Voyage à mon bureau, aller et retour/Chapitre XI

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L'ANTICHAMBRE

Nous n'aurons pas besoin de monter plusieurs escaliers glissants ou malpropres, ni de suivre de longs corridors mal éclairés, pour arriver à mon bureau, puisque nous avons déjà prévenu le lecteur que ce bureau se trouve de plain-pied avec la cour, et qu'il n'y a d'ailleurs qu'à pousser la porte pour y entrer.

La première pièce qui frappe les regards, et dans laquelle je suis obligé de m'arrêter un instant, se nomme, comme on l'a sans doute deviné, l'antichambre. C'est là que l'on signe la feuille de présence, et que le gardien de bureau trône pour recevoir les employés aussi bien que les particuliers qui s'y trouvent appelés pour affaires de service.

Cette antichambre ressemble à toutes les antichambres. Elle a quelques sièges réservés aux visiteurs ou, pour mieux dire, aux réclamants. A droite est une porte sur laquelle se trouve inscrit en gros caractères : Cabinet du chef ; à gauche une autre porte avec ses mots : Entrée des bureaux.

L'antichambre des bureaux du personnel, s'il plaisait au lecteur de monter à l'étage au-dessus, ne diffère pas de celle où nous nous trouvons, seulement elle est plus vaste et contient un plus grand nombre de sièges. Elle est destinée à recevoir les solliciteurs de toutes classes, employés présents ou futurs.

C'est dans son sein que s'écoulent lentement les longues heures d'ennui réservés aux solliciteurs qui persistent à vouloir postuler tel ou tel emploi vacant ou non vacant.

Là viennent les députés, les sénateurs, les généraux, etc., etc., dont la mission momentanée consiste à recommander leurs protégés. C'est aussi le rendez-vous de jeunes dames coquettement vêtues, et qui ne craignent pas de lever leur voile pour sourire agréablement en faveur d'un ami, d'un parent ou d'un mari qui n'a pas le temps de se déranger pour faire valoir ses droits, ou que l'incapacité tient à l'écart. Et l'on s'assied autour de la salle pour y attendre, à tour de rôle et d'inscription, son entrée dans le cabinet du chef du personnel.

Que de plaintes ! que de récriminations ! que de suppliques ! Que de patience il faut au chef  ! Si l'on pouvait tout voir et tout entendre, on en aurait, je crois, fort long à dire sur ce chapitre, et je prendrai sagement le parti de me taire.

Fort heureusement, notre antichambre ne ressemble pas à celle ci-dessus écrite, et elle ne donne pas entrée aux abus. C'est une calme antichambre où les sonnettes ont seules le droit de faire du bruit. Un poêle banal chauffe amplement en hiver les agents subalternes qui s'y réunissent. La gaieté française règne partout : c'est apprendre, à qui l'ignore, que la gaieté réside aussi dans l'antichambre des gardiens de bureau. Ils ont nommé le lieu qui leur sert de réfectoire, de salle de réception et de salle de conseil, le salon des valets de pied.

Nous pouvons en traversant ce salon y prendre les lettres à notre adresse, la carte de visite de nos amis, et le petit pain qui servira à notre second déjeuner.


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