Vie et œuvres de Descartes/Appendice

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APPENDICE

I.
Lieu de naissance.
Page 6, note a.


Pierre Borel, qui avait fait naître d’abord Descartes à Châtellerault, se corrige ainsi lui-même à la fin de son opuscule : « Addendum cenſuimus circa patriam Carteſij, quôd quidam exiſtimant non in ipſo Caſtro Eraldi natum fuiſſe, ſed Hagæ Turonum iuxta Caſtrum illud. » (Carteſi Vita, 1656, pag. 43.)

Châtellerault reste la ville natale du père de notre philosophe, Joachim Descartes, dont l’acte de baptême (et aussi de naissance), à la date du « jeudy, 2Me jour de Decembre 1563 », a été publié pour la première fois par Alfred Barbier, en addition (p. 202) à son volume sur Les Origines Châtelleraudaises de la Famille Descartes. (Poitiers, 1897, in-8, pp. 202.)

À son retour d’Italie, Descartes vint un moment à Châtellerault. Une procuration, donnée par lui à Jehan Coutant, est datée de là, le 27 juillet 1625. (A. Barbier, loc. cit., p. 166.) Notons les termes employés : « René Deſcartes, eſcuier, ſieur du Perron, eſtant & demourant de preſent en ceſte ville de Chaſtellerault, logé au logis de Sainct André. » Et plus loin : « faict & paſſé aud. Chaftellerault, en l’hoſtellerie où pend pour enſeigne Sainct André. » Descartes n’était donc point descendu dans la maison de son père (laquelle était peut-être louée à une autre famille). Le 12 août suivant, Coutant loua, pour cinq années, à deux fermiers diverses maisons et métairies de René Descartes. Celui-ci était sans doute reparti déjà. Mais le 24 juillet, il était déjà probablement arrivé : il conviendrait donc de dater la lettre mentionnée au t. I, p. 4-5, le 24 juillet 1625, non pas de Poitiers, mais de Châtellerault.

Ajoutons que Barbier, dans le même ouvrage, pp. 50, 51 et 58, donne le fac-simile de trois actes de baptême, portant les signatures de Joachim Descartes le père (22 févr. 1577), de son fils aîné Pierre (26 déc. 1620), et du cadet René (21 mai 1616). Les trois fois, le nom de famille est écrit en deux mots bien distincts et séparés l’un de l’autre : Des Cartes.

II.
Gassendi ou Gassend ?
Page 85, note a.

« Tel fut Pierre Gassend ou Gassendi. Gassend étoit son véritable nom. Bouche a mis à la tête de son Histoire de Provence une de ses lettres où il signe Gassend ; il n’en prend point d’autre dans ses Lettres Françoises manuscrites, qui sont dans la Bibliothèque de M. le Président Thomassin de Mazaugues, Il traduit son nom par Gassendus ; il l’eût traduit Gassendius, s’il se fût appelé Gassendi. » Note à la page 2 de l’ouvrage suivant : Vie de Pierre Gassendi, Prévôt de l’Église de Digne & Professeur de Mathématiques au Collège Royal. (A Paris, de l’Imprimerie de Jacques Vincent, rue et vis-à-vis l’Église de S. Severin, à l’Ange. MDCCXXXVII, in-12, pp. 486. Approbation, 13 déc. 1735. Permission du Roy, 17 may 1736 : « un manuscrit qui a pour titre : Vie de Pierre Gassendi, par le P. B… » Cette initiale désigne le P. Bougerel.

III.
Descartes a La Flèche.
(1606-1614.)

Descartes déclare lui-même, t. IV, p. 122, l. 9-10, qu’il a demeuré à La Flèche « huit ou neuf ans de suite en sa jeunesse » ; et son biographe Baillet fixe cette durée de ses études, de Pâques 1604 jusqu’aux vacances de 1612.

Mais Descartes fait ailleurs cette autre déclaration, t. IV, p. 160-161, à propos d’un Jésuite dont il était parent, le P. Charlet : « Je Appendice. ^65

» lui suis obligé de l'inftitution de toute ma jeunelîe, dont il a eu » la direftion huit ans durant, pendant que j'étois à La Flèche, où » il étoit redeur. » Or nous avons, dans l'ouvrage de Rochemonteix, Le Collège Henri IV de La Flèche (Le Mans, 1889), la liste des recteurs, t. I, p. 210 : Pierre Barny, i 603-1604; Jean Chastellier, 1604- 1606; Etienne Charlet, i 606-1 61 6, etc. Rochemonteix dit même ailleurs, t. IV, p. 52, que le P. Chastellier ne quitta La Flèche qu' « au milieu de l'année 1607 »; mais peut-être était-il resté quelque temps pour mettre son successeur au courant ; en tout cas celui-ci, le P. Charlet, se trouvait encore à Paris, comme prédicateur à la maison professe, en 1 606 [Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. II, 1891, col. 1074.). Donc, pour avoir été huit ans^ou^ la direction du P. Charlet recteur de La Flèche, il faut que Descartes soit demeuré au collège de i6o6 à 1614 (sinon même de 1607 a i6i5).

Cette date de 1614, pour sa sortie du collège, concorde bien avec un texte que nous avons rapporté ci-avant, p. 237, note c. Descartes rappelle au P. Noël, en juin 1637, que celui-ci a été son maître à La Flèche, « il y a vingt-trois ou vingt-quatre ans » ; mettons vingt-trois ans, et nous retombons juste à l'année 1614. D'autres difficultés encore disparaissent, que nous avions signalées, p. 35-40.

Enfin la précocité du jeune Descartes comme mathématicien, qui étonnait et embarrassait ses maîtres au collège, p. 24-25, surprend moins en 1614, lorsqu'il avait de dix-huit à dix-neuf ans, qu'en 16 12, où il n'avait que de seize à dix-sept ans seulement. Et la suite s'explique mieux aussi : sorti du collège aux vacances de 1614, Descartes fit ses études de droit les deux années 1614-1615 et i6i5- 1616, jusqu'à ses examens de baccalauréat et de licence, les 9 et 10 novembre 1616 (voir pp. 39, 40, et 272-273, note); puis il passa deux années peut-être à Paris, plus sûrement en Bretagne dans sa famille, puisqu'il était à Chavagne-en-Sucé, près de Nantes, en octobre et décembre i6r7; il partit pour la Hollande en 1618.

Toutefois, il serait bon de retrouver le curriculum, année par année, de deux autres Jésuites, dont Descartes eut l'un, le P. Noël, comme repetitor philosophia^ (Kochemonte'w, toc. cit., t. IV, p. 57), et l'autre, le P. Dinet, comme préfet des études (t. III, p. 468, 1. 9-11).

�� � ^66 Vie de Descartes.

��IV.

Premier séjour a Leyde. Page 124, note c

L'inscription de Descartes comme étudiant est ici donnée en abrégé, telle qu'elle se trouve dans VAlbum imprimé. La voici complétée d'après le Registre MS. :

Renatus De/cartes Piâo, Jludiofus mathe/eos, annos natus XXIll. Bij Cornelis Heymenff. van Dam.

Ces derniers mots donnent l'adresse de Descartes {bij veut dire demeurant che^), et -semblent indiquer qu'il habitait Leyde à ce moment. Quant à la date, elle est bien : Die 57 Jtm. i63o. On a cru pouvoir lire Ja7i., ce qui se rapporterait mieux à l'âge indiqué : en janvier i63o, Descartes n'était encore que dans sa trente-troisième année, et en juin il était dans sa trente-quatrième. Mais les étudiants se suivent, sur le Registre, dans l'ordre chro- nologique de leur inscription, et on est bien au mois de juin. Par contre, la date 27 pourrait se lire 28 ou même 29. (Rensei- gnements dus à Cornelis de Waard, de Middelbourg, et à P. C. Molhuysen, de Leyde.)

��V.

Le p. François Véron. Page 237 et page 23.

Voici un curieux document sur cet ancien professeur de philo- sophie de Descartes au collège de La Flèche. On y remarquera deux choses : d'abord,_ le titre de son ouvrage. Méthode de Controverse, comme si le maître, aussi bien que plus tard l'élève, était surtout préoccupé de la question de la Méthode; en outre, il est fait mention d'un livre imprimé à La Rochelle en 1637, et qui n'était que la reproduction de l'ouvrage de Véron : ne serait-ce point là l'écrit, précisément « imprimé à La Rochelle », que Descartes mentionne dans une lettre à Mersenne, du Si déc. 1640 (t. III, p. 275, 1. 19) ? Il aurait donc continué à s'intéresser aux

�� � Appendice. * ^6j

publications de son incien maître. (Mais ce n'est là toutefois qu'une conjecture.)

Le P. François Véron, dans sa Méthode de Controverse, à la fin de la troisième partie, édition de i638, parle de vingt et une éditions de cette Méthode, dont la première à Amiens en i6i5. « ...Cefte 21, en la prefente année lôSy, eft auec fa dernière per- » feftion, augmeptée de plus des deux tiers... Outre dix ou douze » imprelTions en diuers petits Racourcis : & fans compter dix » imprelTions en dix ou douze iours... que ie fis pourmener par » tout Paris il y a 17 ans... Bref, i'en ay remply la France... w.Plufieurs ont fait diuers extraits de cette Méthode... Et nouuel- » lement le P. Vidorin, Recollecl, a remply de ce mien dernier » volume un Traité par luy intitulé : Des Motifs qui obligent ceux » de la Religion prétendue Reformée à fortir de leur Eglife & à » retourner dans celle de leurs ancejîres; auec un Deffi charitable » fur ce fuiet prefente aux Miniftres, (imprimé à La Rochelle, » 1637), auquel il cite, en fon Motif 1 1 , p. i3o, le traitté 8 de ce » Tome in-folio. L'approbation de ces Motifs eft dattée du » 14 d'Aouft 1637 à La Rochelle, et l'Epiftre Dedicatoire, du M 3i May 1637. Et l'Approbation du mien eft du 9 d'Aouft à » Paris. Mais cela vient de ce que i'auois enuoyé audit P. Vifto- » rin, à fon inftante prière, mon Volume bien qu'imparfait, » quatre moys au plus auant qu'il fuft acheué d'imprimer. Il » m'a prié, par lettre receuë ce moys de Septembre, de luy enuoyer » l'accomplilfement : ce que ie feray au plus toft. » {Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, nouv. édit. par Carlos Sommervogel, Strasbourgeois, t. VIII, 1898, p. 6o5-6o6.)

��VI.

Alphonse de Pollot. Page 116 et pages 408-409.

Nous donnerons ici, avec quelques détails, les renseignements sur Pollot, résumés dans ces deux passages. Ils sont tirés des documents possédés par Eugène de Budé à Genève, et obligeam- ment mis par lui à notre disposition.

La famille Pollot était originaire de Dronier (en italien : Dro- nero), dans le marquisat de Saluées, en Piémont. Le père, Marc- .\ntoine Pollot, était déjà mort, lorsque sa femme, Bernardine

�� � 568 Vie de Descartes.

Biandra, restée veuve avec sept enfants (et non pas cinq, comme nous avions dit), dut se réfugier à Genève, où déjà elle avait une sœur mariée. « La rude perfecution l'ayant faite fortir du Mar- » quifat de Saluffe en l'année mil fix cent vint, auec ces {sic pro fes) » trois fils, les Nobles Vincent & Alphonfe & Jean Baptifte » Pollots, & D"' Dilia {sic pro Délia) fa fille, fort à la hâte, ils » ne peurent point vendre de leurs terres : il eftoit défendu d'en » acheter, & des fauoris du prince {le duc de Savoie) s'en mirent » en poffeffion. » Elle laissa derrière elle une fille, Camille, mariée à Jean Girard, et qui plus tard, devenue veuve, vint aussi à Genève rejoindre sa famille,- sans pouvoir toutefois retirer du Piémont une enfant qu'elle avait, Lucie Girard ; l'aîné de la famille, Vincent, dut aller lui-même en Piémont, « par un mouve- » ment de charité », pour ramener cette nièce orpheline et la tirer de l'idolâtrie. « Et quelque fomme d'argent que lad. Dame de » PoUot retira de Piedmont, qui étoit vint ou vint cinq mille » livres, elle s'en feruit pour l'éducation de ces fils, leur ayant » fait aprendre les exercices neceffaires, & auffi pour fournir aux » frais du mariage de D"^ Délia fa fille, qu'elle maria avec M Bar- » telemy Michely. Apres que ces fils eurent demeuré quelques » années dans Genève, il {ou elle ?) enuoya les deux cadets en » Hollande. Il faut de l'argent pour le voyage & pour fe mettre » en état d'entrer dans un lieu. Ils eurent du bonheur que le )) Prince Frederic-Henry, de glorieufe mémoire, les reçut fort » fauorablement. »

Jean-Baptiste devint Gentilhomme de la Chambre de Son Altesse {Edelman van de Camer van Sijn Hoochheijt), le 24 dé- cembre 1637. C'est le titre qu'on lui donne, et même « Premier » Gentilhomme», ainsi que celui de « Capitaine en Ollande », dans une pièce de vers sur son décès (analogue à cette autre pièce que nous avons citée, t. III, p. 280-281). Car il mourut à La Haye, le 14 janvier 1641.

Cette mort explique que, dans le testament de leur mère, Bernardine Biandra, fait à Genève, le 12 nov. 1641, et déposé chez un notaire par elle-même, le 28 déc. suivant, il ne soit plus question que de deux fils : « le laiffe & conftitue » héritiers particuliers & uniuerfels, mes deux fils, Vincent & » Alfonce de Pollot, chafcun pour fa moitié, tant pour ce qu'ils » portent le nom de la maifon, comme pour les affiflances qu'ils » m'ont en tous tems doné, & defpences qu'ils ont fait en ma » longue maladie de ma cheute, en diuerfes mes autres occafions

�� � Appendice. 569

» & voyages, comme auflî parce qu'eftans hors de leur maifon & » patrie pour fuiure la vraye religion & le S' Evangile de N. S. Jefus » Chrift, ils ne iouilFent pas de tous les biens de leur maifon... » Elle demande, en terminant, que, « après fon deces le prefent ade » ne foit point ouvert que, au préalable, que (sic) Monfieur Alfonce » Pollot qui eft à prefent en Olendre (sic, pro Hollande) ne foit icy » prefent ou bien confentant. »

Dans le même testament, Bernardine Biandra fait encore divers legs :

« Aux pauures de l'Eglife italienne, & autres, 5oo florins;

» A Lucie Girard, ma petite-fille, fille de ma fù fille Camille, » 100 livres tournoifes;

» A Bernardine de Chauvet, ma petite-fille & filliole, idem;

» A ma fille Délia Micheli, ducents efcus;

» A ma fille Lucreffe de Chauuet, mariée depuis enuiron vint » ans. . .

» Pour mon petit-fils qui eft en Piedmont, fils de Marte ma fille » défunte, ayant fa défunte mère en fon uiuant receu beaucoup des » auantages de moy, ie crois qu'il fe doit contenter, fans rechercher » autre. . ., ou bien 100 liures au même Urfio;

» A Monf. Micheli mon gendre ...»

On retrouve bien ici quatre filles, outre les trois fils, dont un est mort déjà; deux aussi sont mortes à cette date de 1641, Camille et Marthe, mariées l'une à un S"^ Jean Girard et l'autre à un Italien Ursio; les deux autres vivent encore. Délia mariée à Barthélémy Michely, de Genève ou de Lyon, du temps que la famille était encore à Dronero, et Lucrèce mariée à Jean de Masse, S^ de Chauvet, à Genève.

Voici les renseignements relatifs à leur frère Alphonse :

1° Nomination de capitaine d'une compagnie de i5o hommes, la compagnie de feu M. Marquette; Pollot la commandait déjà depuis le 28 août i632. Au nom de MM. les États généraux des Pays- Bas, à La Haye, le 1 1 janvier i633. Le nom du nouveau capitaine est écrit : Alfonso de Pollolty. (Marquette, blessé au siège de Maestricht, le 22 juillet, était mort le i" août i632.)

2° Confirmation de la nomination précédente, par le prince d'Orange Frédéric-Henri : faite à La Haye, le Si janvier i633. Même nom : Alfonso de Polloltj.

3° Nomination du capitaine Alfonce de Pollot (sic) comme « Gentilhomme de noftre Chambre »... aux gages de « huid cens » florins par an », par le même Frédéric-Henri, Prince d'Orange :

Vie de Descartes. 7a

�� � ^jo Vie de Descartes.

à La Haye, 3 mars 1642. Soit un peu plus d'un an après la mort de son frère Jean-Baptiste de Pollot, décédé le 14 janvier 1641, en la même qualité.

4" Nomination du capitaine Alfonso Polotti, pour les Etats généraux et pour le Prince d'Orange, au commandement du Fort Sainte-Anne dans le Polder de Namen. Signé : Frédéric-Henri, à La Haye, i5 mai 1645. Brasset parle de cette nomination dans sa correspondance, lettre datée de Munster, 28 mai 1645 : « L'on m'a » mandé que M. Palloti eftoit fait commandeur du Polder de » Namen. « (Paris, Bibl. Nat., MS. fr. 17897, f" Sog.) Et il lui écrit, le II oct. 1646 : « A M. Alphonfe Palloti, Gouuerneur du » Poldre de Namen. » [Ibid., f° 532. Voir encore le même nom Palloti, i"^ 265 et 266.)

5° 'HoTmnSiûon dt Jonckheer Alphonse de Pollotti comme. « Hoff- » meester van Onsen Huyse », signée : « Amalie, Princesse Doua- » riere d'Orange », à La Haye, i" avril 1648. Veuve de Frédéric- Henri depuis le 14 mars 1647, ^^ princesse rappelle que Pollot a bien et fidèlement servi le Prince d'Orange son époux, d'abord comme Gentilhomme ordinaire, « eerst als Ordinaris Edelman », puis comme Gentilhomme de sa Chambre, « ende.daer naer als » Edelman van sijne Camer ». Elle mentionne aussi ses titres actuels : « Cappitain ende Commandeur van het Fort ende Polder » van S' Annen. » Quant au nouveau titre qu'elle lui donne, aux gages de huit cents gulden (« op de gagie van acht hondert Carolus » guldens », il sera traduit pompeusement plus tard, à la mort de Pollot : « Maréchal de la Cour de la Princesse douairière ». Notre Brasset en parlait plus simplement : « Madame la Dou"' d'Orange » a defpefché fon M' d'Hoftel, le S Alphonfe Palotti », dit-il dans une lettre du i5 juin 1648. {Loc. cit., MS. fr. 17900, f° 243.)

En 1643, l'aîné Vincent fit un voyage en Hollande. Les deux frères, profitant de cette réunion, firent leur testament, par devant notaire, à La Haye, le 10 oct. 1643. Le texte en a été conservé. Il y est fait mention de leur père « le feu Sieur Marc-Antoine Pollodt » [sic] de Dronier, Marquisat de Saluces en Piedmont », et de leur frère décédé, Jean-Baptiste. Le domicile des deux comparants est indiqué:» ...eftant logezà la Grande Place visa vis le Palais & la dite » Cour d'Hollande. » On a le nom du notaire : » Willem Roomers » ; et des deux témoins : « Maiftre Willem van Velde, aduocat à la » Court d'Hollande, et Daniel Bouthellier Chirurgien, ilTeu de la » ville de Cognac en Engomois en France. » Les deux frères « déclarent que ne lailTans hoirs ny defcendents légitimes, auoir

�� � Appendice.

��571

��1) inlHtué, comme ils inftituem par ces prefentes, l'un l'autre recipro- » quement Héritier huniuerfel des biens que le premier décédant » delailTera. . . D'autant plus qu'ils veulent fuiure en cela la difpo- » fition qui en a faifl ledit feu Sieur leur père par fon dernier » Teftament, & qu'ils fçauent leurs fœurs auoir efté légitimement » dottees ...»

Eugène de Budé possède encore, dans ses archives, trois lettres d'Alphonse de Pollot, « à Md'*" Michely, fa tres-chere fœur, à » Genève ». La première est datée de Nevers, le 20 septembre 1644. Pollot avait reçu mission du Prince d'Orange, d'aller trouver de sa part la reine d'Angleterre à Bourbon, où elle prenait les eaux. Il avait aussi l'ordre de s'en retourner « au plus tort qu'il lui feroit » poffible ». Ce dernier commandement « luy oftoit l'efperance » que i'auois conceue de faire vne courfe iufques à Geneue pour » iouir quelques 8 iours de voftre prefence très defiree. Et vous » diray bien plus que, durant le feiour que i'ay fait à Bourbon, ny » les comédies ny l'entretien des Dames, ny mefmes les honneurs » que ie receuois à toute heure de S. M*^ &de toute la Cour, n'ont » pu occuper mes penfées en forte qu'à toute heure elles n'ayent » efté auec vous... Ce que i'apprehande encor eft de partir de Paris » deuant l'arriuée de noftre frère, ayant fceu par M. Sarrazin qu'il » eftoit fur fon defpart pour y venir. . . » La seconde lettre n'est pas datée; mais elle paraît être d'octobre ou novembre de la même année 1644. Pollot regrette que sa sœur n'ait pu venir le rejoindre aux eaux de Bourbon, et il continue par ce badinage : « ...le » voudrois bien eftre auprès de vous, pour vous pouuoir faire » raifon de cette belle & blanche liqueur dont vous ufez, tant n pour ce que naturellement ie l'ayme fort que pour ce qu'on me » veut perfuader qu'elle feroit auffy fort propre pour me foulager » du mal dont ie me trouue fouuent incommodé & furtout en » hyuer... » Il parle aussi de « Meff" Sarrazin nos bons coufms », et d'écrire prochainement « à noftre nièce S. » (Savj-on). Enfin la troisième lettre est datée de La Haye, le i3 juillet i656. Pollot avait fait état de partir vers la fin de ce mois; mais des affaires « pour Meff^' de Geneue », et aussi « pour nos frères des Vallées », le retiendront en Hollande, sans qu'il puisse dire en quel temps elles pourront être terminées. « le ne lairray point de m'y » employer au.;t chaleur, & ne plaindray point ny la perte du » temps, ny d'aucune autre chofe, pourueu que je ne trauaille point » en vain... Au demeurant, ie fuis bien affligé d'apprendre que » voftre fanté ne foit pas telle que ie voudrois bien qu'elle fut, & que

�� � ^J2 Vie de Descartes.

» vous vous trouuiez de nouueau incommodée de cette palpitation » ou battement de cœur. le vous prie de prendre une bouteille de » terre & la remplir de bonne maluoifie & y mettre dedans vne » pièce d'acier & la tenir bien bouchée, & quelque temps après en » prendre trois ou quattre cuillerées le matin à iun, ayant appris » ce remède de Madame de Chanut Ambaffadrice de France, » laquelle ayant la mefme incommodité, en a par la efté deliurée; » & prie Dieu que le mefme vous arriue. »

A cette date de 1666, Pollot se trouvait donc encore à La Haye. Pourtant, il était déjà revenu à Genève, au moins lors du contrat de mariage d'une de ses nièces, Lucie Girard, en i653. « ...Mondit » Sieur Alfonfe de Pollot... a toufiours efté en Hollande & furtout » à La Haye depuis l'aage de dix fept ans au feruice des Eftats » généraux des Prouinces vnies & de Monf"" le Prince d'Orange » Frédéric Henry & de Madame la Douairière, iufques au temps » du mariage d'icelle auec ledit S' Sauion, à laquelle peu de mois » après fon arriuée dans Geneue, il voulut bien faire vne libéralité » confiderable de fes propres biens. . ., luy donnant du fien propre » fix mille Hures, comme il fe peut vérifier par le contraél de leur » mariage de i653. » Le mémoire d'où ceci est tiré, est du mois d'août 1669. Il a pour objet de débouter le sieur Savion de préten- tions injustifiées à la mort de l'oncle de sa femme, et continue ainsi : « ...Ledit Sieur Sauion n'a eu garde de rien demander au » defund, quoy qu'il ait furuefcu audit mariage l'efpace de 16 à » 17 années, au grand auantage de ladite demoifelle Lucie Girard, » qui a toufiours treuué chés luy vn afile affeuré contre les conti- » nuelles perfecutions & mauuais traitemens de fon mari, lequel » auffi ayant recouru à la charitable bonté d'iceluy, en a obtenu des » foulagements bien confiderables en ce qu'il luy a prefté de l'argent » pour le fortir des prifons de Dijon & de Gex : comme apert par » ades qui defcouuriront l'ingratitude de ce parent enuers la )) mémoire de fon bienfaiteur. » Ce même mémoire rappelle qu'Al- phonse de Pollot a payé les dettes de son frère Jean-Baptiste, mort prématurément, qu'il n'a cessé d'envoyer de l'argent à sa mère et à son frère Vincent, que lorsque celui-ci fit un voyage à Lyon-, où il mourut, c'était pour recevoir une lettre de change de dix mille écus qui lui était annoncée de Hollande, et qui arriva en effet le jour même de son enterrement : enfin ce généreux frère a toujours été « comme un Joseph dans sa famille ».

Ce document ferait croire que Pollot passa à Genève les seize à dix-sept dernières années de sa vie, ce qui est peut-être excessif. Le

�� � Appendice. 575

Registre des Morts, conservé aux Archives de Genève, donne en effet le renseignement suivant: « Du Jeudy 8 Oftobre 1668, à 6 heures du » matin, No(ble) Alphonfe Pollot, habitant, jadis Capitaine d'In- » fanterie au fervice de MM. les Etats de Hollande, âgé de 66 ans, » mort de fiebvre continue & de fluxion avec colique venteufe. Sa » demeure eft la grande rue de la Maifon de Ville. A tefté par devant » Egrege Guenand. Enterré au Cloiftre de S' Pierre. »

Si l'on compte seize à dix-sept ans avant 1668, on arrive à i652 ou même i65r. Retenons seulement que Pollot était à Genève en i653. Peut-être n'y est-il revenu et ne s'y est-il établi définitivement qu'à partir de 1 6bg. On trouve, en effet, dans les Registres du Petit Conseil, Hôtel de Ville de Genève, Séance du samedi 3i décembre 1659 : « Les Nobles Colladon fyndic, Voifine, Gallatin, anciens » fyndics, rapportent qu'ayant veu le dift fieur de Pollot qui s'eft » retyré ici des Pays Bas où il a negotié & follicité pour ceft Etat » une fubvention de j- livres faifant 12.000 efcus pour la fortifica- » tion. Arrefté que le noble Colladon le remercie des témoignages » de fon affeftion & le prie de la continuer... » A partir de cette date jusqu'à sa mort, le nom de Pollot revient constamment à propos des travaux de fortifications. On utilisait sa compétence d'homme de guerre et d'ingénieur, qui avait servi en Hollande.

Le même mémoire contre Philippe Savion assure que Pollot vint en Hollande à Page de dix-sept ans, Pollot étant mort le 8 octobre 1668, âgé de soixante-six ans, sa naissance remonte à 1602 environ. Mais la famille ne se réfugia à Genève qu'en 1620; et ce ne fut que quelques années après, est-il dit ailleurs (ci-avant, p. 568, 1. 20-22), que leur mère envoya les deux cadets aux Pays-Bas. Faudrait-il lire vingt-sept ans, ce qui serait un peu tard cette fois ? Notons seulement qu'on parle des services d'Alphonse de Pollot sous Frédéric-Henri, et non sous le prince Maurice, mort le 23 avril 1625. Pollot ne serait-il arrivé en Hollande qu'en 1629? Ou bien, au contraire, dans l'acte de décès, 66 ans, est peut-être pour 64 ans : auquel cas Alphonse de Pollot serait né en 1604. et pourrait fort bien être parti pour la Hollande à dix-sept ans, en 1621 ou même 1622.

Pollot, avons-nous vu. avait fait un testament. Les Archives de Genève en conservent une copie. (Vol. VH, Balth. Guenand, notaire.) Le testament est du 3 octobre 1668, homologué le i3. « Alphonfe Pollot, de Dronier, Marquifat de Saluces, premier gen- >. tilhomme de S. A. d'Orange, &c., vivant propriétaire de maifon » près la Maifon de Ville, & de maifon & biens au Petit Saconnex... »

�� � ^74 ^lE DE Descartes.

Ce testament était en faveur de neveu et nièces, enfants de sa sœur Lucrèce Pollot et du mari de celle-ci, Jean de Masse, S de Chauvet. Sur les deux fils et quatre filles issus de ce mariage, un fils est nommé comme héritier. Biaise de Masse, S de Chauvet, et trois filles. Bernardine, Isabeau et Madeleine. La seconde, Isabeau ou Elisabeth, épousa Noble & Spedable François Turretin. Ils eurent un fils, Jean-Alphonse Turretin (né le 24 août 167 1, et mort le i" mai 1737), qui fut pasteur et professeur en Théologie à l'Académie de Genève. Le testament de Dame Elisabeth de Masse, de Chauvet, veuve de François Turretin, en faveur de son fils Jean-Alphonse Turretin, et de son petit-fils Marc Turretin, a été conservé : il est daté du 3 nov. 1713, homologué le 19 déc. 17 16. Il y est question « du bien de Saconex, que (dit-elle) mon » oncle de PoUôt m'a donné ». Le mémoire cité ci-avant parle aussi du bien que cet oncle avait acquis par des voyes « d'honneur, » mais pénibles ». C'est pour Jean-Alphonse Turretin, petit-fils d'une sœur de Pollot, et par conséquent petit-neveu de celui-ci, qu'a été faite la copie des lettres de Descartes, qui nous a été conservée, et qui se trouve en la possession d'Eugène de Budé, au Petit Sacon- nex, près de Genève.

Enfin, nous avons vu Pollot parler, à deux reprises, de ses « bons » cousins », MM. Sarrazin de Paris. Cette parenté lui venait du côté de sa mère. Le père de celle-ci. Noble Alphonse Biandra, de Saluces, eut en effet trois filles : Camille Biandra, mariée à Jean Savion, syndic de Genève (dont le fils Philippe Savion épousera Lucie Girard) ; Lucrèce Biandra, mariée en secondes noces à Jean- Antoine Sarrazin, dont elle eut trois fils, Jacques Sarrazin, médecin et conseiller du roy, à Paris, Samuel et Gabriel ; enfin Bernardine Biandra, femme de Marc-Antoine de Pollot. Alphonse de Pollot était donc cousin-germain des trois frères Sarrazin, Jacques, Samuel et Gabriel, dont Descartes avait connu l'aine à Paris ; celui-ci lui fit tenir un de ses livres en Hollande, l'automne de i635 (t. I, p. 322, 1. 8-i3), probablement par son cousin Pollot; et peut- être la liaison du philosophe et d'Alphonse de Pollot date-t-elle précisément de là. (Voir t. V, p. 591, et t. IX, 2* partie, p. xi-xii, note.)

Pollot s'intéressa aussitôt à la Géométrie de Descartes ; et celui-ci lui réserva un des six exemplaires qu'il destinait aux six premiers qui lui feraient paraître qu'ils l'entendaient : lettre du 12 février i638, t. I, p. 5 18, 1. 17-21. Pollot demanda aussi à Huygens de lui montrer le petit traité des Méchaniques, que

�� � Appendice. ^7^

celui-ci avait reçu ; et Descartes consentit bien volontiers qu'il lui fût montré : lettres du 2 février et de mars ib38, t. I, p. 5o8, I. I i-i3, et t. II, p. 3i, 1. 1-9. (Lire peut-être ici, 1. 5-7 : « C'eft en » luy un témoignage qu'il fait plus d'eftat que moy de ce que i'ay » écrit, que d'auoir enuie de le voir. ») Et plus tard, Pollot servit d'intermédiaire entre Descartes et la princesse Elisabeth pour le problème des trois cercles. Il s'intéressait d'ailleurs aussi bien aux questions de physique : il fut un des premiers à avoir une copie de la réponse du philosophe aux objections de Fromondus (t. 1, p. 5o8, 1. 2-5), et plus tard il aura en sa possession une copie du traité de l'Homme (t. XI, p. vu et p. xii).

��VII.

Francine Descartes. Pages ■2.3\-i'ii et 287-288.

Sur P'rancine Descartes, nous n'avons, en tout, que quatre docu- ments :

1° Acte de naissance, ou plutôt acte de baptême, qui en tenait lieu. Il se trouve aux Archives de Deventer, dans un registre inti- tulé : Anteijckeningh der gedoepten kinderen in der Ghemeente tôt Deventer met haren olderen en getuighen, angevanghen den i Junj- a° 1616. Ce registre va de 1616 à 1637. L'acte en question figure' à la date du 28 juillet i635 (ancien style : ce qui correspond au 7 août i635) :

Vader Moeder Kint

Rejner Jochems Hijlena Jans Franfintge.

Reyner, traduction hollandaise de René : et Jochems, génitif de Jochem, tiaduction de Joachim. De même : Hijlena Jans, Hélène fille de Jean. Le pasteur Moitzer, qui a bien voulu en 1894 se charger pour nous de ces recherches, a cru d'abord, sur la foi de ce registre, , au mariage de Descartes. En eftet, les noms des enfants y sont tou- jours accompagnés des noms de leurs parents. Le registre parcouru depuis le commencement (i" juin 1616) jusqu'à la date du 28 juillet i635, ne donne aucun nom d'enfant, sans les noms du père et de la mère : une seule fois, la mère n'est pas nommée (sans doute elle était morte en couches). Conclusion : les enfants illégitimes

�� � 576

��Vie de Déscartes.

��n'étaient pas inscrits sur ce registre. On était d'autant plus fondé à le croire, que les Archives de Deventer possèdent un registre spécial, intitulé Kalverboek (Livre des veaux), pour cette catégorie d'enfants [veau voulant dire ici enfant né hors mariage). Cet autre registre ne commence, il est vrai, qu'à la date du 12 mars 1740. Mais les registres précédents ont sans doute existé, et cette règle d'inscrire sur un registre à part les enfants nés hors mariage, doit dater du xvi'= et du xvn^ siècle. Telle était l'opinion du pasteur Moltzer. Toutefois (et ce dernier fait a son importance), il existe aussi, pour cette période, un registre des mariages à Deventer : Boeck van Echtsaecken, beginnende met Anno 1624. Notre pasteur, prié d'y faire les recherches nécessaires, n'y a point trouvé trace d'un mariage de René Descartes.

Notons que ce sont là les registres de l'Église réformée : ceux de l'Église catholique romaine, si elle existait en ce temps-là à Deventer, ne remontent pas à une date aussi lointaine, le pasteur Moltzer a bien voulu s'en informer auprès du curé catholique. — Ajoutons que le registre des décès à Amersfort, où Francine mourut le 7 sept. 1640, aurait pu fournir aussi quelques indications sur l'état civil de ses parents. Mais un tel registre n'existe pas pour cette période : les actes que l'on a, ne remontent pas plus haut que 17 16.

2° Lettre autographe du 3o août i63j : mention du nom d'Helen. (en abrégé). 11 s'agit bien d'Hélène, la mère de Fran- cine. Voir ci-avant, p. 23i-232.

3° Apojlille Mf. de la main de Defc. lui-même sur sa fille, repro- duite par Bailler, t. II, p. 89-90 : « Elle s'appelloit Francine, » et elle étoit née à Déventer le IX, c'eft-à-dire le XIX de Juillet » i635 : & félon l'obfervation de fon père, elle avoit été conçue » à Amfterdam le Dimanche XV d'06tobre de l'an 1634. Elle » avoit été bàtifée à Déventer le XXVIII de Juillet, félon le ftile » du pais, qui étoit le feptiéme jour d'Août félon nous. » Voir la suite ci-avant, p. 287-288, note e. Le fait que Descartes a pris soin de noter la date de la conception, prouverait à lui seul que ce ne fut pas pour lui une chose ordinaire et toute simple, mais plutôt un événement rare et sans doute isolé dans sa vie de philosophe. Donc... il n'était pas marié.

4" Relation Mf. de Cler/elier, reproduite par Baillet, loc. cit., p. 91, et que nous avons aussi donnée, t. IV, p. 660-661. Cette confidence de Descartes à son ami est fixement datée : voyage de Paris en 1G44. Descartes parle d'un « dangereux engagement,

�� � Appendice. 577

» dont Dieu Ta retiré, il y a près de dix ans»; et ceci nous reporte bien à l'année 1634, et même avec une exactitude par- faite : de juillet à septembre 1644, durée de son séjour à Paris, il n'y avait pas encore dix ans ; la dixième année ne sera accom- plie que le i5 octobre 1644. Descartes continue : Dieu, « par M une continuation de la même grâce, l'avoit préfervé jufques-là » de la récidive ». Ce langage, qui est presque celui de la confes- sion (si toutefois Baillet n'en a point un peu forcé les termes, selon sa coutume, dans le sens religieux), ne laissé plus aucun doute sur le caractère de la liaison de Descartes avec la mère de Francine ; et en même temps, d'autre part, un tel langage réduit à sa valeur la boutade par laquelle le philosophe répondit, sur ce sujet délicat, aux insinuations de Voët en 1643. (Voir ci-avant, p. 337, notée.)

��VIII.

Passions de l'Ame.

Traduction latine.

La traduction latine du Traité des Passions, en i65o, parut sans nom d'auteur; le titre est seulement accompagné de quelques initiales : PaJJiones Ammœ...iaiinâcivitate donatœab H. D.M. i.v.l. A tout hasard, nous avions proposé, t. XI, p. 489, de lire : Habert de Montmort ? C'était une erreur. Clauberg, dans un petit livre, publié en i652, Defenfio Cartejiana^, attribue expressément cette traduction à Samuel Desmarets [Maresius), professeur à Groningue, autrefois ministre à Bois-le-Duc, et que Descartes avait défendu contre Gisbert Voët, comme nous l'avons raconté, dans une affaire de Confrérie de Notre-Dame. Clauberg s'exprime ainsi :

« ...Virtute & eruditione [Cartejius) fe commendavit Magnatibus.

a. loH. Claubergii | In Publiée Teutoburgenii ad Rhenum | Athena;o Profelforis | Defenfio Cartefiana, \ Adverfus lacobum Revium | Theolo- gum Leidenfem, | Et | Cyriacum Lentulum | Profefforem Herbornen- fem :... (4n^^*'^'°'^^'"'i Apud Ludovicum EIzevirium, cId \o eu. Petit in-i2, 6 ff. lim., pp. 63i.) Praefatio : Teutoburgi Clivorum. Menfe Februario. Aniio i652. — Ce petit livre a été cité par nous. t. VIII (2'= partie, p. 370), avec les deux opuscules de Revius et de Lentulus, auxquels il repond.

Vie de Descartes. 73

�� � ^jS Vie DE "Descartes.

» Candide Confultiflimus D. Marefius in praefatione libelli de Pall. » An. à fe latina civitate donati : Quanti eum vivum fecijfet fapien- » tijjima Regina... » (Pag. 367.) Suit un passage de la préface que nous avons rapportée, t. XI, p. 490; il s'arrête aux mots ...quant fumus ignem.

Clauberg devait tenir ce renseignement de Desmarets lui-même, qu'il cite à plusieurs reprises dans son petit livre, et qui, déclare- t-il, lui avait témoigné de la bienveillance. Il le nomme en compa- gnie de deux autres ministres ou théologiens, qu'il connaissait également : Heydanus, de Leyde, et le gefndre de celui-ci, Frans Burman, dont nous avons publié, t. V, p. 144-179, un si curieux entretien avec notre philosophe :

« Et vivunt adhuc in Belgio plures & in'figniores Theologi, qui- » bus arda cum Cartefio amicitia intcrceflit, ex quibus & mihi » favent Heidanus & Marefms, Theologi*, ille Leidae, hic Gro- » ningas, Profeffores celeberrimi, quos honoris caufâ nomino, Addo » D. Francifcum Burmannum, Ecclefias Hanovienfis Belgicœ Mini- » ftruftî, Virum integerrimum ac dodiïïîmum. » (Pag. 59-60.)

Ce point paraît donc bien acquis, et il est intéressant de savoir que les deux traducteurs d'ouvrages de Descartes, de français en latin, furent deux ministres protestants : Etienne de Courcelles pour le Discours de la Méthode, la Dioptrique et les Météores; Samuel Desmarets, pour le Traité des Passions.

Toutefois, dans les six lettres initiales qui accompagnent le titre Passiones Animœ, à savoir : H. D. M. i. v. l., une seule se rapporte au nom de Desmarets latinisé, la lettre M {Marejius). Mais on y retrouve aussi les initiales du nom français écrit en deux mots, Des- Marets : D. M. Reste donc seulement la première lettre H, qui ne correspond pas au prénom du professeur de Groningue, Samuel; restent également les trois lettres plus petites, qui suivent : i. v. l.

Voici la solution de l'énigme. Desmarets fit traduire les Passions du français en latin par son fils aîné, comme Cièrselier fera du latin en français pour quelques lettres de Descartes (voir t. V, p. 634- 635). Ce travail, un peu profane, surtout pour un ouvrage de ce genre, convenait mal à un théologien de profession, et il se sera contenté d'écrire lui-même la préface, de revoir sans doute la tra- duction, et de la publier sous les initiales du jeune homme. Des- marets avait, en effet, un fils, nous le savons par une longue préface qu'il mit en tête de son Ullima Patientia, en 1645. A cette date, le fils était à Paris auprès d'un oncle, Charles Desmarets, propre frère de Samuel, et avocat au Parlement, à qui justement cette préface est

�� � Appendice. 579

dédiée : Amplijjhno ConfuUiJJimoque Viro DD. Carolo Marefio, J. U. L. in Supremâ Parifienjium Curiâ Advocato Celeberrimo,... Fratri meo Germano. On remarquera les trois lettres J. U. L. : ce sont les mêmes qui accompagnent le nom du traducteur, /. V. L. Elles signifient : luris Vtnufque Licentiatus. Le fils de Samuel Desmarets était licencié en droit, in utroquejure (droit civil et droit canon). Où pouvait-il être à meilleure école, s'il songeait au bar- reau, qu'auprès de son oncle avocat au Parlement de Paris"? Or nous savons d'autre part (Samuel Desmarets le dit lui-même dans une autre préface), que son fils aîné avait fait des études de droit, qu'il plaida même quelque temps à Paris, avant d'entrer dans le saint ministère en i652 ; et ce fils aîné s'appelait Henri ^. Donc les

a. Dans la même préface (ainsi datée : « Groningx, xx Oftobris anni » lui. 1645 »), on lit, page viii : « ...Si quae occurrent hîc Belgici idio- » matis, ea vel poteris affequi proprio marte, nor.dum forte plané oblitus » Germanicae linguae quam olim utcunque didiceras Heidelbergse, cùm » maximo Dionyfio Gothofredo in lludio luris navares operam ante 1) annos xxxv, val tibi enarranda curabis per domefticum Mercurium, » filium meum natu majorem, quem ad te excire & quafi in luum adop- » tare voluifti : utinam fe dignum praeftet & tuo amore & noftro nomine, » nec in Avi Aviaeque aut Patrui finu in Nepotulum dégénérer. » Le jeune homme avait encore, en effet, à cette date de 1643, ses grands-parents : son grand-père, David Des-Marets, qui ne mourut qu'en 1649, ^' sa grand'mère, Madeleine Vaucquet, qui vivait encore en 1654. Quant à Samuel Des-Marets, né à Oisemont en Picardie, le 9 août 1699, il se maria, le 2 mai 1628, à Sedan, où il était ministre, et où il demeura jus- qu'en 16? I. Nous avons vu (ci-avant, p. 334-335, note) qu'il exerça ensuite le saint ministère à Maestricht, jusqu'en i636, puis à Bois-le- Duc, où il enseigna en même temps jusqu'à la fin de 1641. II demeura à Groningue à partir de 1642, jusqu'à sa mort, le 18 mai 1673

b. Le fils aîné de Samuel Des-Marets (il en eut un autre, du nom de Daniel, à Maestricht, en i635), naquit à Sedan, donc en 1629 ou i63o. Il eut pour marraine à son baptême Elisabeth de Nassau, duchesse de Bouillon, qui lui donna le nom de Henri, en mémoire du piince dont elle était veuve. Ces détails sont de Samuel lui-même, dans la dédicace de son Systema fheologicum, i" édition, adressée précisément à ce fils. Le père continue : « Tu quidem, Henrice, tyrocinia pofueras facrx » facundia; in Auguftiffimo Parifienfi foro, ubi port Licentis in utroque » Jure gradum fufceptum, cœperas Advocati munere defungi, fub Auf- » piciis Confultirtimi & Ampliffimi fratris mei . . Adeoque poftquam » tuopte nutu, nec fine Numine, me ab initio ob caufas faeculares (quid » difllmulem?) dîlTuadente, & domino Patruo tuo tandem confentiente,

�� � ^8o Vie de Descartes.

initiales H. D. M. i. v. i,. veulent dire : Henricus Des-Marets, luris Vtriufque Licentiatus. Et nous reconstituons ainsi à coup sûr les nom, prénom et qualité du jeune traducteur.

Revenons au petit livre de Clauberg. C'est surtout un livre de polémique. Mais on y relève çà et là quelques renseignements curieux.

Le plus souvent, l'auteur appelle notre philosophe Cartesius: mais il imprime aussi quelquefois Cartes simplement, et non pas même Des-Cartes. (Voir pp. 12, i3, i5, 19,68,96, 147, 214, etc.)

Un ennemi du philosophe avait traité celui-ci d'homuncio. Voici la riposte de Clauberg : « Homuncionem appellas, quem Naturce » Filium cordati vocant? Memorabo verfus quos adjundos ejus » habet effigies, rumpantur ut ilia Codro :

Talis erat vultu Naturce Filius, unus

Qui menti in Matris vifcera pandit iter. AJjUgnanfque fuis quœvis miracula caujis, Miraculum reliquum folus in orbe fuit.

» Ipfe hune Pythagoras, rejedo nomine tandem Philofophi, vere » dixerit elTe coçôv. » (Pag. 83-84.) Ce quatrain est différent des vers que Constantin Huygens, le fils, composa pour le portrait de Des- cartes par Schooten, et que nous avons rapportés, t. V, p. 321-322 et p. 339-340.

Clauberg cite les lettres de Henry More (ou Morus) à Descartes, bien qu'elles n'aient été imprimées que plus tard, au tome P' des Lettres publiées par Clerselier: « Vir in Anglia dodifTimus D. Hen- » ricus More in literis ante triennium ad Cartefium Cantabrigiâ » exaratis... » (Pag. 4.) Ces lettres sont, en effet, de 1648 et 1649, et le livre de Clauberg a été publié en i652.

Clauberg rapporte le mot d'Archimède, qui ne demandait qu'un point fixe, avec un levier, pour soulever le monde ; Descartes l'avait aussi rapporté dans ses Méditations, t. VII, p. 24, 1. 9-13. Seuie-

» animum appulifti ad facra ftudia, & corpus Juris cum corpore Scriptu- » rarum permutaili... » 11 fut reçu ministre en i652, et suivit la carrière ecclésiastique à Groningue, Cassai, Bois-le-Duc, et à partir de 1662, à Delft. Il y était encore en 1696, date à laquelle Bayle écrivit l'article Marets (Samuf.l des-) de son Dictionnaire. Mais Bayle ne dit mot du traducteur des Passions de Descartes, et sans doute il a ignoré que c'était Henri Des-Marets.

�� � Appendice. 581

ment Clauberg le rapporte d'après le Jésuite Clavius, et si Descartes le tenait également de ce célèbre math^aticien, voilà une preuve de plus qu'il avait étudié ses ouvrages. « Ergo ficut Archimedes, » robori & efficaciae demonltrationum Geometricarum innixus, j> faepenumero jaditavit, fi haberet terram aliam in: qua pedem » figeret, hanc noftram quam incolimus, è loco fe commovere pofl'e » [verba funt Chrijioph. Clavii), idem Cartefius jaditare débet. » (Pag. 233-234.)

Descartes, dans le Discours de la Méthode, t. VI, p. 1 1-12, pour justifier son entreprise de reconstruire à lui seul toute la philo- sophie, cite l'exemple de ces villes bâties tout entières sur les plans d'un ingénieur. Or c'était précisément le cas d'une ville de la Touraine, et proche du Poitou (comme La Haye), la ville de Richelieu. Les étrangers, qui voyageaient en France, en étaient frappés, et Clauberg ne manque pas de faire le rapprochement : « Secundum exempium, ab urbibus, intaftum relinquit Lentulus, » forte veritus, ne vel unius urbis Richeiiae, ab inclùto Cardinale » exftruftae, quam in Gallia luftrare potuit, exemplo refelleretur. » (Pag. 81.) Toutefois, il n'est pas sûr que Descartes ait songé à cette petite ville de Richelieu, dont la construction commença en i63i Mais il avait pu voir en Italie Turin ; et l'on avait en France d'autres exemples, Nancy, à partir de iSSy (la Ville-Neuve de Charles III), et sur la Meuse, en face de Mézières, Charleville, qui date de 1606. Descartes ne paraît pas avoir traversé Nancy; ma,is peut-être passa-t-il à Charleville, lors de son premier voyage en Hollande (qu'il n'a point fait par mer), comme y passera plus tard Gassend. (Voir t. I, p. 127, note, et ci-avant, p. 44-45.)

Enfin Clauberg répond à une accusation d'impiété (ou peu s'en faut), qu'on lançait contre le philosophe, qui prétendait, grâce à la science, prolonger peut-être de plusieurs siècles la vie humaine : n'était-ce pas là un empiétement sur un domaine presque mterdit, et que la Nature ou la Providence s'était réservé? Clauberg prend là- dessus, comme sur le reste, la défense de Descartes; et il invoque les précédents fournis par Bacon, Ficin, etc. Il ajoute (et le rensei- gnement a sa valeur, et confirme ce que nous avons dit, p. 3b 1-552), que le philosophe, pressé sans doute .par les curieux, avait parlé de cette question pendant son séjour à Stockholm ; et il cite un témoin que l'on ne connaissait pas, et qui jouit de la familiarité de Descartes en ces derniers temps de sa vie : Johannes von Leuneschloss (de Solingen;, qui était en i652 professeur de mathématiques et de physique à l'Université de Heidelberg.

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« Noceri Medicis, fi arte Medica morbi profligantur aut vita prolongetur, non videtur terminis perfpedis affirmare mente fanum » poffe. Tu confule Verulam. De augm. fcient. lib. 4 cap. 2 fie fcri- » bentem : Tertiam partem Medicinœ pofuimus illam dp Prolonga- » tione vitat; quœ nova ejî & defideratur ; ejîque omnium nobilijjima... » Neque verô fubeat animos hominum ille fci’upulus, ac fi hase res » Fato & divinœProvidentiae commifla, in Artis officium & munus » jam primum à nobis revocaretur. Providentia enim procul dubio » mortes quafcunque, five ex violentia, five ex morbis, five ex » decurfu astatis, pariter régit : neque tamen ideo prseventiones & » remédia excludit. Ars autem & induftria humana, Naturas & )) Fato non imperant, fed fubminiftrant. Lege etiam Marsilii » Ficim De vita producenda librum, ac define propter popularem » rumorem, quo nihil eft fallacius, Cartefium infedari. Vel unum » in Academia Heidelbergenfi confule Clariffimum Virum D lohan- » nem à Leunefchloss, Mathefeos peritiiïimum Profefforem, qui » Cartefio in Suecia familiaris fuit; & vano rumori crederedefiftes. » (Pag. 361-352).

IX.

Jean de Launoy et César d’Estrées.

Pages 450-451.

Jean de Launoy, ne à Valogne, diocèse de Coutances, le 21 déc. 1603, docteur en théologie de la Faculté de Paris, en juin 1634, ordonné prêtre en 1636, auteur d’un très grand nombre d’ouvrages d’histoire, (entre autres : De varia Aristotelis in Academia Parisinâ fortuna), de critique (on le surnomma « le dénicheur de saints »), et de discipline ecclésiastique, entretint toujours commerce avec les gens de lettres, et tint longtemps chez lui des conférences tous les lundis, où s’assemblaient quantité de savants (on lui fit dire, en 1676, que le Roi souhaitait que ces assemblées cessassent). Il tomba malade en mars 1678 dans l’hôtel du cardinal d’Estrées, où il logeait, et mourut le 10 du même mois. Il fut enterré, sur son ordre, dans l’église des Minimes de la Place Royale (le couvent du P. Mersenne), où il disait d’ordinaire la messe. Le fait qu’à deux reprises nous le trouvons cité en compagnie de Descartes, suffirait-il, avec son titre de Docteur Appendice. 58 j

de Sorbonne, pour qu'on l'identifiât avec cet abbé de Launay, auteur de quelques objections, l'été de 1641, auxquelles Descartes répondit (t. III, p. 419)? La difficulté est que Launay est écrit très lisiblement dans un autographe de Descartes [ibid., p. 385, 1. 16), et non pas Launoy ; mais cela peut être aussi une faute d'orthographe, commise par madvertance.

A ce propos, la phrase, t. III, p. 420, 1. 21-25, doit être ponctuée et orthographiée ainsi : « ...& qu'ils mêlent ordinairement ces deux » idées du cors & de l'ame, en la compofition des idées qu'ils » forment des qualitez réelles & des formes fubftantielles, que ie » croy deuoir eftre entièrement reiettées ».

César d'Estrées, né à Paris, le 5 février 162S, abbé de Long- pont, etc., évèque-duc de Laon et pair de France en i653, sacré seulement en i655, cardinal in petto, le 24 août 1671, proclamé l'année suivante, avec le titre de la Trinité du Mont, le 16 mai 1674, pourvu de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés en lyoS; il y mourut, le 18 déc. 1714, en sa quatre-vingt-septième année, et y fut enterré.

Ajoutons qu'on crut plus tard, en Hollande, à la parfaite récon- ciliation de Descartes et de Gassend. En voici un curieux témoi- gnage de Dirck Rembrandtsz, Des Aertrjcks Beiveging en de Sonne Stiljlant {Amsterdam, Gerrit van Goedesbergh, 1661), p. 47 : « Ick hebbe verftaen van fekere getuygen, als dat Gassendus op 't » lefte van zijn leven, hem daer over beklaeghde dat hij foo veel » tegen Descartes gefchrevèn hadde. »

��Autres identifications.

Jacqueline Pascal, dans sa lettre du 25 septembre 1647, ^ Madame Périer. nomme deux visiteurs, que Descartes rencontra chez leur frère, Biaise Pascal : M. Habert, et M. de Montigny, de Bretagne, " compatriote et intime amy » de notre philosophe. Les éditeurs de Pascal, au tome II des Œuvres, en 1908, ont cru devoir, p. 42, corriger ces deux noms en ceux de M. Hardy (au lieu de Habert], et M. de Martigny 'au lieu de Montigny). Nous mainte- nons cependant les deux noms du MS. pour les raisons suivantes.

M. Habert était sans doute Germain Habert, abbé de Cerisy, né

�� � 584 Vie de Descartes.

à Paris en 161 S. et mort en i654, auteur d'une Vie du Cardinal de Bertille en 1646. Descartes le connaissait, puisqu'il le nomme dans sa correspondance en compagnie de Silhon, t. II, p. 97, 1. i3-i4, et t. I, p. 369. (Il s'agit bien de Cerisy et non pas Serisay ; Mer- stnne aussi écrivait Cerise, comme Descartes Cerisay.) Le rappro- chement des deux noms s'explique : Silhon s'occupait de philo- sophie religieuse, et Balzac écrivait, le 29 avril i63(), « A Monfieur " Habert, Abbé de Cerizy : ...le ne vis jamais nos myfteres efclaircis » par tant de lumières d'éloquence, ni la raifon employée plus » vtilement au lervice de la Foy... l'admire généralement toutes vos » Mufes, autant les douces que les feveres, autant celles qui l'çavent )' faire des hj'mnes & chanter les louanges de lefus Chrift, que » celles qui fcavent refoudre des queftions & traiter de la do{5lrine » Chrétienne. >- [Œuvres de M. de Balzac, i665, p. 433-434.) L'abbé faisait aussi des vers, sacrés et profanes, que Boesset mettait en musique : Mersenne en cite quelques-uns, et d'autres furent envoyés précisément à Descartes. (Voir t. X, p. 679, note, et t. III, p. 261.) Ce fut aussi l'un des premiers de l'Académie française, laquelle s'assembla même au moins une fois, « chez M. de Cerizy, à l'hôtel " Scguier »,

Quant kM.de Montigny, qui dans sa visite à Pascal était accompa- gné de son fils, un « petit garçon », voici une notice sur son compte :

René de Montigny, sieur de Beauregard, né à Sarzeau (Mor- bihan), en 159S 'baptisé le 19 février), devint avocat général au Parlement de Bretagne en 1623 (pourvu le 4 juillet, reçu le 29 novembre), résigna, par acte du 2 décembre i65i, en faveur de son fils, en se réservant d'exercer lui-même dix ans encore. Il mourut en 1660. Son fils, François de Montigny, né à Vannes, le 26 décembre 1629, occupa donc le même office d'avocat général, d'abord à charge de survivance : pourvu le 24 novembre i652, il fut recule 16 janvier 1654; plus tard, il devint président à mortier, touiours au même Parlement de Rennes, en 1674. Il mourut le ■i mai 1602. {Le Parlement de Bretagne, iSS^-iyço, par Frédéric Saulniek, Rennes, 1909, t. II, p. 636-657.)

Dans la même lettre de Jacqueline Pascal, deux autres noms sont cités, t ^^ p, 73 : M. Dalibray et M . Le Pailleur, tous deux joyeux compagnons. Charles Vion de Dalibray, poète bachique aussi bien qu'erotique, interpelle ainsi Le Pailleur (ce dernier excellent mathématicien, et comme tel, ami des Pascal père et fils) :

C'cfV loy, Pailleur. t;ros, gras & grave, Moins homme de Cour que de Cave. . .

�� � Appendice. 58^

Voir une publication récente de Ad. van Bever, Œuvres poétiques du sieur de Dalibray (Paris, Sansot, 1906, in- 18, pp. 208). Ce personnage ne doit pas être confondu avec Pierre d'Alibert, que nous retrouverons ci-après.

��XI.

Funérailles a Stockholm.

" \r l'Ambaliadeur, quoy que préparé à cette féparation depuis » deux jours par les exhortations du défunt, eût encore befoin de » toute fa vertu & de toute la pratique de fa Philofophie pour fou- » tenir ce coup. Il envoya fur l'heure M. Belin fon Secrétaire [Relat. » de M. Belin au Palais, pour avertir la Reine à fon lever que )i M. Defcartes étoit pâlie. Cette généreufe Princeffe verfa des » larmes trés-véritables & trés-abondantes fur la perte qu'elle fai- » foit de fon illujlre Maître, qui efl la qualité dont elle avoit coû- )' tume de l'honorer, & de le diftinguer d'avec les autres Sçavans » qui l'approchoient. Elle envoya incontinent un Gentil-homme de » fa maifon à M. l'Ambaffadeur Lettre de M. Chanut à Picot]. » pour l'affùrer du fenfible déplaifir que luy caufoit ce funefte acci- » dent. Elle dit enfuite à M. Belin, qu'elle vouloit laiffer à la Pofté- 'I rite un monument de la confidération qu'elle avoit pour le mérite » du défunt, & qu'elle luy deftinoit fa fépulture dans le lieu le plus » honorable du Royaume,'au pied des Rois fes prédécedeurs, parmi » les Seigneurs de la Cour, & les grands Officiers de la Couronne. » Ce lieu n'étoit autie que VEglife de l'IJle des Chevaliers, ou des » Nobles, appellée en langage du pays Riddare Holmens Koerkan, » où eft maintenant la fépulture ordinaire des Rois de Suéde de la )i famille Royale, & des premières maifons du Royaume. Avant » que les Luthériens euffent enlevé cette Eglife aux | Catholiques, » c'étoit un couvent de Religieux de saint François appelle Grd- » munka Klofter, c'eft à dire, le cloître des Moines gris. Mais » depuis la prétendue réforme des Evangéliques, elle fut convertie » en paroiffe pour ceux qui habitent l'Ifle des Chevaliers, qui fait » partie de la ville de Stockholm. M. Belin prit la liberté de » répondre à la Reine, que fi fa Majeflé ne luy eût pas fait l'hon- » neur de luy déclarer fi exprellément fa volonté, l'intention de » M. l'Ambaifadeur auroit été de luy demander la permiffion d'en-

VlK DE DeSC4RTES. 74

�� � )66 Vie de Descartes.

~» terrer le corps du défunt dans le Barnhuufy, qui ëtoit le cimetière » de l'Hôpital des Orphelins, & qui éloit fitué dans le faux-bourg )i appelle Nord-Malme. On prétend que c étoit aufli le cimetière des » étrangers, & furtout de ceux qui n'étoient pas de la religion du » pais, comme des Catholiques, des Calviniftes, & des Sociniens ; 'I & qu'il y avoit aulTi un endroit dans le même enclôt deftinc pour » les enfans morts avant l'ulagc de la rail'on. L'on y a bâti depuis » une Eglife du titre de faim Olai'is; & cette Eglile eft maintenant » un fecours de la paroilfe de l'ainte Claire, qui étoit du tèms des » Catholiques un couvent de Religieufes de fainte Claire dans le )) faux-bourg du Nord. La Reine parut furprife de ce choix, & elle » demanda par quel motif on vouloit mettre un mort de cette » conféquence repofer parmi des Orphelins & des Enfans ? M. Belin » répliqua [Rélat. Mf. de M. Belin] que M. l'Ambaffadeur, quoique » perfuadé que le corps d'un Prédefliné efl en fureté par tout où il » plait à Dieu de le garder pour la réfurredioh, auroit voulu donner » aux parens & aux amis du défunt, & généralement à tou.s les » Catholiques vivans, la confolation de voir un des membres de » leur Eglife placé parmi d'autres Prédeftinez, félon l'opinion où » nous fommes, que tout enfant baptifé au nom de la fainte Trinité » eft i'auvé par les mérites de Jefu.s-Chriil, lors qu'il meurt avant » i'ufage de fa raifon au milieu des Proteftans même, & des autres » fociétez féparées de nous. La Reine parut goûter ce raifonnement; )) & fur ce que M. Belin ajouta, que M. l'Ambaffadeur avoit deifein » de venir après midi au Palais faluër fa Majefté, elle remit à déli- » bérer de cette affaire avec luy. »

« M. rAmbafl'adeùr,~qui n'avoit pas encore recouvré affez | de » forces pour écrire de fa main, dida une longue lettre adreffée à » M. Picot [Lettre Mf. de Chanut à Picot, du 1 1 février i6So], poun » informer les amis & les parens de feu M. Defcartes en France, » de toutes les circonflances de fa maladie & de fa mort. Enfuite il » envoya quérir le fieur Valari, Peintre de Mets [il étoit fils de » Peintre — & il a vécu trente ans en Suéde], qui avoit été au-para- « vant Frère fervant,'& qui s'étoit habitué à la Cour de Suéd^-. Il » luy fit mouler le vifage du défunt, premièrement en cire, puis » en plâtre. Il n'étoit point encore forti depuis fa maladie, & félon » le fentiment des Médecins il luy étoit dangereux de prendre l'air » fi-tôt. Mais le defir de fe confoler avec la Reine (car l'on fçait qu'il » étoit fur ce pied auprès d'elle, qu'il étoit fon diredeur, qu'il avoit » fa confiance pour fa conduite intérieure, jufqu'à fe voir l'unique » dépofitaire du fécret de l'abdication de la couronne, qu'elle ne fit

�� � APPENDICE. 587

I) que quatre ans après), le fit aller au Palais après midy. Il obtint » qu'elle luy laifferoit le choix du lieu de la fépulture qu'il avoit » fouhaité; mais elle voulut infifter à vouloir faire lès frais des » funérailles ajoutant qu'elle luy préparoit une pompe funèbre, » dont la magnificence devoit fervir à marquer la grandeur de la » perte qu'elle faifoit dans cette mort. M. l'Ambaffadeur ne crud » pas que cette pompe fût à la bienféance d'un Philofophe, moins » encore à celle d'un Chrétien, qui avoit vécu dans la fimplicité & » dans l'indifférence pour les honneurs & les vaines apparences » de ce monde. A l'égard de la dépenfe, il jugea qu'il étoit de la » dignité de la famille de Meflîeurs Defcartes, de ne point fouffrir ». qu'elle fe fift d'ailleurs que de la bourfe du défunt. »

« Le lendemain l'on fit le convoyfans beaucoup de cérémonies, & » M. l'Ambaffadeur fit en forte qu'il ne s'y trouvât que des Catho- » liques Romains. Un luminaire fort modefte, compofé d'un petit » nombre de flambeaux, accompagnoit le corps, qui étoit précédé » d'un feul Prêtre, pour faire les prières félon le rituel de l'Eglife » Romaine, par permiffion expreffe de la Reine. [Rélat. MJ. de » M. Belin.] Le corps enfermé dans un cercueil étoit porté par » quatre perfonnes, qui compofoient la partie la plus remarquable » du convoy. La première étoit le fils aîné de M. l'Ambaffadeur, qui » eft aujourd'huy Abbé d'Iffoire, connu du Public par fa dodrine & » fa piété. Il étoit âgé | pour lors de 17 à 18 ans; mais le fécond fils » de M. l'Ambaffadeur, n'ayant que 12 a i3 ans, parut trop petit » & trop foible pour pouvoir être employé à la même cérémonie*. » La féconde perfonne étoit M. de Saint Sandoux [il étoit frère de » M. le prèm. Préfident de la Cour des Aydes de Clermont, & » coufin germain de M. de Ribeyre, Confeiller d'Etat], fils de » M. de Ribeyre, premier Préfident de la Cour des Aydes de Cler- » mont-Ferrand, âgé d'environ 16 ou 17 ans. II fut depuis Capi- » taine major du Régiment des Gardes, & Maréchal de Camp des » armées du Roy. On fçait avec combien de courage & de gloire » il fe fignala au fiége de Tournay, en préfence du Roy, qui le fit » gouverneur de cette ville, où il mourut fept ou huit ans après fa » prife. La troifième perfonne qui porta le corps de M. Defcartes, » fut M. Picques, Secrétaire del'Ambaffade, qui fut depuis Réfident » de France en Suède & qui eft aujourd'huy Confeiller à la Cour » des Aydes, où il vit en réputation de grande probité. Il étoit

a. Le fils aîné de Chanut, Martial, était né le 21 cet. i63i ; et le second fils, Hector-Pierre, le 18 nov. i635. (Voir ci-avant, p. 5)2, note a.)

�� � c88 Vie de Descartes.

.1 neveu par fa mère de M. Le Vaffeur Seigneur d'Etiolles, intime » ami de M. Defcartes, & père de M. Le Vaffeur qui eft aujourd'huy » Confeiller à la Grand'Chambre; & il avoit été donné par cet » oncle en 1645 à M. Chanut pour l'accompagner en Suéde. La » quatrième étoit M. Belin, Secrétaire de l'Ambaffadeur, qui depuis » fon retour de Suéde a acheté une charge de Tréforier de France. » Il eft frère de M. Belin, Confeiller au Châtelet; & fa charité » l'ayant fait dévouer au fervice des pauvres de Jefus-Chrift, il fe » trouve aujourd'huy le diredcur de la plupart des hôpitaux de » Paris. » (A. Baillet^ La Vie de Monjieur Des-Cartes, 1691, t. II, p. 424-427-)

��XII.

Tombeau a Stockholm.

« ...Le deffein qu'avoit eu M. Chanut de dreffer un monument » à la mémoire de fon ami, ne put s'exécuter qu'au mois de May » fuivant. [Lettr. MJ. de M. Chanut à M. Defcartes de la » Bretalliére & à Picot, en i65o.] La Reine luy avoit fait l'hon- » neur de luy dire qu'elle vouloit luy faire à fes dépens un beau » Maufolée de marbre; & ce n'eft peut-être que fur cette intention » que le fieur Zuerius Boxhornius [Voir l'Epitaphe faite par )) Boxhornius] a crû qu'on luy avoit effectivement érigé un » monument de cette matière. Mais M. Chanut jugea que, par pro- » vifion, il feroit toujours mieux de dreffer un fimple tombeau fur » la foffe du défunt. Il le fit faire de la figure quarrée en long, de » pierre cimentée, dont les quatre faces étoient lambriffées en » dehors avec des planches de bois uni. La pyramide (c'eft le terme » impropre dont on a voulu qualifier ce -tombeau) ètoit haute de » huit pieds & demi, large de quatre, & longue de fept & demi. » Elle fut pofée fur une bafe de pierre de taille, qui avançoit d'en- » viron quatre pouces, & qui s'èlevoit de terre à trois pieds de » haut. Elle ètoit couverte d'une feule pierre, qui en faifoit la cor- » niche & le chapiteau, qui ètoit épaiffe d'un pied & demi, longue » de huit, & large de quatre & demi. De forte que le monu|ment » achevé paroiffoit avoir treize pieds de hauteur. Les quatre faces » de la pyramide furent couvertes d'une groffe toile blanche cirée, » que l'on fit peindre à trois couches ; & l'on y fit écrire par le même » Peintre les belles Infcriptions qui compofoient toute l'Epitaphe,

�� � Appendice. ^89

» dont M. l'Ambafladeur avoit voulu honorer le défunt. » (Baillet, loc. cit., t. II, p. 429-430.)

��Épilaphes de Descartes.

D première fut composée par Chanut pour le monument qu'il fit élever à Stockholm, en l'honneur de Descartes, le mois de mai qui suivit sa mort. Cette épitaphe fut publiée d'abord par Lipstorp, en i653, Specimina &c., p. 91-93 ; puis par Borel, en i656, Carte/ij Vita, p. ii-i5; puis, sur la demande expresse de Chapelain (t. \, p. 627), par Clerselier, en 1637, au commencement du tome I des Lettres de De/cartes. Plus tard, Baillet la publiera encore, t. II, entre les deux pages 430 et 43 1, de sa Vie de M. De/cartes, en i6gi.

Elle'occupait les quatre faces du monument quadrangulaire, pré- cédemment décrit, (p. 588-589 ci-avant); elle comprend donc quatre parties, que voici.

Anterior faciès Monumenti.

D. O. M.

Régnante Chriftinâ,

Guftaui primi Pronepte,

Magni Filiâ,

Auorum inccvpta, Patriœque terminos

Victoriis nouis promouente,

Pacem demum armis quasfitam

Artibus ornante,

Accitis undique terrarum

Sapientiae Magiftris,

Ipfà in exemplum fuiurâ,

RENATUS DES-CARTES

Ex Eremo Philofophicâ

In lucem & ornamentum Aulae

Vocatus,

Poft quartum menfem morbo interiit,

Et fub hoc lapide

Mortalitatem reliquit,

Anno Chrifti CID ID CL,

^'itœ fuae LIV.

�� � Vie de Descartes.

Pojlerior faciès.

Chriftianiffimi Régis

Ludouici XIV,

Ludouici lufti Filij,

Henrici Magni Nepotis,

ANNA AVSTRIACA,

Optimâ, Prudentiffimâ, Fortiflimâ

Reginâ,

Annos & Regnim Filij Régente.

Legatus ordinanus PETRVS CHANVT

Hoc Monumentum,

Ad Gloriam Dei, bonorum omnium

Datoris,

Gallici nominis honorem,

Perpetuam Memoriam Amici Chariffimi,

RENATI DES-CARTES,

Poni curauit.

Anno feptimo ab exceffu Ludouici lufti.

Sinijlra faciès.

RENATVS DES-CARTES;, Perronij Dominus, &c.

Ex Antiquà & Nobili inter Pidones & Armoricos Gente,

In Galliâ natus,

Accepta, quantacumque in Scholis tradebatur, Eruditione,

Expe6tatione iuâ votifque minore ;

Ad Militiam per Germaniam & Pannoniam Adolefcens profedus.

Et in otijs hybernis Naturge myfteria componens cum legibus

Mathefeos,

Vtriufque arcana eâdem claui referari poffe

Aufus eft fperare.

Et omiffis Fortuitorum ftudiis.

In villulà folitarius, prope Egmondam in HoUandià,

Aiïiduâ XXV annorum Méditations, aufo potitus eft.

a. Lipstorp (i653), Borel (i656; el- Clerseiier liôSj) donnent tous trois : XXV annorum. Raillei imprimera plus tard, en 1691 : viginti circiter annorum. Le changement a son importance. Il s'agit de savoir si la période de préparation pour Descartes était terminée en 1625 (à son retour d'Italie), ou si elle a continué jusqu'en 1629 ou i63o.

�� � Appendice. ^91

Hinc Orbe toto celeberrimus, A Rtge fuo conditionibus honorificis euocatus,

Redierat ad contemplationis delicias ;

Vndè auulfus admiratione Maxim.e RegiNjE,

Qua:, quicquid vbique excelluit, fuum fecit,

Gratilllmus aduenit; leriô ei\ auditus ; & defletus obiit.

Dextra faciès.

Noverint Pofteri. Qualis vixerit RENATVS DES-CARTES;

^'t cuius Doclrinam oiim fufpicient, Mores imitentur.

Poft inftauratam à fundamentis Philorophiam

Apertam ad Penetralia Naturœ Mortalibus Viam,

Nouam, Certam, Solidam,

Hoc vnum reliquit incertum,

Maior in eo Modeltia effet, an Scientia?

Quae vera fciuit, verecundè aftîrmauit;

Falfa, non contentionibus, fed vero admoto refutauit:

Nullius Antiquoruni obtrcclator; nemini viuentium grauis.

Inuidorum criminationes purgauit Innocentià morum.

Iniuriarum ncgligens; Amicitias tenax.

Quod fummum tandem eft,

Ita per Creaturarum gradus. ad Creatorem eft conatus,

t oportunus Chriflo, Gratiae Authori, in auità Religione quiefceret.

I nunc, Viator, & cogita,

Quanta fuerit CHRISTINA, & qualis Auia,

Cui Mores ifti placuerunt.

Lipstorp. après avoir donné le texte des inscriptions de Chanut, )ntinue ainsi, p. 91-93 :

'< Cum hoc Illuftriflimi Viri monumento aliud conjunxit \'ir cele- berrimus Marcus Zuerius Boxhoniius, Hiiloriographus Aca- demiae Lugduno-Batavae in hanc formam :

RENATO DES CARTES,

NoBiLi Gallo,

Perronm Domino,

Cui quantum fit quod ne/cimus non ignoranti, & maximam partem eorum qux Jcimus, minimam eoruvi ejfe quœ ignoramus,

�� � ^92 Vie de DEhCARTES.

» a- nefcifC plerofque ea, qiice tamen jaâaiit Je Jcire ctc pnrfumunl, » adeoque doceri fere ac tradi qucc dedifcere Jii necejfe, de receptis >' haâenus philofophorum fententiis dubitare, bonum facîum vifum » eji, ut diibitando fibi ad fapientiam aliifque regiam viam faceret ; « Qui œqucevam naturœ rerum philofophiam, & Jic veram ac anti- » quant, reddidit; eandemque, poft fœdi[Jïmam tôt fxculorum Jervi- » tutem, in libertatem tandem ajferuH. €■ quaji manumijit;

« Cui univerfam rerum naturam animo magno ac aufu, & fine idlo » duce, circumeunti, intimofque ejus receffus Jerio ac diligenter infpi- » cienti, neque antiqua placuerunt, quia antiqua, neque difplicuerunt » nova, quia nova, cùm quiX nunc antiqua funt, aliquando fuijj'e nova, » & quœ nunc nova funt, aliquando futura antiqua, non ignoraret,fed » quia/alfa aut vera deprehendebantnr, nova condita e/i ac vera philo- » fophandi ratio. & idcirco duratura, ac antiqua aliquan\do futura;

» Hoc monumentum pofuit, & cum eo quod marmoreum ci » illujlriffimiis Chrijlianijfimi Régis ad

» CHRISTINAM

)' CelfiJJimam eruditijjtmamque Sucdorum

» Reginam Legatus

n PETRUS CHANUTUS

» Ponendum curavit

>. L. M. Q.

» Conjunxii

» Marcus Zuerius Bo.xhornius. »

Ejufdem Authoris Epitaphium

Quijibi demeruit lotum Cartesius orbem,

Extramum fati iranfigit illc diem. Avia cui Veterum vifa ejl Sapienlia, veram

Prcetulit antiquœ, prœpofuitque novam. Sunt imitatores Jerviim pecus. Hune venerare;

Naturam agnofces hoc prceeuntc ducem,

Marcus Zuerius Boxhornius mourut à Leyde, le 3 oct. i653. (Voir le Dagboek de Constantin Huygens, dont il était parent.)

Enlin nous ;ivons vu, t. V, p. 479-4.80, que Huygens père, et son second fiU, Christian, firent aussi des vers sur la mort de Descartes. A ce propos, on pourrait être surpris que Huygens

�� � Appendice. ^9^

n'eût fait aucune mention de leur grand ami, dans son Dagboek (publié par J.-H.-W. Unger, à Amsterdam, Gebroeders Binger, 18-^4), à la date du i i février i65o, ni plus tard. Le fait est d'au- tant plus surprenant que Huygens n'oublie pas de mentionner la mort d'autres Français, qu'il a connus : « 9 Dec. i632 : Obit, heu! » Alb(ert)us Girardus. vir incomparabilis. — i3 Sept. 1643 : » Obit... Abraham de Mori, Ecclefiaftes Gallicus, amicus integer- M rimus, & heu! mihi inftar fratris. — 3 Sept. i653 : Obit Spadœ » Claudius Salmafius. » Il mentionne celle d'Elisabeth, princesse palatine, à Herford, le 8 février 1680, comme il avait fait celle de Campanella. à Paris, le 21 mai i63g. Mais le 11 février i65o, rien sur Descartes. L'explication en est fort simple : du 18 janvier au 3 avril i65o, il y a une lacune dans le Dagboek (voir l'imprimé p. 5o). Mais Huygens se souvint de son ami Descartes. Outre sa lettre à Chanut, du 2,6 juillet i65o (t. V, p, 479-480), il en écrivit une autre, en latin, à la reine Christine elle-même. La voici :

n VII Cal. Se.xtil. i65o. — Quis & cujas ego fim, qui è Batauis » tecompellatum eo, tam te fcire parum attinet, quàm folis intereffe » dicas quotam inaceruo paleam formica bajulet... » Et il se pré- sente lui-même, énumérant ses titres : « ...Aiunt me, apud » Inuiclos Araiifij Principes quodammodô gratiofum, tota quinque » luftra fecretioribus confilijs implicitum, non inutiliter operam » nauaffe nec plebeiam... »; puis ses ouvrages, et il conclut : « Quidquid eius rei fit, nondum fatis cauffae arbitror, quôd fim » tire tuae femper amicitiîe. »

« Superat argumentum, quo fi non âmes, utique me cenferi » patiare inter Majeftatis tuîe non indignifiîmos clientes. Cartesivm » amaui, Domina, & quem amaret [ad ultimum vitas fufpirium » écrit d'abord, puis barré ; et récrit ^u- dessus : h Oau|^.«»T5; ad finem » heu ! breuis vitœ] vifus fum meruifie. Hoc tandem nomine quis & » cujas ego fim ne nefcias, meo mihi jure poftulo. In tuo Septen- » trione Solem illuni occrdentem vidifti, nec fine lachrimis quidem, )) nifi vehementer fallor. Splendet tamen ifle poft occafum, & » fplendebit immortalis, quamdiù Sol alter ifte, & minores flellae. » Itaque te per magnos, nifi pateris & facros, Mânes obteftor, faue » parentantibus amicis intimis amico inîeftimabili, eo génère facun- » di« quod per fingultum fubfilit, & lacrimis, non atramento, » explicatur. Neque alibi te in re feriâ oftendat jocularis fermo : » inualuit hic Duper illa didio, ex quo Galliœ placuit, & applaufum » ibi fapientiflimorum hominum tulit, qui Maronis caftifiimam » majeftatcm aufus efl ludos facere, & ad morientis Elifae pyrum Vie de Descartes. 75

�� � 594 Vie de Descartes.

» admotas prjeficas in rifum foluit. Nimirum gens imperatoria, » quœ & inconftantiaï fuas & [vanitatis écfit d'abord, puis barré; )' récrit au-dessus : leuitatis] (edam quoufque libet extendit, [in n margine : à quà lepidiffimà tyrannide ne Septentrionem quidam » tuum immunem habes,] ipfum Chriftiani orbis ftilum, uti libitum » eft, tempérât, innouat, aut immutat; ipfis denique Mufis perfo- » nam induit aut detrahit, pro imperio : ut hœc ubique nunc pari » pad'u ambulent, Galiicè veftiri, & loqui. Accedit quôd, cùm Sta- » giia, quam h [/.axapiTY;; oppugnauerat, debellanda porrô effet, infi- » rtendum quodammodo veftigijs inuifti poliorcetge fuit, & quam » ille moderto Icommate paflim impetiuerat, totis plauftris inueâi- » uis explodenda. Faciunt hùc in illuftri argumente loquaces nugœ, » aliaque nonnuUa ejufdem furfuris ; quorum ubi pertœfum fuefit, » patior feueris non blandis oculis intuearis, quœ porrô Philo- » fophi tui tumulo elogia appendimus, non jocofi commatis, fed » quibus pofteritati conftare voluimus, quis ille & quanti Renatus » fuerit, & quàm futilem de Phœnice fabulam reddiderit, unicus » ifte & nullo de cinere reuidurus... » (Amsterdam, Acad. des Sciences. Constantini Hugenu Epijlolœ Latinœ, MS., Epift. 419.)

��XIII.

Transfert du corps. Funérailles a Paris.

(1666-1667.)

Nous reproduisons ici le chap. xxiu du Livre II de La Vie de M. Des-Cartes, par A. Baillet, 1G91 :

« ...Cependant les amis du défunt ne pouvoient fouffrir qu'avec » chagrin que fon corps demeurât ainfi dans une terre étrangère, où » il ne leur étoit point libre de chanter les Cantiques du Seigneur, » & d'offrir leurs vœux au Ciel fur fon tombeau. [En marge : » Lettr. & Rélat. MJf. de Chajf. & de PompA Depuis la retraite » de la Reine {1654), perfonne ne s'intéreffoit plus à la garde de » ce précieux dépôt, & fon fépulcre ne fervoit plus que de fpedacle » à la curiofité des Voyageurs & des Sçavans. Perfonne ne parut » alors plus mtelligent pour pénétrer le fonds du cœur de ces » affligez, & pour expliquer leurs foupirs, que Monfieur d'AIibert » (Pierre), Tréforier général de France; & perfonne ne fe trouva

�� � AppFNDicr:. ijOÇ

» peut-ctrc plus en ctat que luy de latisfairc à leurs delirs. » (Baili-ET, loc. cit., p. 433.) Clcrselier l'annonça au public dès la fin de 1666, dans une Préface : voir notre t. V, p. G52-r)S'3.

La page qui suit, dans Baillot, relative à d'Alibert, se trouve reproduite en notre t. XI, p. GSy-ôbo. Baillet continue ainsi :

« Voyant donc M. Chanut sorti de ce monde [Chanut était mort » le 18 Juillet 1662), il ne crud perfonne plus en état que luy-même » de faire réussir la résolution qu'ils avoient prise en 1666, de faire » transporter le corps du Philosophe en France. Il se chargea seul » de la conduite de l'affaire, & fon cœur ne put fouffrir même, » que perfonne {page 435) autre que luy, parlât de contribuer » aux frais de cette longue & difficile exécution. Les premiers avis » de leurs délibérations n'alloient d'abord qu'à rétablir le tombeau » du défunt & à luy faire ériger en Suéde un monument de » marbre pareil à ccluydont la Reine Chrifiine avoit eu le delicin. » M. d'Alibert avoit écrit dés l'année précédente à M. le Chevalier » de Terlon pour lors Amball'adeur de France en Suéde, pour le » fonder fur ce point, & fçavoir s'il voudroit fe charger de l'entrc- » prife. [Lettres MJf. du Chevalier de Terlon à M. d'Alibert » du 27. Juillet i665. Du 23. Septembre. Du 3. Oâlobre. Du » 10 Octobre de la même année ] Cet Ambalfadeur fut ravi d'avoir » une occafion de témoigner le zélé & la vénération qu'il avoit » pour la mémoire & la réputation d'une perfonne, dont il efiimoit » infiniment la dodrine. Il manda à M. d'Alibert qu'il acceptoit la » commiffion avec joye, & qu'outre le monument de marbre, qui » feroit fupcrbe, il feroit faire un bufte de bron/.e, & un autre de » pierre de taille, fur le tableau que la Reine Chrirtine en avoit » fait tirer après fa mort; & qu'il feroit mettre les deux bulles fur » la pyramide de' l'ancien tombeau, que M. Chanut avoit fait » dreffer, après qu'il l'auroit fait raccommoder. Il communiqua » enfuite ce grand deffein \Lettr. du 10 d'Oâobre] à un fcavant & » illujlre François, qui fe trouvoit à Stockholm, & qui avoit été >> aufli à la Reine Chrilline en qualité d'homme de Lettre-^ Cet » homme loua le delfein; mais il reprc'fenta à l'Ambalfadeur, qu'il » feroit encore plus glorieux pour la mémoire du grand Philofophe, » & pour la nation des François, de Iran/porter fon corps, tel n qu'on le Irouveroit, en France ; d- de le placer dans une des Hglifes » de la capitale du Royaume, oit toute l'Europe l'iroit voir : au lieu » qu'il feroit toujours \ncoy:,T\\xo dans un coin du Nord, où è toit fon » tombeau. M. le Cheualier de Terlon étant entré dans ce feiitiment, >> propofa la chofe à M. d'Alibert, & M. d'Alibert aux principaux

�� � 596

��Vie de Descartes.

��» Cartéfiens, qui cmbradcrent cet expédient comme une bonne n fortune, qu'ils avoient toujours defirée ardemment, mais qu'ils » n'avoientoféefpérer comme unechofede trop difficile acquifition. » » M d'Alibert fe picqua d'honneur, pour faire voir que l'exécution » de cette affaire ne luy feroit point difficile; & il récrivit vers le » commencement de l'Avent à M. l'Ambaffadeur, pour le prier » de faire lever le corps de M. Defcartes, & de l'envoj'er en France » fuivant les moyens qu'il luy en facilitoit. M. le Chevalier de Terlon » {page 436) étoit fur le point de partir de Suéde pour aller » Ambafladeur en Danemarc, lors qu'il reçut cette lettre; & il ne » fut point fâché de fignaler fa fortie par une adion de cet éclat, » qui devoit trouver un jour fa place dans l'hifloire. Ayant reçu le » confentement du Roy de Suéde par écrit, il demanda permifTion » défaire lever le corps au Gouverneur de Stockholm, & à la » Régence de la ville, puis au grand Chancelier du Royaume, qui » étoit pour lors le Comte Magnus-Gabriel de la Gardie, oncle du » Roy Charles XI (il avoit époufé fa tante), fils du Connétable » (Jacques de la Gardie) & grand Général de Suéde, & petit-fils de » Pontus de la Gardie, Gentil-homme François. M. le Chevalier de » Terlon, après avoir payé les droits à l'Evêque, aux Prêtres Luthé- » riens, & aux foflbyeurs, marcha en plein jour avec toute fa » famille au cimetière du Nord-Malme, accompagné de Monfieur >) de Pompone, qui étoit nouvellement arrivé de France pour luy » fuccéder dans fon Ambaflade de Suéde, & qui avoit fouhaité » d'affifter à la cérémonie. Elle fut faite malgré les murmures des » Sçavans du pais, le premier jour de May de l'an 1666, par l'Au- » mônier de M. de Terlon, qui fit conduire & dépofer le corps dans » la Chapelle de fon hôtel, où l'on fit un procez verbal de tout ce » qui s'étoit paflé. [Lettr. MJf. de Terlon à d'Alibert, du 3o. Dé- » cembre i665, du 20. Mars 1666, du i . May 1666^]. Il eut foin

a. Le Chevalier de Terlon à M. de Lionne : « A Stockholm, le 8 may » 1666. — Je vous efcris ces lignes en mon particulier, pour vous dire, » Mgr, que Monfieur de Pompone eft prefentement chez luy, & que cela » ne fait pas, quoique feparés de maifon, que nous ne foyons toufiours » enfemble & dans la dernière Union en toutes chofes, tant pour le fer- » vice, que pour ce qui peut nous regarder en noftre particulier. »

« Je vous donne aufîî advis, par ce mot, que nous avons fait déterrer le » corps de feu Monfieur Defcartes, qui mourufticy du temps de la reyne » Chriftine, & auquel feu Monfieur Chanut fit ériger un tombeau avec » une fort belle infcription. Comme j'ay elté prié par le fieur d'Alibert » de faire la chofe, & de l'envoyer à Paris, pour le mettre à Saint-Vi£lor

�� � Appendice. Ç97

» même dô faire réparer Ui pyramide du tombeau en la manière » que M. Chanut l'avoit fait dreffer, & il fit retracer les Infcriptions » latines que cet ami de M. Defcartes avoit compofc'es, & que les » vents & les pluyes avoient fort mal traitées depuis ce têms-ià. » M. de Terlon, fongeant à la commodité du tranfport, avoit fait » faire un cercueil de cuivre, long de deux pieds & demi feulement, » parce qu'il fe doutoit que le cranc & les os du défunt feroient » détacher, & qu'on pourroit les ranger les uns fur les autres fans » indécence. [Mém. MJf. de Monjieur de Pomponne, <Sr.]. L'on

» où la plufpari de fes difciples ont réfolu de luy préparer un tombeau » magnifique, j'ay voulu vous Tefcrire, croyant qu'il feroit affés à propos » que l'on inférât dans l'infcription, que ledit corps a efté tranfporté de » Stokolm à Paris, du Règne de Sa Maierté. Il eftoit affés grand homme, » & fa haute réputation clloit allés bien ellablic, pour mériter ce foin de » ladite Maiellé. Je vous alfeure, Mgr, que l'on a eu beaucoup de peine à » m'accorder icy le tranfport de ce qui, peut refter de fes offemens, plu- » fleurs perfonnes s'eltant tout à fait attachées de fuivrc fa doftrine & fes » préceptes. Monfieur de Caumont-Fieubet, qui a l'honneur d'elfre » connu de vous, loge chés luy le fieur d'Alibert, auquel vous ferés, s'il » vous plaift, fçavoir nos fentimens, afin qu'il les exécute punililuelle- » ment... » [Société archéologique de Touraine, 187?, t. XXIII, p. 42, etc.) Le marquis de Pomponne à Monsieur Colbert. « A Stockholm, ce » 8 may 1666... Vous donnez tous les iours, Monfieur, tant de marques » du cas que vous faittes des gens de lettres, que lorfque ceux qui vivent » ont tant de fujet de parler de vous, vous ferez bien aife fans douite que » l'on vous parle d'un grand philofophe qui n'efl plus». C'eft de l'illufire » M. Des Cartes, qui après avoir porté fi loin fa réputation dans toutte » l'Europe, meritoit un fort plus heureux que de venir mourir affez » obfcurement en Suéde. Quelques gens d'eftude & de mérite qui fe font » honneur à Paris de porter le nom de difciples d'un fi grand maiftre, » ont cru qu'il n'elloit pas moins de ia vénération qu'ils ont pour fa » mémoire que de l'intereft de leur pays, de rendre à la France tout ce « qui lefle d'un li grand homme, & que luy ayant donné la naiffance, il » eftoit de fa gloire de faire connoiftre à la pofterité, par fon tombeau. » qu'elle a produit un philofophe dans notre fiecle capable d'obfcurcir » tous ceux des ficclts palfcz. Ainfy ayant prié, il y a defja quelque » temps, M. le Chevalier de Terlon d'envoyer fon corps à Paris, il a pris » foin de le faire enlever de la fepulture que M. Chanut, chez qui il » mourut, luy avoit fait cflevcr, pour en recevoir une plus honorable » qu'ils luy préparent. Recevez, s'il vous plailt, Monfieur, cette nouvelle » de ce pays, quoiqu'elle ne foit pas tout à fait de celles dont nous » devons groflir nos defpefches, & croyez que l'on ne peut eftre avec » plus de refpeil A de vérité que nous femmes, &c. . . » {Ibidem.)

m

�� � 598

��Vie DR Drscartrs.

��» renlerma les os couchez fur les cendres dans ce nouveau cercueil » avec de nouvelles cérémonies & quelques prières; mais l'on ne I) put refufer à M. le Chevalier de Terlon un des olfemens de la » main, qui avoit fervi d'inltrument aux écrits immortels du » Défunt, & qu'il avoit religieufement demandé à l'Affemblée, qui » compofoit prcfque toute l'Églifc catholique de Suéde, en témoi- » gnagc du zélé qu'il avoit pour conferver la mémoire de M. Def- » cartes. On drelfa un nouveau procez verbal, que [page 43 j) l'on » mit avec le premier dans le cercueil, que l'on jugea à propos de » fceller & d'enchaffer dans de fortes barres de fer : après quoy on » le fît embaler, & M. l'AmbafTadeur le garda dans fon anti- » chambre jufqu'au jour du départ. [Lettr. Mf. de Terlon du » I g Juin 1666, & Rél. Mf. de Chajfan].

« Le fieur de l'Epine, Maître d'hôtel de Monfieur de Chaffan, » qui étoit reflé à Stockholm lorfque fon Maître en étoit parti pour » revenir à Paris, s'offrit pour conduire le corps en France, foit » de fon propre mouvement, foit comme commiiïionnaire de fon » Maître & de M. d'Alibert. M. le Chevalier de Terlon, qui connoif- » foit le fieur de l'Epine pour un homme fur & intelligent, ne fit » point difficulté de luy confier le dépôt; mais il voulut luy joindre » l'un de fes valets de chambre, nomm'éle fieur du Rocher, ferviteur » d'un zélé & d'une fidélité éprouvée, pour luy rendre conte de » tout ce qui fe feroit paffé. Dés que le funèbre équipage fut » embarqué (en Juin 1666) au port de Stockholm, M. le Chevalier » de Terlon qui devoit le fuivre de prés jufqu'à Coppenhague, d'où » il alloit l'envoyer par terre, écrivit à M. d'Alibert [Lettr. MJf.] » pour luy donner avis de toutes chofes. Celuy-cy en donna la nou- » velle aux principaux Cartéfiens de Paris, qui employèrent leurs » amis, & fur tout le Réfident de France à Hambourg, pour obte- » nir de la Reine de Suéde un certificat de la catholicité de M. Def- .) cartes, contre certains reftes de l'Envie, que la Vérité & la » Juftice n'avoient point encore pu étouffer depuis dix-fept ans. .) M. Clerfelier & l'Abbé Picot fe chargèrent d'écrire en particulier » au Père Viogué, Affiftant François du Général des Auguflins à •) Rome, qui avoit gouverné la confcience de M. Defcartes en .) Suéde, afin de luy faire donner de fon côté un certificat de ce > qu'il en avoit connu par luy-même. [Lettr. du P. Viogué, du » 10 May 1667.] Ce ne fut point fans difficulté, que le corps put » arriver à Coppenhaglie, à caufe des fcrupules fuperititieux des » matelots, qui par de fotes traditions avoient appris de leurs fem- » blables que le tranfport des corps morts leur étoit de malheu-

�� � Appendice. 599

» reux augure. M. le Chevalier de Terlon, en partant de Stockholm » pour Coppenhague, où il devoit refter Ambafladeur auprès du » Roy de Danemarc, écrivit au Roy fon maître, pour l'informer de » tout ce qu'il avoit fait, & de ce qu'il avoit à faire encore touchant le » corps de M. Defcartes. Il marqua en peu de mots à Sa Majefté quel » étoit le mérite de cet illuftre Sujet (/ja^g'e.^Jci') qui faifoit une partie » de la gloire de fon Royaume, & la fupplia de vouloir luy faire » connoître fa volonté. Le Roy luy fit l'honneur d'approuver ce » qu'il av )it fait, & luy envoya les ordres néceflaires pour faire » faire le tranfport du corps par fon autorité royale. [Lettr. Mf. de » Terlon, du 1 May 1666. Lettr. du ig Juin 1666.] Le corps fut » trois mois entiers à Coppenhague fous l'infpedion de M. le Che- » valier de Terlon, qui prit toutes les mefures néceffaires pour la » fureté des paffages. Il luy donna la forme d'un balot de fes )) hardes, qu'il devoit envoyer fous le fceau de fes armes, afin de >) prévenir tous les fcrupules, & les effets de la fuperltition des » peuples étrangers. Il en marqua la route par terre, pour éviter » les hazards de la navigation: affùré fur tout que, fi ce précieux « dépôt venoit à tomber entre les mains des Anglois, parmi lef- » quels M. Defcartes avoit déjà une infinité d'Adorateurs, ils » auroient refufé de le rendre, & luy auroient élevé un magni- » fique Maufolée dans leur païs, fous prétexte de dreffer un temple » à fa Philofophie. Ayant reçu les ordres du Roy, il écrivit à » M. de Lionne & à M. Colbert [Lettr. du 2 d'Odobre 1666] » pour les leur faire fçavoir, afin qu'ils ordonnaient aux Doiiannes » de ne point ouvrir le balot. Enfin, il fit partir le corps de Cop- » penhague le fécond jour d'Odobre de l'an 1666, fous la diredion » du fieur de l'Epine, &'du fieur du Rocher, auquel il donna une » lettre pour M. d'Alibert. Trois jours après, il luy récrivit par » l'ordinaire [Lettr. du S d'Odobre 1666], pour en publier la » nouvelle dans Paris, & l'inférer dans les Gazettes. Mais il » demanda, pour reconnoiffance de fes foins, qu'on ajoutât à l'inf- » cription du tombeau, que ce tranfport avoit été fait fous » Loiiis XIV par le Chevalier de. Terlon fon Ambafj'adeur. \ Lettr. » du 25 Dec. 1666.] Les fieurs de l'Epine & du Rocher travcr- )• férent à longues journées la Juthlande, la baffe Allemagne, la » Hollande & la Flandre, en toute fureté, jufqu'à ce qu'étant M arrivez à Péronne en Picardie, ils furent arrêtez par les Doiian- » niers, comme introdudeurs de quelque marchandife de contrc- » bande. [Rél. Mf de M. Haqueteau.] Rien ne leur parut dans » tout leur voyage plus embarraffant que cette exaditude aveugle

�� � 6oo Vie de Descartes.

» des Commis; & quoy qu'ils alléguaffent de par le Roy, & au » nom de M. Colbert pour M. l'Ambaffadeur, ils ne purent s'en » garantir, qu'en fouffrant que l'on rompît le fceau de M. l'Ambaf- » fadeur, & que l'on ouvrît la caiffe de cuivre : dont ils prirent adle » en préfence de témoins fuffifans. »

[Page 43g.) « Le corps étant enfin arrivé à Paris, vers le com- » mencement du mois de Janvier de l'année fuivante, fut porté chez » M. d'Alibert, & quelques jours après, il fut mis en dépôt fans » cérémonie dans une Chapelle de l'Eglife de faint Paul; & l'on » délibéra auiïi-tot du lieu do la fepulture, & des circonftances dont » on accompagneroit la cérémonie. [Lettr. Mf. de Clerf.au P. l'Alle- » mant, du i6 Mars lôôy. Ephémérid. imprim. de l'Abbàie de Ste » Geneviève, & de la Congrégat., du i Février lôâS".] L'on jetta les

a. Relation de ce qui s'eft pajfé en la Congrégation des Chanoines Réguliers de France en l'année 1 66 j [le même titre, avec la date seule changée, reprend en tête de chaque année, de 1654 à 1699]. Page 5-6 :

« Les amis de M. Defcartes, ne pouuant fouffrir que le corps de ce » fameux Philofophe demeurât plus long-temps dans vne terre eftran- » gère & Hérétique, obtinrent, quoy qu'auec difficulté, permiflîon du Roy » de Suéde de le faire tranfporter en France, oii cherchant quelque lieu » conuenable pour garder vn dépos fi confiderable, ils jetterent les yeux » fur l'Eglife de Saincle Geneuiefue de Paris, non feulement à raifon de fes » prerogatiues, mais encor à caufe qu'elle eft fituée au milieu des Lettres » & de rVniuerfité. Ils vindrent donc prier le R""^ P. General de l'y rece- » uoir : ce qui leur ayant efté accordé, ils apportèrent aux flambeaux, » dans vn carroffe, le corps qui eftoit enfermé dans vn cercueil de »' cuiure, qui fut mis en terre entre deux Autels au haut de la Nef, où » l'on doit pofer vn Epitaphe à fon honneur ; on fit enfuite vn Seruice » fort folemnel, oij tous les Dodes de Paris furent conuoquez, auquel le » R""= officia pontificalement. »

« Dauantage, pour lauer entièrement les cendres & la mémoire de ce 1 gnand Homme, de la tache des erreurs qui infeflent les pais où il a » afFez long-temps demeuré pendant fa vie & après fa mort, on a depofé » dans nos Archiues, comme dans vn trefor publique, des témoignages » &. des certificats authentiques de fa Religion, & comme il eft mort » dans la Communion de l'Eglife Romaine. Il y en a vn, entr'autres, de » la Reyne Chriftine de Siiede, qu'elle a figné, & di£lé en nollre langue, » qui comprend vn éloge de ce rare Perfonnage, où elle dit : Nous certi- » fions mefme, par ces Prefentes, qu'il a beaucoup contribué à nojlre » glorieu/e comierfion, & que la Prouidènce de Dieu s'eft feruie de luy, » & de fon illuftre, amy le fteur de Chanut, pour nous en donner les pre- » mieres lumières, que fa grâce & fa mifericorde acheuerent après, à

�� � Appendice. 601

yeux sur l’Eglise de sainte Geneviève du Mont, que l’on ne regardoit pas moins comme le sanctuaire des Sciences, que comme celuy de la Religion. On souhaitoit d’exposer ce corps à toute la France fur le lieu le plus élevé de la capitale, & sur le sommet de la première Université du Royaume, afin que les dépouilles de la mortalité de ce grand Philosophe pussent servir de trophée à la Vérité éternelle, que son esprit avoit recherchée fur la terre, & que son ame possédoit en l’autre monde, autant qu’il étoit permis de l’espérer de la miséricorde de Dieu. L’Abbé de sainte Geneviève. Général de la Congrégation, qui étoit alors le Révérendissime P. François Blanchard, reçut la proposition qu’on luy en fit, avec plaisir; & tous les Religieux de la maison n’eurent qu’une voix pour y consentir. Le Père l’Allemant, Chancelier de l’Université, célèbre par divers ouvrages de piété, dont le Public fera long-têms ses délices, fut choisi pour composer l’Oraison funèbre, & M. Clerfelier luy fournit les mémoires nécessaires pour y réiiflir. D’un autre côté, M. Foucher, Chanoine de Dijon, demeurant pour lors à Paris, s’étoit chargé d’en faire encore une autre, à la prière de M. Rohault, pour être prononcée en un autre lieu, dont on devoit convenir dans la fuite. Messieurs de sainte Geneviève voulurent bien prendre tous les foins de l’appareil funèbre qui regardoit la décoration de leur Eglise, & M. d’Alibert convint avec eux des moyens de faire la chose avec un éclat & une magnificence à laquelle on n’eût rien à desirer.

« Toutes chofes étant préparées pour le xxiv Jour de Juin. [Regijlre des Jure^ Crieurs, du Samedy 2S Juin 1667], la pompe funèbre partit de la rue Beau-treillis, où demeuroit M. d’Alibert, après le foleil couché, pour fe rendre à l’Eglife de faint Paul, d’où l’on devoit lever le corps. Elle étoit compofée du Clergé de cette grande Paroiffe, d’un nombre très-grand de Pauvres revêtus de neuf au nom du Défunt, portant des torches & desflambcauXj&d’une longue (f»a^e^.^o) fuite de caroffes, remplis de perfonnes de la première qualité, de tous les amis du Philofophe qui reftoient à Paris, & d’une foule de fes Sedateurs, qui n’avoient jamais eu l’honneur de le connoitre. Elle arriva devant

nous faire embraffer les vérité^ de la Religion Catholique, Apojlolique & Romaine.

Le Témoignage en question remplit la p. lo. (Note communiquée par M. Victor Chapot, sous-bibliothecaire à la Bibliothèque Sainte Geneviève.)

Vie de Descartes. 76 6o2 Vie de Descartes.

» l'Eglife de fainte Geneviève peu de têms apre's les matines de la » Communauté. L'Abbé, revêtu des habits pontificaux, la mitre fur » la tête & la croffe à la main, accompagné de tous les Chanoines » réguliers, portant chacun le cierge, alla recevoir le corps à la » porte de l'Eglife, & le conduifit dans le Chœur, où l'on chanta » folennellement les Vêpres des Morts. L'induftrie des Pérès de » fainte Geneviève pour l'appareil funèbre, & pour tout le céré- » monial Eccléfiaftique, qui eft toujours fort majeftueux parmi les » Chanoines réguliers, enchérit encore beaucoup au-deffus de tout » ce que l'imagination du généreux M. d'Alibert avoit pu leur » fuggérer; & depuis la mort du Cardinal de la Roche- Foucaut, » Réformateur de leur Ordre, l'on ne fe fouvenoit point d'avoir » rien vu de plus pompeux dans leur Eglife. Les prières finies, » l'on porta le cercueil au côté méridional de la nef, & on le pofa » contre la muraille {en marge : entre deux confefiionnaux) dans » un caveau qui luy avoit été deftiné, entre la chapelle du titre de )/ fainte Geneviève & celle du titre de faint François. La groffe » fonnerie qui fe fit entendre par toute la Ville, dans le têms que » tous les bruits du jour commençoient à céder au filence de la » nuit, excita la curiofité ou ia dévotion d'une infinité de monde, » qui accourut à l'Eglife le lendemain, qui étoit un famedy, auquel » on avoit remis le fervice : ce qui produifit une foule d'affiftans, )) beaucoup plus grande que celle de la veille. Mais à travers de » tout cet appareil, il vint un ordre de la Cour, portant deffenfe de » prononcer publiquement l'Or.aifon funèbre. Il fut reçu avec » refped, & fut exécuté avec autant de foùmiflîon, que s'iL » n'eût pas été furpris. Dès le mois de Mars [Lettr. Mf. de » Clerf. au P. V Allemant, du i6 Mars lôôj. Item, Mém. Mff. de » Clerf. ^^ lorfque la pièce n'ètoit encore qu'ébauchée fur le papier » du P. l'Allemant, l'on avoit reçu quelque avis que, parmi la » foule des auditeurs qui feroient ravis d'entendre prononcer cette » Oraifon. il fe glifferoit infailliblement quelques cenfeurs mal >) intentionnez, qui pourroient en faire un mauvais ufage. La » crainte parut aflez bien fondée à M. Clerfelier, qui jugea qu'on )> devoit en continuer la compofition, mais s'abftenir de la prononcer » en public. Le P. l'Allemant, charmé de la {page 441) beauté de fon » fujet, n'avoit pas laifle de fe préparer dans la fuite, à la perfuafion » de ceux qui prenoient cette crainte pour une terreur panique. » Mais l'événement fit connoître tout à propos, que M. Clerfelier » avoit confeillé le meilleur parti. Cependant en fit le fervice folen- » nel avec la même magnificence que la veille. Le Rèvérendiffime

�� � Général Abbé du lieu dit la Meſſe pontificalement, & finit toute la cérémonie par une proceſſion au lieu du cercueil, où il bénit pour la derniére fois les cendres du Défunt. Après que le gros de la foule fut écoulé, les principaux amis de M. Deſcartes allérent joindre les Religieux de la maiſon, & leur préſentèrent les titres & les procez verbaux de toute l’hiſtoire de cette fameuſe tranſlation, avec les certificats en bonne forme, du Père Viogué (du 9 de May 1667, à Rome), de feu M. Chanut l’Ambaſſadeur, de M. Clerſelier, & de Meſſieurs Chanut, fils de l’Ambaſſadeur, concernant la catholicité de ſa Religion, l’intégrité de ſes mœurs, & l’innocence exemplaire de ſa vie. Ils y joignirent auſſi une lame de cuivre, où ils avoient fait graver la même hiſtoire parfaitement bien circonſtanciée, avec les noms de toutes les perſonnes qui y avoient eu quelque part. L’Abbé & les Religieux renfermérent la lame de cuivre dans le cercueil en préfence de ces amis ; & aprés qu’on l’eut ſcellé & barré, ils portèrent les titres, les procez verbaux & les certificats, dans les archives de l’Abbaye. Celuy qu’on attendoit de la Reine de Suéde ne put venir aſſez tôt, pour être compris dans la même cérémonie. On ne le reçut qu’au mois de Septembre ſuivant, parce que la Reine ne s’étoit trouvée en état de l’écrire de ſa main, que le xxx jour d’Août dans la ville de HambourgErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.. On le mit à la tête des autres,

a. Baillet avait donné, au commencement du même chapitre, un

extrait du certificat de la reine :

« Voicy les termes auſquels ſa Majeſté voulut s’en expliquer, douze ans aprés, par vn certificat ſigné de ſa main : Nous certifions même, par ces préſentes, que ledit ſieur Deſcartes a beaucoup contribué à nôtre glorieuſe converſion, & que la Providence de Dieu s’eſt ſervie de luy & de ſon illuſtre ami le ſieur. Chanut, pour nous en donner les premiéres lumières, que ſa grace & ſa miſéricorde achevèrent après, & pour nous faire embraſſer les véritez de la Religion Catholique, Apoſtolique, & Romaine. La Reine fut bien aiſe de donner ce témoignage au Public, afin de le faire paſſer à la Poſtérité, parce qu’il s’agiſſoit de proteſter ſolennellement en faveur de la Vérité. Mais dans ſes converſations particulières [Poiſſon. Rélat. Mf. defon entret. avec la Reine de Suède » d Rome, en i6yj], où l’on fçait qu’elle affefloit de parler toujours fort » froidement de ceux qu’elle eftimoit le plus, fur tout depuis qu’elle eût » fixé fa demeure en Italie, elle fe contentoit de déclarer que : la facilité » avec laquelle elle s’ètoit rendue à plufieurs difficultés^, qui l’éloignoient » auparavant de la Religion des Catholiques, ètoit due à certaines chofes » qu’elle avoit oûy dire à M. Defcartes. » (Loc. cit., t. H, p. 433.) rhose plus importante, Baillet parle de « certains petits mémoires �� � 6o4 Vie de Descartes. » comme le témoignage le plus glorieux de l'eftime que la plus » fçavante des tètes couronnées faifoit de nôtre Philofophe, & M comme le titre le plus authentique des fervices qu'il avoit rendus » à la Religion Catholique [en marge : en procurant la converfion » de cette PrincelTej, & de la piété avec laquelle il avoit tâché de » fe fanclifier luy-mème au milieu des Proteftans & des Etrangers » dans le iein de l'Eglife Romaine. Les reftes de l'inclination que » la Reine Chriftine confervoit pour la gloire des Etats qu'elle M avoit quitez, s'étoient réveillez à la nouvelle de l'enlèvement qu'on » avoit fait du corps de ion ancien Maître. M. le Chevalier de Terlon » [Lettr. de Terlon à d'Alibert, du 12 Juillet 166'j] {page 442) » ayant eu occafion de la voir depuis, elle ne put luy diiTimuler ce » qu'elle en penfoit ; & elle ajouta que, Ji elle avoit été dans le » Royaume, jamais elle n' aurait fouffert qu'on eût enlevé ce thréfor » de la Suéde; mais qu'elle V aurait fait tranjporter dans une Eglife, » aie elle l'auroit couvert d'un magnifique tombeau. » [Lettr. Mf. de » Clerf. à d'Alibert, du 23 Juin 1667. Lettr. de Terlon à d'Alibert, » du 12 Juillet 1667.] » « Au fortir de l'Eglife de fainte Geneviève, M. d'Alibert mena » quelques perfonnes qualifiées & qu"elques-uns des principaux » Cartéfiens qui avoient été de la cérémonie, chez le fameux » Bocqtiet, où il leur avoit fait préparer un fplendide & fomptueux » repas. Ceux des conviez dont la mémoire ne nous efl pas encore » échappée, étoient : M. de Montmor, Maître des Requêtes ; M. A'Or- » mejfon, Maître des Requêtes; M. de Gucdreville, Maître des » Requêtes; M. d'Amboile, fils de M. d'Ormeffon, qui a été depuis M Maître des Requêtes & Intendant à Lyon; M. de Fleury, alors » Avocat, & maintenant Abbé du Locdieu, fous-Précepteur de » Monfeigneur le Duc de Bourgogne & de Monfeigneur le Duc » d'Anjou; M. de Cordemoy, aufli Avocat, & depuis Lecteur de » Monfeigneur: M. Rohault, gendre de M. Clerfelier & chef des » écoles Cartéfiennes; M. Au:;^out, Mathématicien, qui demeure pré- » fentement à Rome; M. Le Laboureur, Bailly de Montmorency; n M. Petit, Intendant des Fortifications, dont nous avons fouvent » eu occafion de parler dans cet ouvrage; M. Denjs (Jean-Bapt.), » Médecin ordinaire du Roy; M. Clerfelier, qui faifoit les honneurs » de la fête avec M. d'Alibert, M. Fedé fut auiTi du feftin, & I) l'écrets qu'il (Descartes) luy avoit dreffez (à la reine de Suède), pour luy » apprendre la manière de vivre heureufe devant Dieu & devant lesi » hommes ». (Page 432.) Ces mémoires sont-ils définitivement perdus- �� � Appendice. 6o^ » quelques autres encore, qui fans y avoir été invitez le jeudy 23 » du mois comme les douze premiers, s'étoient affûrez d'y être trés- » bien reçus. On n'y omit rien de ce qui pouvoit le plus contribuer » à bien folennifcr la mémoire de M. Defcartes. Mais [Lettr. Mf. de » Clerf.^ de la Jin de Juin lôô-j] quelqu'un de la compagnie, en belle » humeur fur la fin du dîner, voyant que perfonne n'avoit pris le » parti des Péripatéticiens, fe leva foudain fur fon fiége & s'écria, » en fautant comme s'il avoit voulu prendre la fuite, en leur nom : Hojlis habet muros, ruit alto à culmine Troja. » Le neuvième jour d'après, qui étoit un Dimanche, troifiéme jour » de Juillet, i\l. d'AIibert, M. Clerfelier & M. Rohault furent priez » à diner par le P. Général de fainte Geneviève, & M. Rohault fit » après le repas diverfes expériences de l'aimant, pendant la récréa- » tion des Pères de la maifon. » (Baillet, loc. cit., t. II, p. 433-442.) ��XIV. Tombeau a Sajntk-Geneviève-du-Mont. (1C67-1792.) Ce qui suit est la fin du même chap. xxiii, livre VII, du tome II de La Vie de M. Des^Cartes, par A. Baillet, 1691, chapitre repro- duit ci-avant, p. 694-605. L'épitaphe française serait de Gaspard Fieubet, conseiller d'État, mort en 1694. « Les foins de M. d'AIibert fe terminèrent enfuite à faire dreffer » fur le tombeau de M. Defcartes un marbre contre la muraille, » contenant la repréfentation de fon corps en fculpture avec une » belle Epitaphe au bas du bufle (elle ne fut mife en place que fur » la fin de l'an 1669), dont les vers françois font de la veine de l'un » des plus illuftres & des plus fçavans Magiftrats qui compofent » aujourd'huy le Confeil du Roy. Mais l'infcription latine que l'on » y a jointe, eft de M. Clerfelier, quoique plufieurs veuillent encore » maintenant l'attribuer au Père l'AlIcmant, Chancelier de l'Uni- » verfité. Voicy l'une & l'autre infcription de l'Epitaphe : Descartes, dont tu vois icf lafepulture, A deffillé les yeux des aveugles mortels. Et gardant le refpeâ que l'on doit aux Autels, Leur a du Monde entier démontré lajtruélure. �� � 6o6 Vie de Descartes. Son nom par mille écrits Je rendit glorieux ; Son efprit, mefiirant & la Terre & les deux. En pénétra l'abime, en perça les nuages : Cepettdant, comme un autre, il cède aux loix du fort, Luf qui vivrait autant que /es divins ouvrages. Si le Sage pouvait s'affranchir de la mort. D. O. M. RENATUS DESCARTES. ViR fupra titulos omnium retro Philofophorum, Nobilis génère, Armoricus gente, Turonicus origine, In Gallià Flexiîe ftuduit ; In Pannonià miles meruit ; In Batavia Philofophus delituit ; In Suecià vocatus occubuit. Tanti Viri preciofas reliquias Galliarum percelebris tune Legatus Petrus Chanut Chriftinœ Sapientiffima» Reginte Sapientium amatrici Invidere non potuit, nec vendicare Patriae : Sed quibus licuit cumulatas honoribus Peregrina» terrœ mandavit invitus, Anne Domini i65o, menfe Februario, œtatis 54°. Tandem poft xvii annos, In gratiam Chriftianiffimi Régis LuDovici XIV, Virorum infignium cultoris & remuneratoris, Procurante P^/ro d'Alibert, Sepulcri pio & amico violatore, Patriœ redditœ funt : Et in ifto Urbis & Artium culmine pofitae. Ut qui vivus apud Exteros otium & famam quasfierat, Mortuus apud fuos cum laude quiefceret, Suis & Exteris in exemplum & documentum futurus. I nunc, viator : Et Divinitatis immortalitatifque Animœ Maximum & clarum Affertorem. Aut jam crede felicem, Aut precibus redde. �� � Appendice. 607 Ce tombeau demeura à Sainte-Geneviève jusqu'en 1792. Cepen- dant on crut en France, notamment dans la famille de Descnrtes, qu'une partie au moins de ses restes avait été retenue en Suède. Arckenholtz ne manque pas de le rappeler, dans ses Mémoires concernant Chriftitie, etc., i^Si, t. I, p. 228-229; il ajoute dans une note sur le philosophe : « Son parent, Mr. Joachim Defcartes, avoit intention de faire » conrtruire un autre Monument à l'endroit où René Defcartes fut » enterré, & où, comme il dit, une partie des cendres & du refte » du Défund fe trouvoit encore. Mais ce deffein n'a pas été » exécuté. Cependant nous mettrons ici l'infcription que fon » Parent auroit mile fans cela fur ce Monument : « Carthefius (Joachimus), Gallus, Renati Affinis, Régi Galliarum » à Confiliis Militarifque Difciplina; Prasfedus, durabilius & » magnificentius Monumentum Renato Affini fuo in Cœmiterio » ad S. Olaum Suburbii Orientalis vulgo Nordermalm propediem » exftrui curabit in forma Pyramidis marmoreae plane iiluflris : » cujus primum latus habebit antiquam Infcriptionem ; alterum, » D. O. M. Régnante Chrijiina &c.; tertium fequentem, & novam » quartum [V. Joh. Tepelii Hijl. Philofophia: Carthef., pag. 85 » & 86] : Adfta, Viator, & lege. Hic inter Parvulos conditus ejt anno MDCL Vir morum ftmplicitate & innocentia vere parvulus, Atingenii fubtilitate maximus, RENATÙS DESCARTES. Galliarum totiufque Orbis Philofophus Qualis quantujque fuerit, intelligcs ex infra fcriptis elogiis, Caduco infortnique antehac tumulo A Viro Nobili Petro Chanul Galliarum tune Legato appqfilis ; Hujus quidem ojfa curis & fumtibus Generoji Pétri D'Alibert Generalis Franciœ Quccjloris Hinc eruta Lutetiam tranjlata funt anno MDCLXl^I, Et in ^-Ede S. GenovevcE pojita : Sedexuviarum Ej us pars non exigua hoc fuperejl loco, Quam ut pro Viri meritis decoraret Illujlrijf. Joa. Anton, de Me/mes Eques, Cornes d'Avaux, Ludov. XIV Régi Chrijîianijfimo à Secretioribus Confiliis. Regiorum Ordinum Commendator eorumque Ceremoniis prœpofitus/ummus Magi/ter, �� � Ad Rempublicani Venetam, dein Batavam. Hinc ad Jacobum II, Magnœ BritaunLv Regcm in Hibernid degentem, Tum ad Carol. XI et XII Suecice Reges Legatus, Pro ïtifila Memmiorum Genti erga Literas & Literatos propenfione Ad Philofophice honorent & Gallici nominis immortalitatem Immortalis memorice Philofopho, Gallix Decori, M. Decembr. MDCLXVII. « Hanc qualemcunque Inlcriptionem Illurtrill’, Galliarum Legato » vovei & confecrat illius Author Edmundus Pourchotius Senenfis. ») Jur. Utr. Lie, Academiae ParifienL Reclor Antiquus & emeritus » Philof. Profeff. ». »

XV.
Panthéon et Elysée.

1 1791-1819.;

Cette note est empruntée, pour la première partie (Panthéon). à un article signé P. J. {Paul Janet?) de L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, année 1890, p. 220-224, n° du 10 avril.

« Le 12 avril 1791, le président de l’Assemblée nationale donne lecture d’une pétition de M. le Prestre de Chateaugiron, lequel sollicite un décret, qui accorde à Descartes, son grand-oncle, l'honneur d’être placé où doivent être déposées les cendres des grands hommes^. Le manuscrit original de la pétition a été retrouvé dans

a. La date de cette inscription est certainement fautive. Edme Pourchot, né le 5 sept. 1651, ne fut recteur qu’en 1692, puis en .1693, puis cinq fois encore de 1694 jusqu’à sa mort, le 32 juin 1734. Quant à Jean-Antoine de Mesmes, comte d’Avaux, qui vécut de 1640 à 1709. il fut ambassadeur à Venise de 1671 à 1674, ^" Hollande de 1678 à 1688. auprès de Jacques II en Irlande l’année 1689. enfin à Stockholm de 1693 à 1700, auprès de Charles XI jusqu’à la mort de celui-ci, le 5 avril 1697, ensuite auprès de Charles XII. L’inscription serait donc au plus tôt de décembre 1697.

b. Voir pour la filiation du pétitionnaire, ci-avant p. 11-12, note b : fin de la descendance de Pierre Descartes de la Bretallière, frère aîné du philosophe. une vente ; la pièce tout entière est un autographe de Condorcet. La voici in-extenso :

« Un petit-neveu de Descartes, le fils de la dernière descendante de ses frères, ose solliciter un décret, qui accorde à ses cendres l’honneur d’être placées dans le Temple que l’Assemblée nationale a consacré aux Manes de nos grands hommes. »

« Descartes, éloigné de la France par la superstition et le fanatisme, est mort dans une terre étrangère. Ses amis, ses disciples voulurent que du moins il eût un tombeau dans sa patrie. Son corps, transporté par leurs soins, fut déposé dans l’ancienne église de Sainte-Geneviève ; il leur paraissoit que celui qui avoit rétabli la raison humaine dans ses droits, devoit être placé au milieu des écoles publiques, où l’on s’appliquoit à former celle des générations naissantes, afin que ses cendres écartassent à jamais les préjugés de ce lieu consacré par elles. Ils lui avaient préparé un éloge public ; mais la superstition défendit de louer un philosophe, l’orgueil ne permit pas d’honorer un particulier qui n’étoit qu’un grand homme, et si le prince royal aujourd’hui roi de Suède n’avoit voulu consacrer par un monument[1] l’honneur qu’avoit eu son pays de servir d’agile à la philosophie persécutée, aucune distinction publique n’auroit vengé l’apôtre de la raison des amertumes auxquelles la haine de ses ennemis l’avoit condamné. »

« Mais cette longue attente peut être plus que réparée : celui qui, en brisant les fers de l’esprit humain, préparait de loin l’éternelle destruction de la servitude politique, semblait mériter de n’être honoré qu’au nom d’une nation libre ; et le sort l’a servi d’une manière digne de lui, en le préservant des honneurs que l’orgueil du despotisme aurait souillés[2]. » 6io Vie de Descartes.

« Sur la proposition de son président, l'Assemblée renvoya cette » pétition à l'examen du Comité de Constitution. Elle ne fut rap- » portée que le i^ octobre 1793, par Marie-Joseph Chénier, qui » proposa à la Convention, au nom du Comité d'instruction » publique, de placer Descartes au Panthéon. Son discours très » éloquent détermina l'Assemblée à rendre ces décrets :

DÉCRETS

DE LA

CONVENTION NATIONALE

Des 2 et 4 octobre lygS, l'an second de la République Françoise

une et indivisible,

qui accordent à René Descaries les honneurs dus aux grands Hommes, et ordonnent de transférer au Panthéon François son corps, et sa Statue faite par le célèbre Pa/oii.

i". Du 2 Octobre.

La Convention Nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité d'instruction publique, décrète ce qui suit :

Article Premier. René Descartes a mérité les honneurs dus aux grands hommes.

» gens de ce nom, qui ont reçu à ce titre une petite pension de l'ancien » gouvernement, et à qui je voudrois bien que l'Assemblée nationale la » conservât. » Cette note, qui prouve le bon cœur de Condorcet, est tout de même assez piquante : le philosophe du xviii" siècle reconnaît que l'ancien gouvernement, à qui il vient de reprocher son ingratitude envers le philosophe, accordait toutefois une pension à deux jeunes gens, comme portant le nom de Descartes ; et bien que ce fut indûment, il souhaite que le nouveau gouvernement continue de les pensionner. L'Intermédiaire ajoute, en note, que, selon le Moniteur du i5 janvier 1819, on pouvait voir, dans une des salles de l'hôpital Saint-Louis, le dernier descendant de Descartes, portant son nom, et qui venait d'obtenir une pension de Sa Majesté. — Remarquons, comme signe du temps, le langage de Condorcet à cette date de 1791, et comme signe d'un autre temps, celui de Silvestre de Sacy, au nom de l'Académie des Inscriptions, lors du transfert à Saint-Germain-des-Prés, le 26 février 1819. Il fera l'éloge de « ce philosophe religieux, qui enseigna aux hommes à arriver à la vérité » parle doute, mais qui leurapprit aussi par son exempleà ne pas franchir » les limites que la divine sagesse a mises en nos facultés ». Ainsi chaque génération 'la nôtre comme les précédentes; se figure toujours (en dépit de la vérité historique) un Descartes à sa propre image et ressemblance.

�� � Appendice. 6i i

II.

Le corps de ce philosophe sera transféré au Panthéon François.

III.

Sur le tombeau de Descartes, seront gravés ces mots :

Au nom du Peuple François,

La Convention nationale

à René Descartes,

1793, l'an second de la république.

IV.

Le Comité d'instruction publique se concertera avec le ministre de l'intérieur pour fixer le jour de la translation.

V.

La Convention nationale assistera en corps à cette solennité ; le Conseil exécutif provisoire et les différentes autorités constituées dans l'enceinte de Paris, y assisteront également.

Visé par l'inspecteur : S.-E. Monnel.

Collationnée à l'original, par nous président et secrétaires de la Convention nationale. A Paris, le seizième Jour du premier moi de l'an second de la république une et indivisible. Signé : L.-J. Chaklier, président; Pons (de Verdun) et Louis (du bas Rhin) secrétaires.

2°. Du 4 Octobre.

La Convention nationale décrète que la statue de Descartes, faite par le célèbre Pajou, et qui se trouve déposée dans la salle des antiques, en sera extraite pour être placée au Panthéon le jour où les cendres de ce grand homme y seront transférées ; autorise le ministre de l'intérieur à faire tous les arrangemens et ouvrages nécessaires pour remplir cet objet.

^Voir Revue Philosophique, Janvier 1881, p. 89-90.)

« Les graves événements politiques qui se succédèrent après ces » décrets en firent oublier l'exécution, et la Convention termina sa » session sans fixer le )our où Descartes devait recevoir l'hommage » de la reconnaissance nationale. »

« Le 3o janvier 1796, l'Institut invita lé Conseil des Cinq-Cents

�� � 6i2 Vie de Descartes.

» il donner suite aux décisions de la Convention. Cette pétition fut » appuyée par un message du Directoire, en date du i8 avril 1796. » Le gouvernement y proposait à l'Assemblée, que la translation » des cendres de Descartes au Panthéon servît de base à la Fête de » la Reconnaissance, fixée au 10 prairial, et dont l'objet principal » était de consacrer les noms des grands hommes qui avaient bien » mérité de la patrie. La commission chargée de l'examen du mes- » sage déposa son rapport le 7 mai 1796. Le rapporteur approuvait » les conclusions du gouvernement, et proposait de fixer cette » apothéose au 10 prairial. Il fut combattu très vigoureusement par » un député", qui s'opposa à ce que le Corps législatif se transfor- )> mât en Corps académique. Descartes, dit cet orateur (dont nous » ne connaissons pas le nom), est la principale cause des malheurs » qui depuis longtemps ont désolé l'espèce humaine... Ses ouvrages » sont remplis d'erreurs... Je demande que le Corps législatif laisse » Descartes vivre ou mourir dans ses ouvrages. » Ce discours fit » voter l'ajournement du projet. Descartes ne devait jamais reposer » au Panthéon. »

« Toutefois les décrets de la Convention avaient reçu un com- » mencement d'exécution. Le corps, enlevé de Sainte-Geneviève, » avait été déposé au Jardin Elysée des Monuments français, pour » y attendre l'apothéose officielle. »

« Les cendres de Descartes y restèrent, à titre provisoire, con- » servées dans une urne de porphyre (?) jusqu'en 1816, époque de » la suppression de l'admirable création de Lenoir. On proposa à » cette époque de placer les restes de Descartes au Père-Lachaise*".

a. Delamhre, Histoire de l'Astronomie moderne, x. II, 1821, p. 200, assure que ce fut Mercier, « qui alors aimait Newton, et qui n'aimait plus » Descartes, dont cependant il avait autrefois composé l'éloge ». Voir Le Censeur des Journaux (Paris, Gallais), n° du 4 juin 1796 (16 prairial IV) : lettre de Mercier, humoristique, contre Voltaire. Elle commence ainsi : « Venez à mon secours, mon cher Censeur; les prétendants au Panthéon » ne sont pas aussi paisibles que ses habitants ; et l'on m'assure que mon » opinion sur Voltaire et Descartes m'a fait beaucoup d'ennemis. •>

b. En réalité, certains corps, déposés aussi au Jardin des Monuments français, furent transportés au Père-Lachaise, mais non les restes du philosophe. Voir A. Lenoir, Musée des Monumens français (Paris, chez Nepveu, t. VIII, 1821), p. 171-172 : « Transport des corps de Molière, » de Jean de La Fontaine, et d'Héloïse et d'Abailard, au cimetière du » Père Lachaise, conformément à l'arrêté du 28 février 18 17, de » M le Préfet du département de la Seine. » La remise des corps de

�� � Appendice. 6ij

» Ce projet fut rejeté, et l'on décida de les inhumer, avec c'eux » de Mabillon et de Montfaucon, en l'église Saint-Germain-des- » Prés. »

Tout cela est exact. Si Descartes n'obtint pas les honneurs du Panthéon, il eut au moins ceux des Champs Élysées, ou plutôt de ce que Lenoir appela l'Élj'sée. Voir tout un chapitre du tome V de son Musée des Monumens français (Paris, imp. Hacquart, 1806), p. 171-204. On y trouve neuf planches intercalées dans le texte (pi. 196-204 inclus), dont la première et la dernière donnent des Vues du Jardin Élj'sée, l'une « prise du côté du Tombeau d'Héloyse », et l'autre justement « prise du côté du Tombeau » de René Descartes ». Les sept planches intermédiaires donnent des Vues de Tombeaux, dans l'ordre suivant : Descartes, Rohault, Molière, La Fontaine, Mabillon, Montfaucon et Boileau. Tous ces tombeaux avaient été exécutés sur les dessins de Lenoir lui-même. « Le sénat français (dit-il ailleurs) a rendu plusieurs décrets en » faveur des sépultures particulières, et les monumens que j'ai » élevés sur mes dessins, et qui contiennent les corps de Descartes, » de Molière, de La Fontaine, de Mabillon, de Montfaucon et de » Turenne, sont une suite de sa reconnaissance en faveur des » talens. » [Description historique et chronologique des Monumens de sculpture réunis au Musée des Monumens français, 7* édii., Paris, An XI-i8o3, p. 289.) Ce même ouvrage donne immédiate- ment après ces lignes, p. 289, la description suivante : « N° Soj . » Urne sépulcrale de René Descartes. Sarcophage en pierre dure, » et creusé dans son intérieur, contenant les restes de René Des- » cartes, mort en Suède en i65o, supporté sur des griffons, » animal astronomique, composé de l'aigle et du lion, tous deux » consacrés à Jupiter, et l'emblème du soleil dont ils représentent » le domicile. Des peupliers, dont la cime monte jusqu'aux nues, ». des ifs et des fleurs, ombragent ce monument, érigé au père de la » philosophie, à celui qui le premier nous apprit à penser. » Le même texte se retrouve, p. 195-196 du chapitre cité plus haut, avec deux lignes en plus : « On lit sur ce monument cette seule inscrip- » tion : Restes de René Descartes, mort en Suède en i65o. » Et de même que la pétition pour transférer le philosophe au Panthéon,

Molière et de La Fontaine se fit le 6 mars suivant (1817) et celle des corps d'Héloïse et d'Abailard, seulement le i-ô juin 1819. Plus loin, p. i83, parmi les << Objets rendus ou donnés aux Églises », Lenoir men- tionne, pour Saint-Germain-des-Prés, « les corps de René Descartes, de » Boileau, de Mabillon et de Montfaucon ».

�� � 6 14 Vie DE Descartes.

était de la main de Condorcet : de même c'est une page de Condorcet encore, tirée de son Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, que Lenoir invoque, p. 192-193, pour mettre sous l'autorité d'un grand nom le projet qu'il réalisa d'un Jardin Elysée, ou tout simplement d'un Elysée.

��XVI.

Tombeau a Saint-Germain-des-Prés.

(,819.)

Les restes de Descartes demeurèrent dans le Jardin du Musée des Monuments français (voir ci-avant, p. G 12-6 14), de 1792 à 18 19. Voici ce que l'on trouve, à ce sujet, dans la Description historique et chronologique des Monumens de sculpture, réunis au Musée des M onumens français, par Alexandre Lenoir, Fondateur et Adminis- trateur de ce Musée, (p. 229-231 de la y"" édition. An XI-i8o3, de

la République).

N° 180.

De Sainte-Geneviève.

Médaillon en terre cuite, de René Descartes, mort en Suède en i65o, posé sur une espèce de colonne en marbi-e blanc, sur laquelle on lit les inscriptions suivantes.

La première, qui est en latin, est du Père Lallemand, chanoine régulier de Sainte-Geneviève ; la seconde, eu français, est de Gaspard Fieubet, conseiller d'État, mort en i6g4.

Suit le texte des deux inscriptions, publiées ci-avant, p. Go5-6o6, dans l'ordre inverse.

Lorsque le Musée des Monuments français fut supprimé, les restes de Descartes furent transportés dans l'église la plus proche, qui était Saint-Germain-des-Prés, le 26 février 1819, ainsi que l'atteste le document qui suit :

EXTRAIT DU « MONITEUR » DU 1*' MARS 1819 (p. 247).

Procès-verbal de la remise, à MM. les commissaires de M. le préfet de la Seine, des restes de Descartes, Mabillon et Mont- faucon, qui étaient déposés dans le jardin des Petits- Augustins.

« En vertu des instructions de Son Exe. le ministre secrétaire

�� � Appendice. 6i^

» d'Etat de l'intérieur, en date du i8 février courant, et d'après les » dispositions faites par M. le comte de Chabrol, conseiller d'État, » préfet du département de la Seine, pour la translation, dans » l'église de Saint-Germain-des-Prés, des restes de René Descartes, » Jean Mabillon et Bernard Montfaucon, déposés dans le jardin des » Petits-Augustins, les cendres de ces hommes illustres ont été » extraites, aujourd'hui vingt-six février mil huit cent dix-neuf, à » onze heures du matin, des tombeaux qui les renfermaient, en » présence de M. Ch. J. Delafolio, conservateur des monuments » publics, délégué par le ministre, de M. Sobry, commissaire de » police, d'une part, et de l'autre, de M. le chevalier Piault, » maire du lo' arrondissement, de M. Dclaborne, son adjoint, » et de MM. Laribbe et Godde, délégués par le préfet de la » Seine. »

« Les cendres ont été recueillies avec une religieuse attention » dans trois cercueils de chêne, préparés à cet effet, lesquels, après » avoir été fermés et scellés avec le cachet de la conservation des >< monuments et du commissariat de police, ont été transportés » dans la grande salle des dépôts des Petits-Augustins, où se trou- » valent réunies, pour assister à leur translation, deux députa- » tions, l'une de l'Académie des sciences, l'autre de l'Académie » des inscriptions et belles-lettres de l'Institut. »

« Le conservateur des monuments sus-nommé a fait alors remise, » à M. le chevalier Piault, maire du lo*^ arrondissement, à son » adjoint, à MM. les commissaires du préfet de la Seine, des trois » cercueils clos et scellés ainsi qu'il a été dit, et contenant les restes » de René Descartes, Jean Mabillon et Bernard Montfaucon, pour » être, selon les dispositions projetées par M. le préfet, transférés » dans l'église de Saint-Germain-des-Prés. »

« En foi de quoi M. le maire du lo* arrondissement, ses adjoints, » les commissaires de M. le préfet et le conservateur des monu- » ments, ainsi que M. Sobry, commissaire de police, ont signé le » présent procès-verbal pour servir et valoir à ce que de raison, »

« Fait à Paris, les jours, mois et an que dessus. »

« Signé : Piaui.t, D"i,aborne, Ch.-J. Delafolie,

Sobry, Laribbe, Godde. »

Les restes de Descartes reposent maintenant à Saint-Germain- des-Prés, dans la chapelle du Sacré-Cœur, au bas-côté droit, seconde chapelle après la sacristie; ils sont placés entre ceux des

�� � <^r6 Vie de Descartes.

deux bénédictins Mabillon et Montfaucon; on a mis devant les cendres du philosophe l'inscription suivante, gravée sur le marbre :

MEMORIAE

RENATI • nESCARTHS

RECONDITIORIS • DOCTRINAE

LAUDE

1;t • INGENH • SVBTILITATE

PRAECELLENTISSIMI,

QVI-PRIMVS

A- RENOVATIS'IN'EVROPA

BONARVM • LITTBRARVM • STVDIIS

RATIONIS • HVMANAK

JVRA

SALVA • KIDEI • CHRISTIANAE

AVCTORITATE

VINDICAVIT • ET • ASSERVIT.

NVNC

VERITATIS

QVAM • VNICE • COLVIT

CONSPECTV

FRVITVR.

Les restes de Descartos se trouvent places entre ceux de Mabillon et de Montfaucon ; au-dessous des trois inscriptions relatives à ces hommes célèbres, on en lit une collective, qui serait, comme les prc'cédentcs, de M. Petit-Radel, membre de l'Institut :

QVORVM • CINERES • RELIGIOSE • PRIMVM • LOCVLIS • SVIS • CONDITOS • DKHINC • COMMVNl • FATO • PER • XXV • ANNOS | INTKR • PROFANA • EXVLES • QVVM • TERRAE • SACRAE • RE NOVATA • PIARVM • EXEQVIARVM • POMPA • REDDERENTUR j REGIA • INSCRIPTIONVM • ET • HVMANIORVM • LITTERARVM • ACADEMIA I TITVLIS-ADSCRIPTIS-SERIORIBVS-AETATIBVS' COMMENDAVIT • XXVI • KEBR • MnCCCXIX.

Quant au médaillon en terre cuite et aux deux inscriptions sur marbre, qui faisaient partie du tombeau de Descartes en l'Église Sainte-Geneviève, et qui furent aussi transporte^ en i']Ç)2 au Musée des Monuments français, on les trouve maintenant au Musée de Versailles.

�� � Appendice. 617

��XVII.

Crâne prétendu de Descartes au Muséum.

Le Muséum d'Histoire naturelle à Paris possède, dans ses col- lections anthropologiques, un crâne qui passe pour avoir été celui de Descartes. Les documents relatifs à ce crâne se trouvent consi- gnés dans un Registre au Laboratoire d'anthropologie du même Muséum. Ils comprennent :

1° Une lettre de Ber^elius à Cuvier, datée de Stockholm, 6 avril 1821. Le chimiste suédois, membre de l'Acadi^mie des Sciences de Stockholm depuis 1808, et même Secrétaire perpétuel depuis 1818, était venu à Paris en 1819 {l'année de la translation des restes de Descartes à Saint-Germain-des-Prés). De retour en Suède, une occasion s'offrit, dont il profita aussitôt, d'être agréable à l'Aca- démie des Sciences de Paris, dont plusieurs membres étaient devenus ses amis, entre autres Cuvier.. Il lui envoya donc un crâne, qu'il venait d'acquérir tout exprès, et qu'on disait être celui de Descartes.

2° Deux notes de l'astronome Delambre, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences depuis i8o3 (il en était membre depuis 1792), lesquelles devaient être annexées aux procès-verbaux des séances de l'Académie. La première note est du 8 mai 1821, pour la séance du 14 mai; et la seconde note, du 17 octobre 1821. Delambre, qui avait soixante-douze ans (il mourut l'année sui- vante, le 19 août 1822, et il était né le 19 septembre 1749), discute l'authenticité du crâne en question, et demeure dans l'incertitude.

A ces trois documents, qu'on peut voir au Muséum, nous en ajouterons trois autres, qui appartiennent à la collection du baron Georges de Courcel. Ce sont trois lettres, datées des i5, 16 et 19 mai 1821. La première est une demande de renseignements, adressée par Cuvier à Alexandre Lenoir, sur la translation des restes de Descartes du Musée des Monuments français à Saint- Germain-des-Prés en 1819, et même aussi sur la translation de ces mêmes restes de l'église Sainte-Geneviève au Musée en 1792. La seconde lettre est la réponse de Lenoir; et la troisième, le remer- cîment de Cuvier. Il demeure perplexe ; toutefois, sauf une diffi- culté qui l'arrête encore, il penche plutôt pour l'authenticité du crâne.

V» DE Descartes. jH

�� � ôi8 Vie de Descartes.

Lettre de M. Ber:{elius à M. le baron G. Cuvier.

« Stockholm, ce 6 avril 1821. « Monsieur,

« Je vais avoir l'honneur de vous faire une communication assez » curieuse. Dans une séance de votre Académie des sciences, où je » fus présent pendant mon séjour à Paris, j'entendis le rapport fait » par des Membres de l'Académie qui avaient été présents au trans- » port des ossements de Descarte^, je crois de l'Eglise de Sainte- » Geneviève à un autre endroit. On y annonça qu'il y avait des » parties manquantes au squelette, et si je ne me trompe, que » c'était la tête qui manquait. Quelqu'un parmi les Académiciens » répondit alors, que les ossements de Descartes, étaient arrivés de » Suède dans cet état incomplet. Cette circonstance me frappa. » Une chose qui avait appartenu à Descartes, était certainement » une relique précieuse ; mais ôter une partie si essentielle de sa » dépouille mortelle redemandée par la patrie de ce grand homme, » me parut un sacrilège, que l'on ne devait reprocher aux Suédois, » sans en être bien assuré. »

« Mais quelle fut ma surprise, lorsqu'il y a un mois, je lus » dans une de nos Gazettes, que parmi les effets de feu M"^ Sparr- » man on venait de vendre à un encan le crâne de Descartes pour » la valeur de 87 francs. En me rappellant ce que j'avais entendu à n Paris, je me décidais à me procurer cette tête; car même si elle » n'était pas de Descartes, je trouvais indécent qu'une tète qui pas- » sait pour la sienne, fût peut-être vendue encore une fois comme » un objet de curiosité. Par un heureux hazard, j'appris que ce » crâne venait d'être acheté par un certain M Arugren. Je lui » proposais de me le céder au prix qu'il voudrait bien fixer, » afin que je pusse l'envoyer à Paris, pour être joint aux autres » restes du célèbre Philosophe français. M"^ Arugren eut la com- » plaisance de me dire que, pour un but si louable, il consentait à » me céder le crâne au prix qu'il l'avait acheté lui-même. »

i( Notre Ministre à Paris, M"" le comte de Lœvenhielm, qui partit » d'ici avant hier, a eu la complaisance de se charger du transport » de cette relique, dont je vous prie, Monsieur, de faire l'usage que » vous jugerez convenable. »

« Il est impossible de déterminer avec certitude, que le crâne en » question est en effet celui de Descartes ; cependant les probabi- » lités en faveur de cette idée sont très grandes, puisque la plupart^

�� � Appendice. • 619

» des possesseurs y ont signé leurs noms, de manière qu'on peut » presque tracer la succession df l'un à l'autre. Sur le milieu de » Vos/rontis, on trouve un nom, presque effacé par le temps, dont » on peut déchiffrer /. S' Platistrom, sous lequel l'écriture est » effacée, mais on y distingue le mot tagen, qui veut dire pris et » les nombres 1666. Par une main plus moderne il y a là-dessous » ce qui suit en traduction : Le crâne de Descartes, pris par » /. S' Planstrom l'an 1666, lorsqu'on devait renvoyer le corps en » France. Sur le haut de ce même os, on a écrit ces vers latins :

Parvula Cartesii fuit hœc calvaria Magni.

Exuvias reliquas Gallica busta tegunt ; Sed laus ingenii toto diffunditur orbe,

Mistaque Ccelicolis mens pia semper ovat.

« On ne trouve pas qui en fut le possesseur après Planstrom, » mais on voit que 85 ans plus tard, ce crâne se trouvait dans la » possession d'un célèbre érrivain Suédois, Anders Anton von » Stjernman, qui y a mis son nom avec l'année 1751. Après lui, » Olaus Celsius le fils (Évêque de Lund) en a été le possesseur, et » après lui l*" crâne a passé entre les mains de MM. Hœgerflycht, » Arkenholtz, Ahgren, Sparrman, Arugren ; et enfin, en droit du » dernier possesseur, je vous prie. Monsieur, de lui donner une » place auprès des Exuvias retiquas quas Gallica busta tegunt, si vous » croyez la probabilité, qup ce crâne soit été celui de Descartes, » assez grande pour lui mériter cette place. »

Cuvier était l'un des deux secrétaires perpétuels de l'Académie des Sciences; et c'est pour cela que Berzelius, qui le connaissait mieux sans doute, s'était adressé à lui. L autre secrétaire perpétuel, Delambre, rédigeaj à la date du 8 mai 1821, une assez longue note pour être annexée au procès-verbal de la séance de l'Académie du 14 mai. Reprenant le récit de Baillet (voir ci-avant, p. 594-605), Delambre en tirait une série défaits, et à chacun deux il ajoutait ses réflexions. Rien, à vrai dire, dans les faits, ne laissait supposer qu'aucun fragment des restes de Descartes (sauf un seul) eût été soustrait, lors de l'exhumation à Stockholm en 1666; au contraire, certains détails de la cérémonie, ainsi que les précautions prises, semblaient même exclure par avance une telle supposition. Nous citerons cette partie capitale de l'argumentation de Delambre, sur le passage de Baillet, rapporté ci-avant, p. 597-598 :

« ...Ici, il n'est fait aucune mention du crâne. Il est à croire » qu'il est compris sous la dénomination générique d'os. Le crâne

�� � 620 VrE DE Descartes.

» détaché permettait de donner moins de longueur au cercueil » nouveau, il en a été fait une mention particulière. Les os se sont » trouvés détachés, ainsi qu'on V avait présumé, et on les coucha sur » les cendres. S'il en eût été autrement et que le crâne eût entière- » ment disparu, on aurait eu grand soin de l'exprimer... »

« En voyant avec quelle discrétion l'ambassadeur, qui préside » à la cérémonie et qui règle tous les détails du transport, demande » un os de la matn, ne pourrait-on pas en induire, qu'il n'a pas osé » demander le crâne tout entier, qui plus encore qu'un os de la » main pouvait être censé avoir été utile à la composition de ces » écrits immortels? Et s'il n'a pas osé le désirer, il a dû bien » moins encore permettre que ce crâne fût abandonné à un parti- » culier de Stockholm. S'il l'eût permis, on l'eût mentionné dans » le procès verbal. Il est fâcheux qu'on n'ait plus ces deux procès » verbaux, déposés dans le cercueil de cuivre. Aurait-on négligé de » les mettre dans une boette de métal? Le crâne était-il entièrement » dissous et fesait-il partie de cette cendre sur laquelle les os furent » couchés? N'en restait-il aucun fragment reconnaissable, et que » l'ambassadeur eût pu demander au lieu de l'os de la main? En » seize ans un crâne, renfermé dans un tombeau de pierre et dans » un cercueil de plomb, peui-il être tout à fait réduit en poussière ? » C'est ce que nous n'osons décider. . . »

Delambre passe ensuite a un autre ordre de considérations. Rapportant ce passage de Baillet, p. 445-446 : « Le corps de » M. De/cartes étoit d'une taille un peu au-dejfous de la médiocre. . . » Néantmoins, il paroiffoit avoir la tête un peu gi-offepar rapport au » tronc. Il avait le front large & un peu avancé, mais presque en tout » têms couvert de cheveux juf qu'aux fourcils..., la bouche affe^ » fendue, le ne^ ajfe^ gros, mais d'une longueur proportionnée à fa > grojfeur^ », Delambre ajoute : « M de Percy, en voyant le crâne

a. Voici le texte entier de Baillet: « ...Il paroiffoit avoir la tête un peu » greffe par rapport au tronc. Il avoit le front large & un peu avancé, » mais prcfque en tout têms couvert de cheveux jufqu'aux fourcils. Il » eut le teint du vifage affez pâle depuis fa naiffance jufqu'au fortir » du collège ; après il fut mêlé d'un vermillon éteint ou paffé, jufqu'à fa » retraite en Hollande; & depuis il parut un peu olivâtre jufqu'à fa mort. » Il portoit à la joue une petite bube qui s'écorchoit de têms en têms, & » qui renaiffoit toujours. Il avoit la lèvre d'en-bas un peu plus avancée » que celle de deffus, la bouche affez fendue, le nez affez gros, mais » d'une longueur proportionnée à fa groffeur ; les yeux d'une couleur » mêlée de gris & de noir ; la vùë fort agréable, û ce n'eft qu'elle parut

�� � Appendice. 621

» arrivé de Suède, dit qu'il annonçait un homme de petite stature ; » et c'est l'effet qu'il avait produit sur moi à la première vue : ce qui » s'accorderait fort bien à la première des indications de Baillet. » Mais si la tête paraissait un peu grosse par rapport au tronc, » elle aurait dû se rapprocher des dimensions communes d'une » taille ordinaire. On remarqua de plus une proéminence, qui » occupait presque en entier et sans aucune interruption tout » l'espace qui devait être bordé par les deux sourcils. Cette pro- » éminence n'est que faiblement indiquée dans la belle estampe » d'Edelinck, que Baillet a mise au frontispice de son histoire. On » remarque sur la même estampe un sillon longitudinal, qui monte » de la racine du nez vers le haut du front; ce sillon est très » sensible dans la médaille frappée en Hollande en l'honneur de » Descartes, et que Baillet nous montre, page 48 1. On pourra » vérifier, sur le crâne venu de Suède, si ce sillon existe au milieu » dii front, s'il est vertical, et s'il interrompt la proéminence dont » il est parlé ci-dessus; car cette interruption est très marquée, » tant sur l'estampe que sur la médaille. »

« Ce qui suit (ajoute Delambre) est un extrait d'une Histoire de » l'Astronomie Moderne, que je compte publier le mois prochain, » t. II, p. 200 :

« Pendant la révolution française, à la spoliation des églises, les » restes de Descartes avaient été déposés au Musée des monumens y> français ; en 181 g, ils furent transportés solemnellement dans » l'église de Saint-Germain-des-Prés. Là, on ouvrit publiquement la » caisse qui renfermait les ossemens. Sur une caisse intérieure était » attachée une plaque de plomb, sur laquelle, après l'avoir nettoyée, » nous pûmes lire une inscription fort simple, portant le nom de » Descartes, la date de sa naissance et celle de sa mort. Avant de » descendre les ossemens dans le caveau destiné à les recevoir, on » avait aussi fait l'ouverture de la caisse intérieure, et l'on en avait » tiré quelques ossemens, dont un seul avait une forme reconnais- » sable. C'était l'os de la cuisse; le reste était de très petites dimen-

» un peu trouble ou moins perçante dans les dernières années, quoi- » qu'elle fût bonne jufqu'à la fin de fes jours. [En marge : Borel. vit. » compend. — Clersel., Mem. Rél. MJf. &c.]. Il avoit le vifage toujours » fort ferain, & la mine affable, même dans le fort de la difpuie, le ton » de la voix doux, entre le haut & le bas, mc^ peu propre à pouffer un » long difcours fans interruption, à caufe d'uiK l'oibleffe de poitrine, & » d'une petite altération de poumon qu'il avoit apportée en naiffant. » (A. Baillet, La Vie de Monjieur Des-Cartes, 1691, t. II, p. 446.)

�� � 02 2 Vie de Descartes.

» sions, fort peu 7-emarquable, ou tout à fait réduit en poudre *. » « Voilà ce que j'écrivais en 1819, au retour de la cérémonie. » J'ajoute aujourd'hui ce peu de lignes :

« Je suis sûr de n'avoir vu aucun os qui ressemblât le moins du » monde à un crâne ou à un fragment quelconque de crâne. La » personne qui montrait ces débris, nous dit, en propres termes, » que rien n'avait conservé sa forme, sinon un os de l'une des » cuisses ; elle prit ensuite quelques poignées de poussière, pour » nous les montrer, et le reste de cette poussière fut tout simple- » ment, sans y toucher, versé dans le caveau, qui fut tout aussitôt » fermé d'une longue et large pierre. Personne pour le moment » ne songea au crâne; on le supposa réduit en poussière, comme » le reste, à l'exception d'un seul os et de quelques fragments fort » petits. Tous les os des bras, des jambes et des cuisses, à l'ex- » ception d'un seul, sont en poudre ou en minces fragments; il » n'est pas impossible qu'il en soit de même du crâiie, après cent » soixante-neuf ans. »

Delambre conclut ainsi : « Dans le doute, il paraît convenable » de supposer l'authenticité, de laquelle nous doutons beaucoup » cependant, et de conserver précieusement le don de M. Berze- » lius : sauf à demander quelques renseignements ultérieurs, s'il » peut se les procurer, ce qui est assez douteux, puisque sa lettre » d'envoi ne paraît pas celle d'un témoin bien convaincu. »

Et en tête de son premier mémoire, Delambre a ajouté cette note : « M"" Cuvier convient qu'il n'y a point de certificat, que ce certi- » ficat, s'il existait, ne signifierait rien ; il croit que le crâne est » celui de Descartes, parce qu'il -trouve de grandes conformités » avec l'estampe; et moi, je crois voir le contraire. » Cette note a peut-être été ajoutée après l'échange de lettres entre Cuvier et Lenoir, i5 et 16 mai. que nous verrons plus loin.

a. Cette page, citée par avance, se trouve, en effet, à l'endroit indiqué (p. 200), dans l'ouvrage imprimé : Histoire de V Astronomie moderne, par M. Delambre (tome second, Paris, veuve Courcier, 182 1, in-4). L'ali- néa se termine ainsi : « J'ai dit que ces restes avaient été transportés solen- » nellement, c'est-à-dire que cette pompe était celle d'un convoi ordi- » naire ; la cérémonie était présidée par le maire de l'arrondissement; » quelques membres de l'Institut composaient le cortège, et pour tout » chant triomphal on exécuta un Libéra et le Dies irœ [et ab hcedis me » séquestra) : on demanda à Dieu de ne pas confondre Descartes avec » les boucs et les réprouvés. » Dans ces dernières paroles reparaît le ton, volontiers sarcastique à l'égard des cérémonies du culte, d'un philosophe du xvui' siècle : l'astronome Delambre était né le 19 septembre 1749.

�� � Le second mémoire de Delambre, du 17 octobre 1821, relate et discute les premiers témoignages qui aient été imprimés sur un prétendu crâne de Descartes. Ils sont tirés d’ARCKENHOLTZ, Mémoires concernant Christine reine de Suède (4 vol. in-4, Amsterdam et Leipzig, chez Pierre Mortier, MDCCLI à MDCCLX). Au premier volume publié en lySi, on lit, p. 228 :

« ...On ne sauroit passer sous silence un fait, qui ne fera connu que de peu de personnes, que Mr. Hof Profeffeur au Collège de Skara en Weftro-Gothie vient de publier. [Lettre du Sr. Hoff, du 11 Mars 1750, dans les Gazettes liter. Suédoises, N° xxvii, pag. ioy-108.] C’efl que l’Officier des Gardes de la Ville de Stockholm, qui eut la commiffion de faire lever le cercueil de Descartes, de l’endroit où. il étoit enterré & de le transporter en France, àiant trouvé moien d’ouvrir la bière, il en ôta le crâne du défund Descartes, qu’il garda le refle de fes jours fort foigneuf entent, comme une des plus belles reliques de ce grand Philofophe. Après la mort de l’Officier, fes Créanciers, au lieu d’argent comptant, qui les auroit fort accommodés, ne trouvèrent guères d’autre chofe » que ce crâne, qui a pajfé depuis en d’autres mains. Surquoi » Mr. Hof dit que, l’àiant vu nouvellement che\ quelqu’un de fes » amis à Stockholm, qui fembloit en faire grand cas, il avoit fait » cette épigramme, pour être mife deJJ’us :

Parvula Cartefii ...»

Suit le quatrain que Berzelius a reproduit dans sa lettre, p. G19. ci-avant.

Neuf ans après, en 1760, Arckenholtz publia un quatrième volume des mêmes Mémoires. On y trouve, p. 232, la note sui- vante :

« [En marge : Tom. I, p. 228, «.] Au refle j’ai déjà marqué, à » l’endroit cité, qu’Ifaac Planftrom, Officier des Gardes de la Ville « de Stockholm, ôta le crâne de la bière de Des Cartes, qu’il y en » fubflilua un autre, & garda celui-ci comme une des plus belles » reliques de ce grand Philojophe. Il faut que je dife ici, qu’à mon » dernier voyage en Suède l’an ij 5 4, je fis l’acquifttion d’une partie » de ce crâne qu’on attefie être le véritable, & dont l’autre partie » repofe dans le Cabinet de feu Mr. de Hœgerflycht, qui fera échu à » quelqu’un de fa famille. »

Le crâne envoyé par Berzelius en 1819 parait bien être celui que signalait Arckenholtz en 1751 et 1760. Et pourtant, cet auteur déclare qu’il en a acquis lui-même « une partie »; or le crâne de 624 Vie de Descartes.

Berzelius est en entier, à moins que cette partie ne soit la mâchoire inférieure, qui manque en effet. Mais pour le reste, ce crâne porte bien les deux noms de Planstrom et d'HcegerJlycht, ainsi que le quatrain de Hof, trois choses que mentionne Arckenholtz. On y trouve même la suite des divers possesseurs, dont chacun a voulu inscrire son nom sur ce crâne : Planstrom, . . . Stjernman, Olaus Celsius, Hœgerflycht, Arkenholt^ (!), Ahgren, Sparrman, Arugren.

Mais il est évident que le premier est le seul dont le témoignage compte pour l'authenticité. Et c'est Planstrom, dont le nom se trouve accompagné d'une note en suédois, dont voici la traduction française : « Pris et gardé soigneusement par Is. Planstrom en » 1666, lors de l'envoi du cadavre en France, et depuis ce temps » caché en Suède. » Cartesii skalle, tillvaratagen af Is. Planstrom, da liket ahr 1666 skulle foras till Frankrike, och sedan har i Sver- rige gbmd.

Nous sommes donc ramenés à cette date de 1666, et nous retrouvons toutes les difficultés qui s'opposent au larcin du crâne, étant donné les précautions prises alors par Terlon et les déclarations que lui-même a faites.

Citons enfin, pour terminer, la correspondance échangée entre Cuvier et Lenoir, sur le même sujet. Le i5 mai, c'est-à-dire dès le lendemain de la séance de l'Académie où Delambre avait lu sa pre- mière note, Cuvier s'adressa à Lenoir : il dicta sa lettre à un secré- taire, qui écrivit sur du papier avec en-tête de l'Institut; la signa- ture seule est de Cuvier. Lenoir répondit sans retard, dès le 16 mai; la minute de cette réponse a été écrite par Lenoir sur la 3^ et la 4"= page en blanc de la lettre précédente, et c'est ainsi qu'elle a été conservée. Le remercîment de Cuvier, du 19 mai, est de sa main propre, sur papier libre.

INSTITUT DE FRANCE.

ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES.

« Paris, le i? mai 1821.

« Le Secrétaire perpétuel de l'Académie » A Monsieur Alexandre Lenoir.

« Je vous prie. Monsieur, de vouloir bien me dire ce que vous » pouvez savoir sur un fait qui peut contribuer à confirmer ou » à détruire l'authenticité de la tête envoyée dernièrement de

�� � Appendice. 62^

)) Stockholm à Paris, et qui passait en Suède pour être celle de » Descartes. »

« Il s'agirait de savoir si, lorsque les restes de ce philosophe ont » été portés aux Petits-Augustins, il y avait une tête ou quelque » partie de la tête. »

« M"^ Berzélius, qui était à Paris lorsqu'on déposa ces restes à » Saint-Germain-des-Prés, entendit raconter à l'une des personnes » qui avaient été présentes à la cérémonie, que la tête ne s'y trou- » vait pas, et qu'on la croyait restée en Suède ; M. Delambre, qui » a vu et examiné ces restes, assure aussi que l'on n'y appercevait » [sic] aucun fragment reconnaissable de tête. »

« Cependant M. de Terlon, Ministre de France en Suède, qui s'oc- » cupa en 1666 de renvoyer ce dépôt en France, paraît avoir pris de » grandes précautions pour en assurer l'intégrité ; il faudrait qu'il » eût été trompé par les personnes qu'il chargea de l'emballage. »

« Quoi qu'il en soit, si la tète y était au moment dont je parle, » on ne poufrait plus croire à la réalité de l'opinion qui régnait en » Suède ; dans le cas contraire, on n'aurait, à la vérité, pas encore » levé tous les doutes, mais on aurait du moins ajouté une proba- » bilité de plus à celles que l'on a déjà. »

« Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien agréer l'assurance de » ma haute considération. »

« B"" CuviER. »

Réponse.

■ Pans, le i6 mai 1821.

A M. le baron Cuvier.

« Monsieur le Baron,

« Je m'empresse de répondre à la lettre que vous m'avez fait » l'honneur de m'écrire, relativement aux dépouilles mortelles )' de René Descartes, déposées en 1667 dans l'Église Sainte-Gene- » viève de Paris, où elles sont restées jusqu'en 1792, époque où » cette basilique a été fermée au culte, conformément à une loi de » l'Assemblée législative. »

« En conséquence, MM. l'abbé Saint-Léger, Le Blond et moi, » nous nous sommes rendus dans l'Église pour y faire la recherche » du corps de Descartes; et nous fîmmes [sic] fouiller la terre auprès » du pilier, à droite en entrant, où était attaché le médaillon en » terre cuite et les inscriptions gravées sur marbre blanc, qui Vie de Descartks. 79

�� � 626 Vie de Descartes.

» formaient le mausole'e de Descartes. A très peu de profondeur en » terre, nous trouvâmes les restes d'un cercueil de bois pourri et » quelques ossements très frustres [sic] et en très petite quantité, » c'est-à-dire : une portion du tibia, du fémur, et quelques frag- » ments d'un radius et d'un cubitus. »

« Je vous prie de remarquer, Monsieur le Baron, que ces frag- » ments, au lieu d'être en double comme ils se seraient présentés » si le corps eût été déposé là dans son entier, étaient uniques et » isolés des autres parties du squelette, qui manquaient. Cependant » nous avons trouvé une très petite partie d'un os plat, d'un tissu » serré, qui nous a paru [sic] être un fragment du crâne, comme » pourrait le présenter le frontal. Cette partie était si peu spon- » gieuse, que j'en ai fait faire plusieurs bagues (ces bagues ressem- » blaient à une agathe spongieuse) ; je les ai offertes à des amis de » la bonne philosophie. Je n'affirme pas qu'elle soit précisément » du crâne, mais elle en avait tous les caractères. Ce détail est » seulement pour prouver la petitesse du morceau. »

" Tout ceci, Monsieur le Baron, confirme l'opinion qui existe » encore en Suède, et le bruit qui s'y répandit lorsqu'on fit la remise » du corps de Descartes au trésorier de France M Dalibert ; on » disait : qu'il n'en avait qu'une partie ; que la plus considérable, et » principalement la tête, était restée à Stockholm *. Il est bon d'ob-

a. Constatons qu'on ne retrouve plus ici une assertion singulière, que Lenoir avait acceptée autrefois un peu légèrement. En 1806, au tome V de son Musée des Monumens français [que nous avons déjà cité, p. 612 et 6i3), il reproduit p. 74-75, le texte que nous avons donné, p. 614 : « N° 180. Médaillon... »; puis il y ajoute quelques lignes plus ou moins exactes sur le transport des restes de Stockholm à Paris en 1666- 1667, et continue ainsi :

« L'officier suédois, chargé de cette commission, ouvrit secrètement la » bière, et enleva le cœur de Descartes, qu'à son retour il cacha dans sa » maison, et qu'on a trouvé, à la mort de cet officier, avec cette inscrip- » tion : Ce serait offenser grièvement les dieux tuîélaires de la Suède, » que de rendre la plus noble partie de ce grand philosophe français à » son ingrate patrie; elle n'est pas digne de posséder un trésor si pré- » deux, ni de jouir d'un si grand bienfait de notre part. Qu'elle pleure » la perte qu'elle a faite, pour peu quelle veuille l'honorer dans la » mémoire des hommes. » (Pages 75-76.)

Quelle invraisemblable anecdote ! Et comment, après seize à dix- sept ans de séjour en terre, aurait-on retrouvé intact le cœur d'un cadavre, qui n'avait pas ett embaume? Mais peut-être Lenoir voulait-il dire le crème, et non pas le ca'ur? Voir le texte cite p. 623 ci-avant.

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  1. Gustave III, qui devait bientôt périr assassiné à Stockholm, le 29 mars 1792. Son père étant mort le 12 févr. 1771, pendant que lui-même se trouvait justement à Paris (du 4 févr. au 25 mars 1771), il n’était encore que prince héritier, lorsqu’il fit élever en 1770 à Descartes, dans l’église Adolphe-Frédéric de Stockholm, un monument, œuvre du sculpteur suédois Johan Tobias Sergel. Un marbre dressé porte cette inscription : gustavus pr. haer. r. s. | renato cartesio | nat. in gallia mdxcvi | mort. in svecia mdcl | munumentum erexit | mdcclxx. Au-dessus un médaillon, représentant les traits du philosophe ; au bas, un Génie, éclairant d’un flambeau une sphère, dont il soulève le voile qui la recouvrait.
  2. Le texte de la pétition est suivi, dans l’autographe, de cette note d’un autre caractère :

    « N(ot)a. le désire que, dans la lettre, M. de Châteaugiron n’insiste pas sur l’extinction de la famille de Descartes. Je connois deux jeunes