Voyage à la Guadeloupe/Préface

Monnoyer (p. v-viii).

PRÉFACE



Notre intention, à nous Éditeur, n’est pas, et nous l’avouons en commençant, de faire une préface littéraire : quelques lignes seulement pour établir l’histoire du manuscrit que nous publions, tel est notre but.

Feu M. Longin, né à Caen en 1787, bachelier ès lettres et professeur distingué, s’embarqua au Havre, pour la Guadeloupe, le 5 octobre 1816, alors que la France tressaillait encore des agitations amenées par la chute de l’Empire.

Il y séjourna six ans.

Doué d’un esprit sérieux et délié, d’une instruction forte et variée, il s’enquit avec minutie des mœurs, des usages, de l’histoire et des diverses industries et productions du pays.

Là, tout était nouveau pour lui. Transplanté brusquement du sol français, sol libre, où chacun est égal, et vit paisiblement sous l’égide de lois justes et applicables à tous, M. Longin dut, sur cette terre d’esclavage et de durs labeurs que l’on nomme Guadeloupe, éprouver d’étranges sensations, faire de pénibles comparaisons.

Tout ce qu’il observa, tout ce qu’il ressentit fut par lui confié au papier. Chaque jour apportait un fait nouveau, ayant trait à la science, ou à la morale, ou aux arts, ou au commerce, ou à l’histoire.

Réunies et classées, ces notes formèrent un manuscrit très-intéressant que son auteur eût certes publié, si la mort, à son retour au pays natal, ne l’était venu surprendre à trente-cinq ans, enlevant à son épouse un compagnon bien-aimé, à l’enfance un professeur dévoué, bien plus, un véritable ami.

C’est alors que ces notes de M. Longin nous furent, pour les éditer, offertes par sa veuve.

Devenues nôtres, nous les fîmes paraître d’abord dans notre journal, comme feuilleton ; puis, le journal tiré, et après sérieuse révision et correction, nous en formâmes un tout, qui compose le volume ci-joint, que nous offrons au public comme un excellent livre, où pourront utilement fouiller le moraliste, le savant, le philanthrope et le législateur.


Le Mans, 20 mai 1848.