Vie et œuvres de Descartes/Livre II/Chapitre IV

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CHAPITRE IV

CONDAMNATION DE GALILÉE

(i633)

��Le 23 juin i633, Galilée fut condamné à Rome par l'Inqui- sition pour ses Dialogues sur les deux plus grands Systèmes du Monde, celui de Ptolémée et celui de Copernic, publiés Tannée précédente. Déjà la même Inquisition lui avait fait changer le titre primitif: Du /lux et du reflux de la mer. Galilée expliquait le phénomène des marées par le mouvement de la Terre ^;

a. Le P. Georges Fournier, Hydrographie (i643), Liv. IX : Du Flux & Reflux de la Mer. Chap. xiv : Opinion de Galilée qui veut expliquer les flux & reflux de la Mer, par le moyen du mouuement de la terre.

« Monfieur GalTand, en l'vne de les doftes Epiftres qu'il a fait imprimer » cette année, reduilant l'opinion de Galilée en abrégé, & y adiouftant » quelque efclairciffement, dit : Que la mefme choie qui arriue à vne » barque à demy remplie d'eau, tandis qu'elle eft irainée fur la Mer, ou » fur vn lac calme : La mefme doit arriuer à la Terre, contenant l'eau de » la Mer en fes cauitez, s'il e(l vray qu'elle fe meine (lire : meuue) dans la n paifible région de l'Ether, du triple mouuement qu'on luy donne, à » fçauoir : du iournalier qu'elle fait à l'entour de fon propre cffieu, de » l'annuel qu'elle fait à l'entour du Soleil & au deffous du Zodiaque, & » de celuy de declinaifon, qui n'eft autre chofe que l'entreienement de fon » Effieu en parallelifme auec l'Elfieu du monde. » (Page 455.)

Page 45c : « ...Cette fimilitude dont fe fert Galilée pour déclarer » comme fe fait le flux & le reflux de la Mer, & par contre coup pour » prouuer & eftablir fon opinion du mouuement de la Terre : maintenant » que, comme le mouuement de la Terre e.xplique naifuement les flux de » la Mer, ainfi ces flux eltablillent folidement le mouuement de la Terre, & » que ces deux chofes fe preuuent l'vne l'autre, comme font celles qui ont

�� � i66 Vie de Descartes.

c'était la première fois qu'on proposait de ce mouvement une preuve sensible, et par conséquent frappante pour tous les esprits; jusqu'alors les astronomes n'avaient invoqué que des arguments d'ordre spéculatif. Le danger devenait pressant ; il menaçait la doctrine consacrée de la Terre immobile au centre du monde et autour de laquelle tourne le Firmament. Le Saint- Office pensa qu'il n'était que temps d'intervenir et de sévir.

La condamnation ne fut connue de Descartes que cinq mois après, et semble-t-il, un peu par hasard. Il était encore à Deventer, et venait d'y passer tout l'été ; ou du moins il ne faisait que de se réinstaller à Amsterdam, où nous le retrou- vons en i634, et il allait justement envoyer à Mersenne le

» vn mutuel rapport, & que les caufes font connoiftre leurs effecïs. Mefme » il fe perfuade que c'eft l'vnique expérience f'enfible dont les Sectateurs » de Copernic peuuent- faire eftat, veu que hors de là, le mouuement » gênerai qui emporte l'œil quant & la terre, eft inobferuable par l'œil. »

Le même P. Fournier termine ainsi son exposé de l'opinion de Galilée, p. 455-458 : m Ce font iufques icy les paroles de Monfieur Gaffand, » lefquelles eftant bien pefées, tout homme intelligent auoura qu'on ne » fçauroit pouffer cette fenience plus auant, & luy donner plus de iour & » de couleur, qu'il a fait en cette Lettre, que i'eftime préférable à tout ce » que Galilée en a efcrit dans fes Dialogues. L'honnefteté toutefois, & la » candeur de laquelle il fait vne très particulière profefTion, me donnant » toute alTeurance qu'il prendra en bonne part quelques inftances qu'on » peut raifonnablement obiefter, & qu'en effet il ne tient point cette fen- » lence : le luy diray en peu de mots. . . » (Page 459.) '

La lettre de Gassend à Naudé (4 avril 1643)^ dont parle Fournier, est intitulée : Novem Stellœ vifœ circa lovem, S de eifdem judicium. AcceJJit obfervatio geminatœ in Jingulos dies œjîus maris injiar reciprocationis perpendiculorum. (1643, in-f».)

Le P. Fournier discute point par point l'opinion de Galilée, et lui oppose surtout les observations des navigateurs dans toutes les mers du globe, « fans m'engager, dit-il, à réfuter l'opinion du mouuement de la » terre, ou à l'approuuer » (p. 459). Mais « Galilée eftant Italien, & « demeurant fur vne Mer, en la plus part de laquelle les flux & reflux )) font imperceptibles, a eu tort d'entreprendre d'efcrire d'vn fuiet qu'il » ne pouuoit connoiftre par fa propre expérience, auant que s'informer » de ceux qui demeurent fur l'Océan, & fçauoir parfaictement ce qui fe )) paffoit de plus ordinaire dans les Mers où les marées font hautes, fen- )) fibles & bien réglées. » (Page 460., « S'il eut interrogé les Diepois, les » Bafques, Anglois & Hollandois. , . » (Page 461.J

�� � Condamnation de Galilée. 167

manuscrit de son Monde. Mais, craignant le sort de Galilée, il n'envoya rien et s'en expliqua au bon religieux dans une lettre de la fin de novembre". Cette lettre ne parvint pas à son adresse. Descartes ne le sut qu'après une seconde lettre, où il rappelait la première : celle-ci avait-elle été simplement per- due, ou plutôt détournée et dérobée en chemin par quelque malveillant ? La méfiance et les soupçons de notre philosophe s'en accrurent, et il écrivit une troisième lettre plus explicite encore que les deux précédentes . Il ne parlait de rien moins que de supprimer entièrement son ouvrage, et de renoncer désormais à toute publication. On avait condamné le mouve- ment de la Terre : or ce mouvement faisait partie intégrante de sa Physique, et se déduisait nécessairement de ses prin- cipes : ceux-ci se trouvaient donc faux, si le mouvement l'était; ou du moins ils devenaient autant que lui condamnables, et passibles comme lui de la réprobation de Rome.

On se demande aujourd'hui ce qui pouvait effrayer Descartes à ce point ? 11 était en Hollande, pays protestant, hors d'atteinte par conséquent des coups qui avaient frappé Galilée. Pour lui, point de prison à redouter, ni d'interrogatoire avec menace de torture ; point d'abjuration, non plus, ni de relégation dans un endroic déterminé avec défense d'en sortir. Sans doute Galilée souffrit plutôt d'entraves à sa liberté intellectuelle, qu'à sa liberté physique ; mais c'était encore trop que cette contrainte morale contre laquelle protestait sa conscience de savant, aux prises peut-être elle-même avec sa conscience de catholique. Tandis que du bout des lèvres, et non sans un demi-sourire peut-être, il concédait à ses juges que la l'erre est immobile :

a. 'l'ome I, p. 270-27?. Voir aussi p. 285, 1. 2-4, ci p. 292, 1. 2-8. Toutefois cet accident arrivait de temps à autre. Saumaise écrivait de Leydc à .1. du l'uy, le i) juillet i632 : « ...ie vicii de roceuoir lettres de >' Monr"^ Bralfet, oii il mande que toutes les lettres de Hollande qui i) alloieni à Paiis, il y a huit iours, ont elle delfrouirées entre Anuers «S: .. Bucnberg... .• Bibl. Nat., MS. tr. 713, fol. 14.'

b. Tome 1. p. 2S1-282.

c. /hi.i.. p. 285-286.

�� � « Et pourtant elle tourne », devait-il se dire mentalement, comme le veut la légende, plus vraie ici encore et plus philosophique que l’histoire. Quoi qu’il en soit, rien de semblable ne menaçait Descartes personnellement. Aussi n’était-ce pas pour lui-même qu’il avait peur, mais c’était pour sa philosophie. Quel sort lui aurait-il été réservé ?

Notre philosophe avait, en effet, à cœur, beaucoup plus qu’il ne l’avoue, le triomphe de ses idées. Animé, comme tous les réformateurs, j’allais dire les apôtres, d’un ardent esprit de propagande, il tenait par-dessus tout à ce qu’elles fussent admises partout, et qu’on ne leur défendît point de pénétrer dans les Universités et dans les Collèges. Lorsqu’il publiera son livre de 1637, il ne manquera pas de l’envoyer aussitôt aux Jésuites de La Flèche, non seulement comme l’hommage reconnaissant d’un écolier à ses anciens maîtres, mais surtout afin de les intéresser à ses nouveautés, et d’obtenir qu’elles soient accueillies avec faveur et en quelque sorte adoptées par eux. Les remarques auxquelles il répondra avec le plus d’empressement, seront celles des professeurs de Louvain, Plempius, Fromondus et Ciermans, qui deviendront peut-être, du moins il l’espère, ses partisans dans cette grande Université catholique. Et il semble bien qu’il fera quelque tentative auprès de l’Université de Douai, et du Collège des Jésuites à Lille, dans l’espoir de gagnera sa philosophie tous les Pays-Bas espagnols. Plus tard, enfin, lorsqu’il reprendra son Monde sous un autre titre Principia Philosophiæ, ce sera surtout pour l’adapter à l’enseignement : il s’efforcera de le rendre irréprochable, quant au fond, et d’en faire, quant à la forme, un véritable livre de classe. Il aurait donc manqué son but, s’il avait donné en 1634 un ouvrage exposé à la condamnation de Galilée en 1633. A quoi bon publier une philosophie qu’il savait d’avance devoir être interdite dans les écoles, c’est-à-dire une philosophie destinée à ne pas vivre, une philosophie qu’on aurait étouffée avant sa naissance ?

Descartes en cela s’est trompé, et il eut le tort de ne prendre conseil que de lui-même. Mais à qui d’ailleurs se serait-il adressé en Hollande ? Ses amis, jusqu’à cette date, étaient presque tous des huguenots. Il n’avait pas à leur soumettre un cas de conscience, qui n’eût été pour eux qu’une occasion de plus de sarcasmes contre Rome, et qui sait ? de moquerie ou de pitié pour un philosophe papiste à ce point. Les Elzeviers s’empresseront, en 1635, de publier une traduction latine des Dialogues condamnés[1], et l’année suivante, une traduction latine également de la fameuse lettre de Galilée, en 1616, à la grande-duchesse de Toscane, Catherine de Lorraine[2], pour montrer que la théorie nouvelle pouvait s’accorder avec l’Écriture sainte. Mais, en 1637, notre philosophe était encore noté par Saumaise comme un catholique romain des plus zélés, et qui craignait par-dessus tout de déplaire à l’Église[3]. En France, sans doute, les choses se seraient passées autrement, et on 170 Vie de Descartes.

peut regretter que Descartes n'ait pas entendu ce qui se disait alors à Paris.

Il s'y serait trouvé dans un milieu orthodoxe, certes, mais qui n'acceptait pas sans mot dire tout ce qui venait d'au delà des monts. En dépit de Rome, le mouvement de la Terre était admis de la plupart de ces esprits curieux de nouveautés, et qui s'intéressaient à l'avancement des sciences. Sans doute, en i63i, l'un d'eux, Jean-Baptiste Morin, professeur au Collège de France, projetait de publier un livret contre le mouvement controversé; mais aussitôt Gassend, Mersenne, d'autres encore, s'efforçaient de l'en dissuader-. Il le publia cependant, bien qu'on lui eût communiqué en outre un écrit, non encore imprimé, et non signé, oîi le flux et le reflux étaient expliqués par ce même mouvement. C'était l'écrit de Galilée, qui allait être publié et condamné, et qui déjà circulait ainsi en France. Morin en devina l'auteur, et vit qu'il avait deviné juste, lorsque

a. Gassend à Gaultier, Paris, 9 juillet i63i : « M. Morin prinft la » peine, il y a trois jours, de me venir dire qu'il s'en alloit aux champs » pour un mois. Ceit pour mettre au net un traité qu'il vient d'achever » & qu'il veut incontinent après faire imprimer contre le mouvement de >> la terre. M. Valois, le P. Mercenne, moy et quelques autres de fes » amis, qui cognoiffent quelque chofe en cette matière, lui avons affez « naïvement dit noftre fentiment; mais il eft teru de celle opinion, comme » de fon aftroiogie, 6: croit d'avoir aulTi clairement démontré l'immobilité » de la terre au centre du monde, que vous lavez qu'il eft perfuadé d'avoir » démontré la cabale des maifons aftrologiques & autres principes de » cette nature. Je le crois en cela, pour dire le vrai; mais cela n'a pas » empefché qu'il n'aye auftî peu tenu de compte de tout ce que je luy ay » pu objecler ou refpondre fur ce fujet, que fur le faict de l'aftrologie. Il » m'a à tout le moins promis d'écrire fans aigreur & médifance & de » n'appeler plus Kepler entre autres terrejlrem fibratumque philojo- )> plium. » {Les Correspondants de Peiresc, p. p. Tamizey de Larroque, Aix, Marius Illy, 1881 : Gaultier prieur de La Valette, p. 62-6?.)

Gaultier à Peiresc, Aix, 20 sept. i632 : « Je vous remercie fort de ou -. pour : la communication de votre livre de Gallileus que je n'avois )> encore vu. Je n'ai encore pu prendre mon temps pour le lire, ce que » néanmoins je defire fort, & remarquez comme il met fur le marché une „ opinion tant mal agréable à la Cour de Rome. » (Ibid., p. .S9-60.) Voir aussi notre tome I, p. 263-264 : lettre de Gassend à Galilée, !=■• nov. i632.

�� � l’ouvrage fut connu chez nous dès la fin de 1632. Il n’en prépara pas moins un second livret, dans le même sens que le premier, et qui, terminé dès 1634 ne parut qu’en 1639. Sans doute par un sentiment de délicatesse, Morin ne le publia pas au lendemain de la condamnation de Galilée, ne voulant pas profiter du secours apporté à sa thèse par le Tribunal du Saint-Office[4].

Les Français qui étaient à Rome, tenaient soigneusement leurs amis de France au courant de ce qui se tramait contre Galilée. Mais ceux-ci ne voulaient pas croire qu’on irait jusqu’au bout. C’est que l’admiration et même la vénération était grande parmi nos compatriotes pour l’illustre Florentin. Personne n’a si bien parlé de lui, à ce moment, que Jean-Jacques Bouchard, dans une lettre à Peiresc, datée de Rome, le 18 juin 1633, c’est-à-dire au plus fort du procès et cinq jours avant la condamnation : « C’est, dit-il, le vieillard le plus sage, le plus éloquent et le plus vénérable que j’aye jamais vu, et qui a en sa façon et en ses termes je ne sçay quoy de ces Philosophes anciens[5]. » La sentence rendue ne pouvait que redoubler la sympathie pour la personne de Galilée, et la faveur pour ses idées. Un prêtre à Paris (et Descartes n’en pouvait croire ses yeux, lorsque Mersenne le lui manda en Hollande[6]), Ismaël Boulliaud, voulait écrire aussitôt pour le mouvement de la Terre ; et il faut voir de quel ton, deux ans après, il parle de l’Inquisition : qu’est-ce que ce Tribunal, qui s’arroge un droit, que seuls pourraient avoir les Conciles, lesquels n’ont rien décidé en cette matière ? Mersenne, plus réservé dans la forme, en sa qualité de religieux, au fond devait penser de même. Dès 1634, c’est-à-dire un an presque jour pour jour après la condamnation (son achevé d’imprimer est du 30 juin), il publia Les Mechaniques de Galilée traduites de l’italien en français : dans sa préface, il exprime le vœu que le savant florentin donne au public toutes ses remarques, et ne s’inquiète pas si elles seront ou non conformes à l’orthodoxie[7]. L’année suivante, en 1635, il publie de nouveau la même traduction à la suite de Questions Physico-Mathématiques ; et dans ces questions, bien qu’il déclare d’abord « qu’il n’y a point de démonstration naturelle qui contraigne d’embrasser la stabilité ou la mobilité de la Terre », il donne un abrégé des Dialogues que Galilée a faits du mouvement condamné, et publie ensuite le texte de la condamnation en français, sans commentaire[8] : le lecteur reste 174 Vie de Descartes.

juge, et c'était peut-être la façon la plus digne de répondre au Saint-Office. Plus tard, après la mort du savant italien, le religieux insérera dans un de ses ouvrages, Cogitata Physico- Mathematica en 1644, un bel éloge de lui% véritable pané- gyrique, qui fait le plus grand honneur et à Galilée et à Mersenne lui-même. On ne saurait demander plus à un R. P. Minime de TOrdre de Saint-François-de-Paule; il s'est montré, certes, en la circonstance moins embarrassé de scrupules que ne l'était notre philosophe.

Enfin beaucoup plus tard encore, un autre religieux, le P, Poisson, de l'Oratoire, témoignera, pour le Tribunal de l'Inquisition et pour ses arrêts, de la même dédaigneuse indif- férence^ C'était en 1670. Rome avait mis à l'index les œuvres

Galilée a faits du mouuement de la terre ? Cette quejiion contient tout/on premier Dialogue (Pages J01-210.)

Queilion XLV : Qui a-il de remarquable dans le fécond Dialogue de Galilée ? ( Pag. 210-214.

Sentence contre Galilée. (Pages 214-228.)

Mersenne mentionne la Congrégation tenue le 29 février 16 16, et r.A.b- juration du 22 juin i63?. imposée à ce vieillard de soixante-dix ans ^son âge est rappelé .

Le livre fut défendu, et l'auteur condamné « aux prifons formelles de » ce noftre fainft Office pour le temps qu'il nous plaira ». Et ceci enfin: (• Pour pénitence falutaire t'impolons que, durant les trois années fui- » uantes, tu die vne fois la femaine les 7 Pfeaumes Penitentiels. nous » referuans le pouuoir de modérer, changer, & leuer, du tout ou en partie, » les peines & pénitences fufdites. » (Pajes 224-225.)

a. \'oir notre tome X, p. 387-590.

b. Obfervation (du P. Poisson) fur ces paroles du Discours de la Méthode : « Or il y a maintenant trois ans que fefîois parvenu à la fin » du traité. « (Tome VI de la présente édition, p. 60, 1. 4-5.) Parlant du décret du 23 juin i633 contre Galilée, il dit :

« ...Le Rev. Père Merfenne a inféré ce Décret de l'Inquifition dans » fes Qiiejîions Phyfiques & Mathématiques, d'où je n'ay pas voulu le » tirer pour le mettre icy; d'autant qu'il eft alTez difficile de comprendre, » en le lifant tout entier, quel crime avoit fait | Galilée, pour luy faire » jurer fur les Saints Evangiles qu'il renonçoit à l'on fentiment. Car s'il i< eft contraire, comme on veut faire croire, aux exprellions de l'Ecriture, » oufre que le Père Antonio Fofcarini, de l'Ordre des Carmes, fait voir le » contraire dans une fçavante lettre qu'il écrivit à Fantoni fon gênerai, » en i6i5. il eft certain que. Dieu ayant parlé aux hommes. & par fes

�� � Condamnation de Galilée. 17^

mêmes de Descartes depuis i663. Le P. Poisson rapporte une anecdote qui remonte à 1 635, et qui, tout en nous nnontrant chez quelques-uns l'état d'esprit que nous venons de voir, justifie cependant jusqu'à un certain point les appréhensions de Descartes. Richelieu lui-même, sans doute pour faire sa cour à Rome et pouvoir lui résister sur d'autres questions à ses yeux plus importantes, demanda (autant dire ordonna) à la Sorbonne de s'associer à la condamnation prononcée contre le mouvement de la Terre. Et la Sorbonne obtempéra, sauf un docteur qui embarrassa fort ses confrères : il les convainquit, en effet, de contradiction, puisqu'ils enseignaient aujourd'hui la doctrine d'Aristote, condamnée jadis par des Conciles ; à plus forte raison, concluait-il, pourrions-nous enseigner une opinion qui n'est condamnée que par le Saint-Office".

» œuvres : habent enim, fi intelligantur, linguam fuam (Auc), & par fes » cfcritures, comme par deux langages differens, quel crime peut-il y » avoir d'expliquer l'un par l'autre? & que les exprcffions de celles cy, » qui s'accommodent aux ufages des hommes, foient reformées en ce » point par l'évidence de ceux-là, qui eft conforme à la vérité? »

« Cependant, comme je ne prens point de part dans ce démellé qui » regarde le mouvement de la terre, que Iss plus célèbres Ailronomes de » ce fiecle défendent comme l'hypothefe la plus vray-femblable, cjuoy » qu'en dife le Père Riccioli, je ne diray rien de l'autorité de ce décret, & » jufqu'où doit aller le refped que les Catholiques luy doivent ; la liberté » qu'on a d'en faire une queftion problématique, comme on a l'aii dans le » Collège de Clermont, à Paris, montre allez qu'on ne fi^auroit luy » donner le nom d'article de foy. » [Commentaires ou Remarques fur' la Méthode de René De/cartes, Vendofme, M.DC.LXX, p. 171-172.)

a. « ...Vous vous plaignez de moy, comme fi i'edois un peu trop » refervé à parler de l'Inquifition de Rome, & vous dites que ie devrois » eltre aufli françois dans la bouche, que ie le fuis dans le cœur. Mais ie » me repens fi peu de cette faute, que tous les Catholiques cdimcront » toûiours fort innocente, que lors qu'il n'ira point de l'interefl de la » vérité, il n'y a point de marque de rcfpeél & de foumiiïion que ie ne » rende aux moindres reglemens qui viendront de delà les Monts; & ie » n'euffe iamais parlé de l'authorité de l'Inquifition, Il elle n'clloit fortie » des bornes de fon pouvoir, pour les eflendre iufques fur les fciences » naturelles ; qui n'eftant que du reffort de l'efprit, c'cft auffi à luy feul » d'en décider, lorfqu'elles ne font pas contraires à la Foy. »

Or ie ne penfe pas qu'il y ait Théologien au monde, tant Icrupuleux

�� � ij6 Vie de Descartes.

Ce docteur avait raison, comme tous les esprits libres dans le public cultivé d'alors. Mais la Sorbonne n'en condamna pasmoins. Et Descartes, qui tiendra tant plus tard, pour son traité de métaphysique, à l'approbation de la Sorbonne (sats pouvoir l'obtenir d'ailleurs), dut à cette date de i635, s'il apprit l'incident, se confirmer dans la pensée de ne pas

» foi-il, qui ofe dire que le repos de la terre foit un article de foy, & par- » tatt ceux qui la croyent dans le mouvement, n'ont pas pour cela un » feniment contraire à la foy; mais pour faire voir que l'Inquifition, qui » a cecidé en faveur du repos, ne donne aucune authorité à ceux qui le » déendent, il faut que ie finiffe par le récit d'une petite hiftoire affez » di\ertilTante, dont m'a fait part un Abbé, qui a efté témoin de toute » l'a faire. »

« 11 y a environ trente cinq ans, qu'un célèbre profelTeur de Philofophie » dans l'Vniverfité de Paris fouftint, dans des thefes publiques, que l'opi- » nion de Copernic eftoit la pjus vrayfemblable des trois qu'on a coutume » de propofer dans les Echoles, & que l'Efcriture n'enfeignoit point le » contraire. Ce langage qui fembloit un peu nouveau, ne plût pas à toute » forte de peffonnes; & M. le Cardinal de Richelieu, entre autres, fe crût » trop intereffé à maintenir le repos de toute la terre, qu'il avoit tâché de » procurer par de longs travaux à quelques unes de fes provinces, pour » ne pas s'oppofer à tout ce qui pouvoit le troubler. Il employa donc tout » fon crédit, pour faire condamner cette Thefe en Sorbonne, dans les » termes à peu prés dont les Inquifiteurs s'eftoient fervi à Rome. Il elloit » trop maiftre dans cette Faculté, pour ne pas venir à bout de ce qu'il » avoit entrepris; mais il arriva qu'un Dofleur, qui vit encore & fe rend » recommandable tous les iours par les excellens ouvrages de Critique » Ecclefiaftique qu'il donne au public, trouvant cette conduitte un peu » étrange, obligea ceux qui avoient rendu cette fentence, ou de fe dédire ou » de tomber dans une contradiclion affez fâcheufe. Il leur demanda... »

« Il eftoit trop maiftre. . . alTez fâcheufe. IlJeur demanda. . . » Passage ainsi modifié dans les exemplaires vendus l'année suivante à Paris, 1671 : « Il I arriva neantmoins que, ne trouvant pas tous les Dofteurs difpofez » à fuivre aveuglement fa penfée, & à condamner une opinion, qui eftant » très-probable à leur fens, eftoit du moins auffi indifférente dans la Fov, » un d'eux qui vit encore & fe rend recommandable par les ouvrages » de Critique Ecclefiâftique qu'il donne au public, leur demanda... > (Pages 236-2?7.)

« Il leur demanda fi on pouvoit librement enfeigner les opinions » d'AriJîote dans l' Vniverfité de Paris; & dit qu'// avoit un grand fcru- 1. pule là-dejfus depuis qu'il avoit appris que cette doctrine avoit ejlé » défendue par plufieur s Conciles. On ne manqua pas de luy répondre

�� � publier son Monde. Ses anciens maîtres, les Jésuites, plus tard, au temps du P. Poisson, toléreront bien quelques thèses sur le mouvement de la terre, en leur Collège de Paris ; mais en 1642, à La Flèche, ils combattaient encore, mollement, il est vrai, l'opinion de Copernic -^ Toutefois (et ce fut là peut-être la conséquence la plus grave

» que fort fcrupule ejioit fans fondement, & que, depuis le temps qu'on » ejïoit en poffefjion d'cnfcigner Arijlote, il n'y avait point de danger de » continuer, quelque défenfe qu'en euffent fait les Conciles. Cette réponfe » fi favorable à fon deffeiii luy tix iaire une autre demande : fçavoir, fi » l'Inquifition eJloit au deffus d'un Concile, & quel des deux avoit plus » d'authorité dans l'Eglise ? On luy répondit : Qu'iV n'y avoit pas feu- » lement de comparaifon à faire, & que les décrets de Sorbonne ne poii- » voient pas raifonnablement eflre compare^ a ceux des Conciles, qui » avoient fouvent efïé receûs auec plus de foumifjion & de refpeâ qu'on » n'en a pour ceux de l'Inquifition. Nollre Docteur ne manqua pas auflfl- » toft d'ajufter ces réponfes enfemble, & de dire : Si tes Conciles ne me » peuvent ofïer la liberté d'enfeigner & de fuivre la dodrine d'AriJiote, qu'ils condamnent ; & que l'authorité de l'Inquifition fait infiniment » inférieure à celle des Conciles, vous trouvère^ bon, s'il vous plaifi, que n i'enfeigne & que ie fuive l'opinion de Copernic, que l'Inquifition a con- » damnée. Et comme il lembloit renfermer tacitement dans fa conclu- » fion le décret de Sorbonne, auquel il eftoit obligé de déférer, du moins » par bienfeance, il l'expliqua, difant que ce qu'on en avoit fait, efioit » pour empefcher les divifions, qui partageant les Vniuerfite^ ne font » qu'aigrir les efprits & n éclair ciffent pas pour cela la vérité. »

» Ainfi, Monfieur, ce mal n'eftant plus à craindre depuis qu'on n'eft ■'• plus troublé fur la liberté des fentimens' qu'on doit laiffer aux Philo- » fophes, il ne faut plus rien appréhender fur ce point du cofté de la » confcience ; & on peut fans danger s'infcrire, comme vous dites, contre » rinquifuior. qui a condamné Galilée, fans qu'on bielle le refpecl qu'on » doit à l'Eglife ; mais on peut aulTi s'excufer, comme ie fais, de la » neceffité où ie fuis d'en ufer de la forte, fans fortir du devoir d'un bon » François qui fait profeffion de la Religion Catliolique, dont les loix » m'obligent de condamner ce qu'elle condamne, & d'approuver ce 1) qu'elle approuve. » [Commentaire ou Remarques fur la Méthode de René Defcartes, par L. P. N. 1. P. P. D. L., Vandofme, M.DC.LXX, Reponfe à la Lettre d'un Amy, p. 234-237.

a. Thèse soutenue à La Flèche, séance publique du 23 février 1642 : « Licet fententia Copernici falfa lit & temeraria, non potelt tamen ullis >> popularibus experimentiis fufficienter impugnari. » (Rochemonteix, loc. cit., t. IV, p. 1 14 et p. 367.) de la sentence de l’Inquisition en 1633), à cause d’elle et par sa faute, nous n’avons pas le vrai Descartes. L’effet moral que voulait l’Église fut produit, effet d’intimidation, qui retarda les progrès de la science et de la philosophie. Sans doute, physiquement, on n’avait point fait grand mal à Galilée. Encore fut-il menacé d’être arrêté à Florence et d’être amené à Rome les fers aux pieds ; encore fut-il enfermé dix-huit jours dans un dortoir du Saint-Office, et relâché seulement en considération de sa santé et de son âge ; encore fut-il menacé de la torture (et que l’on songe à l’effet d’une telle menace sur un vieillard de soixante-dix ans et malade)[9] ; encore fut-il condamné ensuite à ne pas s’éloigner de sa maison des champs, lui qui avait plutôt ses habitudes à la ville ; encore fut-il astreint, pour le reste de ses jours, à une pénitence et à une réclusion de moine. À cela près, on ne lui fit point de mal ; seulement on tenta de le déshonorer. Il dut avouer que ce qu’il avait dit et écrit, il ne le pensait pas. Une fois de plus, l’Église manifestait sa puissance par un acte d’autorité que beaucoup de catholiques eux-mêmes considérèrent comme un abus de pouvoir. Elle força la science à se rétracter, à abjurer. Sur un mot d’elle, ce qui devait être la philosophie du siècle, la grande philosophie des temps modernes, s’arrêta court, hésita, et ne reprit sa marche que timidement et en se détournant quelque peu de sa route.

L’avenir, certes, était à elle, et Descartes saura bien trouver un biais pour présenter ses idées, de façon à ne pas inquiéter les consciences. Mais ce sera toujours un biais. Sa philosophie en sera gênée dans ses libres démarches ; elle s’embarrassera peut-être d’un bagage métaphysique dont elle se fût volontiers allégée, et elle s’engagera, pour la physique, dans un détour qui n’est plus le grand chemin où elle allait d’abord droit devant soi. Lui qui s’était contenté, en 1629, d’un « petit traité de métaphysique », courte introduction à sa physique, l’aurait-il repris, comme il fît en 1640, en le grossissant ensuite de tant d’objections et de réponses, et en se gardant bien surtout de dire que ce n’était que le fondement de sa physique, rien autre chose, s’il n’avait point voulu se concilier les théologiens en leur donnant d’abord une sorte de théologie naturelle, et en les désarmant ainsi par avance pour le jour où il publiera sa physique ? Et celle-ci même, ne lui fera-t-il pas subir des remaniements, en y accolant des hypothèses nouvelles, une surtout, qui rappellera Tycho-Brahé plutôt que Copernic, sorte de compromis imaginé après coup pour la rendre moins suspecte ? La philosophie de Descartes restera donc, du fait de la condamnation de Galilée, non point faussée, certes, mais tout de même déviée, poussée hors de la voie où elle s’avançait d’abord d’une si franche allure et avec une si fière indépendance.


  1. Syjlema cofmicum, authore Galil.eo Galil/ei Lynceo, Academiœ Pi/anœ mathematico extr aor dinar io, ferenijjinii Magni-Ducis Hetriiriœ philufopho & mathematico primario : in quo quatuor dialogis, de duobus ma.ximis Mimdi fyflematibus, Ptolemaico & Copernicano, vtriujque rationibus pliilofophicis ac naturalibus indejinite propojitis, differitiir. Ex italicà linguà latine conuerfum. Acceiïit appendix gemina, qua SS. ScripturiE dicla cum terrae mobilitate conciliantur. (Augudoe Treboc. Impcnfis Elzcviriorum, typis Davidis Hautti, i635, in-4, 8 ff. lim., 4g5 pp., 12 H’, n. ch.) Le traducteur est Matthias Berneggerus. L’ouvrage fut imprimé à Strasbourg, mais à la demande et aux frais des Elzeviers.
  2. Nov-antiqtia ſanctiſſimorum Patrum & probatorum Theologorum doctrina, de Sacræ Scripturæ teſtimonijs, in concluſionibus mere naturalibus, quæ ſenſata experientià & neceſſarijs demonſtrationibus evinci poſſunt, temere non uſurpandis. In gratiam Sereniſſirimæ Chriſtinæ Lotharingæ, Magnæ-Ducis Hetruriæ, privatim ante complures annos, italico idiomate conſcripta à Galilæo Galilæo, nobili Florentino, primario Serenitatis ejus philoſopho & mathematico : nunc verò juris publici facta, cum latinà verſione italico textui ſimul adjuncta. (Auguſtæ Treboc. Impenſis Elzeviriorum, typis Davidis Hautti, 1636, in-4, 4 ff. lim 64 pp.) Pièce imprimée aussi à Strasbourg, aux frais des Elzeviers, et qui mettait à la portée du public savant, dans la traduction latine, une lettre privée, écrite d’abord en italien.
  3. Tome X, p. 555 et p. 557.
  4. Voir pour ces deux livres de Morin notre tome I, p. 260 et p. 324. La publication du second fui aussi retardée par celle des Loniiitudes du même auteur. Toutefois, dans la Dédicace à Richelieu, du 24 juin \G’h^, on lit : n…OmifTis iis quœ in mex caufœ gratiam ada lunt Ronut aducr » fus GaliliEum. » Morin rappelle, dans le cours de ce second ouvrage, que Galilée avait eu lui-même connaissance de son premier, avaiu que l’impression ne fût achevée, trop tard cependant pour qu’il put en parler dans ses Dialogues. Il s’étonnait toutefois des raifons astronomiques (ou plutôt astrologiques] que donnait Mon’n pour l’immobilité de la Terre, mais ne disait mot des raisons physiques, en particulier, continue celui-ci, p. 54 : « &potirrimum de meâ demondratione aduerluspi^cipuum » eius lundamentum pro Telluris motu.petitum à caufà Huxùs Oi refluxùs » Oceani. Siquidem Manufcriptum illud cuius memini p. 5y meas Solu » tiùuis [son premier ouvrage, en //>’,’//)erai ipfius Galilu ;  ;, vt iani quoque » patet ex eius Dialogis. Idque mihi quidcm afleucratum luerat à Viro » clariffimo, qui fcriptum illud ex Italie adduxerat ipfunique nuhi com » municauerat ; fed Galihei nomen confuho fubticueram, quod Manu » fcripto non effet appolitum. Galilaei autem libro in lucem cditi>, ab » eoquc ad D. GalTendum hue mili’o iKt mihi oltenfo, vidi niulia d(jcla & » fubtilia, (jalilaei ini^eiiium redolentia. »
  5. J.-.l. Bouchard, un des correspondants de Peiresc, écrivait de Rome. le 18 juin 1633. aux frères du Puy : « … il y a icy un Lincco, à propos de Académiques, qui voit bien plus clair que touts ces gens cy avec fes lunettes d’approciie, qui ne leur ;  ? j ont pas neantmoins fait découvrir dans la Lune les irahil’ons que l’on luy a tramées à Rome, où il a efté appelé par ceux de Tlnquifuion, lefquels l’ont mefme retenu prifonnier quelque huid lire : dix-huit) jours, d’où il eft maintenant dehors. Je le fus voir, l’autre jour, avec M. Doni, & luy leus les louanges que certains maiftres de voftre Académie m’ont efcrites fur fes Dialoghi del FlujDo el Refiuffo. qu’il receut avec un extrême contentement. C’eft le vieillard le plus fage, le plus éloquent & le plus vénérable que j’aye jamais veu, & qui a en fa façon & en fes termes je ne fçay quoi’de ces Philofophes anciens : auffi chés luy fe fait le cercle di tutti i virtuoji di lioma. » En marge du MS., Bibliothèque Mé)anes à Aix, Corresp. de Peiresc, t. II, f » 410 : « ce Linceo n’eft autre que l’illuflre Galilei, alors âgé de 74 ans i>. {Les Correspondants de Peiresc, p. p. Tamizey de Larroque, Paris, A. Picard, 1881 : Jean— Jacques Bouchard, \). 58-9.)
  6. Tome I, p. 288 et p. 290-291.
  7. Les Mechaniques de Galilée, Mathématicien & Ingénieur du Duc de Florence. Avec plufieurs additions rares & nouuelles, vtiles aux Architectes, Ingénieurs, Fonteniers, PhiloTophes, & Artifans. Traduites de l’Italien par L. P. M. M. \ Paris, chez Henry Guenon, rué S. lacques, prés les lacobins, à l’image S. Bernard. M. DC. XXXIV.) Achevé d’imprimer, 3o juin 1Ô34. — Préface :’i le feray content, fi ie fuis caufe que — le fieur Galilée noL-’S donne toutes fes i’peculattons des mouuemens, & de  » tout ce qui appartient aux Mechaniques ; car ce qui viendra de fa part fera excellent. C’eft pourquoy ie prie ceux qui ont de la correfpondance à Florence, de l’exhorter par lettres à donner au public toutes fes remarques, comme i’efpere qu’il fera, puis qu’il a maintenant le temps, & la commodité très libre dans fa maifon des champs, & qu’il a encor allez de force, quoy qu’il foit plus que feptuai^enaire, pour acheuer toutes fes œuures, comme il alTeure dans une lettre de fa main, que l’on m’a communiquée. »
  8. Quejlions Phyjico— Mathématiques. Et les Mechaniques du fieur Galilée, très excellent Mathématicien, & Ingénieur du Duc de Florence. Avec les Préludes de l’Harmonie vniuerfelle. Vtiles aux Philofophes, aux Médecins, aux Aftrologues, aux Ingénieurs, & aux Mulîciens. Traduites de l’Italien par L. P. M. M. (A Paris, chez Henry Guenon, rue S. lacques prés les lacobins, à l’image S. Bernard. M.DC.XXXV.) A Monlieur Melian, Threforier General de France. Signé : F. M. Merfenc M. (s. d.). Approbation, 20 juin 1634. Signé : Chapelas. Et une autre, à la même date. Signé : F. François de la Neiie, Minime. F. Martin Hérisse, Minime. « Question XXXIV ; Quelles raifons a-t’on pour prouuer é’pour per » fuader le mouuement de la terre, autour de fan axe, dans l’e/pacc de « vingt-quatre heures ? » (Page i58.) Merscnnc conclut « qu’il n’y a point de demonflration naturelle qui » contraigne d’embraffer la Itabilitéou la mobilité de la terre »..(Page 164.) La phrase que nous avons reproduite, se trouve p. 164. Mersunne cite le livre de « Monfieur Morin Profedeur royal » contre ledit mouvement, et ceci, entre autres : « …puis que Dieu a enuoyé fon Fils pour nous » fauuer par fa mort, l’on ne doit pas s’étonner s’il fait rouller les cicux » pour nous, & s’il a créé tout le monde corporel pour l’vfagc « Se pour le » plaifir des hommes ». (Page 161.1’(…Je parleray encore du mouuement de la terre dans la queflion 44 » & 45, qui contiennent l’abrégé des Dialogues que (ialilee a faits dudil » mouuement, pour confirmer les Hypothefes d’Arillarque & de Coper » nie. » (Page 166.) Quellion XLIV : Qui a-il de plus notable dans les Dialogues que
  9. Citons, à ce propos, ce passage d’un livre que Descartes a peut-être eu entre les mains : Curioſitez inouyes de Jacques Gaffarel, public en 1629. (Voir notre tome I, p. 25, l. 13.) Il s’agit du malheureux Campanella, dont il a été question ci-avant, p. 65-66. Gaffarel intitule ainsi le chap. vi, § 13, de son livre : Moyen de cognoiſtre le naturel de quelqu’vn, ſuiuant Campanella, et raconte qu’il a vu le philosophe dans les circonstances suivantes : « …comme i’eſtois à Rome, ayant ſceu qu’on l’y auoit amené, i’eus la curioſité de le viſiter à i’Inquiſition, non ſans beaucoup de peine : m’eſtant donc mis à la compagnie de quelques Abbez, on nous meina à la chambre où il eſtoit, & auſſitoſt qu’il nous apperceut, il vint à nous, & nous pria d’auoir vn peu de patience, qu’il euſt acheué vn billet qu’il eſcriuoit au Cardinal Magalot : nous eſtans aſſis, nous apperceumes qu’il faiſoit fouuent certaines grimaces, qui nous faiſoient iuger qu’elles partoient ou de folie, ou de quelque douleur, que la violence des tourments dont on l’a affligé luy euſt cauſé, ayant le gras des jambes toutes meurtries, & les feſſes preſque ſans chair, la luy ayant arrachée par morceaux, afin de tirer de luy la confeſſion des crimes dont on l’accuſoit… » (Pages 267-268.) Ce n’était d’ailleurs ni l’une ni l’autre de ces deux causes.