Vous fûtes bonne et douce en nos tristes tempêtes

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À Mme  Marie M***[1]


Vous fûtes bonne et douce en nos tristes tempêtes.
— L’Esprit et la Raison parmi nos fureurs bêtes, —
Et si l’on nous eût crue au temps qu’il le fallait
On se fût épargné que de chagrin plus laid
Encor que douloureux ! Puis, lorsque sonna l’heure
Définitive où d’espérer n’était qu’un leurre
Dorénavant, du moins vous fites pour le mieux
Quant à tel modus vivendi moins odieux
Que cette guerre sourde ou cette paix armée
Qui succéda l’affreux conflit.
Soyez aimée
Et vénérée, ô morte inopportunément !
Qui sait, vous là, précise et sûre au vrai moment,
Votre volonté, toute indulgence et sagesse,
Eût prévalu sans doute et nous eût fait largesse
D’un pardon mutuel obtenu par son soin ;
Tout serait dans la norme, avec Dieu pour témoin.

 
Mais Dieu n’a pas voulu, qui vous a donc reprise,
Pourquoi ?…
Dormez, ô vous, sous votre pierre grise,
Qui fîtes le devoir et ne cédâtes pas,
Dormez par ce novembre où ne peuvent mes pas
Malades vous aller porter quelque couronne.
Mais voici ma pensée, ô vous, douce, ô vous, bonne !


1er novembre 1894.

  1. Pour Madame Marie Mauté, la belle-mère du poète.