Vol de papillons/Les amours

Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 50) (p. 1-2).

LES AMOURS



I l pleut. — Dans le creux des chênes
Tous les amours sont blottis,
Et d’enivrantes haleines,
Montant du val et des plaines,
Les réchauffent, ces petits !

Ce matin, leur troupe folle
S’ébattait dans les buissons,
Courait légère et frivole,
Chiffonnant chaque corolle
Au murmure des chansons !

Lutinait les scarabées
Dans les roses endormis,
Et des cerises tombées
Offrait les rondeurs bombées
Pour déjeuner aux fourmis !

Guettait passer Yvonnette
Par les sentiers reposés,
Et partout, sur sa cornette
Et sur sa boucle follette,
Mettait un tas de baisers !

Le reflet de l’astre unique
Jouait dans leurs cheveux d’or
Et la cohorte magique,
Idéale et poétique,
Prenait un nouvel essor !

Fuyez, Amours !… L’ombre passe
Là-bas au rideau des cieux,
Déjà la foudre menace…
Allez vite prendre place
Sous votre abri gracieux !


En été la pluie est douce ;
Elle carresse un moment
L’humide et tremblante pousse ;
Elle reverdit la mousse…
Attendez patiemment.

Attendez… Sous la feuillée
Les rayons vont revenir :
Votre aile serait mouillée,
Et ce n’est qu’ensoleillée
Qu’elle peut vous soutenir !

Le nuage se déchire,
Tout resplendit à la fois,
Et les amours de se dire,
En riant leur joli rire :
Reprenons notre carquois !

Et la troupe folle et blonde,
Sous le rayon éclatant,
Retourne de par le monde,
Faire à chacun à la ronde,
Le mal que nous aimons tant !