Imprimerie du Devoir (p. 53-54).


LA CAMPAGNARDE


La porte est entr’ouverte. Au fond de la maison
On peut voir un bon feu qui flambe en la cuisine.
Une croix de bois franc paraît à la cloison.
Un catéchisme ancien sur l’armoire avoisine.
Debout, la campagnarde au visage animé.
Mise candidement : grosse jupe et mantille.
Surveille avec adresse un bouilli parfumé :
Si j’étais toi, garçon, j’aimerais cette fille !

Au temps des fenaisons on peut la voir aussi,
Dès le jour, ramassant les épis et les herbes,
Joyeuse, sans regret, sans peur et sans souci.
Élevant de ses mains les triomphales gerbes.
Tout le long des côteaux, tout le long des penchants
Son bras n’est jamais las de porter la faucille,
Et le fond de ses yeux est clair comme nos champs :
Si j’étais toi, garçon, j’aimerais cette fille !


Le dimanche au matin, très pieuse, croisant
Les mains sur son missel, belle de modestie,
À l’heure où l’homme dort son sommeil bienfaisant,
Vers la petite église elle est déjà partie.
Et là, passant le vieux rosaire entre ses doigts,
Même priant tout haut de sa bouche gentille,
Elle a l’air virginal des saintes d’autrefois :
Si j’étais toi, garçon, j’aimerais cette fille !