Voyage (Rubruquis)/Chapitre 23

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XXIII


Du fleuve Jagag et de divers pays et nations de ce côté-là.


Ayant cheminé environ douze journées depuis le fleuve Étilia, nous trouvâmes une autre grande rivière, nommée Jagag, qui vient du septentrion et du pays de Pascatir, et s’embouche en cette mer[1]. Le langage de ceux de Pascatir et des Hongrois est le même ; ils sont tous pâtres, sans aucunes villes ni bourgades ; du côté de l’occident ils touchent à la Grande-Bulgarie. Depuis ce pays-là vers l’orient, en ce côté septentrional, on ne trouve plus aucune ville ; de sorte que la Petite-Bulgarie est le dernier pays où il y en ait. C’est de ce pays de Pascatir que sortirent autrefois les Huns, qui depuis furent appelés Hongrois, et cela est proprement la Grande-Bulgarie.

Nous cheminâmes par la terre des Cangles depuis la Sainte-Croix jusqu’à la Toussaint, et chaque journée était comme depuis Paris jusqu’à Orléans, selon que j’en puis juger, et quelquefois plus encore, selon la commodité des chevaux que nous trouvions à changer. Quelquefois nous en changions deux et trois fois par jour, et d’autres fois aussi nous allions deux et trois journées sans en pouvoir trouver de frais, parce qu’il n’y avait aucune habitation ; alors nous allions plus lentement. Le plus souvent les chevaux n’en pouvaient plus avant que de pouvoir arriver à quelque autre logement ; c’était alors à nous à fouetter et frapper nos chevaux, à charger nos hardes d’un cheval sur un autre, à changer nous-mêmes de chevaux, et quelquefois même d’aller deux sur le même.


  1. L’Oural (?)


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