Léon Vanier, éditeur (p. 7-10).

Introït

Sur champ d’or, en les vieux tableaux,
Ouvrant ses yeux couleur des flots
Et plus svelte que les bouleaux,

La Vierge cause ingénument
Avec le Séraphin charmant
Advenu du haut firmament.

Les calcédoines, les rubis
Passementent ses longs habits
De moire antique et de tabis.


Ses cheveux souples d’ambre vert
Glissent comme un rayon d’hiver
Sur sa cotte de menu-vair.

Oh ! ses doigts frêles et le pur
Mystère de ses yeux d’azur
Éblouis du pardon futur !

Tremblante, elle reçoit l’Ave
Par qui le front sera lavé
De l’antique Adam réprouvé :

« Empérière au bleu pennon,
Sur le sistre et le tympanon,
Les deux exaltent ton renom.

Toi de Jessé royal provin,
Pain mystique, pain sans levain,
Font scellé de l’Amour divin !

Toison de Gédéon ! Cristal
Dont le Soleil oriental
N’adombre pas le feu natal !


Ave Gratia ! Que ta main
Cueille, pour l’ineffable hymen,
Les lis fleuris du bon chemin.

Et que sur ton front adoré
Soit un diadème instauré
De métal richement ouvré.

Le nard exhale son odeur :
Reine de Joie et de Candeur,
Suis l’Époux vêtu de splendeur.

Foule aux pieds le Dragon pervers,
Maîtresse des Paradis clairs,
Ceinte de roses et d’éclairs  ! »

Ainsi, le chœur des Angelots
Chante, nimbé de fins halos,
Sur fond d’or, en les vieux tableaux.

Et, d’âge en âges emporté,
Leur psaume de gloire a fêté
Le los de la virginité.


Blanche, ô très blanche ! Et c’est pourquoi
Je veux, artiste plein de foi,
Vous peindre en corselet d’orfroi :

Pareille, emmi les hosanna,
Aux madones que blasonna
L’imager du ciel, Mantegna.

Des fleurs d’onyx et de portor
Sur le retable squamé d’or
Épanouiront leur trésor.

Pour vous, les beaux hymnes latins
Ingémiront, soirs et matins,
Graves, près des flambeaux éteints.

Pour vous, mes vers, matins et soirs,
Dans la nef aux mornes voussoirs
Balanceront des encensoirs.