Vie et œuvres de Descartes/Livre II/Chapitre II

◄  Chapitre premier Livre II Chapitre III   ►

CHAPITRE II

MÉTAPHYSIQUE

(1629)

��Lorsque Descartes vint s'établir en Hollande, il n'avait pas encore pris parti comme philosophe ". Il ne s'était pas pressé, et Beeckman Ten loue avec raison ; loin d'avoir la hâte de la plupart des novateurs, il laissait ses idées mûrir lentement. Mais le moment venu, le fruit se détachera presque de lui- même. Après une si longue préparation (elle n'avait pas duré moins de neuf années), quelques mois vont lui suffire pour jeter les fondements de sa métaphysique et de sa physique à la fois, en un mot de toute sa philosophie.

Les neuf premiers mois de son séjour dans les Provinces- Unies, c'est-à-dire ceux qu'il passa en Frise % de novembre ou décembre 1628 jusqu'à la fin de septembre 1629, furent employés à écrire un « petit traité de métaphysique ». Ce n'était pas qu'il songeât à une publication immédiate; il voulait

a. Tome VI, p. 3o, 1. 10-14, et p. 28, 1. 24-27.

b. Tome X, p. 332.

c. Tome I, p. 144, I. 8-24; p. 182, 1. 17-22; p. 33o, 1. 19-21. Lettres du i5 avril et du 25 nov. i6?o, et de mars 1637. Descartes arriva à Dor- drecht en octobre 1628, et il était à Amsterdam en oct. 1629. Son séjour à Franeker comprendrait donc les neuf mois de déc. 1628 à sept. 1629. Voir ci-avant, p. 123-124. — Voir aussi t. VI, p. 3i, 1. 1-4 : « Il y a iufte- » ment huit ans. . . » Le Discours de la Méthode, imprimé pour le mois de janvier 1637, fut donc rédigé les derniers mois de i636. Or, de la fin de 1628 à la fin de i636, il y a bien en effet huit ans.

Vie de Descartes. 17

�� � ne publier d’abord que sa physique, et étudier la métaphysique seulement pour lui-même, et comme préparation. La physique sera l’édifice, dont la métaphysique n’est que le fondement, connu d’abord de l’architecte seul, et qui n’a pas besoin d’apparaître aux yeux de tous. Ou pour reprendre une de ses comparaisons[1], la physique est comme le tronc de l’arbre ; les racines correspondent à la métaphysique, et elles restent enfouies comme il convient dans le sol.

Donc l’hiver de 1628-1629, il s’enferme de nouveau dans un poêle, comme il avait fait déjà en 1619. Ce fut certainement l’hiver : car il se représente lui-même assis auprès du feu, en robe de chambre, bien au chaud, et méditant[2] ; s’il regarde au dehors, il ne voit aller et venir sous ses fenêtres que des chapeaux et des manteaux, dit-il, qui cachent les passants, de larges chapeaux de feutre et d’amples manteaux, propres à garantir du froid. Il n’est pas jusqu’à ce morceau de cire, fraîchement tiré de la ruche, qui n’atteste la même saison : c’est à la fin de l’automne qu’on fait la récolte du miel à la campagne, et Descartes avait sans doute un rucher dans son jardin.

Il commence ses méditations exactement par où bon nombre de ses contemporains finissaient. Le scepticisme était pour eux comme un lieu d’arrivée et de repos ; ce fut pour lui le point de départ. Il se range d’abord parmi les sceptiques, et pousse même le scepticisme à ses limites extrêmes : il va aussi loin qu’on peut aller, et ne s’arrête qu’au bord de l’abîme ; mais là, par une volte-face soudaine, il se retourne contre ses compagnons d’un moment, et les met en déroute. Stratagème habile autant que périlleux ; jeu hardi, auquel il se complaît. Jamais partie plus belle n’avait été faite à des adversaires ; toutes les chances de gain, il les met de leur côté, mais pour être plus sûr qu’ils perdront ; en fin de compte, c’est lui qui gagne, et semble-t-il, définitivement. Que l’on fît volontiers profession de scepticisme en France, c’est-à-dire à Paris, de 1620 à 1630 environ, c’est ce que prouve, entre autres, l’in-octavo de 1008 pages, que publia Mersenne en 1625 sous le titre de La Vérité des Sciences contre les Sceptiques. Le premier livre, qui compte à lui seul 122 pages, reprend et énumère les raisons de douter qu’alléguaient les anciens, Sexte, Ænesidème, etc., et toute la lignée de Pyrrhon. Descartes ne dédaigne pas ces vieux arguments, tirés des erreurs des sens ou des illusions de nos songes ; il les ramasse, et les refond, et leur rend la vie. Ce n’est pas contre un vain fantôme du passé qu’il s’escrime ; Charron[3], après Montaigne, avait redonné au scepticisme comme un regain de nouveauté, et on se trouvait en présence d’un ennemi réel, en chair et en os, qui s’élevait contre la philosophie et la science. Mersenne avait cru faire un coup de maître, après avoir attaqué en eux-mêmes les arguments des sceptiques, d’invoquer contre ceux-ci la Vérité des Sciences : il entendait surtout l’Arithmétique et la Géométrie. L’idée était heureuse, et l’avenir la justifiera. Mais Descartes n’estimait pas que les sciences fussent encore assez sûres d’elles-mêmes, ni assez exemptes d’erreurs, pour qu’il pût les opposer victorieusement : tout mathématicien qu’il est (et son aveu n’en a que plus de prix), il ne fait pas difficulté de reconnaître que l’on commet parfois des paralogismes en mathématiques, et il tire de là une nouvelle et plus puissante raison de douter.

Mais peut-être la métaphysique va lui fournir la réfutation décisive du scepticisme ? Pas encore, et c’est même plutôt le contraire. Dès les premiers pas de Descartes dans ce domaine, il en fait surgir une raison suprême, et ce semble, irréfutable, de tout mettre en doute. Il suppose que Dieu lui-même est trompeur, ou pour ne pas blasphémer, qu’un malin génie, presque aussi puissant que Dieu, emploie toute son industrie à nous tromper. Le malin génie ainsi évoqué, ne serait-il point celui que la théologie appelait simplement le Malin, c’est-à-dire Satan en personne, prince des ténèbres, souverain maître d’illusion et d’erreur, à qui Milton fera jouer bientôt dans son poème le rôle que l’on sait ? Ce serait ici comme une dernière réapparition de la fantasmagorie du moyen âge à l’aurore de la philosophie moderne. Le débat s’élève tout à coup, et prend les proportions d’un duel épique entre le bon et le mauvais principe : l’un qui menace de priver l’âme humaine de son bien, qui est la vérité ; et l’autre, qui peut seul lui garantir cette même vérité immuablement[4].

Descartes triomphe, en effet, du malin génie, et de tous les sceptiques avec lui. Qu’il me trompe tant qu’il voudra, déclare-t-il, il ne pourra pas faire qu’en ce moment même je ne pense pas ; et si je pense, je suis. Donc, plus Descartes s’évertue à douter, et plus, par là-même, il fait acte d’un être qui pense, et s’affirme à ce titre comme existant. Ainsi, lorsqu’il semble donner cause gagnée à ses adversaires, en proclamant un scepticisme encore plus radical que le leur, au même moment, par une sorte de mystification, il leur prouve (et par quelle preuve irréfutable !) une chose certaine, la seule même qui soit certaine, à savoir qu’il existe. Pascal aussi plus tard aura de ces coups de génie, dans la polémique : tout paraît perdu, au contraire tout est gagné ; les nuages s’assemblent, les ténèbres s’amoncellent, et soudain jaillit la plus éclatante lumière.

Notons ce trait caractéristique de notre race, que Descartes représente si hautement. Il affirme son existence, mais comment ? Par la pensée. Il existe parce qu’il pense, et non parce qu’il a un corps, et qu’il se meut, et qu’il agit extérieurement. La fonction propre de la France, et sa tâche dans le monde, n’est-elle pas la pensée ? Notons cet autre trait, caractéristique encore : la croyance que l’homme est libre, et l’usage qu’il fait de cette liberté. Là-dessus Descartes ne craint pas d’outrer sa doctrine : il revendique la liberté pour l’homme comme un privilège et presque un attribut divin, comme sa principale ressemblance avec Dieu[5]. Le sentiment intérieur que nous en avons, suffît à le prouver ; c’est même la seule preuve que Descartes en donne. Ne soyez pas libre, si bon vous semble, dira-t-il plus tard assez cavalièrement a Gassend : ce n’est pas cela qui m’empêchera de me croire libre et de l’être, ainsi que tous ceux qui voudront bien comme moi en faire l’expérience[6]. C’est parce qu’il est libre, qu’il a pu douter comme il a fait, et qu’il pourra toujours suspendre son jugement, et se préserver ainsi de l’erreur. La liberté humaine, s’opposant à un Dieu qu’on imagine trompeur, et refusant de se laisser tromper par lui, l’emporte sur ce Dieu lui-même ; la résistance à l’erreur, quand on le veut bien, est invincible.

Que faire maintenant de cette vérité unique : l’existence de notre pensée ? Qu’est-ce que cette pensée, et peut-elle avoir confiance en elle-même ? Elle est certaine de sa propre existence, et aussi que des idées existent en elle. Mais quelle est la valeur de ces idées, même claires et distinctes ? La supposition d’un malin génie, auteur de notre être, subsiste toujours : il ne peut pas nous empêcher d’être certains de notre M 4 Vie de Descartes.

existence, en tant qu'êtres pensants; mais il ne nous permet aucune autre certitude. La première démarche de notre pensée sera donc de nous délivrer d'une telle obsession, et pour cela, de prouver l'existence d'un Dieu de vérité, cause de notre pensée et de tout notre être pensant.

Les preuves de Dieu ne manquaient certes pas dans les écrits du temps*, soit les traités de philosophie aux mains des écoliers, soit les ouvrages des hommes de lettres aux mains des gens du monde. Elles étaient étiquetées et cataloguées avec indica- tion de leur provenance : preuves de saint Thomas, preuves de saint Anselme, etc., et on n'aurait point de peine à trouver une ressemblance entre ces preuves en quelque sorte consacrées et les arguments dont Descartes a fait choix. Toutefois notre philosophe avait pris une attitude singulière, et qui lui rendait plus difficile qu'à tout autre, de prouver Dieu, Avec son doute hyperbolique, ni le ciel ni la terre n'existe encore pour lui, ni rien ni personne au monde, en dehors de sa propre pensée. Il en est réduit à celle-ci seulement ; et encore quelle pensée ! Elle existe bien; mais son existence est la seule chose dont . elle soit assurée. Pour tout le reste, elle est incertaine, elle

a. Mersenne disait en i623 : « Toletus probat animae immortalitatem » 60 ratlonibus. » [Quœftiones celeberrimœ in Genejim,p. 3^6-3y-.)

b Voir Eustache de Saint-Paul, « le Feuillant », Summa Philofophiee, 2« édit., 161 1 : Metaphyfica, Pars IV :

« . . .Triplex eft via cognofcendi Deum naturaliter ex D. Dyonifio :

» Prima caujalicatis , cùm ab ipûs rébus effeftis ad primam caufam » omnium effeclricem progredimur. »

« Secunda eminentice, cùm quicquid perfectionis eft in rébus creatis, » Deo qui eminenter omnia continet, attribuimus. »

« Tertia remotionv:, cùm quicijuid imperfeitionis eft in Creaturis à Deo » remouemus. » (Pag. ii4.)

Et Mersenne encore, Impieté des Deijles refutée, 1624 :

« Le Theol. Nous ne manquons d'autres raifons pour conuaincre les » Athées, telles que font celles qui font prifes de cet Axiome : tout ce qui » fe meut, efi meu par quelquvn ; ou tout ce qui eft, a eftre d'vn autre, » qui ne reçoit Jon eftre d'atileurs, excepté Dieu qui a fon eftre de Joy- » mefme. Mais ie me contente de les auoir déduites en la I queftion fur » la Genefe... » (Tome I. p. m.)

�� � Métaphysique. i j 5

hésite, elle ne peut faire un pas sans broncher ; elle semble condamnée pour toujours à l'immobilité absolue. Or c'est de cette infirmité même, que Descartes fera sortir la plus auda- cieuse et cependant, selon lui, la plus certaine des affirmations. Et remarquons-le, ce sont toujours les armes des sceptiques qu'il retourne contre eux ; leur propre thèse va fonder la sienne inébranlablement. Plus notre pensée doute, plus elle fait preuve d'imperfection. Or l'imperfection ne saurait être jugée telle que par rapport à la perfection, dont nous avors donc l'idée. Le philosophe transporte ici dans le monde intel- lectuel ce qui est bien connu des mystiques dans le monde moral : là, plus une âme place haut son idéal, plus elle se sent éloignée de lui; les plus parfaits sont précisément ceux qui se jugent les plus imparfaits. Considérées comme deux idées, perfection et imperfection sont corrélatives, et croissent en raison directe l'une de l'autre. Mais l'idée de la perfection ne pouvant pas venir de l'imperfection, il faut bien qu'elle vienne d'un être parfait : par conséquent celui-ci existe. Je pense, donc je suis, avait dit Descartes. Vérité unique, qui renferme deux parties. La preuve bifurque donc. D'une part, notre pensée {je pense), qui jusqu'alors n'a fait que douter, c'est-à- dire témoigner de son imperfection par rapport à la perfection, par là même prouvait Dieu. Et d'autre part, notre existence (je suis), c'est-à-dire notre existence d'être pensant, en qui se trouve ridée du parfait, ne s explique aussi que par l'existence de cet être parfait ^

Le fond de cette double argumentation se retrouverait chez saint Thomas et chez Aristote ; mais Descartes l'a transformée en l'adaptant à ses méditations. On raisonnait sur les causes secondes, dont la chaîne ne saurait remonter à l'infini ^ : causes

a. Tome VI, p. 33, J. 26, a p. 36, 1. 3.

b. EusTACHE DE Saint-Paul, Sutnma Philo/ophice. Metaphyjica. Quœjîio 2 : Virùm Deum effe demonjlrari pojftt & quomodo ?

■ <■ Secunda affertio. Deum effe à pojleriori demonftrari poffe, ita cer-

�� � ij6 Vie de Descartes.

du mouvement, de l'être, de la perfection même ; on raison- nait sur le contingent et sur le nécessaire, lequel était la cause première; et on ne distinguait pas entre le dedans et le dehors, les choses et l'esprit. Avec notre philosophe, il ne s'agit plus que de la pensée dans l'exercice raisonné de ses fonctions, dont

» tum eit apud Theologos, vt ipfum negare non folùm temerarium, fed » etiam parùm tutum in fide lit. . . »

a Sunt autem quinque potiflîmùm rationes (vt alias minus prœcipuas » praetermittamus), quibus Deum elTe ^ 27o/?er iorj demonftrari pofle docet » S. Tho. I. p. q. 2. art. 3. »

« Prima ducitur ex motu. Cùm enim quicquid mouetur, ab alio » moueatur, quod & ipfum moueri neceffe fit, idque ab alio : nec fas fit » in infinitum progredi, quia fie | non effet primum mouens : neceffe eft » deuenire ad aliquod primum mouens, quod caetera moueat, immotum : » quod Deus eft. »

« Secunda fumitur ex ratione caufœ efficientis. Ordo quidam eft cau- » l'arum efficientium, ita vt primum fit caufa medii, & médium vltimi : » quo fit vt fublato primo non fit médium nec vltimum : quod cùm fit » ablurdum, neceire eft in génère caufarum efficientium dari primum, » quod eft Deus optimus maximus. »

Tertia ex pojjibili & necejfario. Cùm enim ea quae lunt poffibilia non » lint neceffariè, & tamen effe poftînt : débet admitti ens aliquod neceffa- » rium, per quod ea quae funt poflîibilia, cùm non eftent, caeperint eftè : » quod quidem ens neceffarium fit caufa fuae neceflTitatis, ne detur pro- » ceflus in infinitum. »

« Quarta ex gradibus perfeâionum. Cùm enim detur in rébus creatis » magis & minus bonum, verum, nobile : débet efl'e aliquid optimum, » veriiïimum, nobilifiimum, quod fit menfura bonitatis, veritatis & nobi- » litatis cœterorum omnium, ac proinde quod fit fummè ac infinité ens, » ideoque caeterorum omnium entium caufa : quod eft Deus optimus » maximus. >>

« Quinta ex gubernatione rerum. Cùm enim res omnes naturales » etiam omnis cognitionis expertes propter finem operentur, nec fe ad » illum dirigere valeant, & tamen ab illo minime aberrent : necefte eft » vt fit aliquod fuprcmum intelligens, quod illas omnes ad fuum finem » dirigat. »

« Caiterum, quia prima ratio nititur axiomatc, iuxta Ariftotelis dogma >> quidem indubitato, fed tamen abfolute dubio, & fortaffe minus | pro- » babili : polVet loco iftius prima; rationis qua; aftertur à D. Tho. ifta » fupponi : nempe, Nihil habet effe à fe, fed ab alio : quare ne detur » progreffus in infinitum, dandum aliquid eft quod à nullo alio, fed à » feipfo habeat effe, ac proinde fit naturâ fuâ increatum & aeternum : » quod eft Deus. » (Pag. ri5-ii7, 2' édit,, i6ii.)

�� � la première est de douter. Par une sorte de gageure insensée, tant elle semble paradoxale, ce doute seul suffit à prouver et notre âme et Dieu.

Puis le mathématicien reparaît[7]. Les manuels de philosophie enseignaient que Dieu ne se démontre pas à priori, mais à posteriori seulement : par les effets, et non par la cause. Saint Anselme cependant avait tenté une démonstration à priori, et Mersenne la rapporte tout au long, en 1624, comme la « huitième » preuve de l’existence de Dieu, dans son Impiété des Déistes réfutée et renversée[8]. Descartes la reprend à son tour, mais en lui donnant encore une forme nouvelle. Il en fait ressortir le caractère à priori, et la compare à ce point de vue aux démonstrations mathématiques : de part et d’autre, l’évidence est égale, ou plutôt, n’en déplaise aux mathématiciens, elle est plus forte dans la démonstration métaphysique. La seule idée de l’être parfait implique l’existence de cet être, comme l’idée du triangle, par exemple, implique l’égalité des trois angles et de deux droits. Cette démonstration, donnée d’abord comme la troisième par notre philosophe, deviendra pour lui la première, celle qui doit passer avant les deux autres. Et en effet, la perfection emporte d’abord sa propre existence, ou l’existence de l’être parfait ; par là s’explique ensuite l’existence d’êtres imparfaits, qui ne se jugent tels que parce qu’ils ont l’idée de la perfection. La critique pourra s’exercer sur ces démonstrations, et en contester la valeur absolue. Elle ne saurait méconnaître, au moins, cette double affirmation absolue, de la pensée et de la perfection, qui est comme le premier et le dernier mot de Descartes ; ce sera toujours, dans la philosophie française, l’idée dominante ; bientôt même elle pénétrera dans le domaine politique et social, sous le nom de perfectionnement et de progrès.

Sans approfondir les attributs divins (Descartes a autre chose à faire), il expose cependant ses idées sur l’entendement et sur la volonté en Dieu. On ne conteste pas que l’entendement divin soit infini ; mais la volonté divine est infinie également, ou plutôt la liberté en Dieu est infinie. Ne l’est-elle pas aussi en l’homme ? Du moins Descartes l’affirmera toujours envers et contre tous : à plus forte raison doit-elle l’être en Dieu. C’est là un dogme de sa métaphysique, et il était bien aise de se rencontrer là-dessus avec des théologiens d’une orthodoxie éprouvée. Si Dieu n’est pas libre, en effet, il agit MÉTAPHYSIQT'E. I }C)

nécessairement; et on voit combien une telle doctrine est dan- gereuse. Non seulement Dieu se trouve assujetti au Styx ou au Fatum, comme un Saturne ou un Jupiter antique* ; mais le philosophe moderne, qui soutient pareille thèse, risque d'être confondu avec Jordano Bruno, qui enseignait l'infinité des mondes. Cette infinité est, en eflret, conçue par l'entende- ment infini de Dieu ; elle est donc réalisée nécessairement par sa puissance ou sa volonté infinie également. A quoi les théologiens n'avaient rien à répondre, sinon : que la liberté divine tempère cette infinie puissance, et la restreint à la création de ce monde seulement. C'est la réponse de Mersenne à Jordano Bruno, dans V Impiété des Déistes ren- versée^, et Descartes sera pleinement d'accord là-dessus avec Mersenne.

Le dogme de la création devient, par cette doctrine de la liberté divine, un dogme philosophique. Descartes l'étend à

a. Tome I, p. 147. 1. 7 ; p. 149, 1. 2 i ; et p. i5i-i53.

b. « . . .Bien que les fens ne fe portent que iufques aux eftoiles, neant- » moins la raifon nous monftre, difoit-il, qu'il y a vn efpace infiny hors la » conuexité du premier mobile, lequel a vne aptitude & capacité infinie » de contenir, puis que la caufe efficiente a vne puiffance infinie. » — A quoi le Théologien répond : « C'eft fort mal raifonné de conclurre vn » effet infiny d'vne caufe infinie, lors que la caufe n'agit pas neceffaire- » ment, mais librement. . . » (P. 283-284.)

« ...Si loft... qu'il eut apperceu que ie voulois conclurre que le » monde eft finy (car bien que Dieu ait vne puiffance de créer infinie, » neantmoins quant à l'effet il l'a tempérée par fa volonté, & l'a reftrainie » à la produiflion de ce monde feul, car il en pouuoit créer vne infinité) : » il refpondit incontinent que mal à propos la diuine volonté eft fuppofee » régler, modifier, & déterminer la puiffance diuine, & que de cette » maxime fuiuent infinies abfurditez en la Philofophie; & mefme que les » Théologiens n'admettront iamais qu'vn attribut dépende de l'autre. . . » [Impieté des Deijles renuerjee, 1624, t. II, p. 289-290.)

« ...C'eft lordan Brun qui a donné fujet à quantité d'efprits foibles & » légers, dans fon traité del infinito vniuerfo, de croire que le monde » eftoii infiny, ou qu'il y auoit vne infinité de mondes dans cet Vnruers, » parce qu'il penfoit, ou du moins s'eft efforcé de perfuader par quelques » paralogifmes, que Dieu agiffoit neceffairement; mais ce fondement » eftant très-faux, toutes les imaginations phantafques s'en vont par » terre. . . » (Page 299-300.1

�� � tout, jusqu’aux vérités éternelles, lesquelles sont créées librement par Dieu, mais une fois pour toutes, et demeureront éternellement ’. Il l’étend, ce dogme, jusqu’à Dieu, cause de tout le reste et de soi : Dieu crée tout, et se crée lui-même. On en vient à de telles témérités de langage, lorsqu’on transporte la création dans l’absolu.

Hâtons-nous de reprendre pied dans le monde réel de l’étendue, de la figure et du mouvement. Les vérités éternelles sont les lois de ce monde, et ce sont en même temps les principes des mathématiques. C’est à cela, en définitive, que Descartes voulait aboutir au terme de sa métaphysique. Que doit être désormais la physique? Une dépendance des mathématiques. Les choses sensibles ne paraissaient offrir, après l’examen qu’en avaient fait les sceptiques, que matière à incertitude et erreur. Tout n’est point cependant à rejeter en elles, et il n’est que de faire le départ entre ce qui peut devenir objet de science et le reste. Descartes examine, par exemple, un morceau de cire*" : il le dépouille, une à une, de toutes les qualités qui n’offrent pas à l’esprit la clarté et la distinction requises pour la connaissance scientifique : quelque chose subsiste toutefois, qui présente ces caractères d’être étendu, figuré, et capable de mouvement : tels les objets étudiés par les mathématiciens. Ou bien encore (c’est une autre comparaison de Descartes’), il a commencé par vider tout son panier de pommes, parce que bon nombre dans le tas étaient certai-

a. Tome I, p. 145-146, Mersenne disait déjà, Impiété des Deijles, 1624, t. I : « ...La moralité elt prifc du refpefl que nos aftions ont auec la règle de la volonté, laquelle règle eft à noltre égard le diâamen de la raifon; mais en Dieu, c’eft fa volonté mefme, car il n’a autre règle, autre loy, ou obligation que loy mel’me, ii bien que la moralité des allions libres de Dieu, telles que font fa mifericorde, fa charité, & fon » amour cnuers nous, n’elt prife d’aucune loy, que donne rintelleiH diuin à la volonté, mais de la volonté diuine, laquelle eft feule impeccable par nature, d’autant que toute feule elle eft fa règle, & le principe formel de fes aidions morales. » (Page 49.)

b. Tome VII, p. 3o, 1. 8.

c. Ibid., p. 5 12, 1. 16-21. nement gâtées ; mais d’autres sans doute se trouvent saines, et il s’agit de les démêler. Les choses sensibles ont des parties obscures, confuses, qui échappent aux prises et au regard de la science ; mais aussi des parties claires et distinctes, qui s’offrent presque d’elles-mêmes à la démonstration. Tout ce qui en elles est étendue, figure, mouvement, tout cela, et cela seul, peut être connu scientifiquement, c’est-à-dire mathématiquement. Car la mathématique est la seule science, et elle est toute la science. Avec son besoin de certitude absolue. Descartes n’en admet pas d’autre ; et d’ailleurs elle suffit, puisqu’elle s’attaque dans les objets à ce qui précisément est l’essentiel, et fait abstraction du reste. Que l’essence des choses matérielles soit en effet ceci, on n’en doit pas douter, à moins de supposer Dieu trompeur. Mais tout l’effort de la métaphysique cartésienne a été dirigé, et efficacement, contre cette outrageante supposition.

Si cependant l’on conserve des doutes, si l’on craint que cette essence des choses matérielles ne nous donne pas encore leur existence, ou la réalité du monde sensible, Descartes nous rassure à cet égard[9]. Outre ce monde géométrique, objet de la science, il y a le monde où nous vivons, nous composés d’une âme et d’un corps, monde lumineux et coloré, qui nous donne des sentiments de chaud et de froid, de pesanteur, d’odeur, de saveur, et de son. Tout cela existe, et a son fondement, non plus, il est vrai dans les choses elles-mêmes, et comme des qualités réelles de ces choses, mais en nous, c’est-à-dire dans cet assemblage que forment par leur union notre âme avec notre corps. Et ces sentiments ont leur office propre qui n’est pas de faire connaître à notre esprit le vrai et le faux, en quoi ils ne pourraient que l’égarer, mais d’indiquer à cet assemblage ce qui lui convient ou ne lui convient pas, ce qui lui est bon ou mauvais, utile ou nuisible ; et tout cela se fait suivant des lois, qui ont pour objet la conservation de la vie, lois dont les effets peuvent dans de certains cas donner lieu à erreur, si nous n’y prenons garde, mais dont on ne saurait demander pour cela qu’ils ne se produisent point, puisqu’ils sont des effets de lois naturelles. Les erreurs des sens, pierre d’achoppement tout à l’heure, et encore maintenant objet de scandale, qui semblent accuser Dieu de tromperie ou de mensonge, se trouvent expliquées par là ; et la véracité divine n’a plus besoin de justification.

Nous avons donc comme deux points de vue sur les choses, et la grande affaire est de ne pas les confondre : le point de vue de l’esprit pur d’abord, ou de la pensée, qui est celui des philosophes et des savants, et d’où l’on découvre peu à peu les rouages et les ressorts du mécanisme universel. Puis nous avons encore un autre point de vue, celui de la vie, ou de l’être vivant qu’est l’homme avec ses sensations et ses passions, l’homme complet, âme et corps tout ensemble. A ce monde des sens Descartes ne demande qu’une chose, de ne pas empiéter sur l’autre, qui est le monde intelligible, et de n’y pas introduire ses préjugés ; mais si on le maintient rigoureusement dans les limites et le rôle qu’il lui assigne, et qui est de pourvoir aux besoins de la vie, on ne saurait en méconnaître la parfaite légitimité.

Telle est, autant qu’on peut la reconstruire à l’aide des publications de 1637 et de 1641, la métaphysique de Descartes à la date de 1629. On serait tenté aujourd’hui de la trouver un peu réduite ; elle l’est, en effet, au minimum indispensable. Le philosophe ne s’attarde pas à spéculer longuement sur les principes de l’être et du connaître, et n’étale pas non plus un luxe de preuves en faveur de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme. De telles préoccupations pouvaient dominer chez un religieux comme le P. Mersenne, ou chez l’auteur d’une philosophie chrétienne comme Silhon, dans son livre sur Les deux Vérités. Celui-ci avoue que l’immortalité de l’âme offre encore plus d’intérêt pour lui, que l’existence de Dieu : il cherche, en effet, une règle de la vie présente en vue de la vie future[10]. Mais l’ambition de Descartes est tout autre ; il ne demande à la métaphysique qu’une chose, de fournir un appui solide à la vérité scientifique, et non pas une sanction suprême à la moralité.

On s’étonnera peut-être aujourd’hui, qu’il ait cru nécessaire pour cela de déployer un tel appareil. Certes, les savants n’en auraient que faire désormais : ne trouvent-ils pas dans la science même une suffisante garantie de vérité ? Et à voir d’ailleurs le succès croissant avec lequel, grâce à la science, l’esprit humain s’assujettit la nature, comment douter qu’il ne soit en possession des lois naturelles, dont il reproduit, et dirige, et transforme à son gré les effets ? Les applications heureuses des découvertes scientifiques valent maintenant toute une philosophie de la certitude. Mais on n’en était pas encore là du temps de Descartes ; et surtout son esprit avait des besoins de vérité, et des exigences en fait de démonstration, qui ne pensaient pouvoir se satisfaire que grâce à la métaphysique. Que voulait-il, en effet ? sinon opérer une révolution dans la science de la nature ; substituer à des principes surannés et qui avaient fait leurs preuves d’impuissance, de nouveaux principes, qui promettaient d’être efficaces. Pour cela ne fallait-il pas se prévaloir de Dieu lui-même, et invoquer son autorité absolue ? Les choses sensibles ne paraissaient fournir que matière à erreur ou à suspicion. Les choses intelligibles, au contraire, étaient l’objet de la démonstration et de la certitude. Comment faire pour étendre à celles-là le bénéfice de celles-ci, et annexer en quelque sorte les unes aux autres ? D’un côté, on avait une physique, la physique péripatéticienne, avec des notions obscures et confuses, trompeuses apparences ; et de l’autre, les mathématiques, avec des idées claires et distinctes, partant certaines, mais auxquelles la physique semblait réfractaire. Il fallait briser cette opposition par un coup d’état philosophique, et c’est ce que Descartes a prétendu faire. Jadis Moïse alla chercher le Décalogue au sommet du Sinaï, afin de l’imposer plus sûrement au respect de la foule. Notre philosophe (et l’état des esprits au xviie siècle lui en faisait encore une obligation) crut devoir aussi, pour faire accepter sa réforme, la présenter comme venant d’en haut. Il était parfaitement sincère d’ailleurs, son propre état d’esprit étant à cet égard celui de ses contemporains. Sans aller donc jusqu’à prendre l’attitude d’un prophète inspiré, il se laisse un moment ravir, et cela, non plus comme en novembre 1619 dans le songe plus ou moins trouble d’une nuit de fièvre, mais en pleine lucidité d’esprit, à l’enthousiasme que suscite en lui la contemplation d’un Dieu, foyer de toute lumière et de toute vérité[11].

  1. Tome IX, 2e partie, p. 14, l. 23-31.
  2. Tome VIII, p. 18, l. 22 ; p. 32, l. 6 ; et p. 30, k. 8. Tome VI, p. 31, l. 14, etc.
  3. Mersenne, Impiété des Deistes, 1624 : « …vn tas d’ignorans, » lefquels ayans leu cefte Sagejfe (de Monfieur Charron), s’eftiment plus » habiles que ceux qui ont vfé leur vie à l’eftude des bonnes lettres & à la » contemplation des myfteres diuins. Vous les verriez auec leur modeftie » Académique mettans tout en doute… Pourquoi cela ? Parce qu’ils ont » leu, dedans la Sagejfe de Charron, qu’vne des conditions du fage eft » iuger de tout, & ne s’aheurter ou ne s’attacher à rien : afin que l’efprit » de ces fages demeure indiffèrent, gênerai, & vniuerfel. » (Tome I, p. 200.) Mersenne ajoute, il est vrai, ce correctif : « …il faut auoir » recours à la 2. impreiïion ; car eftant la dernière, & corrigée de fa main, » elle doit eftre tenue pour la meilleure ; or il fait paroillre combien il eft » efloigné du Pyrrhonilme en matière de religion. Voicy fes paroles au » 2 chapitre de l’on Epitome : Cefte liberié, tant au iuger qu au furjeoir, » ne touche point les chofes diuines & furnaturelles. » Tome I, p. 201.)
  4. Tome VI, p. 31-33. Et t. VII, p. 17-23, et surtout p. 22-23.
  5. Tome VII, p. 57, l. 11-27.
  6. Ibid., p. 377, l. 22-28.
  7. Tome VI, p. 36, l. 4-31.
  8. Tome I, chap. v : Dans lequel le Théologien preuue que Dieu eſt, contre les Athees, & Libertins (p. 72) ; chap. vi : Dans lequel on continue à preuuer que Dieu eſt (p. 96). Et Mersenne donne huit raisons, dont la huitième est prise de saint Anselme : « Acheuons ce diſcours par l’autre raiſon tirée de la ſupréme bonté, en nous adreſſant à elle auec S. Anſelme en ſon Proſologe. »

    « O Seigneur, nous croyons que vous eſtes ſi grand, qu’on ne peut rien penſer de plus grand ny de meilleur. Faudra-il dire que telle nature n’eſt point, parce que le fol a dit en ſon intérieur qu’il n’y auoit point de Dieu ? Certainement lors qu’il eſcoute ce que ie dis, lors qu’il m’entend prononcer & aſſeurer qu’il y a vn eſtre ſi bon qu’on ne ſçauroit en conceuoir vn meilleur, il entend quelque chose ſi grand qu’il ne peut y auoir rien de plus grand : or ce qu’il conçoit, eſt en ſon entendement, bien qu’il n’entende pas que cela ſoit reellement & de fait ; car c’eſt autre choſe, qu’on ait cela en l’intellect, & autre choſe, qu’il ſoit en eſtre ; & le Peintre penſant à ce qu’il doit faire, ſçait bien mettre difference entre ce qui eſt à faire, & ce qu’il a deſia fait, & cognoiſt que ce qui eſt à faire, n’eſt pas encore fait. »

    « Le ſol eſt donc conuaincu que du moins il a en ſon entendement vne choſe ſi grande, qu’il ne peut y en auoir de plus grande ; car il m’eſcoute & m’entend, & tout ce qu’il entend, eſt en ſon entendement. Or l’eſtre qui eſt le plus grand de tous ceux qu’on peut conceuoir, ne peut eſtre dedans le ſeul entendement ; car s’il eſt dans le ſeul intellect, on peut conceuoir qu’il eſt reellement & en effect : ce qui eſt plus grand que s’il eſtoit dans le ſeul entendement. D’où il s’enſuit que, ſi cet eſtre par deſſus lequel on n’en peut conceuoir vn plus grand, eſt dans le ſeul entendement, cela meſme qui eſt le meilleur & le plus grand de tout ce qu’on peut conceuoir, fera l’eſtre au delà duquel on en pourra conceuoir vn plus grand : ce qui ne ſe peut dire, ny ne peut eſtre. Il faut donc neceſſairement qu’il y ait vne choſe, non ſeulement en l’intellect, mais reellement & de fait, qui ſoit ſi bonne & ſi excellente, qu’on n’en puiſſe conceuoir vne meilleure, & que vrayement il n’y en puiſſe auoir vne plus excellente : laquelle ſera ce grand Dieu, qui nous a faits & formez à ſon image pour le ſeruir, l’aymer & l’adorer, & pour iouyr de ſa diuine eſſence en la gloire des bien-heureux. » (Page 114-116.)

  9. Tome VII, p. 71-90 : Médit. IV.
  10. Les deux Veritez de Silhon. L’vne de Dieu, & de ſa Prouidence, l’autre de l’Immortalité de l’Ame. Dedié à Monſeigneur de Mets. A Paris, Chez Laurent Sonnius, ruë ſainct Iacques, au Compas d’or. M.DC.XXVI. Approbation de deux docteurs (Petrus Coppin, et Jacobus Durand), Paris, 12 juillet 1626. Privilége du roi, 14 juillet 1626 : « Il eſt permis à Iean de Silhon… » Petit in-8, 536 pages.

    Auertiſſement au Lecteur : « I’ay à t’aduertir que ces diſcours que ie te preſente ſont des fruits d’vne ſolitude dans laquelle ie m’eſtois reduit, comme ceux qui, pour ſe garantir de la tourmente, gaignent vn bord deſert & rude… » (Ne croirait-on pas entendre Descartes ?)

    « …Sçache, Lecteur, que c’eſt vn erreur en ce temps de croire qu’il vaut mieux taire les raiſons des Athees pour ne les donner à connoiſtre, que de les eſuenter pour les combattre : elles ſont ſi communes & le mal s’eſt rendu ſi vniuerſel, qu’il n’eſt plus queſtion de le cacher, mais de trauailler aux remedes & preſeruatits. »

    « …Pour ce qui eſt de l’Immortalité de l’ame, ie me flatte fort ſi elle n’y eſt mieux eſclaircie qu’autre part, & auec vne particuliere lumiere. C’eſt pourquoy ie te ſupplie de ne point lire le premier traitté, ou de prendre la peine de lire le ſecond, autrement tu me ferois tort ; car il faut que ie te die que… i’ay plus d’inclination pour le fécond traicté, pour y auoir plus contribué du mien, & pource que mes conceptions ont moins rencontré auec celles des autres… »

  11. Tome VII, p. 52, l. 10-20. Pour cette phrase, unique dans ses écrits. Descartes sera plus tard noté par Voët comme un « enthousiaste », autant dire un « illuminé » : ce qui était peut-être, de la part d’un théologien, la pire accusation. (Tome VIII, 2e partie, p. 171-172.)