubie ; de descendre le Nil, et de revenir par l’Égypte et par le Caire. Il présenta au gouvernement français un mémoire, dans lequel il relevait les avantages qui résulteraient d’une pareille entreprise.

Ce mémoire fut communiqué à Buffon pour avoir son avis.

Le Pline français regardait le voyageur comme un homme judicieux et très-instruit.

"M. d’Einsiedel, dit-il, pourra envoyer au ministre de la marine, des échantillons des minéraux métalliques, qu’il rencontrera sur les montagnes, et des cristaux et autres pierres transparentes qu’il pourra ramasser dans les torrents des ruisseaux qui descendent de Ces montagnes. Il est presque certain qu’on trouvera dans les sables de ces ruisseaux plusieurs pierres précieuses, telles que rubis, topazes, saphirs et peut-être des diamanrs, et qu’il y a dans ces montagnes des mines en filons d’or, d’argent, de. cuivre, etc. Les naturels du pays ne s’étant pas donné la peine d’exploiter ces mines parce qu’ils ont en grande quantité de la poudre d’or, ainsi que des grains, des paillettes de ce métal qu’ils recueillent avec moins de travail dans le sable des ruisseaux et rivières.

On demandera aussi, continue Buffon, à ce voyageur, les végétaux d’Afrique, contenus dans la liste suivante :

  • La graine de paradis, semence employée dans l’usage économique.
  • La sarcocolle dès boutiques, médicament.
  • La noix vomique, iI y en a plusieurs espèces employées en médecine.
  • L’assa-fœtida, gomme employée en médecine.
  • Le galbanum, idem.
  • La ferule gommifère, idem.
  • L’alcanna des Arabes, arbuste très-odorant, et dont le suc sert dans tes teintures.
  • Le lottier des Egyptiens, plante aquatique qui croît dans les fleuves.
  • Le seneca des boutiques, plante médicinale.
  • L’armoise d’Ethiopie, vermifuge puissant.
  • L’armoise du Nil, autre vermifuge.
  • Le salep d’Afrique, racine fort employée par les Asiatiques et les Africains, pour réparer les forces.
  • L’acacia, qui donne la vraie gomme d’Arabie.
  • Le bdellium ou bdella des Arabes, gomme médicinale.
  • Les bois de teinture
  • Les bois médicinaux.
  • Les arbres fruitiers.
  • Les légumes africains, qui ne sont point connus en Europe.
  • Les plantes bulbeuses dont les fleurs sont très-apparentes.
  • Les arbres d’argent (Famille d’arbrisseau dont les feuilles sont blanches et soyeuses).
  • Les diverses espèces de bruyères qui croissent dans l’intérieur de l’Afrique, et dont plusieurs forment des arbrisseaux très agréables par l’éclat de leurs fleurs.

Buffon ajoute : "L’Afrique étant la partie du monde la moins connue, et par conséquent celle dont les végétaux sont les plus rares en Europe, on voudra bien ramasser des semences de tous ceux qu’on rencontrera, qui auront quelque degré de mérite, soit par leur singularité, leur beauté, ou leur usage ; qu’on ne craigne pas de les envoyer, quand même on n’en saurait pas les noms".
"II est important de faire passer les semences qu’on récolte, à mesure qu’on en trouvera l’occasion. Afin qu’elles ne perdent pas leurs propriétés germinatives, on les mettra dans de petites caisses parfaitement jointes pour que les insectes n’y puissent entrer et les dévorer en route".

19 juillet 1784 • Lettre XIV



Sénégal, le 19 juillet 1784



La flotille pour Galam vient de partir ; elle est composée de quarante voiles.
La plus grande inaction va régner ici jusqu’à son retour.
Je profite de cet intervalle pour parcourir les archives de la colonie.

Je me suis attaché surtout à connaître les instructions données au gouverneur[41]et à l’ordonnateur, envoyés dans ce pays-ci. Je suis maintenant à portée de vous fournir des détails relatifs aux fonctions de ces agents du gouvernement ; mais avant de vous les retracer, j’offrirai la division générale des possessions assurées à la France par le traité de Versailles, du 3 septembre 1783[42].

Ces possessions sont :

  1. Le Sénégal et dépendances, ce qui comprend les côtes depuis le cap Blanc jusqu’au cap Verd ; sous la réserve que les Anglais auront le droit de faire la traite de la gomme, depuis l’embouchure de la rivière de Saint-Jean, jusqu’à la baie et fort de For-tendic inclusivement, sans, pouvoir former dans ladite rivière, sur la cote, ainsi que dans la baie de Portendic, aucun établissement permanent, de quelque nature qu’il puisse être. Suivant le traité de 1783, les Français et les Anglais continueront à occuper ces côtes, suivant l’usage qui a eu lieu jusqu’à présent[43].
  2. L’île de Gorée, avec les côtes de la terre ferme[44], depuis le cap Verd jusqu’à la rivière de Gambie ; l’ancien comptoir d’Albreda sur la rive droite de cette rivière.
  3. Les côtes qui s’étendent depuis le cap Sainte-Marie jusqu’à la rivière de Serralione.

Je vous ai déjà[45] donné quelques détails sur le climat, le sol et les productions du Sénégal. La partie historique n’offre pas le même intérêt, en ce qu’on voit le pays presque toujours soumis au privilège exclusif. Néanmoins les pièces que j’ai sous les yeux prouvent que, dès le seizième siècle, les Français y faisaient le commerce. Des marchands de Dieppe et de Rouen continuèrent à négocier au Sénégal jusqu’en 1664, époque de la création de la Compagnie des Indes occidentales.

Depuis, ce commerce a été exercé par des associations particulières, connues sous le nom de Compagnies du Sénégal. Les Compagnies d’Occident et celles des Indes orientales ont fait également comprendre le commerce des côtes d’Afrique dans leurs concessions ; mais la négligence avec laquelle la colonie du Sénégal a été administrée, pendant qu’elle a été soumise au régime prohibitif, la maintint dans un état de faiblesse, qui fît naître aux Anglais l’idée de s’en emparer. La conquête en fut facile, elle tomba au pouvoir des ennemis en 1758.

Le Sénégal fut cédé à l’Angleterre par le traité de Paris de 1763[46] ; repris par les Français en 1779[47]. Le traité de Versailles nous en a maintenu la possession.

A l’époque de la paix, cette colonie est retombée sous le régime exclusif ; ce qui a excité les réclamations des négociants français et des habitants de ce pays-ci, qui n’ont d’autres moyens de subsister que la traite des productions du sol.

Je me réserve de vous parler de Gorée et de la côte, jusqu’à la rivière de Serralione, lors de mon second voyage avec M. Delajaille, que j’attends pour la fin de l’année.

Je passe aux attributions des gouverneur et ordonnateur.

Pendant la dernière guerre, un corps de six cents hommes, divisé en six compagnies, sous la dénomination de volontaires d’Afrique, était destiné à la garde du Sénégal. Ce nombre avait été jugé suffisant contre les plus fortes attaques.

Parmi les six compagnies, il y en avait une d’artillerie, et dans chacune des cinq autres étaient compris vingt canonniers, afin d’augmenter le genre de défense le plus convenable au local.

Un major commandant et un aide-major formaient l’état-major du corps, et en même temps celui de la place.

Le retour de la paix a permis de faire une réduction ; les six compagnies sont maintenues sur le pied de soixante et dix hommes chacune, ce qui forme un corps de quatre cent vingts hommes[48].

Le gouverneur distribue ces troupes de la manière la plus utile. Il en fait l’inspection ; il est chargé de les tenir dans le devoir et la discipline, en se conformant à l’ordonnance particulière du 24 septembre 1781[49], pour les volontaires d’Afrique ; aux ordonnances militaires et aux règlements faits au département de la guerre, concernant les grades et les grâces, lesquels sont également applicables aux troupes des Colonies.

Les points de défense sont réunis à l’île Saint-Louis, à l’entrée de la barre et à quelques endroits à l’embouchure du fleuve.

Le moyen principal consiste dans l’artillerie, et c’est pour mieux l’assurer qu’une partie du corps des volontaires a été destinée à ce service. Quatre-vingt-deux pièces de canons ont été trouvées lors de la conquête, et on a porté au Sénégal celles qui ont été tirées de Gorée ; en sorte qu’il y a un nombre suffisant de bouches à feu. Elles sont distribuées sur des pontons et en diverses batteries[50].

Le gouverneur est également chargé de veiller à la tranquillité intérieure, à la bonne police, aux relations de commerce avec les chefs maures.

L’administration civile, qui a dans ses attributions la partie économique et la comptabilité, est composée :

  • D’un ordonnateur,
  • D’un contrôleur,
  • D’un garde-magasin,
  • De trois écrivains ordinaires,
  • et quelques commis aux écritures.

On avait parlé de réunir les fonctions de l’ordonnateur à celles du gouverneur ; mais on a reconnu que le service de l’ordonnateur consistant principalement dans l’observation de formes étrangères à un homme de guerre, il était utile que leurs fonctions fussent distinctes.

L’ordonnateur connaît particulièrement les dépenses, qui se réduisent aux appointements des officiers et des employés, à la solde des troupes, aux travaux nécessaires, aux missions dans le haut du fleuve, soit pour reconnaître le pays, soit pour ménager des négociations utiles au commerce, soit aux établissements des postes et comptoirs, dont l’utilité aurait été reconnue.

Dans le principe, les divers paiements avaient lieu, partie en argent, partie en marchandises. Celui qui s’exécutait en argent, se faisait en pièces de vingt-quatre, douze et six sous, auxquelles on ajoutait des pièces de billon[51]. Quant aux paiements en marchandises, les officiers et employés recevaient les marchandises de traite nécessaires pour se procurer leur subsistance personnelle. A cet effet, il leur était délivré par an, savoir :

  • Cinquante bouteilles d’eau-de-vie
  • Cinquante livres pesant de différentes verroteries
  • Quatre douzaines de couteaux flamands
  • Quatre barres de fer long
  • Quatre livres de poudre à tirer

Mais le paiement en marchandises ayant donné lieu à beaucoup d’abus dans les magasins, le gouvernement a pris le parti d’envoyer des espèces pour payer la plus grande partie des appointements et soldes, et autres dépenses pour lesquelles on peut se dispenser de donner des denrées.

L’ordonnateur pourvoit seul aux dépenses ordinaires qui ne sont susceptibles d’aucunes difficultés, en se conformant aux règles prescrites par les ordonnances de la marine de 1689 et 1765.

Pour les dépenses extraordinaires, l’ordonnateur prend l’avis du commandant, lequel prévaut ; mais ces dépenses sont réglées par l’ordonnateur seul, dans les formes prescrites.

Enfin, l’ordonnateur fait les fonctions de commissaire des guerres[52] pour ce qui concerne la troupe, et celles de commissaire des classes[53]pour ce qui regarde les gens de mer.

Quant aux différends qui peuvent s’élever entre particuliers on a pensé que la population du Sénégal ne comportait point de tribunal de justice. Ces différends n’étant susceptibles que des règles les plus simples, presque toutes de pure police, le soin principal du gouverneur consiste à maintenir entre les habitants le bon ordre et la tranquillité, et à punir, suivant l’exigence du cas, ceux qui peuvent les troubler. Cependant s’il survient des contestations d’intérêt, et qui tiennent à la propriété ou à la bonne-foi dans le commerce, soit entre les naturels du pays seulement, soit entre eeux-ci et des Européens ; alors le gouverneur appelle pour les décider, le commandant des troupes et l’ordonnateur. Le jugement est rendu à la pluralité des voix, et rédigé par écrit avec les motifs qui l’ont déterminé, et il en est fait dépôt. S’il est commis quelque crime capital, susceptible de peine afflictive, le gouverneur le fait constater par des dépositions et confrontations faites en sa présence, celle du commandant des troupes et celle de l’ordonnateur, qui signent toutes les pièces ; et les prévenus sont envoyés en France avec une expédition de la procédure, pour y être jugés, ainsi et par tels tribunaux que le roi juge à propos de commettre.

30 septembre 1784 • Lettre XV modifier



Sénégal, 30 septembre 1784



Nous sommes au milieu de la mauvaise saison. Déjà beaucoup de fièvres se sont déclarées, et nous avons quelques victimes. Ma santé se soutient : je crois que je dois cet avantage à l’exercice modéré que je fais soir et matin, et aux précautions que je prends d’ailleurs.

J’évite de dormir, pendant le jour. J’ai fait pratiquer une tente devant la maison que j’occupe ; et lorsque la chaleur est moins vive, nous jouons à la boule, quelquefois au billard. J’ai reconnu que l’occupation et le délassement sont plus salutaires que l’inaction et l’oisiveté.

J’ai également un petit jardin, où je cultive les légumes d’Europe. Malheureusement, nous n’avons point vos arbres qui procurent ces ombrages délicieux. Je n’ai dans mon jardin qu’un palmier, qui est d’une hauteur prodigieuse. Je jouis de voir mon petit nègre, que j’ai nommé Zacca, grimper comme un singe au haut de l’arbre et y attacher une calebasse. De cet arbre découle une substance blanche comme du lait caillé : c’est ce qu’on appelle vin de palme. Cette boisson est d’un goût doux et agréable. Je m’en abstiens, et en revanche mon petit Zacca s’en régale soir et matin.

Une des grandes privations de ce séjour, c’est le défaut d’eau douce. L’eau y a un goût saumâtre que lui communique le reflux de la mer. On se sert pour la purifier de vases appelés Canaries ; mais l’usage de ces vases n’est pas universel. On a également des pierres à filtrer. Peut-être en pratiquant des citernes[54], pourrait-on conserver l’eau pure en interceptant ainsi toute communication de cette eau avec la mer.

Les vents soufflent constamment de la partie du nord et du nord-est.

Le thermomètre étant presque toujours à trente degrés au dessus de zéro, le corps est dans une transpiration continuelle. Il est bon de réparer ses forces par une nourriture saine ; je suis le conseil que m’a donné un ancien habitant ; savoir, de boire à jeun, pendant la haute saison (qui commence en juin et finit en novembre), un peu d’eau-de-vie infusée avec du quinquina, et je m’en trouve bien.

Le mil et le riz sont la principale nourriture des habitants ; ils ont plusieurs manières d’employer la farine de mil d’où il résulte ce qu’ils appellent le sanglé et le couscous.


Le sanglé est tout uniment[55] la farine de mil apprêtée comme la semouille[56], et délayée, sans être cuite avec du lait, du bouillon, ou tout autre liquide. Pour le rendre plus rafraîchissant, on délaye le fruit du tamarinier blanc, vulgairement appelé pain de singe, dans de l’eau qu’on met sur le feu. Quand elle est chaude, on y jette cette farine de mil, jusqu’à ce qu’elle ait la consistance de bouillie plus ou moins claire ; on y met ensuite du sirop ou du miel. Mais cette manière de l’apprêter est uniquement pour les malades. Ceux qui sont en santé se contentent de délayer la farine de mil dans du lait, le plus souvent aigre. De tous les aliments du pays, c’est le plus sain. II convient à tous les tempéraments.

Le couscous a également pour base la farine de mil délayée dans de l’eau et cuite au bain-marie. On le trempe ensuite avec du bouillon de viande ou de poisson. Il y entre une poudre faite avec la feuille du tamarinier ; cette poudre est mucilagineuse, rafraîchissante et relève le goût fade du couscous. Quand on veut le garder longtemps, on n’y met la poudre qu’au moment de le tremper.

Je vous prépare une collection de graines des plantes de l’Afrique. Je compte avoir bientôt une occasion pour vous les envoyer.

1er décembre 1784 • Lettre XVI



Fort Louis, le 1er décembre 1784



L’importance de la possession au Sénégal consiste dans l’aliment qu’elle offre au commerce ; les objets principaux de traite sont les noirs, la gomme, l’or et le morfil (ou l’ivoire). Nous en tirons aussi des cuirs, de la cire, des plumes d’autruche.

Nous donnons en échange nos eaux-de-vie, des étoffes de soie et de laine, des toiles, des fers, des ouvrages de quincaillerie, de la verroterie.

Des écrivains se sont élevés contre le commerce des nègres, comme étant incompatible avec les sentiments d’humanité ; mais ils n’ont peut-être pas réfléchi aux inconvénients résultants de la cessation de la culture, qui seule vivifie nos établissements coloniaux.

Il est certain que la chaleur accablante du climat dans les îles de l’Amérique, ne permet pas aux Européens[57] de soutenir les fatigues de la culture. Il a donc fallu chercher dans une autre partie du monde des bras propres à ce travail, et l’Afrique en a fourni.

Il résulte donc de là que le manque de noirs amènerait bientôt l’anéantissement de la culture dans ces contrées brûlantes, et la privation des productions que l’habitude nous a rendu nécessaires, telles que le sucre, le café, le cacao[58] ; et nous devons aussi à la traite des nègres le coton et l’indigo, autres productions précieuses pour les arts et les manufactures.

D’un autre côté, les denrées que produisent les Colonies offrent un débouché favorable pour les objets de l’industrie, et fournissent au commerce la matière la plus abondante des échanges.

Par un enchaînement naturel, le commerce ne peut fleurir sans que la navigation n’éprouve le même avantage ; dès-lors tous les ouvriers qu’elle emploie vivifient nos ateliers.

Enfin le défaut de culture dans nos Colonies priverait la France d’un produit réel de cent soixante millions[59] et nous rendrait tributaires des étrangers, surtout des Anglais, dont les Colonies produisent les mêmes denrées que nous retirons de nos possessions coloniales.

Voilà, Monsieur, des principes bien opposés à ceux d’un auteur, plus célèbre par les vives déclamations échappées à son humanité, que par ses connaissances en administration. Mais de tous les défauts de cet ouvrage les contradictions sont les moindres. Vous connaissez les innovations qu’il sollicite pour renverser l’édifice de l’esclavage[60], tandis qu’ailleurs[61] il assure formellement : « que la loi de Constantin, qui déclarait libres les esclaves qui se feraient chrétiens, fut une des causes de la chute de l’empire romain ; que cette loi dictée par l’imprudence et le fanatisme, quoiqu’elle parût l’être par l’humanité, peut servir à nous faire voir qu’une grande innovation est souvent un grand danger, et que les droits primitifs de l’espèce humaine ne peuvent pas être toujours les fondements de l’administration ».

Je passe au mode de faire la traite des noirs au Sénégal.

Les nègres de cette partie de la côte sont préférés à tous les autres noirs de la côte d’Afrique : l’espèce en est plus belle, et l’on a reconnu qu’ils sont plus laborieux et plus endurcis au travail.

Cette traite se fait avec plus où moins de succès dans les différents points du fleuve[62]. Le produit en est réuni suivant la proximité des lieux, dans les différents établissements, et l’envoi s’en fait dans la saison favorable à l’île Saint-Louis, qui est l’entrepôt général.

On assure que la traite totale, dans les dépendances du Sénégal, peut s’élever à trois mille. L’activité anglaise ne l’a cependant portée, dans l’étendue désignée par le nom de Sénégambie, qu’au même nombre à peu près, et la rivière de Gambie, seule, fournit ordinairement au moins la moitié.

La Compagnie française ne payait anciennement chaque noir, dans le pays de Galam, que trente barres. Ce prix fut porté, en 1755, à cinq barres de plus, indépendamment de cinq autres barres données en présents aux conducteurs ; ce qui portait le prix à quarante barres.

On prétend que les Anglais de Gambie, jaloux d’attirer tout à eux, Ont successivement augmenté le prix jusqu’à quatre-vingt et cent. L’opinion est, que pour les noirs qui viennent de Galam, le Sénégal aura toujours de grands avantages sur la rivière de Gambie, par les difficultés et les dangers du trajet par terre.

Le prix des nègres a été porté cette année (1784) à cent trente barres ou six cent cinquante livres, (la barre portée à cinq livres).

Savoir :

Quantité (équivalence)

Désignation

Barres (nombre)

 ?

pièces de Guinée

20

2

pièces d’indienne commune

20

1

fusil à deux coups

20

2

fusils de traite

12

1

paire de pistolets

5

12

pintes d’eau-de-vie

4

400

balles

4

24

livres de plomb à giboyer

12

24

livres de poudre à canon

12

2

sabres de traite

2

5

branches d’ambre

3

3

livres de corail

3

2

pièces toile platille

4

6

mains de papier

1

1/2

drap écarlate

1

8

têtes tabac

2

4

cadenas en cœur

1

8

couteaux flamands

1

1

miroir ordinaire

1

1

marmite de potin

1

Total

130


Un nègre, pour être estimé pièce d’Inde, doit avoir de quinze à trente ans, bien constitué ; il doit avoir toutes ses dents. Les autres, d’un âge au-dessus, se vendent un prix inférieur. Trois négrillons ou négrillones de dix ans, font deux pièces d’Inde, et l’on compte deux enfants, depuis cinq ans jusqu’à dix, pour une pièce.

Un nègre mis en bonne terre rend par son travail six cents livres argent des îles, ce qui fait quatre cents livres argent de France, ensorte qu’il est payé dans quatre ou cinq ans.

La traite du Sénégal, y compris celle de Gorée, ne s’est élevée, cette année, qu’à mille soixante et onze noirs, qui ont été payés six cent cinquante livres chaque, et qui sont évalués à Saint-Domingue 1 285 000[63] argent de France, ou argent des îles, 1 713 333.

Mais d’après des données certaines, le Sénégal peut, année commune, procurer quinze cents noirs, et le nombre s’accroîtrait si le gouvernement accordait une prime de cinquante livres par tête de noirs[64] (i) introduits dans nos Colonies d’Amérique. Une augmentation de cultivateurs procurerait une augmentation relative dans la culture de nos Colonies.

Il résulterait de cet accroissement de culture, un plus grand débouché des productions de notre sol. Alors tous les avantages d’un grand commerce d’exportation et d’importation rejailliraient tant sur les individus qui auront plus de moyens, que sur l’état qui retirera un plus grand produit des impôts.

Je terminerai cette lettre, déjà un peu longue, par cette observation, que tant que les nations européennes continueront à faire cultiver leurs Colonies par des esclaves, une nation dont les possessions exigent beaucoup de bras, doit éviter d’être dans la dépendance des autres pour se pourvoir des nègres dont elle a besoin…

6 décembre 1784 • Lettre XVII modifier



Sénégal, 6 décembre 1784



Je vous ai parlé dans une de mes précédentes[65], de l’arbre qui produit la gomme, des forêts de gommiers situées au nord du Sénégal, des tribus de Maures qui en sont possesseurs ; mais j’ignorais que l’ancienne Compagnie des Indes avait essayé de faire la traite de la gomme à Galam.

Voici une note que j’ai trouvée dans les archives de la Colonie.

"Dans le temps de la récolte qui a lieu au printemps, des Maures errants et pasteurs se rendent avec leurs troupeaux et viennent camper près les forêts de gommiers distantes de cinq journées de Galam, ou du fort Saint-Joseph. On traite à Galam là gomme avec les mêmes marchandises que celles employées aux escales du Désert et de Podor ; et la mesure est la même que le quantar qui est évalué à deux mille quatre cents livres pesant."

Il n’y a pas de doute que l’éloignement du Sénégal à Galam, et, l’absence de près d’un an à laquelle étaient forcés les traiteurs, n’aient dégoûté de ces essais ; en sorte que ces mêmes Maures viennent dans la saison de la traite, jusqu’à nos escales, y porter leur gomme.

Le tableau de l’exportation du Sénégal faite par le bâtiments du commerce cette année (1784), offrent les résultats suivants

Gomme 693 000
Morfil 6 012
Gros d’or 531

Les 693000 livres de gomme sont évaluées en France 1 386 000.

La gomme se vend sur les lieux, 12 à 15 sous la livre.

La livre de morfil 1,16 francs. Le gros d’or se vend 10 francs.

J’ai déjà dit[66] que le nombre de noirs exportés cette année s’est élevé à mille soixante et onze, qui évalués à Saint-Domingue à raison de douze cents livres, forment un produit de un million deux cent quatre-vingt-cinq mille livres argent de France ; mais comme les habitants ne font pas de déclarations exactes on peut ajouter un tiers en sus au montant de l’exportation.

La traite de la gomme est réservé à une Compagnie qui en a obtenu[67] le privilège exclusif.

Ce privilège a détruit les espérances des négociants français, et a nui aux intérêts des habitants qui remontent le fleuve pour commercer avec les Maures et les nègres.

12 décembre 1784• Lettre XVIII



Sénégal, 12 décembre 1784



La frégate l’Emeraude a mouillé hier devant la barre, c’est M. Delajaille qui la commande. Ainsi il a tenu la promesse qu’il avait faite de revenir nous voir, ou plutôt, le ministre ayant su apprécier les talents de cet officier, a cru ne pouvoir faire un meilleur choix pour remplir une nouvelle mission.

L’objet de cette mission est de protéger le commerce de France sur la côte d’Afrique, de reconnaître les lieux où il serait utile d’établir des comptoirs, soit dans l’Archipel des Bissagots, soit dans l’étendue des côtes comprises entre la rivière de Serralione et celle de Volta, et d’en former un sur l’île de Gambia, à l’embouchure de la rivière de Bunk qui se décharge dans celle de Serralione. Déjà M. Delajaille a eu des conférences avec M. de Repentigny, sur l’établissement ordonné à Gambia.

J’ai obtenu la permission d’accompagner cet officier. Il a fait embarquer quinze hommes de la garnison et les différens effets destinés pour ce nouveau comptoir.

Je vous salue.


P.S. Je sors de chez M. Delajaille, demain nous mettons à la voile.


XIX ==



Isle de Gorée, le 20 décembre 1784



Nous sommes arrivés ici depuis le 15.

M. Delajaille a remarqué que les courants, dans la route du Sénégal à Corée, entraînent dans la baie d’Yof, et portent violemment au sud-sud-est. Il s’accorde avec MM. Borda et Fleurieu à placer les Mamelles[68](a) par 19 d. 52 min. 22 sec. de longitude, et par 14 degrés 43 minutes de latitude.

Ce même officier, après avoir comparé la position du fort Louis avec celle du cap Verd[69](i), a trouvé que les terres, dans ce grand enfoncement, sont de treize lieues trop à l’est sur la carte de Bellin.

Les côtes, depuis l’embouchure du Sénégal jusqu’au cap Verd, dépendent du domaine du roi de Cayor ou Kaïor, appelé Damel par titre de distinction. Ses états s’étendent à près de cinquante lieues dans les terres : ils sont un démembrement de l’empire de Burbayalof (ou Bourba-Ouolof), dont ils sont séparés à l’est par des terres arides et sablonneuses.

Bieurt, sur le Sénégal, en dépend, ainsi que Ruffisque (ou Ruffisk ), près le cap Verd. Nous avons eu longtems un comptoir dans ce dernier village. Nous l’avons abandonné, attendu qu’il était trop voisin, de l’île de Gorée.

On trouve sur les côtes et dans plusieurs cantons des états du Damel, des peuplades de Serreres qui vivent dans l’indépendance. Ces peuples paraissent être les premiers habitants du pays ; ils ne cultivent les terres qu’à proportion de leurs besoins ; ils ont un langage particulier ; ils fuient les autres noirs, commercent peu et vont presque nus.

On a exagéré les forces du roi Damel ; cependant on lui a vu rassembler deux mille chevaux et trois à quatre mille fantassins ; mais ces milices fuient devant les moindres troupes européennes. En 1679, M. Ducasse, directeur de la Compagnie du Sénégal, pour venger quelques, insultes qu’il avait éprouvées de la part du roi Damel, fit avec trois cents hommes seulement, une descente dans ses états ; il brûla ou pilla plusieurs villages, lui enleva des nègres. Il punit par un semblable traitement, les rois de Tin et Sin, qui s’étaient unis au Damel. Ces petits princes, intimidés, reçurent la loi qu’il voulut leur imposer ; ils cédèrent à la Compagnie du Sénégal toutes leurs côtes jusqu’à six lieues dans les terres. Il paraît qu’on avait oublié de faire valoir cette prétention, puisqu’en 1768 et 1765, nous avons traité avec le roi Damel. A cette époque, il nous a cédé le cap Verd et les terres voisines, depuis la pointe des Mamelles jusqu’au cap Bernard, espace où se trouvent les villages de Daccard et de Bin, dont on peut tirer des subsistances.

L’île de Gorée n’est qu’un rocher fort élevé dans la mer, distant de cinq quarts de lieue de la terre la plus prochaine, placé dans le milieu de l’anse que forme le cap Verd avec la côte, dans la partie du sud de ce cap.

Gorée ou Goérée est située par 14 degrés 41 min. 3o secondes de latitude septentrionale, et 19 degrés 45 min. de longitude occidentale du méridien de Paris.

Cette île n’a que cinquante à soixante arpents de superficie : elle n’est susceptible d’aucune culture, et manque même de rivières. Cet inconvénient oblige d’apporter tout d’Europe, ou de tirer des côtes voisines ses subsistances pour ses habitants. On est également obligé de tirer de la Grand’terre le bois nécessaire à la consommation, après en avoir obtenu l’agrément des princes noirs auxquels les forêts appartiennent. On pourrait cependant parvenir à réunir et conserver l’eau douce qui filtre à travers les rochers qui sont derrière les montagnes, et rétablir les puits de l’ancienne Compagnie des Indes.

D’un autre côté, sa position la rend susceptible d’une infinité d’avantages. La rade y est sûre en tout temps : aussi cette île a-t-elle été destinée à protéger la traite des noirs, à servir d’entrepôt pour cette traite[70], et à offrir un lieu de relâche et de rafraîchissement aux navigateurs français qui commercent sur les côtes d’Afrique. De Gorée au Sénégal, on compte soixante lieues par terre : le trajet par mer n’est que de quarante lieues.

L’île de Gorée s’appelait autrefois Barsaguiche ; elle était alors une dépendance du cap Verd. Beiam, l’un de ses rois, la céda, en 1617, aux Hollandais, qui la fortifièrent et la nommèrent Gorée, du nom d’un village de Hollande, et ils y bâtirent deux forts. Les Anglais s’en emparèrent en 1663 ; mais l’amiral Ruyter la reprit l’année suivante. Trois ans après, le comte d’Étrées se rendit maître dé Gorée, qui nousest restée jusqu’en 1758." A cette époque, les anglais nous l’enlevèrent. Le traité de Paris (1763) nous rendit cette île importante, qui a depuis éprouvé le même sort en 1779.

Le traité de 1788 nous ayant assuré la possession du Sénégal, que nos armées avait reconquis[71], nous recouvrâmes Gorée[72].

Avec cette île nous avons recouvré le terrein cédé à la France par le roi Damel en 1763 et 1765, ainsi que les comptoirs de Ruffisque, Portudal, Joal, Salum et Albreda.

J’ai déjà fait mention du motif qui nous avait fait abandonner Ruffisque[73], capitale du royaume de Cayor.

Quant au comptoir que nous avons à Portudal, il est dans la dépendance de Tin, roi de Baol (ou Baal). Les états de ce prince s’étendent depuis les limites de Cayor jusqu’à la pointe Serene, ce qui forme dix à douze lieues, et à trente lieues dans les terres.

C’est encore un démembrement des Jalofs : il a été quelque temps uni à celui de Cayor, mais il en est séparé. On tire de Portudal du mil en quantité, du beurre et des œufs. On peut y traiter cent vingt captifs par an.

Joal, autre comptoir, fait partie du royaume de Sin[74](a), qui s’étend depuis la pointe Serene jusqu’à la rivière de Bursalum, ce qui fait une étendue d’environ douze lieues. Ce petit État, n’est également qu’un démembrement de l’empire de Burbayalof : les terres en sont bonnes et fertiles.

Le bourg de Joal, à cent vingt lieues de Corée, où est situé notre comptoir, offre une traite abondante de riz, volaille et de bestiaux. On peut s’y procurer cent esclaves par an, et en outre ; des cuirs verts, de la cire et morfil.

Au sud du royaume de Sin, sont les États de Boursalum. La rivière de Salum, qui les arrose, se perd par cinq ou six branches dans la mer. Chacune de ces branches a une barre qui rend l’entrée de cette rivière inaccessible, excepté à de petites barques. Sans cet inconvénient, elle serait très navigable. On ne donne au royaume de Boursalum que dix lieues de côtes ; mais il s’étend fort avant dans les terres. Une grande partie est située sur la rive droite ou septentrionale de la Gambie.

Cahone, capitale située à quarante lieues dans les terres, offrirait une grande quantité de noirs, si la défaite en était avantageuse. Elle fournit d’ailleurs, à très-bas prix une grande quantité de bœufs. Ge qui mérite de fixer l’attention, c’est le passage des Mandingues à Cahone ; ils s’y arrêtent avec l’or, les esclaves et, l’ivoire qu’ils tirent des régions orientales ; et si l’on avait soin de tenir à Cahone les objets d’échange que les Mandingues désirent, on peut assurer qu’ils ne pousseraient pas plus loin leur course. Il serait donc infiniment avantageux d’avoir un comptoir dans cette partie[75](i)..

Le royaume de Bar vient immédiatement après celui de Boursalum, dont il est borné au nord et à l’est. Il a à l’ouest la mer, et au sud là rivière de Gambie. Il forme là rive septentrionale de cette rivière, depuis son embouchure jusqu’à quinze lieues au dessus. Ce petit pays abonde en riz et en vivres. Il est encore plus intéressant par la traite des nègres, de l’or, de la cire et du morfil.

Notre comptoir d’Albreda est situé dans le royaume de Bar, à huit lieues environ de l’embouchure de la rivière de Gambie, et sur la rive septentrionale. A peu de distance est le fort James, où les Anglais ont attiré toute la traite. Nous avons éprouvé des difficultés relativement à la reprise de possession d’Albreda, sous.prétexte que, par l’article X du traité de paix, la France a garanti à l’Angleterre la possession du fort James et de la rivière de Gambie. Il suffirait cependant d’observer que cet article du traité de paix ne faisait mention d’aucune cession, ni restitution dans cette partie. Leur voisinage et leur exemple auraient dû nous engager à fortifier ce comptoir, infiniment intéressant pour la traite de l’or, des nègres, de la cire et de l’ivoire. Nous aurions été secondés par les naturels du pays, qui ont plus de goût pour nos mœurs que pour les mœurs anglaises, et qui d’ailleurs préfèrent nos marchandises, au point d’estimer autant nos cent barres que cent cinquante des Anglais : différence prodigieuse, et qui devrait nous assurer tout le choix de la traite.

La rivière de Gambie, qui devrait porter le nom de fleuve, descend de très haut dans les terres. On prétend qu’elle sort du lac Saper ; mais ce que l’on débite à cet égard n’est fondé que sur des conjectures. Son embouchure a plus de deux lieues de largeur : elle se rétrécit lentement.

A dix lieues de la mer, on trouve un îlot sur lequel est bâti le fort James, principal établissement des Anglais. Il coupe le canal de la rivière et laisse deux passages où des vaisseaux de soixante canons peuvent mouiller. Une frégate de quarante canons peut remonter jusqu’au-delà d’Eropina, situé à soixante-dix lieues de l’embouchure, et des barques de cent cinquante tonneaux vont jusqu’à Fatenda, cent lieues plus haut.

Lors de la saison des pluies, le courant de la Gambie est si rapide qu’il est impossible de la remonter. Il est indispensable d’attendre le temps. de la sécheresse, c’est-à-dire, qu’elle n’est praticable que depuis le mois de septembre jusqu’en juillet ; et comme le flot se fait sentir très-haut dans la rivière, c’est un avantage pour les bâtiments qui la remontent dans cette saison.

Les deux rives de la Gambie sont Occupées par de petites peuplades de nègres. Les Anglais y ont un très-grand nombre de comptoirs ; en sorte que les bâtiments, soit en remontant, soit en descendant, n’ont qu’à charger des cargaisons préparées à l’avance.

Le commerce de cette rivière est des plus intéressant par l’affluence des Mandingues[76], qui viennent y vendre l’or, le morfîl, les esclaves qu’ils ont achetés dans l’intérieur de l’Afrique.

Au surplus, les établissements des Anglais sur cette rivière, sont très faibles ; ils n’ont des troupes qu’au fort James, mauvais poste qui ne pourrait jamais tenir contre un vaisseau de cinquante canons, qui s’embosserait pour le canonner. Ce qui ajoute au désavantage de ce poste, c’est qu’il est continuellement dans la dépendance des naturels de ce pays pour les objets les plus nécessaires, tels que le bois, l’eau, et toute espèce de vivres.

Avant la dernière guerre (1778), il était possible de donner à notre comptoir une extension de traite dans la rivière de Gambie. La possession de cette rivière, ainsi que celle du fort James, ont été expressément garanties à l’Angleterre par l’article X du traité de Versailles ; et le commerce des Français à Albreda ne peut avoir lieu que par l’intérieur des terres et avec les nations voisines. Nous payons une faible coutume de huit cent dix livres au roi de Bar, sur le territoire duquel est situé le comptoir d’Albreda. Tels sont les différents États avec lesquels l’île de Gorée a des liaisons de commerce[77](i).

D’après les avantages résultants de la position de cette île, il semblerait que si on la fortifiait et qu’on l’approvisionnât avec exactitude ; si un ou deux vaisseaux de guerre croisaient dans ses parages et protégeaient nos bâtiments de commerce ; si nos armateurs assortissaient nos magasins de marchandises agréables aux naturels du pays, et que les qualités en fussent bonnes ; s’ils confiaient leurs cargaisons à des gens expérimentés et honnêtes ; si enfin leurs bâtiments étaient calculés pour la marche plutôt que pour le port, alors la France pourrait faire un commerce utile avec cette partie de l’Afrique.

24 décembre 1784 • Lettre XX modifier



Gorée, 24 décembre 1784



Nous ne ferons pas un long séjour dans cette île ; déjà M. Delajaille a remplacé l’eau et le bois consommés depuis son départ. Nous partons demain pour Serralione, d’où j’espère vous écrire.



15 janvier 1785 • Lettre XXI



Baie française, rivière de Serralione, l5 janvier 1785



Depuis le 12, que nous avons mouillé à la baie française, M. Delajaille s’est occupé des conditions relatives à 1’établissement du comptoir de Gambia, sur l’île de même nom. Je me réserve de vous en parler lorsque ce comptoir sera achevé. En attendant, voici quelques détails sur notre trajet de Gorée à Serralione.

Partis le 15 décembre de Gorée, M. Delajaille eut connaissance des caps Sainte-Marie et Pelé ; il fila la côte jusqu’à la rivière de Casamance.

On trouve à l’entrée de la rivière une île longue, connue sous le nom d'île de Casamance.

Cette île est fertile en riz, cire et autres productions. On y fait du sel et on y trouve du poivre maniguette. Elle offre partout de bonne eau. On y recueille le meilleur vin de Palme et en abondance.

Un passage étroit et peu profond, entre cette île et le bois de remarque, laisse aux bâtimens de moyenne grandeur la liberté d’entrer dans cette rivière et de remonter jusqu’à Zinquinchor, établissement portugais ; mais les frégates ne peuvent y entrer.

La rivière de Casamance vient de fort loin dans les terres, sa source n’est pas connue. On a prétendu qu’elle était une des branches de la rivière de Gambie. Outre Zinquinchor, les Portugais ont quelques autres postes sur la rivière de Casamance, pour s’assurer le commerce considérable de la cire et contenir les Feloupes, peuple sauvage, qui cherche à le troubler.

A quatre lieues sud de l’embouchure de la rivière de Casamance, est le cap Rouge[78]. Après l’avoir doublé, il faut faire le sud-est pendant quinze lieues pour entrer dans celle de Saint-Domingue ou de Cachao.

Pendant trois jours, le vent fut si violent et la mer si grosse, qu’il ne fut pas possible à M. Delajaille de prendre connaissance de cette côte et de ses dangers. Il dirigea sa route de manière à aller reconnaître les brisants de la rivière de Saint-Domingue. A ces dangers près, l’entrée de cette rivière est facile. On y mouille par cinq brasses d’eau. Des bâtiments de cent cinquante à deux cents tonneaux peuvent remonter jusqu’à Cachao, située sur la rive méridionale, et principal établissement des Portugais. A cinquante lieues au-dessus de Cachao, ils ont le poste de Farim.

L’intervalle entre la rivière de Casamance et celle de Saint-Domingue, est habité par les Bagnons, peuple doux et cultivateur.

Les Portugais tiennent à Cachao une garnison d’une quarantaine d’hommes. Les habitants sont presque tous mulâtres, métifs et noirs. On y voit plusieurs couvents et un quartier particulier de Papels.

Cette nation (les Papels) habite la rive méridionale de la rivière de Saint-Domingue. Elle s’étend à l’ouest jusqu’à la mer, et à l’est jusqu’auprès de Farim. Les Papels sont féroces ; ils donnent souvent de l’inquiétude aux Portugais ; mais les intérêts du commerce les réconcilient.

En quittant la rivière de Saint-Domingue et en suivant la côte, on trouve l’archipel des Bissagots.

Cette navigation n’étant pas sans dangers, M. DelajailJe avait pris à Gorée un nègre que toute l’île assurait être pilote des Bissagots. Il ne tarda pas à s’apercevoir de son ignorance. Les précautions que prit cet officier d’envoyer toujours éclairer notre marche, sauvèrent la frégate. Enfin, nous eûmes connaissance de l’île de Jatte, et nous donnâmes dans le canal. Nous mouillions fréquemment. Tous nos bateaux allaient sonder et faire des relèvemens, afin de diriger la frégate.

Nous étions entre le banc de Crasse et l’île de Jatte, lorsque le 31 décembre les insulaires ayant fait des signaux d’amitié, M. Delajaille mouilla à une portée de canon d’une baie où la descente paraissait aisée. Il fit embarquer du monde dans quatre chaloupes ou canots ; il en plaça trois de manière à pouvoir le soutenir, et débarqua avec son canot. Les bestiaux étaient sur la grève, cinq ou six nègres sans armes paraissaient en prendre soin. Bientôt une centaine d’habitants désarmés s’avancèrent vers M. Delajaille, et plusieurs lui touchèrent la main en signe d’amitié. Le bruit de la mer l’empêcha d’entendre les cris de ses gens restés dans les canots, qui l’avertissaient de se rembarquer, parce qu’ils voyaient un grand nombre d’insulaires sortir des buissons. Il fut en effet attaqué et même saisi par le corps et les jambes, et il ne dut son salut qu’à sa force. Les canots firent feu et favorisèrent son rembarquement ; mais M. de Carbonneau, qui était venu à son secours, reçut un coup de fusil et un coup de sabre dont il mourut six jours après.

Cet événement est bien fait pour inspirer de la méfiance sur le caractère des peuples des îles Bissagots. Nous nous éloignâmes de ce théâtre de malheur ; nous longeâmes l’île de Bussi, et nous nous rendîmes à l’île de Bissao, une des plus grandes îles de cet archipel, où les Portugais ont établissement.

M, Delajaille écrivit au commandant, pour le prévenir de l’urgence de nos besoins. M. le chevalier de Saint-Marc fut porteur de la lettre. Bientôt il nous transmit qu’il avait trouvé huit officiers réunis, blancs, mulâtres, qui n’avaient pu dissimuler leur surprise de notre arrivée. Ils avaient parmi eux un Italien, agent de la Compagnie, que l’on consulta pour savoir si l’on répondrait à la lettre de M. Delajallle : ce fut son avis. Il leur rendit même le service d’écrire la réponse. Alors M. Delajaille entra sa fregate et se rendit au fort. Il donna la note des rafraîchissements dont il avait besoin, lesquels nous furent fournis au bout de trois jours, dans une quantité suffisante.

L’établissement des Portugais à l’île Bissao remonte à des temps très reculés. Les habitants sont presque tous mulâtres ou nègres. Il y a dans l’île plusieurs habitations, une église paroissiale et un fort auprès d’un village.

L’ancienne Compagnie des Indes française avait aussi établi, sous la protection du roi de Bissao, un fort dans le voisinage de celui des Portugais, avec lesquels nous faisions concurremment le commerce.

M. Delajaille ne laissa pas échapper l’occasion de parler de cet ancien établissement ; et l’on avoua sans peine que nous pouvions nous y établir encore.

J’ai profité du séjour que nous avons fait à l’île Bissao pour en prendre connaissance. Cette île a vingt-cinq à trente lieues de circonférence ; elle est couverte d’arbres propres à la construction, et il s’y en trouve beaucoup qui produisent des fruits excellents, tels que orangers, citrons, bananes, gouyave ; le fruit palmiste, la patate, l’igname, le melon d’eau y sont communs ; plusieurs ruisseaux considérables l’arrosent. On y voit des champs immenses de riz et de millet. La pêche y est abondante, au point qu’il serait possible d’y former des cargaisons de poisson salé. Cette île enfin est très peuplée et a plusieurs ports très bons pour de grands bâtiments. On pourrait y traiter annuellement quinze cents captifs, beaucoup d’ivoire, de cire et de riz. Tous ces avantages pourraient déterminer les Français à s’y établir de nouveau.

On distingue encore dans l’Archipel des Bissagots, les îles de Boulam et de Kasnabac. Il nous fut impossible de nous approcher de l’île de Boulam, à laquelle on ne parvient qu’en passant entre des roches resserrées qui forment un goulet étroit dans lequel il n’y a, à haute mer, que vingt pieds d’eau. Ce n’est cependant pas la seule raison qui détourna M. Delajaille du projet de visiter cette île ; il craignit que la vitesse des courants et leur force n’éloignassent de lui les bateaux sondeurs, qu’il n’aurait pas pu aller rejoindre dans des parages dangereux. IL était également à craindre que ces bateaux ne fussent assaillis par les pirogues nombreuses des peuples des Bissagots, qui contiennent quelquefois jusqu’à cent hommes.

Nous sortîmes du canal à la faveur des marées. Nous passâmes à la pointe nord du banc de Formose, d’où nous fîmes route pour les îles des Idoles.

Dans le trajet rapide que nous avons fait dans l’archipel des Bissagots, j’ai recueilli quelques renseignements d’un Français que nous trouvâmes à Bissao.

Ce Français, nommé Constantin, faisait partie de l’équipage d’un bâtiment de commerce qui, ayant tenté il y a onze ans, de traiter dans cet Archipel, échoua sur l’île de Yoko ; l’équipage fut en partie massacré et en partie fait esclave ; Constantin était du nombre de ces derniers.

Voici ce que j’ai appris touchant cet Archipel, sur lequel nous n’avons jamais eu des notions bien exactes[79].

L’archipel des Bissagots a près de cinquante lieues de long sur une largeur inégale. On compte dix-huit ou vingt îles ; les plus considérables avoisinent la Grand’terre, telles que l’île de Jatte, les îles de Bussi, Bissao et Boulam. Celles qui font face à la mer, sont renfermées dans un grand pracel[80] de roches. Entre ces roches et les îles qui avoisinent la terre ferme, est un canal ayant trois ou quatre lieues de largeur, jamais moins d’une lieue. On y trouve depuis huit jusqu’à douze brasses d’eau, et en quelques endroits davantage. Le mouillage y est en général bon et fond de vase. Ces îles offrent plusieurs ports tracés par la nature, où les bâtiments pourraient mouiller et se radouber sûrement, si à l’aide de quelques établissements, on leur préparait des matériaux.

Les habitants des îles de Bissagots sont Papels d’origine. Ils sont idolâtres, voleurs et cruels ; chaque île un peu considérable a son chef. On prétend que tous relèvent du roi de Bissao, et le regardent comme leur suzerain.

Les îles de Jatte, de Bussi et de Bissao, ne sont séparées de la terre ferme que par de simples canaux navigables pour les petits bâtiments, lesquels sont en danger d’être insultés par les naturels, si l’on ne se tient pas sur ses gardes.

L’île de Jatte n’a pas plus de dix lieues en longueur ; elle ne serait pas difficile à réduire. Les Portugais ont une existence désagréable dans cette partie ; ils sont obligés de traiter toujours les armes à la main, et ne peuvent s’éloigner sans courir le risque d’être assassinés. Ils assurent que cette île est une des plus belles de l’archipel des Bissagots.

La côte de la Grand’terre etla partie septentrionale de la rivière de Gêves ; qui forment ces canaux, sont habitées par les Balantes, nation ennemie des Papels et encore plus sauvages qu’eux. On assure que leur pays, dont ils ne permettent pas l’entrée aux étrangers, contient des mines d’or. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on traite un peu d’or avec eux.

L’île de Boulam, également séparée de la Grand’terre par un petit canal, présente des avantages par sa culture, sa position à l’entrée d’une grande rivière, et par ses rades, qui sont dans le cas de recevoir de grands bâtiments. Vis-à-vis cette île est celle de Galines.

Celle de Kasnabac, bien située pour l’attérage des bâtiments venant d’Europe, offre un des meilleurs points pour faire le commerce des noirs[81], On y a un captif choisi pour vingt-huit barres (140 f.), tandis qu’il en coûte plus de cent au Sénégal. Les bâtiments marchands en ont été écartés jusqu’ici par les difficultés de la navigation ; on ne peut les surmonter qu’avec les secours d’un bon pilote et avec beaucoup de précaution. Les peuples de l’ile de Kasnabac sont gouvernés par trois chefs qui sont presque toujours en guerre.

La traite se fait dans l’archipel des Bissagots, au moyen de petites embarcations que les Portugais de Bissao y envoient, ainsi que les Anglais établis aux îles de Loss. Ces embarcations se pillent quelquefois lorsqu’elles se rencontrent. Les Portugais emploient toutes sortes de moyens pour rebuter les autres nations. On ne trouve dans les îles Bissagots ni or, ni morfil, mais beaucoup de bœufs, dont les peaux seraient un objet de commerce intéressant.

Un des grands avantages des établissements qu’on pourrait faire aux îles Bissagots, c’est la proximité des rivières où se fait la traite.

Ces rivières sont celles de Saint-Domingue, de Gêves, et Rio-Grande (rivière Danalon, suivant Lajaille). On peut y ajouter la rivière de Num (Nuno ou Ntoune), que l’on regarde comme le terme des établissements portugais sur cette côte.

J’ai déjà fait mention de la première de ces rivières[82] ; celle de Gêves en est à quarante lieues sud. Le village de Bole est situé à son entrée ; on s’y procure des vivres, et l’on y fait une traite favorable, tant avec les naturels, que par l’entremise des Portugais qui y sont établis. La marée se fait sentir jusqu’à quarante-cinq à cinquante lieues, ce qui donne des facilités pour la remonter ; mais on ne peut parvenir à cette distance qu’avec des chaloupes et des barques, ne tirant pas plus de quatre pieds d’eau. Ses principales escales sont d’abord le village de Courbaly, qui donne son nom à une rivière venant de fort loin dans le sud-est, et qui joint ses eaux à celles de Gêves ; puis le village de Malformose, situé à quinze lieues de l’embouchure. Cet endroit est renommé pour la bonté des bois de construction qui s’y trouvent ; les Portugais en construisent toutes leurs embarcations. A douze lieues au-dessus est situé le village de Gêves ou Geba, Colonie portugaise. Enfin, à une lieue plus haut, est le village de Malapagne, peuplé de Biafares et de quelques courtiers portugais. La traite y est favorable ; les barques et chaloupes montent rarement plus haut. Les Biafares habitent la presqu’île qui porte leur nom, et tout le pays entre la rivière de Gêves et celle de Rio-Grande. Ce peuple est bien plus traitable et plus doux que les Papels de Bissao, avec lesquels il est perpétuellement en guerre.

Rio-Grande justifie le nom qu’on lui a donné. On y trouve plusieurs villages de Portugais. Couconda (ou Kouconda), le plus éloigné, est à soixante-dix lieues de l’embouchure de la rivière.

A trente lieues au sud de Rio-Grande, est la rivière de Nun (ou Noune). L’entrée en est assez difficile ; elle a cependant six brasses d’eau et un mouillage assez profond. Quand on a dépassé cette entrée, on la remonte jusqu’à Tesacon, à dix lieues de la mer.

Le pays entre Rio-Grande et la rivière de Nun, est occupé par les Nalous, nation nègre avec laquelle il n’y a pas de sûreté à faire le commerce.

C’est à la rivière de Nun que se terminent les dépendances de la Colonie portugaise des Cachao.

Ce que j’ai dit de cet établissement[83] ne pouvant pas en faire connaître toute l’importance, je rapporterai ce que m’en a appris Constantin, qu’un séjour de onze ans parmi ces peuples a mis à portée d’en connaître parfaitement les usages.

Il faut remonter aux premiers établissements des Portugais sur les côtes d’Afrique, vers la fin du quinzième siècle, et avant la découverte du cap de Bonne-Espérance, pour trouver les époques de leur établissement au Cachao. Ce poste était bien choisi pour être le centre d’un grand établissement de commerce et d’agriculture, situé dans un pays fertile, sur une grande rivière voisine de plusieurs autres, toutes navigables, et entre lesquelles la nature a établi des communications. Cachao présenterait des avantages à l’industrie, et des gains à la cupidité capables de faire oublier les inconvénients de l’intempérie du climat. Cet établissement embrassant plus de cent lieues de côtes, avec des postes à cinquante et soixante lieues dans les terres, a été très-utile aux Portugais, jusqu’à ce que leurs conquêtes dans l’Inde et leurs établissements au Brésil, absorbèrent toutes les forces de cette nation faible en population. Le Portugal, conquis par Philippe II, resta ensuite longtemps une province de l’Espagne. Sous le joug de cette couronne, les Portugais perdirent toute leur énergie. Tous leurs établissements du dehors et leurs Colonies souffrirent de cette décadence. Celles qu’ils avaient en Afrique, ne s’en sont jamais relevées, et spécialement celle du Cachao.

Le roi de Portugal y entretient à peine cent hommes de troupes, presqu’entièrement composées de bandits exilés. Le gouverneur général n’a que le simple grade de major ; il réside au fort de Cachao, d’où il envoie de petits détachements pour garder quelques misérables redoutes garnies de mauvais canons de fer. Ces redoutes ne sont que de mauvaises tapades[84] palissadées. Le fort même du Cachao ne tiendrait pas vis-à-vis une frégate qui oserait s’embosser dans la rivière pour le foudroyer. Dans cet état de faiblesse, tout ce qui était Portugais d’extraction fut abruti ; quinze mille Portugais métifs, mulâtres et noirs sont répandus dans ce pays immense, conservant dans leur misère l’orgueil national et le goût pour la paresse. Ils n’ont tiré aucune ressource de l’agriculture ; leur plus grande occupation est d’être les courtiers du commerce que les autres nations européennes viennent faire dans ces contrées où ils avaient dominé autrefois.

On peut évaluer le commerce entier du Cachao, à une traite de quinze cents à deux mille nègres par an, à une exportation de cent cinquante à deux cents milliers de cire, de cinquante à soixante milliers de morfil, quelques cuirs et un peu d’or.

Les Portugais envoient au Cachao quatre ou cinq pinques[85] au plus par an ; il n’en vient qu’une ou deux de Lisbonne, dont la cargaison appartient le plus souvent à des Anglais ; les autres sont de petits bâtiments expédiés de Saint-Jago aux îles du cap Verd, de Madère ou des Tercères.

Les Français, les Anglais, les Hollandais partagent avec les Portugais le commerce de cette partie de la côte d’Afrique. Le plus grand bénéfice du commandant portugais, consiste dans ce qu’il retire des navires étrangers, soit comme don, soit à titre d’imposition.

De la rivière de Nun à celle de Serralione, on compte près de trente lieues de côtes. II se fait peu de traite dans cette partie ; cependant elle est visitée par des bâtiments faibles en général, et qui en connaissent les mouillages. Ils s’aident dans leur traite, en armant leurs pinasses ou chaloupes qui pénètrent dans les lieux et anses d’où les vaisseaux ne peuvent approcher.

Plusieurs rivières arrosent cette étendue de côtes.

La première que l’on rencontre après avoir dépassé le cap Verga, est la rivière de Repongue, ensuite celle de Dimby (ou ÎDimbey).

En quittant l’entrée de la rivière de Dimby, on s’élève un peu pour éviter les bancs et récifs qui bordent la côte jusqu’à la rivière de Qoyporte (ou des Idoles) située à dix lieues dans le sud, et l’on vient mouiller en-dedans des îles appelées Tamara autrefois, et que nos navigateurs ne connaissent plus que sous le nom d'îles des Idoles. Elles forment une rade en avant de l’ouverture de la rivière.

Les îles des Idoles forment un groupe qui comprend :

Tamara, la plus grande et la plus ouest, dont le cap nord est par 9 degrés 3o minutes, et non par 9 degrés 4 minutes, ainsi qu’il est placé sur la carte de Bellin.

L'île de Loss, d’une lieue de longueur, et la plus à l’est par 9 degrés 27 minutes de latitude, et 15 degrés 40 minutes de longitude à l’ouest de Paris.

Crafford est placée entre les deux.

Nous trouvâmes à l’île de Loss, un bâtiment français qui y était depuis peu de jours ; il prenait une cargaison de nègres destinés pour nos Colonies, et qui revenaient par tête, à 480 liv.

Ces îles sont à quarante lieues au sud des Bissagots ; elles sont voisines de la terre ferme et un peu élevées ; l’air y est salubre.

Celle de Loss conviendrait pour un établissement ; elle a plus d’une lieue de long, sur une largeur de six cents toises. Elle est habitée par quelques familles de noirs, qui sont de bons pilotes[86] pour les rivières voisines. Elle a quelques sources d’une eau très pure, et on trouve dans l’est une crique qui peut servir de carénage aux vaisseaux.

Les Anglais y ont une loge qui entretient toujours en rade quatre ou cinq grands navires, une demi-douzaine de goëlettes et plusieurs chaloupes pour la navigation des rivières.

Les agents de la Compagnie quittèrent l’île, dès qu’ils apprirent l’arrivée de M. Delajaille. Ils craignirent qu’il ne se vengeât de plusieurs mauvais procédés qu’ils avaient exercés contre des Français.

Le chef de Tamara se nomme William. Il a son village sur la pointe basse de cette île, qui forme un terrain d’un quart de lieue de long sur un demi-quart de large. Il verrait avec plaisir les Français y former un établissement ; mais en le plaçant dans cette île, on aurait l’inconvénient d’un débarquement peu commode, et propre seulement pour des pirogues et autres semblables embarcations. On trouve à Tamara des bois de construction et à brûler, beaucoup de bananiers, d’orangers, de citroniers ; les habitans cultivent un peu de riz et de mil.

L’île Crafford offre une anse de sable spacieuse et commode pour des chantiers de construction.

L’île William désignée sur les cartes sous le nom de Tombeau pointe présente un mouillage facile. De ce point on peut faire la traite avec de petites embarcations dans les rivières, depuis Serralione jusqu’à l’archipel des Bissagots, et dans cet archipel même.

De la rivière des Idoles à celle de Serralione, on compte vingt lieues, et l’on rencontre dans cet espace, les petites rivières de Quissy, Mailecoury, Berery et Scassis. La côte est bordée de bancs qui obligent de se tenir à une certaine distance pour les éviter.

M. Delajaille a observé que toutes les latitudes, depuis les îles des Idoles jusqu’au cap Tagrin inclusivement, sont fausses sur la carte de Bellin. Les longitudes sont également inexactes.

En terminant cette lettre, je crois devoir rapporter les latitudes et longitudes depuis le cap Blanc jusqu’à là rivière de Serralione, en observant que les longitudes sont prises du méridien de Paris.

Lieu Lattitude Longitude

Cap Blanc

20 degrés 5o mn

19 degrés 30 mn

Cap Mirik

18 degrés 51 mn

Fort du Sénégal

15 degrés 53 mn

18 degrés 51mn

Cap Verd

14 degrés 46 mn 7 s

19 degrés 52 mn 57 s

Ile de Gorée

14 degrés 41 mn 30 s.

19 degrés 45 mn

Tamara

9 degrés 30 mn

Ile de Loss

9 degrés 27 mn

15 degrés 40 mn

Cap Tagrin

8 degrés 30 mn

14 degrés 8 mn

27 février 1785 • Lettre XXII modifier



G ambia, rivière de Serralione, 27 février 1785



Je vous ai marqué par ma dernière, que nous avions jeté l’ancre le 12 janvier, à la rivière de Serralione. M. de Saint-Marc, un de nos officiers, a été chargé de remplacer le plutôt possible, l’eau et le bois. De son côté, M. Delajaille s’est occupé des dispositions relatives à un établissement sur l’île de Gambia. A cet effet, une convention a éfé signée le 14 de janvier, entre Panabouré, roi et propriétaire de l’île, et M. Delajaille, par laquelle ce roi nous a cédé le terrain nécessaire pour construire un comptoir, moyennant un présent annuel de cent barres. Cet acte fixe d’ailleurs à quinze barres les coutumes pour chaque bâtiment marchand qui viendra traiter[87].

Le 19 janvier, les travaux furent commencés sous la direction de M. Destauches, capitaine de volontaires du Sénégal ; et malgré tous les dangers de l’insalubrité du climat, ils ont été achevés le 26 février. Le zèle, le courage et la bonne volonté se manifestaient dans tous les individus. M. Delajaille ne jouit pas longtemps de la satisfaction de voir les progrès des travaux ; il tomba malade le 23 janvier. M. La- grange, chirurgien-major, tomba également malade. Nous avions eu le malheur de perdre le second chirurgien ; en sorte que nous eûmes le chagrin de voir, dans l’espace de quelques jours, quarante-cinq malades, au nombre desquels je me comptais. Nous étions livrés aux soins d’un aide-chirurgien, âgé de dix-sept ans.

L’arrivée de la corvette la Levrette nous fut d’un grand secours ; son séjour ne fut pas long, M. Delajaille ayant jugé à propos de l’expédier pour le Sénégal, afin d’instruire M. de Repentigny des besoins de Gambia.

Ce comptoir consiste, pour la batterie, en deux encadrements auxquels on a conservé la longueur qui convient à l’artillerie de douze (quoiqu’il n’y ait que six canons de gaillards de six livres de balle). Le magasin du roi et le logement de l’officier placés à la droite de la batterie, forment un des bâtiments ; les casernes à la gauche, correspondent à celui-ci. Un fossé tracé à quelques centaines de pas en arrière, sera, dans un temps à venir, une sûreté de plus pour les Européens qui voudront se fixer à Gambia.

M. Delajaille avait le libre choix du lieu pour un établissement à former.

La salubrité de l’île de Loss l’invitait à s’y placer ; mais nous y aurions été en concurrence avec les Anglais ; au lieu que nous sommes seuls à Gambia. Les propriétés y sont plus en sûreté en temps de guerre, par la difficulté de traverser les passages étroits qui y conduisent ; et dans la mauvaise saison, les bâtiments y échoueront en cas d’événement[88].

Malheureusement il n’y a, dans l’île de Gambia, qu’environ six arpents de terrain susceptible de culture ; le reste est un marais, ce qui rend sa position très insalubre. Le commerce qu’on y fait consiste en esclaves et en cire. Un nommé Ancel, établi sur l’île de Gambia, avait traité à lui seul neuf cents captifs, dont cinq cent cinquante furent vendus a trois bâtiments français. La rivière de Serralione est superbe ; elle est très fréquentée par les Anglais, qui ont un établissement à l’île de Bense. Ceux-ci, jaloux de voir notre pavillon si près d’eux, déclarèrent qu’ils formeraient un nouveau comptoir dans la baie française[89]. Ce serait en pure perte ; car le plus gros calibre n’atteindrait pas les vaisseaux, qui pourraient monter et descendre la rivière de tous vents sans rien craindre.

La meilleure saison pour aller dans cette rivière, est le mois de janvier et février, parce qu’alors on a fréquemment des brises de l’est pour sortir. Au mois de mai, le climat devient très malsain, par les pluies continuelles qui régnent dans ces parages.

M. Delajaille se dispose au lever de l’aurore, pour suivre sa mission, qui est de se rendre à la rivière de Volta. Cette circonstance est d’autant plus fâcheuse, que nous avons un grand nombre de malades à bord. Quant à moi, qui ne suis pas encore bien remis, au lieu d’aller au sud, je préférais que la frégate fît voile vers le nord. Je vous embrasse.

P. S. Le roi de Gambia ayant désiré que son fils (Pedro) fut élevé en France, M. Delajaille s’en est chargé[90].

Je remets cette lettre à Hebert, capitaine du navire de commerce la Bonne-Union.

15 avril 1785 • Lettre XXIII modifier



Gorée, 15 avril 1785



Vous me croyez bien loin, mon cher ami ; à la vérité nous devrions être, dans ce moment, à parcourir les côtes de la haute Guinée[91] ; mais les destinées en ont autrement ordonné. Vous désirez en savoir les motifs, et moi je ne puis résister au plaisir de vous les faire connaître.

Le premier mars à midi, M. Delajaille ordonna que l’on appareillât de la rivière de Serralione. Cet officier, encore dans un état de souffrance, ne put paraître de la journée sur le gaillard ; le bâtiment fut piloté par le capitaine Hébert, le même à qui j’avais remis une lettre pour vous, et la manœuvre fut commandée par M. de Saint-Marc.

En vérité, la position où nous nous trouvions était bien fâcheuse. Nous avions quarante-cinq malades sur les cadres, nous manquions de remèdes convenables à la maladie régnante ; nous étions voués à l’inexpérience d’un élève de dix-sept ans ; le premier chirurgien, seul en état de soulager l’humanité souffrante, était dangereusement malade ; point de vivres frais qui pussent soutenir les convalescents et ranimer les autres. Jugez, d’après ce tableau, de notre anxiété.

Nous sortons de la rivière de Serralione ; nous regardons au nord et au sud ; des ordres prescrivent d’aller à Volta ; l’humanité indique la route des îles du cap Verd. Quoique nous n’eussions déjà plus que pour quatre mois de vivres, M. Delajaille résolut de pousser jusqu’au bout, et de faire l’impossible pour remplir sa mission. Il ordonna, en conséquence, la route qui convenait pour se rendre au cap de Monte. Il est impossible de rendre la consternation que cette résolution répandit dans tout l’équipage. La majeure partie des malades se crurent morts, et dans deux jours nous perdîmes le maître canonnier et le second maître des manœuvres.

Nous trouvâmes le long de la côte beaucoup de bâtiments et de goélettes anglaises et américaines, à bord desquels M. de Saint-Marc fut envoyé, afin de prendre des connaissances sur la facilité et les moyens de se procurer les vivres frais dont nous avions tant de besoin. Tous les Européens que nous rencontrâmes, s’accordèrent à dire que la rivière de Junko était le seul endroit de la côte où l’on se procurerait facilement des bœufs, des cabris et des poules. Nous fîmes route pour cette terre promise, en rangeant la côte à une lieue de distance, nous arrêtant à tout ce qui avait l’apparence d’une chaumière. Nous mouillâmes enfin le 9 mars au matin, vis-à-vis la rivière de Junko : les pirogues ne tardèrent pas à venir à bord ; les nègres nous firent toutes sortes de promesses pour le lendemain.

Comme M. Delajaille ne voulait pas perdre de temps et qu’il ne le pouvait pas, il expédia dans son canot M. de Saint-Pern, garde de la marine, et l’envoya vers le roi du pays pour savoir sur quoi l’on pouvait compter. Le roi lui répondit qu’il avait cinq cents bœufs fort près de lui, et qu’il allait donner ordre de ramasser quarante cabris que M. Delajaille lui avait fait demander. Il fut cependant convenu que nous porterions à terre les marchandises nécessaires pour la traite.

Le lendemain matin, 10, à 7heures, nous vîmes monter à bord tous les courtiers de la côte : le palabre commença ; et ne finit qu’à onze heures et demie, sans avoir statué sur rien.

M. de Saint-Marc descendit avec deux officiers et deux gardes de la marine. Ils passèrent la Barre dans la chaloupe bien armée de toutes ses armes à feu. M. de Saint-Marc emporta aussi des marchandises, et alla directement chez le roi. Toute la patience et la constance imaginables ne purent décider ces nègres à une offre raisonnable. Le roi avait effectivement plus de cinq cents bœufs de médiocre grandeur. M. de Saint-Marc lui dit qu’il en aurait pris vingt, et lui demanda son prix. Le roi ne voulut les vendre qu’un à un ; il demanda 80 barres[92] d’un bœuf qui pesait vivant, 80 livres ; en sorte que la livre de viande serait revenue à 5 livres. Le roi nègre prétendait qu’il aimait mieux un bœuf qu’un esclave, parce qu’il fallait nourrir l’un, et que l’on se nourrissait de l’autre.

M. Delajaille ne pouvant se permettre des dépenses aussi excessives, ne balança plus ; il se décida à remonter au nord et à chercher les îles du cap Verd. Il n’y eut pas jusqu’au moribond qui tenait faiblement à la vie, qui ne sourît en apprenant la nouvelle route ordonnée. Nous fûmes longtemps contrariés par les vents d’ouest, qui nous retinrent sur la côte, et par les orages qui, chaque jour, nous faisaient faire des routes obliques et désavantageuses.

Les vents d’ouest forcèrent M. Delajaille de changer son projet de relâche aux îles du cap Verd ; nous fîmes route pour Gorée, et dans le trajet nous rencontrâmes la corvette la Blonde, qui remontait de Gambia. Nous fûmes ensemble à Joal, où nous traitâmes d’assez beaux bœufs à bon marché. Nous nous rendîmes de là à Gorée, où nous sommes arrivés le 9 de ce mois.

Chaque jour nos malades vont de mieux en mieux. M. Blin, commandant ce poste, nous est d’un grand secours par son activité à procurer tout ce qui peut contribuer au bien de la chose. Nous ne tarderons pas à faire voile pour la France ; en attendant, M. Delajaille a cru devoir se faire devancer par la corvette la Blonde. Je profite de cette occasion pour me rappeler à votre souvenir.

Croyez-moi toujours, etc.

P. S. Je vous.envoie une douzaine de peaux de mouton et d’agneau de Barbarie. Les manteaux des chefs de Maures sont faits avec ces peaux. Je vous prie de les agréer.

20 avril 1785 • Lettre XXIV



Gorée, 20 avril 1785



Je viens d’assister à une noce, et le plaisir que j’ai goûté ne serait pas complet si je ne pouvais vous en faire part. Ici comme au Sénégal, l’union des deux sexes a un caractère particulier. Un jeune homme est épris d’une jeune fille : il demande aux parents la permission de se marier. Si les parents y consentent, on enferme les futurs époux dans une chambre. Les griottes[93], espèce de charlatans, attendent à la porte que le mariage soit consommé, pour venir ensuite proclamer les succès du vainqueur. Ces griottes portent dans les rues les preuves du triomphe, c’est-à-dire, une toile de coton blanche. Ils chantent les efforts, les combats, la victoire des héros de la fête, laquelle est terminée par un grand repas donné à la famille.

Les négresses se croient honorées de partager la couche d’un blanc. Elles passent pour être fidelles, ce qu’il faut attribuer à l’idée qu’elles se font de la supériorité des blancs, et au désir de mériter, par une conduite réservée, d’être leur compagne.

Si leur mari vient à s’absenter, et qu’à cet effet il traverse les mers, la femme l’accompagne jusqu’au bord du rivage ; elle ramasse le sable sur lequel s’est empreint le dernier pas de son mari ; et après l’avoir enveloppé dans un mouchoir, elle le place au pied de son lit.

On a remarqué qu’une femme dont le mari est absent, ne choisit point un second époux, à moins qu’elle n’ait l’assurance que le premier ne reviendra plus.

La danse a, pour les nègres, un attrait infini ; et quoique le son de leurs instruments<ref>Les Nègres ont deux espèces d’instruments, l’un de la forme de nos mandolines, mais qui a le manche beaucoup plus long : le fond consiste dans la moitié d’une calebasse couverte d’un vélin ; les cordes sont de crin de chameau ou de cuir adroitement apprêté ; l’autre instrument est un tambour à leur façon : c’est une espèce de mortier de bois de dix-huit pouces de hauteur jusqu’à trois pieds, couvert d’un vélin sur lequel ils battent de le main gauche, et avec une seule baguette qu’ils tiennent à la main droite. Les Nègres du Sénégal qui connaissent depuis longtemps nos tambours, ont toujours préféré les leurs.</ref> soit triste et monotone, ils se livrent à ce genre de plaisir avec une sorte de frénésie.

Les Signares de cette île et de toute l’Afrique, ne s’habillent que de pagnes de coton ; elles les jettent autour du corps avec une grace qui leur est particulière.

5 juin 1785 • Lettre XXV modifier



Brest, 5 juin 1785




Nos malades s’étant rétablis après quatorze jours que nous fûmes restés à l’ancre, nous partîmes de Gorée le 23 avril ; et après avoir relâché à Lisbonne, nous venons d’arriver à Brest. Je ne pourrais trop donner d’éloges à M. Lagrange, chirurgien-major, pour « on empressement et ses soins à soulager les malades, ainsi que pour les succès qu’il a obtenus de ses peines ; en mon particulier, je lui dois la plus vive reconnaissance. C’est à lui que votre ami lui devra la satisfaction de vous embrasser bientôt.

Je ne puis terminer sans vous exprimer le vœu des officiers de marine les plus instruits, et de tous ceux qui s’intéressent aux progrès de la navigation. Il serait nécessaire qu’on armât chaque année[94] un bâtiment, à bord duquel il y aurait des officiers exercés à faire des observations de longitude.

Ce bâtiment côtoierait toute la côte d’Afrique, déterminerait la situation de tous les caps et le gissement des terres, ferait des remarques utiles sur les ressources à tirer des différents pays, et sur les courants qui sont d’une violence prodigieuse, et dont il serait essentiel de connaître la direction dans les différentes saisons.

On joindrait à ce bâtiment une goélette pontée, qui tirant peu d’eau pour s’approcher de terre, ne laisserait aucun endroit essentiel sans le visiter, particulièrement les rivières qui offrent le plus de ressources pour le commerce.

Notes & Références modifier

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  1. Dent d’éléphant, ivoire à l’état brut (Atlif)
  2. w:Pierre Labarthe, 9 juin 1760-6 juin 1824
    LABARTHE (Pierre), né en 1760) à Dax, d’une famille noble, qui avait fondé à Bordeaux un établissement commercial, mort le 6 juin 1824, embrassa la carrière du barreau qu’il abandonna pour entrer dans l’administration des colonies. Secrétaire de l’intendant-général, il devint, en 1794, chef du bureau des colonies orientales et des côtes d’Afrique. Tout en remplissant ces fonctions jusqu’en 1808, il recueillit de précieux matériaux qu’il publia dans les ouvrages suivants : Essai sur l’étude de la législation de la marine, 1796, brochure in-8° ; Annales maritimes et coloniales, 1799, in-8° ; Voyage au Sénégal pendant les années 1784-85, d’après les mémoires de Lafaille, ancien officier de marine, Paris, 1802, in-8°, traduit en allemand ; Voyage à la côte de Guinée, ou Description des côtes d’Afrique, depuis le cap Tagrin jusqu’au cap de Lopès-Gonzalès, 1803, in-8°, traduit en allemand par J. Ad. Bergk, Leipsick, 1803, in-8° ; Synonymes anglais, 1803, 2 vol. in-8° ; Harmonies maritimes et coloniales, contenant un précis des établissements français en Amérique, en Afrique et en Asie, Paris, 1815, in-8° ; Intérêts de la France dans l’Inde, 1816, brochure in-8". Il a aussi fourni plusieurs articles au journal intitulé : "Annales maritimes et coloniales" On trouvera le détail de ses autres ouvrages dans 1a "Bibliographie de la France", année 1824, page 566. "Notice sur la vie et les ouvrages de Labarthe. Dictionnaire historique : ou, Biographie universelle des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu’a nos jours. Tome douzième xixe, 9e édition, 1937, notice Bnf n° FRBNF37470163 ".
  3. Voyez note 2.
  4. Voyez note 3.
  5. En 1455
  6. En 1633
  7. Ducasse, directeur de la Compagnie du Sénégal, en fit la conquête le 29 août 1678.
  8. En 1685j cette île était alors inhabitée.
  9. Traité de Versailles du 3 septembre 1783.
  10. Voyez note 4.
  11. Traité de paix entre le roi de France et le roi de la Grande-Bretagne, signé à [{Versailles] le 3 septembre 1783
  12. Voyez note 5.
  13. Voyez note 6.
  14. Voyez note 7.
  15. Voyes note 8.
  16. La prise de possession de Gorée, a eu lieu le 25 mars 1784.
  17. Voyez note 9.
  18. Le quintal maure étant de 900 livres poids de France, 1 200 quintaux forment 1 080 000 livres pesant.
  19. Voyez note 10.
  20. Danville écrit : Terarsa, Ouled-el-Hagi, Ebraguena ; et Adanson écrit : Trarzas, Auled-el-Hagy, Ebraguena.
  21. se nomme Alikoury.
  22. Les Maures Bracknas sont gouvernés par Hamet-Mocktard.
  23. On appelle traiteurs les habitants et petits marchands de l’île Saint-Louis, qui remontant le fleuve, vont commercer avec les Maures et les Nègres.
  24. Menue marchandise de verre dont on trafique avec les naturels. Voyez note II.
  25. Voyez note 12.
  26. En 1743.
  27. Cassou ou Kassou, suivant d’autres personmes.
  28. La distance de lîle Saint-Louis au fort Saint-Joseph, n’est nullement déterminée : les uns l’estiment à 210 lieues au-dessus de l’embouchure du fleuve, d’autres placent ce fort à 3oo lieues, ce qui paraît exagéré le terme moyen est de 255 (soit 994 km).
  29. Danville écrit Falemé.
  30. Voyez page 32.
  31. Voyez note l3.
  32. En 1673—8 novembre.
  33. 1738-1746 : Pierre Félix Barthélemy David (1711-1795)(w:Compagnie du Sénégal)
  34. Netecon, suivant Danville.
  35. Depuis l7SS jusqu’en 1779.
  36. Histoire Naturelle du Sénégal. Pari », vol. 111-40. avec fig. — Michel Adanson.- Histoire naturelle du Sénégal : coquillages : avec la relation abrégée d’un voyage fait en ce pays, pendant les années 1749, 1750, 1751, 1752 et 1755.- Publié par C.-J.-B. Bauche, 1757
  37. Delamark en distingue cinquante-huit espèces. Voyez Encyclopédie Botanique (Jean-Baptiste de Monet de Lamarck).
  38. Les naturels ont des troupeaux nombreux de bœufs et de moutons.
  39. w:Georges-Louis Leclerc de Buffon, 1707-1788. Son fils w:Georges Louis Marie Leclerc de Buffon épousa w:Marguerite Françoise Bouvier de la Mothe de Cépoy qui donna un fils au duc w:Louis Philippe d'Orléans, plus tard Philippe Egalité.
  40. w:Edmé-Louis Daubenton, 1730-1785 & w:Louis Jean-Marie Daubenton, 1716-1800, deux cousins, ont été collaborateurs de Buffon. Le premier collabore sur les "Planches enluminées", le second sur "l’Histoire naturelle des animaux"
  41. w:Gouverneur
  42. 3 septembre 1783 Traité de Versailles entre la France et la Grande-Bretagne qui reconnaît l’indépendance des 13 colonies américaines. Fin de la Guerre d’indépendance des États-Unis d’Amérique.
  43. Les droits que la France a de traiter depuis le cap Sainte-Marie jusqu’à la rivière de Serralione, sont fondés sur des titres authentiques. L’opinion des publicistes est que les Français, les Anglais et les Portugais ont la faculté d’exercer concurremment le commerce dans cette partie de la côte, avec cette restriction, que les Anglais ne pourront former d’établissements que dans les Bissagots et au-delà, jusqu’à Serralione.
  44. On y trouve les anciens comptoirs de Ruffisque, Joal et Fortudal.
  45. Voyez page 20
  46. Traité de Paris (1763) ; w:Traité de Paris (1763)
  47. 8 août 1779, une déclaration de Louis XVI abolit le w:servage dans les domaines royaux. Voir :
    Histoire du droit français par Firmin Laferrière, Louis Firmin Julien Laferrière, publié par Joubert, 1837.
    Thierry Bressan. La critique de la condition mainmortable en France à la veille de la Révolution (1779-1789), Annales historiques de la Révolution française, 1997, n° 1, pp. 75-91. Consulté le 12 avril 2009
  48. Voyez note 14.
  49. Ordonnance sur la police maritime du 24 septembre 1781. Voir Ordonnance du 19 décembre 1673, 23 mars 1676, 30 mars 1677, 9 juillet 1691, 24 juillet 1704.- Jourdan, Decrusy, Isambert (et al.).- Recueil général des anciennes lois françaises, depuis 420 jusqu’à la révolution de 1789
  50. Voyez note 15.
  51. billon : w:alliage de cuivre et d’argent utilisé principalement pour frapper des monnaies de faible valeur.
  52. Constitution et composition des commissaires des guerres in Jourdan, Isambert, Decrusy.- Recueil général des anciennes lois françaises : depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789.- Belin-Le Prieur, 1826,, p. 123
  53. Ordonnances portant établissement des commissaires et des syndics des classes. p. 235
  54. Voyez note 16.
  55. En vieux français "tout simplement, bonnement."
  56. Semoule"
  57. L’auteur de l’histoire des Deux Indes — Guillaume-Thomas-François Raynal — est forcé d’en convenir. Voyez tom. VI, p. 4 1780.
  58. L’usage des denrées de l’Amérique est devenu si commun, que les ouvriers à Paris et dans d’autres villes ne déjeûnent qu’avec leur café.
  59. Voyez note 17.
  60. Histoire philosophique des Deux Indes », tome VI, p. 219.
  61. Tom. I, p. 12.
  62. Voyez note 18.
  63. C’est 1 200 fr. argent de France, ou 1 600 argent des îles, prix assez modique.
  64. Voyez note 19.
  65. Lettre IX
  66. Page 92, lettre XVI.
  67. Arrêt du conseil du 11 janvier 1784. Voyez note 20.
    Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, p. 359 : N° 1875. — Arrêt du conseil qui supprime le privilège de la traite des noirs à Gorée, et accorde en dédommagement le privilège exclusif du commerce de la gomme dans le Sénègal(1). Versailles, 15 janvier 1784. (R.S.C. coll. m. m. Code Cayenne, t. 7, p. 29.)
    Note(1) : Cet arrêt n’a été enregistré au conseil de la Guyenne que provisoirement ; c’est du moins ce qui résulte de l’arrêt du 27 mai 1788. Voir : a.d.c. 10 novembre 1786.
  68. On appelle Mamelles deux petites montagnes qui aident à faire connaître le cap Verd. Voyez note 21.
  69. Voyez note ibid (21).
  70. Voyez note 22.
  71. Le 3o janvier 1779.
  72. La reprise de possession est du 25 mare 1784.
  73. Voyez page 109.
  74. On dit également Bursin, et par corruption Barbessin.
  75. Voyez note 23.
  76. Voyez page 48 (à référencer)
  77. Voyez note 24.
  78. Voyez note 25.
  79. Voyez note 26.
  80. "pracel" n’a pas été trouvé dans une entrée du TLF. pracel was not found in the Dictionnaire Cambridge Klett Compact
  81. Voyez note 27.
  82. Voyez page 126.
  83. Voyez page 126.
  84. "Les tapades qui étaient des clôtures de roseaux, délimitaient des groupes de cases, sur le modèle des concessions, que l’on retrouve encore aujourd’hui dans un grand nombre de villages africains". Histoire de Gorée.
  85. w:Pinque sorte de bateau utilisé au XVIIIème siècle
  86. Voyez note 28.
  87. Voyez note 29.
  88. Voyez note 30.
  89. Voyez note 3l.
  90. Voyez note 32.
  91. Voyez note 33.
  92. 400 fr
  93. Les griottes, hommes et femmes sont réputés infames et privés de sépulture après leur mort : leurs bouffonneries sont grossières et indécentes ; chaque village a les siens. On les traite bien durant leur vie, afin d’éviter les injures qu’ils vomissent contre ceux dont ils ont à se plaindre. La crainte qu’ils inspirent leur procure une sorte de considération, mais qui n’est qu’apparente, et dont on se venge après leur mort. Leur corps est ordinairement attaché à une branche d’arbre. Au Sénégal ils sont enterrés comme les autres.
  94. Voyez note 34.