Vie du pape Pie-IX/Anecdotes

CHAPITRE XXXVII.

Anecdotes.


J’ai cru devoir réunir dans un seul chapitre quelques-unes des nombreuses anecdotes que l’on raconte au sujet de Pie IX et que j’ai glanées dans différents ouvrages.

Au mois d’août 1871, le Marquis Cavalletti, à la tête d’une députation de la noblesse de Rome, s’avisa de saluer le Pape du nom de Grand, Pio il Grande, en lui offrant un trône d’or. Le Saint-Père repoussa et le titre et l’offrande avec une douce fermeté et une bonhomie charmante : “Eh quoi ! de mon vivant ? dit-il ; j’admire votre imprudence, L’Église, pour canoniser ses saints, a l’habitude d’attendre qu’ils soient morts, et morts depuis longtemps. L’humanité devrait bien ne pas se presser davantage pour canoniser ses héros ; car tant qu’un homme respire, nul ne peut affirmer que son héroïsme ne se démentira pas.” Pie IX songeait sans doute à Napoléon III qui s’était couronné de lauriers sur ses monnaies.

Dans une des dernières visites qu’il fit à la villa Borghèse, et avant que la présence des Piémontais l’eût confiné au Vatican, Pie IX se vit aborder par un vieux gendarme qui lui dit : Saint-Père j’ai vingt-cinq ans de service et l’on refuse de me donner ma retraite.” Le Saint-Père répondit en riant. “Ce n’est pas comme moi, je n’ai pas encore tout à fait vingt-cinq ans de service, mais il y a longtemps qu’on veut me donner ma retraite.” Et il prit note de la demande du vieux militaire.

“ J’ai dans ma classe, écrivit un religieux à un autre, un petit écolier, frère d’un garde noble de la famille Giustiniani. C’est un petit ange du bon Dieu. Le Saint-Père, qui le connaît, l’aime beaucoup. Il y a quelques jours, il alla au Vatican avec son frère. Il entra dans la chambre du Saint-Père, qui, en le voyant, s’écria : “Ah ! le voilà ! Il y a bien longtemps que je t’avais vu ! Comment te portes-tu ? ” Et le dialogue continua ainsi sur le ton de la plus paternelle bonté. Enfin le Pape ajouta : “Maintenant, va faire quatre sauts au jardin.” Peu après, le Saint-Père descendit aussi pour sa promenade et retrouvant notre petit bonhomme renoua avec lui la conversation : “Sais-tu beaucoup de jeux ? lui dit-il. Oui Saint-Père, j’en sais tant et plus. Voyons ajouta le Pape, si tu sais celui que je te ferai faire. Maintenant, je vais me cacher, et quand je serai prêt, je te ferai avertir par le garde. Et le Saint-Père, après quelques détours alla se cacher dans la grotte de Notre-Dame de Lourdes[1], avec trois cardinaux qui l’accompagnaient ; un garde noble vint donner le signal, et voilà notre petit Giustiniani jouant à cache-cache avec le Saint-Père. Il courait de ci de là, demandant aux gardes où était passé le Pape. Le Saint-Père observait tous les mouvements de notre petit bonhomme, et s’en amusait beaucoup. À la fin, il sortit de la grotte et rejoignant son petit camarade, il lui dit avec un aimable sourire : "Ah ! je vois bien que tu n’es pas très habile à ce jeu.” Et le Saint-Père regagna ses appartements pour y prendre le soin des graves intérêts de la sainte Église. ”

Un jour, le chirurgien de Pie IX, Constantini, dut lui faire une opération très-douloureuse. Le patient ne dit pas un mot, ne poussa pas un gémissement. Quand tout fut fini, Constantini lui ayant demandé s’il avait beaucoup souffert, le doux et courageux vieillard lui répondit en souriant : “Oh ! vous m’avez fait voir plus d’étoiles que le Père Secchi ! ”

Se promenant un jour avec deux évêques, sur la voie flaminienne, Pie IX rencontra un cocher tenant la bride de ses chevaux et agenouillé : “ Comment, te voilà, mon cher Michel, mon pauvre Michel, s’écria le Pape… Tu as donc quitté les rames de ton canot ! Bien des jours se sont passés depuis Gaëte ?… Voyez, dit le Pape, le brave homme était mon batelier pendant mon exil à Gaëte.” Michel pleurait de joie d’être ainsi reconnu, après vingt ans, par le vicaire de Jésus-Christ[2]. Plus loin, un pauvre se tenait sur le bord de la route : le Saint-Père s’approcha de lui, le bénit, l’appelant par son nom et lui remettant quelques pièces de monnaie : “Cognoseo ores tueas, je connais mes brebis, ” dit-il aux évêques avec un accent d’indéfinissable tendresse.

On voyait, vers la fin de septembre 1872, dans l’hôpital des Frères de Saint-Jean-de-Dieu, un homme au visage large et gras, aux joues pendantes, à l’œil hébété. Cet homme était un des plus tristes personnages auxquels eût donné passage la brèche de la porte Pia. Il avait été rédacteur en chef de la Tribune ; chaque matin il avait exhalé sa bile contre les prêtres, et surtout contre Pie IX. Un jour qu’il composait un article plus violent peut-être que les autres, il fut frappé d’apoplexie. On le transporta à l’hôpital. Qui se chargea de sa jeune famille ? Ni les sociétés secrètes, ni le gouvernement piémontais, personne ne s’en occupa, sinon Pie IX : “Voilà, dit le saint vieillard, une occasion de faire le bien à un ennemi ! ” Il ne put visiter le malade, mais il envoya des secours aux orphelins. Un de ces derniers racontait naïvement que son père avait été frappé en écrivant un article contre le Pape, et que c’était le Pape qui lui servait de père maintenant.

L’abbé Chocarne parlait à Pie IX d’une œuvre qu’il avait fondée en faveur des prisonniers repentants. Le Pape lui répondit : “Je m’intéresse d’autant plus vivement à cette œuvre que je suis moi-même prisonnier, quoique non repentant.

Comme on venait de donner un bal au Quirinal, malgré le deuil qu’aurait dû porter la princesse, aujourd’hui reine Marguerite à cause de la mort de son grand-père, Pie IX demanda si on avait des nouvelles de ce bal. On se taisait. Pie IX interpella Mgr Negroni, qui ne savait que ce que les journaux avaient rapporté : “Je tenais à connaître tout au moins dans quelle salle a eu lieu la chose, ajouta-t-il ; car il faudra préparer des tonnes d’eau bénite pour purifier le Quirinal, quand nous y reviendrons, Nous ou nos successeurs. ”

Un jour, pendant une audience, Pie IX interrogeait les assistants, selon son habitude, et demandant à chacun de quel pays il était, ce qu’il faisait. Il arriva près d’une jeune dame anglaise fort timide, et lui demanda où elle était née : “J’ai vingt-quatre ans, ” répondit la jeune dame, que son trouble avait empêché de comprendre la question de Sa Sainteté. Le Pape ne put s’empêcher de sourire : “Je n’ai pas demandé votre âge, dit-il, mais votre pays.” L’Anglaise, comprenant de moins en moins, se jeta aux pieds du souverain Pontife, en sanglotant : “Pardon, Saint-Père, je vous ai trompé ; je n’ai pas vingt-quatre ans, mais bien vingt-cinq ans et deux mois et demi. Pardonnez-moi, pardonnez-moi.” Le Saint-Père la releva avec bonté et, s’efforçant de contenir d’un signe l’hilarité générale qui éclatait parmi les assistants, il rassura la pauvre dame et l’engagea à ne plus manquer à la vérité, fût-ce pour des bagatelles.

Pie IX allait un jour visiter l’hôpital de Saint-Jean de Latran et l’hospice des aliénés ; une foule immense le suivait en criant : “Vie Pie IX, vive le Pontife martyr !” Parmi cette foule se trouvaient plusieurs soldats français, et au moment où le Pape descendait de voiture à la porte de l’hôpital, un d’entre eux s’écria : “Oh ! que je serais heureux s’il m’était donné de baiser les pieds de ce saint vieillard ! ” Le Pape l’ayant entendu et se tournant vers lui : “Viens ici, mon cher fils, lui dit-il ; tiens, voilà mes mains que je te donne à baiser.” Le brave militaire, tombant aussitôt à genoux et profondément ému, presse respectueusement les mains sacrées du Pontife, et les couvre tout à la fois de baisers et de larmes. À cette vue, des larmes d’admiration et de tendresse vinrent, aux yeux de tous les assistants, et Pie IX, pour cacher son émotion, se hâta de se soustraire aux regards, non sans être accompagné des plus vives acclamations.

Dans le cours de 1855 ou 1856, un jeune soldat, qui apparemment, n’était pas beaucoup au courant des formalités et du cérémonial à remplir pour être reçu chez le Pape, se présenta au Vatican, disant qu’il avait une affaire importante à communiquer à Pie IX. Le Pape était occupé. Cependant, à force d’instances et de supplications, le jeune soldat obtint la faveur qu’il sollicitait.

“Qu’avez-vous donc à me confier, mon ami ? lui demanda Pie IX avec bonté. — Mon Pape, je vais vous satisfaire, répondit le soldat d’un air assez gauche et en faisant un grand salut militaire. Hier, j’ai reçu une lettre du pays. Voyez-vous, il y a là au pays, un camarade qui a eu l’honneur d’être reçu par vous ; il a même une médaille que vous lui avez donnée, et tous les huit jours il réunit les gens du village pour leur parler de Rome, de Saint-Pierre, des catacombes et surtout du Saint-Père. Il intéresse tant le monde que le curé prétend qu’il vaut un prédicateur. Eh bien ! mon Pape, tout le village a voulu avoir une messe dite à son intention, et par vous. Tiens, m’a-t-on dit dans la lettre, tu iras trouver le Pape, tu lui demanderas une messe ; mais surtout tu la payeras. Voici quarante sous, mon Pape.” Et en disant ces mots, le soldat tirait une majestueuse pièce lie deux francs qu’il déposa solennellement sur la table du Souverain-Pontife.

Le Saint Père, à ces mots, ne put s’empêcher de sourire, et tout ému de la naïveté du bon soldat : “Mon ami, dit-il, reprenez vos deux francs et gardez-les pour vous ; je vous les donne. Recevez en outre ce chapelet. Demain je dirai la messe pour votre village et je serai son aumônier, vous y viendrez vous-même, je vous attends.”

Le soldat sortit tout fier et tout heureux de son ambassade, et il va sans dire que le lendemain, il se garda bien de manquer au rendez-vous indiqué par le Vicaire de Jésus-Christ.

Un grand seigneur se lamentait sur la corruption de la société actuelle et semblait croire qu’il n’y avait pas moyen de la corriger. “Pardon, s’écria Pie IX, je connais un excellent moyen à ce grand mal. — Lequel, très-Saint-Père. — C’est que chacun commence par se réformer lui-même.”

Le ministre de la police vint un jour dire à Pie IX : “Très Saint-Père, les révolutionnaires de Rome cherchent à se manifester par un signe extérieur de ralliement ; ce signe consiste à porter un chapeau pointu, mais aplati de manière à former un creux. Que faut-il faire ? ” Le Saint-Père lui répondit : “Faites porter ce chapeau par quelques hommes de votre police et demain il aura disparu.” Ce procédé réussit complètement.

On vantait un jour devant le Pape certain diplomate, dont l’espèce est trop connue : “Ne me parlez pas, dit-il, de ces visages toujours souriants et de ces consciences toujours accommodantes. Celui-ci, par exemple, a sans cesse à la bouche des protestations de parfait catholicisme ; mais si son maître lui ordonnait de me jeter en prison, il viendrait me dire la chose à genoux, et sa femme me broderait des pantouffles.”

Quelques exaltés faisaient circuler une caricature représentant Pie IX sous la forme d’une tortue. Pie IX la vit. Vraiment, dit-il, je voudrais l’avoir faite. Oui, j’avance lentement mais, j’avance toujours. Je suis tortue, mais je ne suis point écrevisse.”

Pie IX s’était arrêté, en 1867, à Alatri. Tout à coup, une femme, portant sur la tête un panier recouvert, entre au palais où demeurait le Pontife. Elle avance dans les appartements, mais elle est arrêtée et reconduite à la porte.

Aussitôt elle commence à crier, disant qu’elle veut voir le Pape, et dans ce dessein elle cherche de nouveau à pénétrer vers lui. Le Saint-Père entend le bruit, s’informe et ordonne qu’on laisse venir la visiteuse. Celle-ci, toujours son panier sur la tête, passe fièrement, et, déposant son fardeau aux pieds de Sa Sainteté avec une admirable assurance et une franche naïveté : “Tenez, Saint-Père, lui dit-elle, je vous apporte quatre jambons ; vous les mangerez, car ils sont bons, allez ! ” Le Pape déclinait le présent, et voulait que la femme le gardât pour sa famille. — “Mais si vous ne les prenez point, c’est que mon mari se fâchera. — Où est votre mari ? — Au bas de l’escalier.” Le Saint-Père demande à voir le mari, qui se jette à ses pieds, colle ses lèvres sur la mule[3] du Pape et ne bouge pas. Sa Sainteté le prie de se relever : rien. Il lève enfin la tête, et à la question qui lui est adressée, il répond qu’il est pauvre, mais qu’il a néanmoins de quoi vivre. “Je voudrais bien vous donner un chapelet, quelques médailles ; mais en ce moment je n’en ai pas, dit le Pontife. — Allons donc ! réplique le paysan, est-ce que je suis venu porter ces jambons pour avoir un cadeau ? — Eh bien ! en échange de la médaille prenez ceci.” Et le Pape lui tendait un rouleau de cinquante écus d’or, — “ Saint-Père, si c’est de l’argent, je ne le prends point ; c’est inutile, j’aimerais mieux emporter mes jambons. Il ne faut pas qu’on dise que je vous les ai vendus ; ah ! la Madone m’en garde ! ” Le Saint-Père sourit. “Mon fils, dit-il, écoutez ma proposition. Achetez avec cet argent un ou deux porcs ; engraissez-les, et l’année prochaine, quand vous aurez fait le jambon nouveau, portez-le-moi à Rome, je le recevrai comme mien. — Parfait, Saint-Père ! répond le mari. Bien à vous et au revoir l’année prochaine.” Et là-dessus il repartit avec sa femme, enchantée comme lui de ce dénouement. Les quatre jambons furent envoyés à une famille pauvre ; l’aventure égaya et charma toute la ville d’Alatri.

Une esclave noire, de la Nouvelle Orléans, amenée à Rome par ses maîtres, avait grand désir de se trouver sur le passage du Pape pour recevoir sa bénédiction. Le Pape en fut informé et s’en souvint. Il fit envoyer à cette pauvre fille une lettre d’audience. C’était la veille des Pâques ; une foule magnifique encombrait l’antichambre. Pie IX fit d’abord appeler la négresse : “Ma fille, lui dit-il, beaucoup de gens sont là qui attendent, mais j’ai voulu vous voir la première. Vous êtes bien petite et infime aux yeux du monde ; vous pouvez être très-grande aux yeux de Dieu.” Il l’entretint longtemps, la fit causer, lui demanda si elle avait des peines. “Des peines, répondit-elle, j’en ai beaucoup ; mais depuis que je suis confirmée, j’ai appris à les accepter comme la volonté de Dieu.” Il l’exhorta à persévérer dans cet amour de Dieu, et enfin il lui donna sa bénédiction, bénissant en même temps tous ses frères de servitude. Elle se retira fière et contente.

Un jour, durant une audience, Pie IX raconta qu’il avait reçu connaissance d’un certain nombre de révélations que des âmes pieuses auraient eues à son sujet et auxquelles il n’attacha jamais beaucoup d’importance. « Une seule, ajouta-t-il, m’a frappé. Au commencement de mon pontificat, quelque bonne dévote m’écrivit que Notre-Seigneur m’avait montré à elle sous la forme d’un petit enfant, confiant et docile, qu’il tenait par la main. Si ce fût une vision véritable ou une simple imagination, je l’ignore ; mais j’ai été touché de cette image ; je me la rappelle toujours et je désire être ce petit enfant dans la main de Notre-Seigneur ; un enfant confiant et docile, que l’on prend, que l’on mène, que l’on laisse, qui attend, qui trouve juste et bon tout ce qu’ordonne son père et qui obéit. » En parlant ainsi, Pie IX promenait sa main étendue, et ses regards et son sourire semblaient contempler vivante la gracieuse image qu’il décrivait.

Voici comment M. Louis Veuillot décrit la bénédiction urbi et orbi que le Pape, au temps de sa liberté, donnait au peuple romain et au monde entier le jour de Pâques : “Un grand silence s’est fait, l’espace qui contenait deux cent mille vivants est devenu silencieux comme le désert. Le Pape est apparu. Il s’avance du fond porté sur la sedia sans mouvement apparent, comme un astre et comme une vision. Il se lève, dans son vêtement d’or ; toute tête s’incline, tout genou fléchit, sa voix se fait entendre :Benedicat vos omnipotens Deus ! Il bénit le monde, et si le monde entier était là, chacun se sentirait placé dans ses bras ouverts pour embrasser le monde.

Il y a de grands poètes dont personne ne sait les noms et qui ont fait à l’espèce humaine des présents sans prix. Quel est le maître des cérémonies qui a inventé cette chose si simple, la bénédiction papale du jour de Pâques, et réglé de mettre ainsi en présence, sur la place de Saint-Pierre, le souverain temporel de Rome et le peuple romain, le souverain spirituel du monde et le monde ? je dis que ce maître des cérémonies a été un poète du premier ordre, et qu’il a trouvé un tableau, un chant et une action qui l’emportent sur beaucoup d’illustres chef-d’oeuvres. On m’a rapporté que Pie IX n’est pas le moins ému de cette scène sublime. Il disait un jour : “Quand je donne cette bénédiction, je me sens vraiment Pape. Je sens que le cœur et la main du Pape sont dans le cœur et la main de Dieu, bénissant le monde.”

“Là, tout est grand, sincère, plein de Dieu. Je ne m’étonne point des miracles qui se font dans ce moment sacré, des cœurs qui changent, des pas qui s’arrêtent sur la pente mauvaise et retournent et remontent soudain. Combien de visages palissent, combien d’yeux se remplissent de larmes ! Peu d’hommes ont le privilège de se trouver complètement insensibles dans cette atmosphère de grâce.”

Pie IX revenant de sa promenade, un jour, passait près de l’hôpital du Saint-Esprit, quand, par une sorte d’inspiration, il y entra subitement. Un maçon, tombé d’un toit, venait d’y être apporté mourant ; il était sans connaissance et déjà on avait jeté un drap sur son visage. Le Pape s’approche du malheureux, fait lever le linceul qui le recouvre, le bénit et lui dit : “M’entendez-vous, mon fils ? ” Le moribond reste immobile et muet. “Faites le signe de la croix,” poursuit le Pape. Celui qui se mourait obéit à l’instant et prononce à haute voix les paroles qui accompagnent le signe de salut. “Tenez, mon fils, ajouta Pie IX en lui donnant une large aumône, voici de quoi vous aider à vivre jusqu’à votre entier rétablissement.” Le pauvre homme remercia avec effusion le Saint-Père, qui le bénit encore. Le lendemain, on le transporta chez lui ; le surlendemain il était complètement guéri !

Un citoyen de cette province a reçu dernièrement de la part d’un ami présent à la dernière audience du Saint-Père, la substance du discours que l’illustre Pie IX adressait pour la dernière fois, le deux février, à un auditoire de près de deux cents personnes, composé en grande partie de généraux d’Ordres et d’évêques :

“C’est avec un grand bonheur que je vois en ce jour les représentants du clergé séculier et régulier former une couronne autour de moi. Je vous remercie, mes très chers fils, des prières que vous avez adressées au ciel pour ma santé, je remercie aussi les âmes dont vous êtes chargés et qui ont bien voulu joindre leurs supplications aux vôtres.

Oh ! dites leur bien à ces chères âmes que leur souvenir vit toujours dans mon cœur ; que je prie toujours pour elles, demandant pour elles, dans ces temps de tristesse que nous traversons, la grâce de la persévérance : persévérance dans la prière, persévérance dans la réception des sacrements, persévérance dans l’attachement au Chef de l’Église catholique.

“ Par rapport à ces pauvres âmes, je désire signaler à votre zèle, l’ignorance profonde, crassa, qui règne en certaines paroisses. Les premières vérités de notre religion sont ignorées ; il se trouve des enfants et même des jeunes gens qui ne savent plus le nombre des personnes de la Très-Sainte-Trinité. Sans doute, c’est à leurs parents qu’incombe le devoir de leur donner l’éducation première, et ce sont les premiers et les plus grands coupables ; mais que les ministres de Jésus-Christ se dévouent et qu’ils courent avec ardeur à la recherche des brebis infortunées, qu’ils s’appliquent à dissiper les ténèbres de l’ignorance dans laquelle elles vivent.

“Je termine, mes enfants, car l’état de faiblesse dans lequel je me trouve, ne me permet pas de vous parler longuement.

“Je vous offre de nouveau mes remerciements, et j’élève la main pour vous donner la bénédiction de Dieu. Je bénis vos intentions ; je vous bénis dans vos corps, je vous bénis dans vos âmes, je vous bénis pour le temps, je vous bénis pour l’éternité. Benedictio Dei.".


  1. Cette grotte de Lourdes est un fac-similé offert au Saint-Père par un Toulousain, M. Hispa.
  2. Ce Michel est devenu plus tard cocher du Saint-Père, poste qu’il occupait encore pendant le séjour de nos zouaves à Rome.
  3. Espèce de soulier.